LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° Z 14-23. 860 et R 14-27. 256, qui attaquent le même arrêt ;
Sur la recevabilité du pourvoi n° Z 14-23. 860 :
Vu l'article 613 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret du 6 novembre 2014 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le délai de pourvoi en cassation ne court, à l'égard des décisions rendues par défaut, même pour les parties qui ont comparu devant les juges du fond, qu'à compter du jour où l'opposition n'est plus recevable ;
Attendu que M. Guy X..., Mme Christiane Y... et M. Christophe Y... (les consorts X...-Y...) se sont pourvus en cassation le 27 août 2014 contre un arrêt rendu par défaut le 24 juin 2014, signifié à la partie défaillante le 24 octobre 2014 ; que le délai d'opposition n'avait pas commencé à courir à la date de ce pourvoi ;
D'où il suit que le pourvoi n'est pas recevable ;
Sur le pourvoi n° R 14-27. 256 :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juin 2014), que, le 28 mars 1980, la SARL X... (la société X...), dont M. Guy X... était gérant, a été mise en règlement judiciaire, M. Z... étant désigné syndic ; que, pour apurer le passif de celle-ci, M. Guy X... et son épouse, Mme Christiane Y..., ont mis en vente divers immeubles leur appartenant et ont contracté un prêt d'un montant de 2 198 544 francs (335 166 euros) auprès de la société de droit panaméen Pascual Finance ; que, le 7 novembre 1980, la SNC Le Petit Brouant, ayant pour associés MM. Gaston Y..., Alain Y... et Mme Marie-Christine Y..., a été mise en règlement judiciaire, M. Z... étant également désigné syndic ; que Gaston Y... est décédé le 20 octobre 1998, en laissant pour lui succéder sa fille, Mme Christiane Y..., et son petit-fils, M. Christophe Y... ; qu'invoquant des fautes qu'il aurait commises dans l'exercice de ses missions de syndic, M. Guy X... et Mme Christiane Y... ont, les 12, 14 et 16 octobre 2009, assigné en paiement de diverses sommes M. Z..., ainsi que M. A..., en qualité de liquidateur judiciaire de Mme Christiane Y..., le trésorier-payeur général du département des Alpes-Maritimes et l'Agent judiciaire du Trésor, devenu l'Agent judiciaire de l'État ; que M. Christophe Y... est intervenu volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X...-Y...font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur action engagée contre M. Z... au titre de sa mission de syndic de la procédure collective de la SNC Le Petit Brouant alors, selon le moyen :
1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que, dans la présente espèce, la cour d'appel a déclaré que l'action des consorts X...-Y...à l'encontre du syndic, M. Z..., au titre de la procédure collective de la SNC Le Petit Brouant était irrecevable, les ayants cause ne disposant pas de plus de droits que leur auteur ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il résultait de leurs conclusions que les consorts X...-Y...entendaient aussi rechercher la responsabilité civile de M. Z... en leur nom propre et sans venir aux droits de Gaston Y..., la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que les mandataires judiciaires sont responsables de leurs fautes civiles ; qu'ils peuvent être poursuivis par toute personne victime de leur faute ; que les consorts X...-Y...faisaient expressément valoir, dans leurs conclusions que M. Z... avait commis des fautes, dans le cadre de la procédure collective touchant la SNC Le Petit Brouant leur ayant causé un préjudice ; qu'en écartant ce moyen péremptoire fondé sur la responsabilité civile du mandataire judiciaire, action exercée en tant que tiers à la procédure collective relative à Gaston Y..., au motif inopérant qu'un ayant cause ne saurait exciper de plus de droit que son auteur, la cour d'appel a dénaturé les conclusions qui lui étaient soumises, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en raison de l'ambiguïté des conclusions des consorts X...-Y...devant la cour d'appel, celle-ci s'est trouvée dans l'obligation de les interpréter pour déterminer en quelle qualité ils agissaient, de sorte qu'elle n'a pu méconnaître l'objet du litige ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que les consorts X...-Y...font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur action engagée contre M. Z... au titre de sa mission de syndic de la procédure collective de la société X... alors, selon le moyen, que l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission ; que la cour d'appel a pourtant retenu que l'action des consorts X...-Y...était prescrite, les actions personnelles ou mobilières se prescrivant par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que les consorts X...-Y...avaient exercé une action en responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil par fausse application et l'article 2225 du code civil par refus d'application ;
Mais attendu qu'après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que l'action avait été engagée par les consorts X...-Y...contre le syndic après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, c'est exactement que la cour d'appel a retenu que la prescription de cette action avait pour point de départ, non la fin de la mission du syndic, comme le prévoyaient les articles 2270-1 et 2277-1 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi précitée, mais, conformément à l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de cette loi, le jour où les demandeurs ont connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant d'exercer l'action ; qu'ayant relevé que le dommage dont les consorts demandaient réparation résultait de la vente des biens de la famille X..., intervenue, pour la dernière, le 20 décembre 1984, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action exercée les 12, 14 et 16 octobre 2009 était prescrite ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° Z 14-23. 860 ;
REJETTE le pourvoi n° R 14-27. 256 ;
Condamne M. Guy X..., Mme Christiane Y... et M. Christophe Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...et M. Christophe Y..., demandeurs au pourvoi n° R 14-27. 256,
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action engagée par les consorts X...-Y...à l'encontre de Me Z... au titre de la procédure collective de la SNC LE PETIT BROUANT ;
