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14/06/2016 | FRANCE | N°14-17121

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 juin 2016, 14-17121


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCI Laura-Ba (la SCI) a ouvert, le 25 juin 1994, un compte courant dans les livres de la société Crédit commercial de France, aux droits de laquelle est venue la société HSBC France (la banque) ; que celle-ci, après lui avoir notifié la résiliation de la convention de compte courant, en la mettant en demeure de s'acquitter du solde débiteur, l'a assignée en paiement de celui-ci ; que la SCI a invoqué la prescription de l'action et, sur le fond, s'est opposée à la

demande ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Att...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCI Laura-Ba (la SCI) a ouvert, le 25 juin 1994, un compte courant dans les livres de la société Crédit commercial de France, aux droits de laquelle est venue la société HSBC France (la banque) ; que celle-ci, après lui avoir notifié la résiliation de la convention de compte courant, en la mettant en demeure de s'acquitter du solde débiteur, l'a assignée en paiement de celui-ci ; que la SCI a invoqué la prescription de l'action et, sur le fond, s'est opposée à la demande ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription alors, selon le moyen, que lorsqu'une partie ne donne pas de fondement juridique à sa prétention, le juge doit l'examiner sous tous les fondements juridiques possibles ; qu'en refusant de le faire, s'agissant de la fin de non-recevoir que la SCI tirait de ce que le premier incident de paiement remontait à 2001 qu'il a rejetée au prétexte qu'aucune disposition légale n'était invoquée, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 12 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir écarté l'application de l'article L. 311-52 du code de la consommation, au motif que ce texte n'était pas invoqué par la SCI, la cour d'appel a retenu que la prescription de l'action en paiement, qui était celle du droit commun et avait pour point de départ la dénonciation, le 30 juin 2009, du concours litigieux, n'était pas acquise ; qu'elle n'a ainsi pas méconnu son office ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la recevabilité du moyen unique, pris en sa deuxième branche, contestée par la défense :
Attendu que la banque soutient que le grief de la deuxième branche est irrecevable, en raison de sa nouveauté ;
Mais attendu que, dans ses dernières conclusions, la SCI invoquait le non-respect du préavis de soixante jours avant la rupture du concours ; que le moyen, qui n'est pas nouveau, est recevable ;

