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01/06/2016 | FRANCE | N°15-18034

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 01 juin 2016, 15-18034


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le notaire chargé du règlement de la succession de Denise X..., décédée le 7 octobre 2007, a demandé à la société Etude généalogique du Louvre, aux droits de laquelle vient la société Etude généalogique Derisoud, de procéder à des recherches en vue d'identifier les héritiers ; qu'après avoir signé le contrat de révélation de succession envoyé par la société Etude généalogique du Louvre, lui révélant sa qualité d'héritière, Mme Y..., depuis pla

cée sous tutelle et représentée par M. Z..., mandataire judiciaire à la protection des ma...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le notaire chargé du règlement de la succession de Denise X..., décédée le 7 octobre 2007, a demandé à la société Etude généalogique du Louvre, aux droits de laquelle vient la société Etude généalogique Derisoud, de procéder à des recherches en vue d'identifier les héritiers ; qu'après avoir signé le contrat de révélation de succession envoyé par la société Etude généalogique du Louvre, lui révélant sa qualité d'héritière, Mme Y..., depuis placée sous tutelle et représentée par M. Z..., mandataire judiciaire à la protection des majeurs, a refusé de payer les honoraires réclamés par cette dernière, qui l'a assignée en paiement ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que Mme Y..., représentée par M. Z..., fait grief à l'arrêt de constater la validité du contrat de révélation et de la condamner à payer à la société Etude généalogique Derisoud les sommes correspondant à une quotité de l'actif mobilier et immobilier après déduction du passif, des droits de mutation, des frais de recherches et de règlement, perçu par l'héritière, soit 40 % HT pour la tranche allant de 1 à 5 000 euros, 35 % HT de l'actif pour la tranche de 5 000 à 15 000 euros et 30 % HT de l'actif au-dessus de 15 000 euros, alors selon le moyen, qu'un contrat de révélation de succession est dépourvu de cause dès lors que l'héritier aurait eu connaissance de ses droits sans l'intervention du généalogiste ; qu'en se bornant à retenir, pour juger que le contrat de révélation de succession n'était pas dépourvu de cause, que Mme Y...avait appris le décès de Denise X...par le biais d'un de ses voisins, qu'à la suite d'un hasard et postérieurement à l'intervention du généalogiste, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, dès lors que Mme Y...était en contact régulier avec sa cousine et que les voisins de celle-ci savaient qu'elle était le seul membre de la famille encore en vie, l'existence de la succession devait normalement parvenir à sa connaissance sans l'intervention du généalogiste, qui ne lui avait rendu aucun service, ce dont il résultait que la convention était sans cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil ;

Mais attendu que, sous le couvert d'un grief non fondé de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, le pouvoir souverain d'appréciation de la cour d'appel qui, après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que Mme Y..., née en 1927, ne justifiait pas de relations suivies avec la défunte et qu'elle avait appris, par hasard, postérieurement à la révélation qui lui en avait été faite par la société Etude généalogique du Louvre, le décès de sa lointaine cousine au sixième degré, a estimé qu'elle ne démontrait pas que, sans l'intervention du généalogiste, l'existence de la succession devait normalement parvenir à sa connaissance, justifiant ainsi légalement sa décision ;

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que, pour fixer les honoraires à la somme contractuellement prévue, l'arrêt énonce que le contrat doit recevoir application, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui d'une demande de réduction des honoraires puisque la succession de Denise X...a bien été révélée à Mme Y...par le généalogiste ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les honoraires réclamés par la société Derisoud n'étaient pas excessifs au regard du service rendu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate la validité du contrat de révélation, l'arrêt rendu le 11 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la validité du contrat de révélation et d'AVOIR condamné Mme Marie-Louise Y...représentée par M. Z..., ès qualités de tuteur, à payer à l'Étude généalogique Derisoud venant aux droits de la SARL Étude généalogique du Louvre les sommes correspondant à une quotité de l'actif mobilier et immobilier après déduction du passif, des droits de mutation, des frais de recherches et de règlement, perçu par l'héritière, soit 40 % HT pour la tranche allant de 1 à 5. 000 euros, 35 % HT de l'actif pour la tranche de 5. 000 à 15. 000 euros et 30 % HT de l'actif au-dessus de 15. 000 euros ;

