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01/06/2016 | FRANCE | N°15-81075

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 juin 2016, 15-81075


Statuant sur les pourvois formés par :
- L'administration des douanes, partie poursuivante, - M. Djamal Eddine X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 4 février 2015, qui, pour transfert de capitaux sans déclaration, a condamné le second à une amende douanière ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 avril 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mmes de la Lance, Chaubon, MM. Germain, Sadot, Mme Planchon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchi

s, Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Gaillardot ; ...

Statuant sur les pourvois formés par :
- L'administration des douanes, partie poursuivante, - M. Djamal Eddine X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 4 février 2015, qui, pour transfert de capitaux sans déclaration, a condamné le second à une amende douanière ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 avril 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mmes de la Lance, Chaubon, MM. Germain, Sadot, Mme Planchon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Gaillardot ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller ZERBIB, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, de la société civile professionnelle NICOLAŸ, DE LANOUVELLE et HANNOTIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X... a vendu, pour le compte d'une société établie en France dont il était le représentant commercial, des matériels de forage pétrolier et qu'il a perçu, en rémunération de son entremise, des commissions qui lui ont été réglées par ladite société sous forme de chèques tirés sur un compte bancaire tenu en France ; que, poursuivi par l'administration des douanes, pour avoir, entre le 18 août 2005 et le 24 avril 2009, transféré, de France au Luxembourg, sans en avoir fait la déclaration au service compétent, les capitaux indiqués sur dix-neuf de ces chèques barrés portant la mention " non endossables sauf au profit d'une banque ", dont il est le bénéficiaire désigné, d'un total de 2 813 610 euros, par endos de ces effets pour créditer des comptes de placement par lui ouverts à son nom auprès de deux banques domiciliées au Luxembourg, le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable du délit prévu par l'article 464 du code des douanes ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de ce jugement ;
En cet état :
I-Sur le pourvoi de l'administration des douanes :
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Boré et Salve de Bruneton pour la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 152-1, L. 152-4, R. 152-7 du code monétaire et financier, des articles 369, 464 et 465 du code des douanes, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt, infirmant partiellement le jugement, a relaxé M. X... pour le transfert des chèques postérieurement au 22 novembre 2007 et a limité la condamnation au paiement d'une amende fiscale à la somme de 126 968, 84 euros ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 464 du code des douanes, les transferts vers un État membre de l'Union européenne ou en provenance d'un tel État font l'objet d'une déclaration dans les conditions prévues à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier, lequel dispose que les personnes physiques qui transfèrent vers l'étranger ou en provenance de l'étranger, des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un établissement de crédit, doivent en faire la déclaration pour chaque transfert à l'exclusion de ceux dont le montant inférieur à 7 600 euros, somme portée en 2007 à 10 000 euros ; qu'il sera rappelé qu'il est reproché à M. X... d'avoir, entre le 18 août 2005 et le 24 avril 2009, procédé à des transferts de capitaux d'un montant total de 2 813 610 euros de la France vers le Luxembourg, sans avoir satisfait aux obligations de déclaration à l'administration des douanes ; qu'en l'espèce la somme de 2 813 610 euros correspondait à 19 chèques :- un chèque d'un montant de 63 390, 79 euros émis le 16 août 2005 et encaissé le 27 septembre 2005,- un chèque d'un montant de 172 838, 95 euros émis le 2 décembre 2005 et encaissé le 14 décembre 2005,- un chèque d'un montant de 317 922, 33 euros émis le 24 mars 2006 et encaissé le 21 avril 2006,- un chèque d'un montant de 36 450, 58 euros encaissé le 11 mai 2006,- un chèque d'un montant de 380 301, 42 euros émis le 18 août 2006 et encaissé le 7 septembre 2006,- un chèque d'un montant de 87 357, 98 euros encaissé le 12 septembre 2006,- un chèque d'un montant de 50 915, 40 euros émis le 23 novembre 2006 et encaissé le 18 décembre 2006,- un chèque d'un montant de 310 216, 84 euros émis le 14 mars 2007 et encaissé le 2 avril 2007,- un chèque d'un montant de 17 896, 96 euros encaissé le 6 juillet 2007,- un chèque d'un montant de 86 271, 51 euros émis le 14 août 2007 et encaissé le 5 septembre 2007,- un chèque d'un montant de 130 000 euros émis le 15 janvier 2008 et encaissé le 21 janvier 2008,- un chèque d'un montant de 90 000 euros émis le 15 janvier 2008 et encaissé le 25 janvier 2008,- un chèque d'un montant de 90 178, 09 euros émis le 30 janvier 2008 et encaissé le 13 février 2008,- un chèque d'un montant de 90 178, 09 euros émis le 30 janvier 2008 et encaissé le 13 février 2008,- un chèque d'un montant de 90 178, 09 euros émis le 30 janvier 2008 et encaissé le 13 février 2008,- un chèque d'un montant de 528 505, 25 euros émis le 24 avril 2008 et encaissé le 6 mai 2008,- un chèque d'un montant de 196 812, 57 euros émis le 30 avril 2008 et encaissé le 15 mai 2008,- un chèque d'un montant de 46 197, 07 euros encaissé le 22 mai 2008,- un chèque d'un montant de 26 378, 29 euros encaissé le 8 octobre 2008 ; tous d'un montant supérieur à 10 000 euros, que si les textes, rappelés ci-dessus, posant le principe de la déclaration des transferts de sommes titres ou valeurs n'ont pas varié pendant la période de temps retenue à la prévention, force est de constater que le champ d'application de cette mesure en a été, non pas limité, mais précisé, ce qui amène à faire une distinction entre les chèques émis antérieurement au 22 novembre 2007 et ceux émis postérieurement (…) ; que par décret du 19 novembre 2007, codifié à l'article R. 152-7 du code monétaire et financier, pris pour l'application du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005, il est précisé, dispositions qui ne sauraient être interprétées comme une loi pénale plus douce, que « sont considérés comme des sommes, titres ou valeurs, les instruments négociables au porteur tels que les chèques de voyage, les instruments négociables (y compris les chèques, les billets à ordre et les mandats) qui sont soit au porteur, endossés sans restriction ou libellés à l'ordre d'un bénéficiaire fictif, soit sous une forme telle que la propriété de l'instrument est transférée au moment de la cession de celui-ci, les instruments incomplets (y compris les chèques, les billets à ordre et les mandats) signés mais où le nom du bénéficiaire n'a pas été indiqués, et les espèces (billets de banque et pièces de monnaie qui sont en circulation comme instruments d'échange) » ; qu'au vu des pièces du dossier, et notamment des chèques émis postérieurement au 22 novembre 2007, il apparaît que ces chèques, d'un montant total de 1 523 626, 15 euros, le sont au nom de M. X..., que l'identification du bénéficiaire est donc claire et sans ambiguïté ; qu'en outre ils sont barrés et portent la mention « non endossable sauf au profit d'une banque ou d'un organisme visé par la loi » ; qu'ils sont de ce fait ni négociables ni incomplets et donc intransmissibles et ne relèvent pas des catégories d'instruments soumis à l'obligation de déclaration telles que définies depuis le 22 novembre 2007 ; qu'au demeurant le bulletin officiel des douanes portant le numéro 08/ 036 mentionne expressément que les chèques endossables uniquement au profit d'une banque ou d'un établissement assimilé ne sont pas soumis à déclaration ; qu'en conséquence le jugement sera infirmé et le prévenu sera relaxé pour les chèques transférés après le 22 novembre 2007 ;