Et sur le moyen :
Vu l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu que l'arrêt, après avoir reproduit la teneur de la lettre par laquelle la banque a résilié la convention de compte courant et mis la SCI en demeure de lui rembourser le solde débiteur de ce compte dans un délai de soixante jours, retient que cette formulation, dépourvue d'ambiguïté, répond précisément aux exigences du texte susvisé ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aux termes de cette lettre, la banque avait résilié la convention de compte courant elle-même et que le délai de soixante jours n'était accordé que pour le remboursement du solde de ce compte, ce dont il résultait que le concours octroyé était interrompu avec effet immédiat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les fins de non-recevoir, l'arrêt rendu le 6 février 2014 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour qu'il soit fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société HSBC France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande, et la condamne à payer à la SCI Laura-Ba la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Laura-Ba
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la SCI LAURA BA de ses fins de non-recevoir, et de l'avoir condamnée à payer à la société HSBC FRANCE les sommes de 69 839,63 € au titre du solde débiteur du compte courant outre les intérêts, et de 3 000 € à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
Sur la prescription :
La SCI LAURA BA soutient encore, sans viser aucun texte, que l'action en paiement de la société HSBC FRANCE serait prescrite au motif que le premier incident de paiement remonte à 2001. Ce moyen sera rejeté faute d'être fondé sur une disposition légale.
La cour n'entend pas relever d'office les dispositions de l'article L. 311-52 du code de la consommation qui concernent un délai, non pas de prescription, mais de forclusion lequel n'a pas invoqué.
Dès lors, la prescription de droit commun, qui était de 10 ans jusqu'à la réforme issue de la loi du 17 juin 2008, laquelle l'a ramenée à 5 ans, n'est nullement encourue en l'espèce, le concours n'ayant été dénoncé que le 30 juin 2009 et l'action ayant été engagée dans l'année de ce fait générateur.
Sur la rupture du recours par découvert La SCI LAURA BA conteste la validité du courrier du 30 juin 2009 aux motifs qu'ils n'indiquerait pas qu'à l'expiration du délai du 60 jours, il sera mis fin au concours indéterminé et que d'autre part, ce courrier n'a pas été réclamé par le destinataire, et qu'ainsi il ne peut constituer le point de départ du délai de 60 jours et que par application de l'article 670-1 du code de procédure civile il appartenait alors à la société HSBC FRANCE de procéder par voie de signification.
Mais le courrier en cause est ainsi rédigé : « Nous avons le regret de constater que votre compte présente toujours une position débitrice. Ainsi, nous sommes au regret de vous informer que nous résilions la convention de compte courant qui nous lie, rendant exigibles vos engagements dans nos livres. En conséquence, nous vous mettons en demeure de nous rembourser, dans un délai de 60 jours à compter de la réception de la présente lettre, le solde débiteur de votre compte soit 69.839,63 € outre intérêts jusqu'à parfait paiement. » Cette formulation, dénuée d'ambigüité, répond précisément aux exigences de l'article L 313-12 du code monétaire et financier.
De plus, ce texte, qui demande une notification écrite, exige nullement un acte d'huissier ni la preuve que le débiteur a été effectivement touché par la notification laquelle peut valablement être réalisée par lettre recommandée à l'adresse du titulaire du compte auquel il appartenait de retirer ladite lettre recommandée ;
Sur les dommages et intérêts
La SCI LAURA BA reproche à la société HSBC France d'être demeurée inactive de 2001 à 2010 soit pendant 9 ans tout en continuant à débiter le compte en y prélevant des intérêts d'un montant nettement supérieur au taux de rémunération du livret ».
… « Le premier juge avait déjà retenu la résistance abusive et injustifiée de la SCI LAURA BA.
Cette décision doit être confirmée en son principe au regard de la procédure qui a été rappelée.
Mais la SCI LAURA BA a continué en cause d'appel une résistance tout aussi peu justifiée au regard des motifs de la décision de première instance. En conséquence, les dommages et intérêts seront portés à la somme de 3.000 € de ce chef. » ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE : « Sur la prescription :
La SCI LAURA BA soutient que l'action de la HSBC serait « largement prescrite » au motif que le premier incident de paiement remonte à 2001.
Elle ne précise pas plus le fondement de la fin de non-recevoir ainsi soulevée.
Par application des dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles et mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
La demande introduite par assignation en date du 5 octobre 2009 est fondée sur la résiliation d'une convention de compte courant effectuée le 30 juin 2009.
Elle ne saurait dès lors être considérée comme prescrite.
Sur le fond :
La rupture du concours de la banque Par application de l'article L 313-12 du code monétaire et financier, le concours à durée indéterminée qu'un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours, ce délai ne pouvant, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur, en l'espèce, à 60 jours.
La HSBC justifie avoir adressé à la SCI LAURA BA le 30 juin 2009, par lettre recommandée avec accusé de réception, une mise en demeure d'avoir à rembourser, dans le délai de 60 jours à compter de la réception de la lettre, le solde débiteur du compte, soit 69.839,63 € outre intérêts.
Ce courrier, présenté le 7 juillet 2009, a été retourné à la HSBC avec la mention « non réclamé retour à l'envoyeur ».
Il ressort des termes de cette notification que le délai de préavis a été respecté.
Par ailleurs, si la cessation de l'ouverture de crédit ne peut prendre effet qu'au jour de la réception par le bénéficiaire du crédit de la notification de la rupture, le fait que le destinataire de la lettre ne l'ait pas réclamée ne saurait faire obstacle à la rupture du concours à la date de présentation de la lettre, les dispositions de l'article 670-1 du code de procédure civile invoquées par la SCI LAURA BA relatives aux notifications par le secrétariat de la juridiction n'étant pas susceptibles de s'appliquer à la notification par l'établissement bancaire.
Dès lors, la SCI LAURA BA sera déboutée de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la rupture du découvert.
La responsabilité contractuelle de la banque :
La SCI LAURA BA ne saurait reprocher à la HSBC d'être demeurée inactive depuis 2001 en continuant à « prélever des intérêts d'un montant nettement supérieur au taux de rémunération du livret » , alors d'une part que la cour d'appel d'Aix en Provence avait rejeté le moyen tiré d'un manquement aux obligations de conseil et de mise en garde de la HSBC au motif que la SCI était une personne morale avertie, et alors que la SCI LAURA BA ne produit aucun élément de nature à établir que le fait pour la banque d'avoir laissé fonctionner le compte à découvert aurait constitué un crédit abusif.
La SCI LAURA BA sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société HSBC Compte tenu de l'ancienneté de la dette de la SCI LAURA BA et de l'absence de tout règlement en dépit des procédures diligentées par la société HSBC, il convient d'allouer à celle-ci une somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts outre une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »
ALORS 1°) QUE : lorsqu'une partie ne donne pas de fondement juridique à sa prétention, le juge doit l'examiner sous tous les fondements juridiques possibles ; qu'en refusant de le faire s'agissant de la fin de non-recevoir que la SCI LAURA BA tirait de ce que le premier incident de paiement remontait à 2001, qu'elle a rejetée au prétexte qu'aucune disposition légale n'était invoquée, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 12 du code de procédure civile ;
ALORS 2°) QUE : à peine de nullité de la rupture de son concours, en l'absence de délai contractuel au moins deux mois avant cette rupture l'établissement de crédit doit en avertir par écrit son client, conformément à l'article L. 313-12 du code monétaire et financier en sa rédaction antérieure à la loi n° 2009-1255 du 19 octobre 2009 et au décret n° 2005-1743 du 30 décembre 2005, applicables en l'espèce ; qu'en jugeant que la notification faite par la banque le 30 juin 2009 respectait ces dispositions, quand elle constatait que cette lettre résiliait immédiatement la convention de compte courant et mettait en demeure la SCI LAURA BA de régler le prétendu solde débiteur dans les 60 jours, la cour d'appel a violé les textes susmentionnés ;
ALORS 3°) QUE : l'arrêt attaqué a condamné la SCI LAURA BA à payer 3 000 € de dommages-intérêts en ce qu'elle aurait abusivement résisté en première instance compte tenu de la procédure antérieure, et continué cette résistance abusive en cause d'appel au regard des motifs du jugement entrepris ; qu'en statuant ainsi, quand la procédure antérieure consistait en un arrêt d'appel du 11 juin 2009 rejetant le principal des prétentions de la banque et quand le jugement entrepris, entaché d'erreurs de droit, se bornait à accueillir la prétention précédemment rejetée par l'arrêt du 11 juin 2009, la cour d'appel n'a caractérisé aucun abus de la SCI LAURA BA de son droit fondamental de se défendre en justice et a violé l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-17121
Date de la décision : 14/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 06 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 jui. 2016, pourvoi n°14-17121


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.17121
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