AUX MOTIFS QUE Mme Y...a renvoyé le 21 mai 2008 une lettre qui lui avait été expédiée le 4 mars 2008 par l'Étude généalogique du Louvre qui lui indiquait être à même de lui révéler un droit successoral ; que cette lettre était rédigée dans les termes suivants : " Par lettre en date du 4 mars 2008, vous m'annoncez qu'il résulte des recherches effectuées par vos services et à vos risques et périls, que vous êtes à même de me révéler un droit successoral ouvert à mon profit et que je reconnais ignorer. J'accepte votre proposition de m'en faire la révélation après l'adhésion de tous les intéressés, l'apport par votre Étude de toutes les justifications utiles à la reconnaissance de mes droits, et de me représenter aux opérations liquidatives selon les conditions ci-après. Vous ferez toutes les avances de frais qui se révéleront nécessaires et vous supporterez tous les aléas financiers de cette revendication. En cas de succès pour quelque cause que ce soit, notamment en cas d'intervention d'héritiers plus proches, de testament me déshéritant ou de dettes absorbant l'actif vous ferez votre affaire personnelle de tout déficit de façon à ce que je n'aie jamais rien à avancer ou à débourser. En cas de succès, vous aurez droit à forfait en compensation des services rendus et des risques courus, à une quotité de l'actif mobilier et immobilier devant me revenir, quelle qu'en soit l'importance et ce, après déduction du passif, des droits de mutation, des frais de recherches et de règlement. Cette quotité est déterminée d'après le tarif dégressif imprimé au verso. " ; qu'il est constant que l'Étude généalogique du Louvre a été mandatée par Me Grealing, notaire associé à Coulommiers, afin de rechercher les héritiers éventuels ; que le contrat de révélation de succession par lequel un généalogiste, après des recherches effectuées à la demande d'un notaire, s'engage à révéler à l'héritier qu'il a préalablement identifié, la succession ouverte à son insu, contre l'abandon d'une quote-part de l'actif net successoral, n'est pas un contrat de démarchage mais s'analyse en un contrat sui generis, aléatoire pour le généalogiste, dont l'objet est la révélation d'un secret ; que ce contrat ne rentre pas dans les catégories de contrats visés par la loi de 1972 relative au démarchage à domicile ; que dès lors, Mme Y...est mal fondée à arguer de l'absence de clause de rétractation pour solliciter la nullité du contrat ; que Mme Y...avait annoté la lettre qu'elle a renvoyée le 4 mars 2008 au généalogiste, comme suit : " s'il y a héritage ! ! ! je m'engage à ne rien verser de frais supplémentaires concernant l'héritage " ; que la Cour n'observe aucune contradiction entre le retour de la lettre d'acceptation et cette mention portée par Mme Y...indiquant son " refus de frais supplémentaires ", qui ne vise qu'à préciser que le consentement est strictement limité aux termes du contrat qui prévoit la révélation d'une succession en contrepartie de l'abandon d'une quote-part de l'actif successoral, préalablement fixée ainsi qu'il est dit au verso de la lettre ; qu'aucune nullité du consentement ne peut donc résulter de cette mention rajoutée ; que Mme Y...n'apporte pas la preuve d'un dol et de demandes incessantes du généalogiste qui l'auraient obligée à renvoyer cette lettre, d'autant que ce retour n'est intervenu que plusieurs semaines après la réception ; que le seul critère de l'âge n'est pas suffisant pour établir des manoeuvres qui auraient pu vicier le consentement de l'appelante ; que Mme Y...ne démontre pas qu'à la date à laquelle elle renvoie la lettre, elle avait connaissance d'être bénéficiaire de la succession ; que la révélation de celle-ci constitue la cause du contrat ; que ce moyen tiré de l'absence de cause sera donc écarté ; que le contrat doit recevoir application, ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 1134 du Code civil, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui d'une demande de réduction des honoraires puisque la succession de Denise X..., sa lointaine cousine au 6e degré, a bien été révélée à Mme Y...par le généalogiste ; que ce n'est que le hasard d'une transaction envisagée par un voisin de cette parente qui lui a permis d'en prendre connaissance par d'autres voies, mais postérieurement à la révélation par l'Étude du Louvre ; qu'il y a lieu de condamner Mme Y...représentée par M. Z..., ès qualités à payer à celle-ci les sommes correspondant à 40 % HT de l'actif net de la succession pour la tranche allant de 1 à 5. 000 euros, 35 % HT de l'actif pour la tranche de 5. 000 à 15. 000 euros, et 30 % HT de l'actif au-dessus de 15. 000 euros, avec intérêts au taux légal à dater du 14 mars 2012, date de l'assignation devant le tribunal de grande instance, à défaut de mise en demeure antérieure versée aux débats ;

1°) ALORS QU'un contrat de révélation de succession est dépourvu de cause dès lors que l'héritier aurait eu connaissance de ses droits sans l'intervention du généalogiste ; qu'en se bornant à retenir, pour juger que le contrat de révélation de succession n'était pas dépourvu de cause, que Mme Y...avait appris le décès de Denise X...par le biais d'un de ses voisins, qu'à la suite d'un hasard et postérieurement à l'intervention du généalogiste, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, dès lors que Mme Y...était en contact régulier avec sa cousine et que les voisins de celle-ci savaient qu'elle était le seul membre de la famille encore en vie, l'existence de la succession devait normalement parvenir à sa connaissance sans l'intervention du généalogiste, qui ne lui avait rendu aucun service, ce dont il résultait que la convention était sans cause, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, les honoraires convenus dans un contrat de révélation de succession peuvent être réduits s'ils apparaissent manifestement excessifs au regard du service rendu ; qu'en retenant, pour refuser d'examiner la demande de réduction des honoraires formulée par Mme Y..., que le contrat de révélation de succession devait recevoir application car il n'était pas dépourvu de cause, sans rechercher si les honoraires réclamés par le cabinet de généalogie n'étaient pas excessifs par rapport à la nature et à l'importance des diligences accomplies, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-18034
Date de la décision : 01/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 01 jui. 2016, pourvoi n°15-18034


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.18034
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