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26/05/2016 | FRANCE | N°15-18375

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 mai 2016, 15-18375


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que salarié en qualité d'ouvrier, de 1957 à 1999, de la société Péchiney, aux droits de laquelle sont venues successivement les sociétés Rhône Progil, Rhône-Poulenc, Elf Atochem, Atofina puis Arkéma (l'employeur), André X... a été reconnu atteint, en 2003, d'une affection prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence (la caisse) au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles ; qu'un jugement irrévocable du 8 fév

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que salarié en qualité d'ouvrier, de 1957 à 1999, de la société Péchiney, aux droits de laquelle sont venues successivement les sociétés Rhône Progil, Rhône-Poulenc, Elf Atochem, Atofina puis Arkéma (l'employeur), André X... a été reconnu atteint, en 2003, d'une affection prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence (la caisse) au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles ; qu'un jugement irrévocable du 8 février 2006 a reconnu la faute inexcusable de l'employeur et a déclaré inopposable à ce dernier la décision de la caisse de prendre en charge cette maladie ; qu'un cancer du poumon ayant été diagnostiqué le 10 octobre 2007, la caisse a pris en charge cette affection au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles et reconnu à la victime une incapacité permanente de 80 % ; que par un procès-verbal de conciliation du 14 novembre 2008, l'employeur a reconnu sa faute inexcusable dans la survenance de cette seconde maladie, accepté la majoration de la rente et offert une certaine somme à titre d'indemnisation ; qu'après le décès d'André X..., le 8 novembre 2010, Mme X... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1351 du code civil ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de la caisse en condamnation de l'employeur au paiement des sommes versées au titre de la maladie de la victime, l'arrêt retient essentiellement que la force de chose jugée qui s'attache au jugement du 8 février 2006, ayant déclaré inopposable à l'employeur la décision de la caisse, a pour conséquence que les compléments de rente et d'indemnité revenant à la victime ne sont plus récupérables à l'encontre de l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la maladie dont le caractère professionnel avait été reconnu en 2008, n'était pas celle concernée par le jugement du 8 février 2006, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L. 443-1, L. 443-2, R. 441-10 et R. 443-4 du code de la sécurité sociale que la caisse n'est tenue de mettre en oeuvre les dispositions des articles R. 441-11 et suivants du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable, que lorsque l'aggravation d'une lésion déjà prise en charge entraîne pour la victime la nécessité d'un traitement médical, qu'il y ait ou non nouvelle incapacité temporaire, et non lorsque la demande ne porte que sur une nouvelle fixation des réparations, en cas d'aggravation de l'infirmité ou de décès de la victime par suite des conséquences de l'accident ;
Attendu que pour dire inopposable à l'employeur la décision de la caisse de prise en charge du décès au titre de la législation professionnelle et débouter la caisse de toute action récursoire, l'arrêt retient que le décès étant survenu le 8 novembre 2010, la caisse était tenue d'informer l'employeur qu'elle instruisait une demande de prise en charge du décès car sa décision qui était susceptible de faire grief à l'employeur devait être faite à son contradictoire, conformément à l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le décès de la victime était survenu après la décision de prise en charge de la seconde maladie au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence tendant à la condamnation de la société Arkéma au paiement des sommes versées au titre de la maladie d'André X... et en ce qu'il déclare inopposable à la société Arkéma la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence de prendre en charge au titre de la législation professionnelle le décès d'André X... survenu le 8 novembre 2010 et la déboute en conséquence de toute action récursoire à l'encontre de la société Arkéma , l'arrêt rendu le 19 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Arkéma aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Arkéma et la condamne à payer la somme de 2 800 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes de Haute Provence du 25 juin 2013 en ce qu'il a déclaré opposable à la sociéte Arkéma la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur X... par la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence, en ce qu'il a rejeté la demande de la société Arkéma qui avait conclu à l'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge du décès par la CPAM, en ce qu'il a dit que la CPAM conservait son action récursoire contre la société Arkéma pour toutes les sommes dont elle avait fait l'avance et en ce qu'il a condamné la société Arkéma au remboursement à la CPAM de ces sommes et d'avoir statuant à nouveau constaté que par jugement définitif du 8 février 2006, le Tribunal des Affaires de sécurité sociale des Alpes de Haute Provence a déclaré inopposable à la société Arkéma la décision de la CPAM de prendre en charge la maladie de Monsieur X... au titre des maladies professionnelles et il débouté la CPAM de toute action récursoire, d'avoir, en conséquence, - déclaré irrecevable la demande de la CPAM tendant à la condamnation de la société Arkéma France au paiement des sommes versées au titre de la maladie de Monsieur X.... - déclare inopposable à la société Arkéma France la décision de la CPAM de prendre en charge le décès de Monsieur X... survenu le 8 novembre 2010 au titre de la législation professionnelle, - débouté la CPAM de toute action récursoire il l'encontre de la société Arkéma France, - débouté la CPAM de ses demandes, avec toutes conséquences de droit, notamment dans les conséquences de l'exécution provisoire ordonnée par le tribunal, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE « La faute inexcusable a été reconnue par la société Arkéma le 14 novembre 2008, après la découverte du cancer du poumon de Monsieur X..., Le lien entre cette maladie et le décès survenu le 08 novembre 2010 n'a pas été contesté par la société Arkéma, Le décès trouve sa cause dans la faute inexcusable de l'employeur de Monsieur X..., …. 