LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (CNITAAT, 4 décembre 2014), que la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle, l'accident de M. X..., mis à disposition de la société Endel par la société Adecco ; que celle-ci a contesté devant un tribunal du contentieux de l'incapacité le taux d'incapacité permanente partielle attribué à la victime ;
Attendu que les sociétés Adecco et Endel font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à l'inopposabilité de la décision de la caisse fixant le taux d'incapacité permanente partielle, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-614 du 3 juillet 2003, fait obligation à la caisse de transmettre au secrétariat du tribunal du contentieux de l'incapacité les documents médicaux concernant l'affaire dont celui-ci est saisi et d'en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu'il a désigné, cette obligation ne s'étendant pas, toutefois, au rapport du médecin-conseil ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité permanente partielle de la victime ; qu'il résulte de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que ni l'indépendance du service de contrôle médical vis-à-vis de la caisse, ni les réserves émises par celle-ci sur le respect du secret médical ne peuvent exonérer les parties à la procédure du respect des principes d'un procès équitable ; qu'en retenant, pour rejeter le recours de la société de travail temporaire et de l'entreprise utilisatrice, que les pièces médicales présentées par le salarié au médecin-conseil ne sont pas détenues par la caisse et qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'autorise le service du contrôle médical à les communiquer à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé les textes susvisés ;
2°/ que selon l'article R. 143-33 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-424 du 28 avril 2010, l'entier rapport médical comprend, d'une part, l'avis et les conclusions motivées données à la caisse primaire d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente à retenir, d'autre part, les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé ; que l'ensemble de ces documents doivent être communiqués selon les modalités fixées par l'article L. 143-10 du même code ; qu'en jugeant dès lors que la caisse de sécurité sociale avait respecté son obligation de communication, dès lors que la société de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice avaient pu prendre connaissance du rapport d'évaluation des séquelles et des certificats médicaux initial et final, cependant que la discussion médicale portait, en l'espèce, sur les séquelles d'un écrasement de la main droite et qu'il résultait de ses constatations que le compte rendu opératoire consécutif à l'accident du travail du 10 octobre 2008 et les comptes rendus de la rééducation fonctionnelle de la main faisant suite aux séances de kinésithérapie ayant servi à évaluer le taux d'incapacité permanente partielle n'avaient pas été transmis par le praticien-conseil du contrôle médical au médecin consultant qu'elles avaient désignées, la cour nationale a violé les textes susvisés ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article R. 143-33 du code de la sécurité sociale, l'entier rapport médical que doit transmettre le praticien conseil du service médical au médecin expert ou au médecin consultant désigné par le juge du contentieux technique, comprend, d'une part, l'avis et les conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente à retenir, d'autre part, les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé ;
Et attendu que l'arrêt relève qu'il n'est pas contesté que la société Endel et la société Adecco ont pu prendre connaissance du rapport d'évaluation des séquelles et des certificats médicaux initial et final et que les pièces médicales présentées par le salarié au médecin-conseil ne sont pas détenues par la caisse ;
Qu'en l'état de ces constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis par les parties, et faisant ressortir que l'entier rapport médical avait été transmis au médecin consultant, la Cour nationale a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Endel et Adecco aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés Endel et Adecco et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Adecco et Endel.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté les sociétés Endel et Adecco de leur demande tendant à l'inopposabilité de la décision fixant le taux d'IPP ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le droit de l'employeur à une procédure contradictoire ne revêt pas un caractère absolu dès lors qu'il doit être concilié avec le droit du salarié victime au respect du secret médical ; que si l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale impose à la caisse, dès le début de l'instance de transmettre une copie des documents médicaux à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci, cette obligation ne peut porter que sur les documents qu'elle détient en vertu d'une dérogation au secret médical prévue par la loi ; qu'il en va ainsi du certificat médical initial et du certificat de guérison ou de consolidation qui lui sont transmis par le médecin de l'assuré en vertu de l'article L. 441-6 du code de la sécurité sociale, des certificats de prolongation visés à l'article R. 441-7 et de