" 1°) alors que sont soumis à l'obligation déclarative les instruments négociables, y compris les chèques, qui sont sous une forme telle que la propriété de l'instrument est transférée au moment de la cession de celui-ci ; qu'en affirmant que les chèques émis postérieurement au 22 novembre 2007 étant barrés et portant la mention « non endossable sauf au profit d'une banque ou d'un organisme visé par la loi » étaient de ce fait ni négociables, ni incomplets et donc intransmissibles et ne relevaient pas de la catégorie des instruments soumis à l'obligation déclarative alors que si les chèques barrés avec une mention interdisant l'endossement à une autre personne qu'un banquier ne peuvent être payés par le tiré qu'à une autre banque ou à son propre client, une banque autre que le tiré peut aussi l'acquérir de son client et le lui payer même en espèces avant de le présenter au tiré en sorte qu'ils constituent des instruments négociables qui sont sous une forme telle que la propriété de l'instrument est transférée au moment de la cession de celui-ci entrant dans le champ d'application de l'article 464 du code des douanes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que lorsqu'une mention restreignant la négociabilité d'un chèque a été valablement apposée au regard de la loi du lieu d'émission, elle peut être mise en échec par un endossement effectué dans un pays d'après la législation duquel il est négociable ; qu'en affirmant que les chèques émis postérieurement au 22 novembre 2007 étaient barrés et portaient la mention « non endossable sauf au profit d'une banque ou d'un organisme visé par la loi » n'étaient de ce fait ni négociables, ni incomplets et donc intransmissibles et ne relevaient pas de la catégorie des instruments soumis à l'obligation déclarative alors qu'un chèque tiré sur une banque française et non endossable sauf « au profit d'un établissement de crédit ou d'un établissement assimilé » peut être endossé dans des pays tiers selon des modalités contraires au droit français en sorte qu'il constitue un instrument négociable dont la propriété de l'instrument est transférée au moment de la cession de celui-ci entrant dans le champ d'application de l'article 464 du code des douanes, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ; Vu les articles 464 du code des douanes, L. 152-1 et R. 152-7 du code monétaire et financier ;