AUX MOTIFS QUE
« Maître Z... fait encore valoir que Madame Christiane Y... et Monsieur Christophe Y..., prétendant venir aux droits de leur père et grand-père, feu Gaston Y..., ne peuvent exciper de plus de droits que leur auteur ; que ce dernier, étant décédé en état de règlement judiciaire, ils ne pouvaient exercer une action en responsabilité contre le mandataire judiciaire, en l'occurrence Maître Z..., sans intervention d'un administrateur ad hoc ; qu'il en résulte qu'ils seront déclarés irrecevables en leurs demandes formées au titre des fautes commises par Maître Z... dans l'exercice de sa mission de syndic du règlement judiciaire de la SNC LE PETIT BRODANT, ainsi qu'en celles formées contre l'Etat » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE
L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que, dans la présente espèce, la Cour d'appel a déclaré que l'action des consorts X... à l'encontre du mandataire judicaire, Me Z..., au titre de la procédure collective de la SNC LE PETIT BROUANT était irrecevable, les ayants causes ne disposant pas de plus de droits que leur auteur ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il résultait de leurs conclusions que les exposants entendaient aussi rechercher la responsabilité civile de Me Z... en leur nom propre et sans venir aux droits de Monsieur Gaston Y..., la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE
Les mandataires judiciaires sont responsables de leurs fautes civiles ; qu'ils peuvent être poursuivis par toute personne victime de leur faute ; que les consorts X...-Y...faisaient expressément valoir, dans leurs conclusions (pages 10 à 17) que Me Z... avait commis des fautes, dans le cadre de la procédure collective touchant la SNC LE PETIT BROUANT leur ayant causé un préjudice ; qu'en écartant ce moyen péremptoire fondé sur la responsabilité civile du mandataire judiciaire, action exercée en tant que tiers à la procédure collective relative à Monsieur Gaston Y..., au motif inopérant qu'un ayant cause ne saurait exciper de plus de droit que son auteur, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions qui lui étaient soumises, violant ainsi l'article 4 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de Madame Christiane Y... et Monsieur Guy X... à l'encontre de Me Z... au titre de la procédure collective de la SARL X... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Maître Z... soutient encore que l'action des époux X... est prescrite par l'application des dispositions de l'article 2270-1 du code civil aux termes duquel les actions en responsabilité civile professionnelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; que c'est en vain que les appelants croient pouvoir invoquer les dispositions de l'article 2210-1 du même code qui sont inapplicables en l'espèce ; que c'est pour des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal a, sur le fondement de l'article 2224 du code civil, retenu la fin de non-recevoir soulevée par Maître Z... quant aux demandes des époux X... relatives aux fautes qu'il aurait commises dans le cadre du règlement judiciaire de la SARL X... » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Selon promesse de vente du 27 juillet 1981, Monsieur X... promettait, afin de rembourser le passif de la SARL X... d'un montant de 1 million de francs, la vente d'une partie de parcelles agricoles à Monsieur B...pour 2. 500. 000 francs ; que les demandeurs exposent que ce montant ne suffisant pas à régler le passif, ils se sont mis en rapport sous les auspices de Me Z... avec Monsieur C..., lequel leur consentait, au nom de la société PASCUAL FINANCES, le 21 août 1981, un prêt à des conditions estimées usuraires prévoyant des inscriptions sur des parcelles que Georges X... promettait de vendre ; que les demandeurs exposent que pour valider le prêt, Maitre Z... a exigé et obtenu un transfert d'hypothèque sur la villa des X..., alors que Tribunal de grande instance de Grasse venait de juger qu'il n'y avait pas droit ; qu'ils reprochent en outre à Me Z... d'avoir indiqué dans l'acte de vente B...que les fonds devaient lui être remis alors qu'il ne s'agissait pas de biens de la SARL X..., en contre partie de quoi il s'engageait à rapporter mainlevée des hypothèques prises par les créanciers de la procédure collective ; qu'ils lui font également grief d'avoir donné en garantie au prêteur C...des biens de la famille Y..., étrangère à la procédure X... et à la SARL X... ; (…) que les articles 2270-1 et 2277-1 du Code civil dont se prévalent les parties sont inapplicables en l'espèce dans la mesure où la présente action a été engagée postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; (…) que cependant Madame Y..., épouse X... et Monsieur Guy X... sont tiers à la procédure collective de la SARL X... puisqu'agissant en responsabilité à l'encontre de Me Z... en raison de la vente des biens de leurs parents et beaux parents de sorte que qu'ils ne peuvent se prévaloir de cet article et que la prescription de leur action est soumise à l'article 2224 du Code civil qui prévoit une prescription quinquennale à compter de la manifestation du dommage ; que le dommage dont ils se prévalent est la vente des biens de la famille X... dont la dernière est intervenue le 20 décembre 1984 ; qu'il n'est pas démontré que les décès de Gaston et Alain Y... aient un lien avec la SARL X... de sorte qu'ils ne sauraient être considérés comme la manifestation du dommage résultant des fautes alléguées de Maître Z..., faisant courir un nouveau délai de prescription ; que l'action diligentée par Madame Christiane Y... épouse X... et Monsieur Guy X..., ès qualités d'ayant droits de Monsieur et Madame Georges X..., le 12 octobre 2009 à l'encontre de Me Z... est donc irrecevable comme prescrite » ;
ALORS QUE
L'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission ; que la Cour d'appel a pourtant retenu que l'action des consorts X...-Y...était prescrite, les actions personnelles ou mobilières se prescrivant par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que les consorts X...-Y...avaient exercé une action en responsabilité, la Cour d'appel a violé l'article 2224 du Code civil par fausse application et l'article 2225 du Code civil par refus d'application.