l'avis du service du contrôle médical prévu à l'article R. 434-31 du même code ; qu'il y a lieu de rappeler que la caisse, toutefois, ne détient pas le rapport d'incapacité permanente établi, après examen de l'assuré, par le service du contrôle médical, non plus que les autres pièces médicales visées à l'article R. 442-2 présentées par le salarié-victime au service du contrôle médical ; que la communication du rapport d'incapacité permanente au médecin désigné par l'employeur est soumise à des règles spécifiques prévues à l'article L. 143-10 et R. 143-32 du code de la sécurité sociale, qui affranchissent le médecin conseil, dans cette hypothèse précise, de son obligation au secret médical ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Endel et la société Adecco ont pu prendre connaissance du rapport d'évaluation des séquelles et des certificats médicaux initial et final ; que la société Adecco soutient qu'elles n'ont pas eu connaissance du compte rendu opératoire suite à l'accident du travail du 10 octobre 2008 et des comptes rendus de la rééducation fonctionnelle de la main suite aux séances de kinésithérapie ; que les pièces médicales présentées par le salarié au médecin conseil ne sont pas détenues par la caisse et qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'autorise le service du contrôle médical à les communiquer à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci ; que dès lors, les sociétés Endel et Adecco ne sont pas fondées à reprocher à la caisse un manquement à son obligation de communication et qu'il y a lieu de les débouter de leurs demandes tendant à l'inopposabilité de la décision attributive de rente ; qu'en conséquence, en l'absence de demande de modification du taux d'incapacité, la Cour confirmera le jugement ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE les pièces médicales sont la propriété exclusive de l'assuré ; que ni la CPAM ni son service médical ne peuvent les conserver ; qu'elles sont de toutes façon couvertes par le secret médical et qu'en les transmettant le médecin-conseil aurait été au-delà de ce que lui autorise l'article L. 143-10 du code de la sécurité sociale et aurait violé ainsi l'article 226-13 du code pénal ; que le médecin expert a indiqué que l'intervention chirurgicale dont avait bénéficié l'assuré était mentionnée dans le rapport du médecin conseil de l'organisme social et qu'il s'agissant d'une aponévrectomie ; que le médecin expert a précisé qu'Ulysse X... ne présentait aucun état antérieur au niveau de la main droite et que l'examen clinique pratiqué par le médecin conseil de la sécurité sociale décrivait précisément les séquelles de l'accident du travail du 10 octobre 2008 et que celles-ci justifiaient un taux d'IPP de 13 % ;
1°) ALORS QUE l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2003-614 du 3 juillet 2003, fait obligation à la caisse de transmettre au secrétariat du tribunal du contentieux de l'incapacité les documents médicaux concernant l'affaire dont celui-ci est saisi et d'en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu'il a désigné, cette obligation ne s'étendant pas, toutefois, au rapport du médecin-conseil ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité permanente partielle de la victime ; qu'il résulte de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que ni l'indépendance du service de contrôle médical vis-à-vis de la caisse, ni les réserves émises par celle-ci sur le respect du secret médical ne peuvent exonérer les parties à la procédure du respect des principes d'un procès équitable ; qu'en retenant, pour rejeter le recours de la société de travail temporaire et de l'entreprise utilisatrice, que les pièces médicales présentées par le salarié au médecin-conseil ne sont pas détenues par la caisse et qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'autorise le service du contrôle médical à les communiquer à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé les textes susvisés ;
2°) ALORS QU'EN OUTRE selon l'article R. 143-33 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2010-424 du 28 avril 2010, l'entier rapport médical comprend, d'une part, l'avis et les conclusions motivées données à la caisse primaire d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente à retenir, d'autre part, les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé ; que l'ensemble de ces documents doivent être communiqués selon les modalités fixées par l'article L. 143-10 du même code ; qu'en jugeant dès lors que la caisse de sécurité sociale avait respecté son obligation de communication, dès lors que la société de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice avaient pu prendre connaissance du rapport d'évaluation des séquelles et des certificats médicaux initial et final, cependant que la discussion médicale portait, en l'espèce, sur les séquelles d'un écrasement de la main droite et qu'il résultait de ses constatations que le compte rendu opératoire consécutif à l'accident du travail du 10 octobre 2008 et les comptes rendus de la rééducation fonctionnelle de la main faisant suite aux séances de kinésithérapie ayant servi à évaluer le taux d'incapacité permanente partielle n'avaient pas été transmis par le praticien-conseil du contrôle médical au médecin consultant qu'elles avaient désignées, la cour nationale a violé les textes susvisés ;