Attendu que sont soumis à déclaration, en application de l'article L. 152-1 du code monétaire et financier auquel renvoie l'article 464 du code des douanes, les instruments négociables, y compris les chèques, qui sont sous une forme telle que la propriété de l'instrument est transférée au moment de la cession de celui-ci ;
Attendu que, pour relaxer partiellement M. X..., l'arrêt retient que ce dernier est désigné comme bénéficiaire sur les chèques énumérés dans l'acte de poursuite et que ces effets, barrés et portant la mention " non endossables sauf au profit d'une banque ", ne relèvent pas des instruments devant être déclarés ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'à défaut de toute mention impliquant un simple mandat, l'endossement des chèques barrés au profit de banques installées au Luxembourg, a eu pour effet de leur en transférer la propriété, la cour a violé les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
II-Sur le pourvoi de M. X... :
Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Nicolaÿ-de Lanouvelle Hannotin pour M. X..., pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 63 à 66 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (anciens articles 56 à 59 du Traité instituant la Communauté européenne), L. 151-1 et L. 152-1 du code monétaire et financier, 464 et 465 du code des douanes, de l'article R. 152-7, tel qu'il est issu du décret du 19 novembre 2007 pris pour l'application du Règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005, de l'article 1er de l'arrêté du 18 décembre 1990, du décret du 18 décembre 1990, des articles 111-4, 111-5, 112-1, 121-3 du code pénal, du principe de la rétroactivité in mitius des normes répressives, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt a infirmé simplement partiellement le jugement entrepris, en ne relaxant M. X... que pour le transfert des chèques émis postérieurement au 22 novembre 2007, et confirmé la déclaration de culpabilité pour le surplus ;
" aux motifs que sur la déclaration de culpabilité : aux termes de l'article 464 du code des douanes, les transferts vers un Etat membre de l'Union européenne ou en provenance d'un tel Etat font l'objet d'une déclaration dans les conditions prévues à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier, lequel dispose que les personnes physiques qui transfèrent vers l'étranger ou en provenance de l'étranger, des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un établissement de crédit, doivent en faire la déclaration pour chaque transfert à l'exclusion de ceux dont le montant est inférieur à 7 600 euros, somme portée en 2007 à 10 000 euros ; qu'il sera rappelé qu'il est reproché à M. X... d'avoir, entre le 18 août 2005 et le 24 avril 2009, procédé à des transferts de capitaux d'un montant total de 2 813 610 euros de la France vers le Luxembourg, sans avoir satisfait aux obligations de déclaration à l'administration des douanes ; qu'en l'espèce, la somme de 2 813 610 euros correspondait à 19 chèques :- un chèque d'un montant de 63 390, 79 euros émis le 16 août 2005 et encaissé le 27 septembre 2005,- un chèque d'un montant de 172 838, 95 euros émis le 2 décembre 2005 et encaissé le 14 décembre 2005,- un chèque d'un montant de 317 922, 33 euros émis le 24 mars 2006 et encaissé le 21 avril 2006,- un chèque d'un montant de 36 450, 58 euros encaissé le 11 mai 2006,- un chèque d'un montant de 380 301, 42 euros émis le 18 août 2006 et encaissé le 7 septembre 2006,- un chèque d'un montant de 87 357, 98 euros encaissé le 12 septembre 2006,- un chèque d'un montant de 50 915, 40 euros émis le 23 novembre 2006 et encaissé le 18 décembre 2006,- un chèque d'un montant de 310 216, 84 euros émis le 14 mars 2007 et encaissé le 2 avril 2007,- un chèque d'un montant de 17 896, 96 euros encaissé le 6 juillet 2007,- un chèque d'un montant de 86 271, 51 euros émis le 14 août 2007 et encaissé le 5 septembre 2007,- un chèque d'un montant de 130 000 euros émis le 15 janvier 2008 et encaissé le 21 janvier 2008,- un chèque d'un montant de 90 000 euros émis le 15 janvier 2008 et encaissé le 25 janvier 2008,- un