3) L'opposabilité de la décision de prise en charge de la Caisse doit être examinée en deux temps: - pour ce qui concerne la prise en charge de la maladie, ce point a été tranché par le jugement du 8 février 2006 qui a déclaré cette décision inopposable à la société Arkéma, et qui n'a fait l'objet d'aucun recours. La force de chose jugée s'attache à cette décision et l'inopposabilité de la maladie, qui n'était d'ailleurs pas demandée au tribunal n'est plus contestable. La conséquence en est que les compléments de rente et d'indemnité revenant à la victime n'étaient pas récupérables sur la société Arkéma. Le tribunal a motivé sa décision de rejet sur la seule maladie sans se prononcer sur le décès. - pour ce qui concerne la prise en charge du décès : le décès du 8 novembre 2010 étant survenu après ce jugement du 8 février 2006, la Caisse était tenue d'informer la société Arkéma qu'elle instruisait une demande de prise en charge du décès, car sa décision qui était susceptible de faire grief à l'employeur devait être faite à son contradictoire conformément à l'article R44l-11 du code de la sécurité sociale. Le dossier de la Caisse ne contient aucun document relatif à cette instruction, le dossier de Madame X... ne contenant qu'une notification de rente d'ayant-droit datée du 15 mars 2011 avec effet au 1er décembre 2010. La Cour ne peut que constater que la société Arkéma n'a reçu aucune notification ni d'une demande de prise en charge, ni d'une mesure d'instruction (obligatoire en cas de décès, selon l'article R441-11 du code de la sécurité sociale), ni de cette décision dont la date exacte reste inconnue. La Cour déclare inopposable à la société Arkéma la prise en charge du décès de Monsieur X... par la Caisse, avec toutes ses conséquences financières relatives à l'action récursoire de la Caisse, comme demandé par la société Arkéma, et infirme sur ce point le jugement déféré. 4) - Le principe du droit de Madame X... à la majoration de la rente du conjoint survivant comme conséquence de la faute inexcusable de l'employeur n'est pas remise en cause. Toutefois, dès lors que la décision de prise en charge du décès par la Caisse vient d'être déclarée inopposable à l'employeur, cette majoration est exclue dc l'action récursoire de la Caisse à son encontre. Sur ce point, le jugement est confirmé, de facto, mais par substitution de motifs. »
ALORS D'UNE PART QUE lorsque la maladie est due à la faute inexcusable de l'employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles L 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale ; que cette indemnisation (majoration de la rente et éventuelles indemnités) est payée par la CPAM qui en récupère le montant auprès de l'employeur; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que, pour ce qui concernait le cancer du poumon déclaré par Monsieur X... le 10 octobre 2007, la société ARKEMA avait reconnu sa faute inexcusable dans un procès verbal de conciliation signé le 14 novembre 2008 ; qu'elle a également relevé que « Le lien entre cette maladie et le décès survenu le 08 novembre 2010 n'a pas été contesté par la société Arkéma » et que « Le décès trouve sa cause dans la faute inexcusable de l'employeur de Monsieur X... » ; qu'aussi en retenant, pour dire inopposable à la société ARKEMA les conséquences de la décision de prise en charge du cancer du poumon déclaré le 10 octobre 2007 par Monsieur X... par la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence et décider que les compléments de rente et d'indemnité revenant à la victime n'étaient pas récupérables sur la société Arkéma par la CPAM, qu'un jugement rendu le 8 février 2006 avait dit inopposable à celle-ci la décision de la CPAM de prendre en charge non pas le cancer du poumon déclaré en 2007 mais une maladie différente, à savoir les plaques pleurales déclarées en 2003, la cour d'appel a déduit un motif inopérant et violé les articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale.
ALORS D'AUTRE PART QUE lorsqu'un assuré victime d'une maladie professionnelle régulièrement prise en charge à ce titre décède des suites de cette maladie, la caisse dont il relève n'a pas l'obligation, avant d'attribuer les prestations consécutives à ce décès (telle la rente de conjoint survivant) de procéder à une nouvelle instruction du dossier au contradictoire de l'employeur ; qu'en retenant le contraire pour dire inopposable à la société ARKEMA les prestations servies par la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence aux ayants droit de Monsieur X..., la cour d'appel a violé par fausse application les articles R.441-11 et suivants du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-18375
Date de la décision : 26/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 26 mai. 2016, pourvoi n°15-18375


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.18375
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