chèque d'un montant de 90 178, 09 euros émis le 30 janvier 2008 et encaissé le 13 février 2008,- un chèque d'un montant de 90 178, 09 euros émis le 30 janvier 2008 et encaissé le 13 février 2008,- un chèque d'un montant de 90 178, 09 euros émis le 30 janvier 2008 et encaissé le 13 février 2008,- un chèque d'un montant de 528 505, 25 euros émis le 24 avril 2008 et encaissé le 6 mai 2008,- un chèque d'un montant de 196 812, 57 euros émis le 30 avril 2008 et encaissé le 15 mai 2008,- un chèque d'un montant de 46 197, 07 euros encaissé le 22 mai 2008,- un chèque d'un montant de 26 378, 29 euros encaissé le 8 octobre 2008, tous d'un montant supérieur à 10 000 euros ; que si les textes, rappelés ci-dessus, posant le principe de la déclaration des transferts de sommes, titres ou valeurs, n'ont pas varié pendant la période de temps retenue à la prévention, force est de constater que le champ d'application de cette mesure en a été, non pas limité, mais précisé, ce qui amène à faire une distinction entre les chèques émis antérieurement au 22 novembre 2007 et ceux émis postérieurement ; que jusqu'au 22 novembre 2007, et aux termes de l'arrêté du 18 décembre 1990 pris pour l'application du décret du même jour, étaient considérés comme sommes, titres ou valeurs, " les billets de banque, les pièces de monnaie, les chèques avec ou sans indication du bénéficiaire, les chèques au porteur, les chèques endossables autres que ceux destinés, ou adressés par des entreprises exerçant à titre habituel et professionnel une activité de commerce international, les chèques de voyage, les postchèques, les effets de commerce non domiciliés, les lettres de crédit non domiciliées, les bons de caisse anonymes, les valeurs mobilières et autres titres de créances négociables au porteur ou endossables, les lingots d'or et pièces d'or ou d'argent côtés sur le marché officiel " ; que ces dispositions visaient le transfert de tous les chèques et en tout cas, le transfert des chèques de l'espèce ; que de ce fait, les dix chèques émis entre le 16 août 2005 et le 14 août 2007 au bénéfice de M. X... entraient dans les prévisions de l'article 464 du code des douanes ; que par décret du 19 novembre 2007, codifié à l'article R. 152-7 du code monétaire et financier, pris pour l'application du Règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005, il est précisé, dispositions qui ne sauraient être interprétées comme une loi pénale plus douce, que " sont considérés comme des sommes, titres ou valeurs, les instruments négociables au porteur tels que les chèques de voyage, les instruments négociables (y compris les chèques, les billets à ordre et les mandats) qui sont soit au porteur, endossés sans restriction ou libellés à l'ordre d'un bénéficiaire fictif, soit sous une forme telle que la propriété de l'instrument est transférée au moment de la cession de celui-ci, les instruments incomplets (y compris les chèques, les billets à ordre et les mandats) signés mais où le nom du bénéficiaire n'a pas été indiqué, et les espèces (billets de banque et pièces de monnaie qui sont en circulation comme instruments d'échange) " ; qu'au vu des pièces du dossier, et notamment des chèques émis postérieurement au 22 novembre 2007, il apparaît que ces chèques, d'un montant total de 1 523 626, 15 euros, le sont au nom de M. X..., que l'identification du bénéficiaire est donc claire et sans ambiguïté ; qu'en outre, ils sont barrés et portent la mention " non endossable sauf au profit d'une banque ou d'un organisme visé par la loi " ; qu'ils sont de ce fait ni négociables, ni incomplets et donc intransmissibles et ne relèvent pas des catégories d'instruments soumis à l'obligation de déclaration telles que définies depuis le 22 novembre 2007 ; qu'au demeurant, le bulletin officiel des douanes portant le numéro 08/ 036 mentionne expressément que les chèques endossables uniquement au profit d'une banque ou d'un établissement assimilé ne sont pas soumis à déclaration ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé et le prévenu sera relaxé pour les chèques transférés après le 22 novembre 2007 ;

" 1°) alors qu'une disposition nouvelle ayant pour effet d'exclure expressément du champ d'application d'une obligation pénalement sanctionnée un cas de figure antérieurement compris dans le champ d'application de ladite obligation s'applique, en ce qui concerne les conséquences pénales attachées à la méconnaissance de ladite obligation, aux faits antérieurs à son entrée en vigueur ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté qu'au regard des dispositions de l'article R. 152-7 du code monétaire et financier, issues du décret du 19 novembre 2007 entré en vigueur le 22 novembre 2007, auxquelles l'article L. 152-1 renvoie pour la définition des opérations de transfert de capitaux vers un Etat membre de l'Union européenne soumises à une obligation déclarative pénalement sanctionnée par l'article 465 du code des douanes, les chèques portant la mention « non endossable sauf au profit d'une banque ou d'un organisme visé par la loi » n'étaient pas soumis à une telle obligation de déclaration ; que la cour a en outre considéré qu'avant l'entrée en vigueur de ce texte, la rédaction de l'arrêté du 18 décembre 1990, qui visait indistinctement les « chèques avec ou sans indication du bénéficiaire, les chèques endossables », paraissait au contraire soumettre à une telle obligation déclarative le transfert des chèques portant la mention « non endossable sauf au profit d'une banque ou d'un organisme visé par la loi » ; que pour déterminer la norme pénale applicable aux faits de l'espèce, qui portaient sur des chèques émis par M. X... entre le 16 août 2005 et le 8 octobre 2008, la cour d'appel a retenu qu'il convenait de procéder à une application distributive des normes précitées, selon que les faits s'étaient produits avant ou après le 22 novembre 2007, autrement dit avant ou après le dispositif issu du décret du 19 novembre 2007 ; qu'en refusant d'appliquer le régime issu du décret du 19 novembre 2007 modifiant l'article R. 152-7 qui définit le champ de l'incrimination portée par l'article 464 du code des douanes, aux faits objets de la poursuite antérieurs au 22 novembre 2007, cependant qu'elle a elle-même constaté que le nouveau texte aboutissait à soustraire au champ de l'incrimination pénale des faits incriminés par le droit antérieur, de sorte que ce nouveau texte devait s'appliquer rétroactivement aux faits antérieurs à son entrée en vigueur, la cour d'appel a violé les textes et les principes susvisés ;
" 2°) alors qu'à supposer même que l'article R. 152-7 ait simplement « précisé » la portée attachée au principe de la déclaration des transferts de sommes, titres ou valeurs posé par les articles 464 du code des douanes et L. 152-1 du code monétaire et financier, autrement dit, précisé la signification de la mention par l'arrêté du 18 décembre 1990 des « chèques avec ou sans indication du bénéficiaire, chèque au porteur, les chèques endossables », en excluant du champ de la déclaration les chèques barrés, dès lors qu'ils étaient « non endossables sauf au profit d'une banque ou d'un organisme visé par la loi », ces dispositions déclaratives faisaient corps avec l'arrêté initial, lequel devait donc être lu à la lumière de la précision apportée par le décret de 2007 ; qu'en considérant que le décret de 2007 n'apportait qu'une simple « précision » au champ d'application du principe de la déclaration des transferts de capitaux posé aux articles 464 et L. 152-1 du code monétaire et financier pour en déduire qu'il ne s'agissait pas d'une « restriction » du champ d'application du principe en cause et décider en conséquence de procéder à une application distributive des dispositions réglementaires selon que les chèques avaient été émis avant ou après le 22 novembre 2007, cependant qu'il convenait, s'agissant des chèques émis avant le 22 novembre 2007, de lire l'arrêté du 18 décembre 1990 à la lumière de ce que les juges du fond ont eux-mêmes qualifié de « précision » apportée par le décret de 2007, la cour d'appel a violé les textes et les principes susvisés ;
" 3°) alors, en tout état de cause, que les Etats membres de l'Union européenne ne peuvent apporter de restrictions injustifiées ou disproportionnés au principe de la liberté de circulation des capitaux entre Etats membres de l'Union européenne ; qu'au cas présent, à supposer que l'arrêté du 18 décembre 1990 reçoive application aux transferts intervenus avant le 22 novembre 2007, il ne saurait, sous peine d'apporter une restriction injustifiée à la liberté de circulation des capitaux, avoir pour effet d'inclure dans le champ d'application de l'obligation déclarative pénalement sanctionnée par le code des douanes les transferts transfrontaliers de chèques portant la mention « non endossable sauf au profit d'une banque ou d'un organisme visé par la loi » ; qu'en faisant application de ce texte à des chèques de cette catégorie, au prétexte que la lettre de l'arrêté du 18 décembre 1990 l'imposerait, la cour d'appel a violé les textes et les principes susvisés ;
" 4°) alors très subsidiairement que le délit de non-déclaration visé à l'article 465 du code des douanes n'est constitué que s'il est établi non seulement l'omission d'une déclaration obligatoire, mais également le caractère intentionnel de ladite omission ou, à tout le moins, la mauvaise foi du contrevenant ; qu'au cas présent, M. X..., citoyen et résident fiscal algérien, avait invité la cour d'appel à constater l'absence de toute intention délictueuse ou de mauvaise foi de sa part, et à n'attribuer tout au plus ses omissions prétendument fautives qu'à une simple inadvertance de sa part, au regard de la complexité et de l'obscurité du dispositif légal en cause ; que pour retenir la culpabilité de M. X... du chef du délit d'omission de déclaration prévu à l'article 465 du code des douanes pour les chèques émis avant le 22 novembre 2007, la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur ce point ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui ne pouvait s'abstenir de caractériser l'élément moral de l'infraction pour retenir M. X... dans les liens de la prévention, a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés " ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable à raison des transferts de capitaux sans déclaration commis antérieurement au 22 novembre 2007, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu n'a pas prouvé sa bonne foi et, dès lors que l'obligation déclarative des chèques endossables n'est pas contraire aux dispositions du droit de l'Union européenne invoquées, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, dont les deux premières branches sont devenues inopérantes par suite de la cassation intervenue sur le pourvoi de l'administration des douanes, doit être écarté ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen proposé pour l'administration des douanes :
I-Sur le pourvoi de M. X... :
Le REJETTE ;
II-Sur le pourvoi de l'administration des douanes :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 4 février 2015, en ses seules dispositions ayant renvoyé M. X... des fins de la poursuite du chef des transferts de chèques sans déclaration postérieurs au 22 novembre 2007 et ayant condamné ce dernier au paiement d'une amende douanière de 126 968, 84 euros, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-81075
Date de la décision : 01/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DOUANES - Transfert de capitaux à destination ou en provenance de l'étranger - Défaut de déclaration - Eléments constitutifs - Elément matériel - Instruments négociables dont la cession emporte transfert de propriété - Cas - Chèque barré endossable uniquement au profit d'une banque

Il résulte de l'article R. 152-7 du code monétaire et financier que les chèques établis sous une forme telle que la propriété en est transférée au moment de leur cession sont soumis à l'obligation déclarative prévue par l'article L. 152-1 du même code, auquel renvoie l'article 464 du code des douanes. Méconnaît ces dispositions la cour d'appel qui, pour relaxer le prévenu, énonce que les chèques qu'il a transférés sans déclaration étant barrés et portant la mention "non endossables sauf au profit d'une banque", ils ne relèvent pas des instruments négociables devant être déclarés, alors qu'à défaut de toute mention impliquant un mandat d'encaissement, l'endossement de tels chèques au profit d'une banque a pour effet de lui en transférer la propriété


Références :

article 464 du code des douanes

articles R. 152-1 et R. 152-7 du code monétaire et financier

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 jui. 2016, pourvoi n°15-81075, Bull. crim. criminel 2016, n° 170
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2016, n° 170

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Gaillardot
Rapporteur ?: Mme Zerbib
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.81075
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