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24/05/2016 | FRANCE | N°14-25210

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 mai 2016, 14-25210


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, que M. X... et la société Les Courtilles, exploitants de débits de tabac, ainsi que la Confédération nationale des buralistes de France (la CNBF), union de syndicats professionnels représentant la profession des débitants de tabac, reprochant à la société Clop et co de promouvoir et vendre des cigarettes électroniques (e-cigarettes) et des produits (e-liquides) contenant des ingrédients du tabac ou qui rappellent les produits du tabac, e

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, que M. X... et la société Les Courtilles, exploitants de débits de tabac, ainsi que la Confédération nationale des buralistes de France (la CNBF), union de syndicats professionnels représentant la profession des débitants de tabac, reprochant à la société Clop et co de promouvoir et vendre des cigarettes électroniques (e-cigarettes) et des produits (e-liquides) contenant des ingrédients du tabac ou qui rappellent les produits du tabac, en s'affranchissant de la législation applicable aux débitants de tabac relative aux produits du tabac et assimilés, et de leur causer ainsi un trouble de concurrence déloyale, l'ont assignée en cessation de la promotion et de la commercialisation de la cigarette électronique et des e-liquides dans deux de ses boutiques proches de leurs débits de tabac respectifs, sur son site internet et la page facebook associée, et en paiement d'une provision à valoir sur leurs dommages-intérêts ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X..., la société Les Courtilles et la CNBF font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'interdiction de commercialisation par la société Clop et co des cigarettes électroniques et des e-produits dans les boutiques " clopinettes " exploitées à Caen et Paris 11e alors, selon le moyen :

1°/ que constitue un trouble manifestement illicite la vente par un commerçant de cigarettes électroniques et des liquides qui sont destinés à leur usage lorsqu'ils sont présentés comme supprimant l'envie de fumer ou réduisant l'accoutumance au tabac, sans avoir fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché ; qu'en l'espèce, en excluant l'existence d'un trouble manifestement illicite au regard de l'absence de certitude concernant la seule qualification de produit du tabac des articles en cause, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Clop et co ne commercialisait pas des cigarettes électroniques et les liquides destinés à leur usage en les présentant comme supprimant l'envie de fumer ou réduisant l'accoutumance au tabac et si ces produits avaient fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 5111-1, alinéa 1er, L. 5121-2 et L. 5121-8 du code de la santé publique ;

2°/ que constitue un trouble manifestement illicite la vente par un commerçant autre qu'un débitant de tabac de produits destinés à être fumés, même s'ils ne sont que partiellement constitués de tabac, ou de produits à fumer, même s'ils ne contiennent pas de tabac ; que l'acte de fumer n'implique pas la combustion, dès lors qu'il recouvre tous les produits dégageant un fluide gazeux chaud que l'on peut inhaler ; que l'arrêt attaqué a relevé que la société Clop et co ne contestait pas que la cigarette électronique qu'elle distribuait contenait de la nicotine, principe actif du tabac ; qu'en affirmant néanmoins, par motif propre, que la qualification de « produits du tabac » appliquée à la cigarette électronique n'était pas établie avec évidence et, par motif adopté, qu'en l'absence de combustion, la cigarette électronique ne pouvait être un produit fumé, cependant que l'acte de fumer n'implique pas la combustion et qu'il n'était pas contesté que les produits en cause contenaient du tabac, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, les articles 564 decies et 565, 2° du code général des impôts, ensemble l'article L. 3511-1 du code de la santé publique ;

3°/ qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'Union européenne avait laissé aux Etats membres le soin de légiférer sur la qualification de la cigarette électronique en produits du tabac ou dérivés ; que pour affirmer qu'un trouble manifestement illicite n'était pas établi, l'arrêt a relevé la contradiction entre le droit de l'Union européenne et un rapport de l'Office français contre le tabagisme de mai 2013 d'après lequel « aucun pays européen ne classe les cigarettes électroniques comme produit du tabac et ne pourrait le faire car la définition européenne commune précise que ces produits doivent contenir du tabac ce qui n'est pas le cas » ; qu'en statuant ainsi, quand le droit de l'Union européenne prévalait nécessairement sur la mention erronée dudit rapport, si bien qu'il n'existait pas de contradiction empêchant de constater l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;

Mais attendu que l'arrêt relève que, selon la direction générale des douanes et des droits indirects, la cigarette électronique ne constitue pas un produit du tabac au sens fiscal et répond à la qualification de médicament, que selon un rapport de mai 2013 de l'Office français contre le tabagisme, aucun pays européen ne classe les e-cigarettes comme produits du tabac, que n'étant ni un produit du tabac, ni un médicament, elle est un produit de consommation courante, et que selon la directive 2014/ 40/ CE, il revient aux Etats de qualifier la cigarette électronique ; que la cour d'appel, qui en a déduit l'existence d'un doute sur la qualification de cigarette électronique et, partant, sur le régime de sa commercialisation, et qui n'avait pas à effectuer la recherche invoquée par la première branche, que ses constatations rendaient inopérantes, a pu décider que le trouble allégué n'était pas manifestement illicite ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 470-7 du code de commerce, 31 du code de procédure civile, 3512-1 du code de la santé publique, L. 2132-3 et L. 2133-3 du code du travail ;

Attendu que les syndicats professionnels sont habilités à exercer les droits réservés à la partie civile relativement aux faits ayant causé un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ;

Attendu que pour déclarer irrecevable, faute de qualité à agir, l'action engagée par la CNBF aux fins d'interdiction de la promotion de la cigarette électronique, l'arrêt relève qu'il s'infère des dispositions spéciales en matière de publicité pour les produits du tabac ou dérivés du tabac que la loi, au regard de l'objectif d'intérêt général que représente la lutte contre le tabagisme, a désigné, pour exercer les droits de la partie civile en cas d'infractions à ces dispositions, des associations dont l'objet statutaire comporte la lutte contre le tabagisme, auxquelles par conséquent l'action est réservée ; qu'il en déduit que la CNBF n'est pas fondée, fût-ce dans le cadre d'une action en concurrence déloyale en vue de protéger l'intérêt particulier des buralistes, à se prévaloir de la violation de dispositions que seules les associations désignées comme agissant dans un intérêt de santé publique sont recevables à poursuivre ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le droit à agir reconnu par la loi aux associations investies de la mission d'intérêt général de lutte contre le tabagisme n'exclut pas celui des syndicats professionnels agissant pour la défense de l'intérêt collectif de leurs membres, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 31 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de M. X... et de la société Les Courtilles tendant à ce qu'il soit fait interdiction à la société Clop et co de toute activité de publicité, l'arrêt retient qu'ils n'ont pas précisé le préjudice personnel et direct qu'ils ont subi du fait de la publicité illicite imputée à la société Clop et co ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables M. X..., la société Les Courtilles et la Confédération nationale des buralistes de France en leur demande tendant à voir interdire à la société Clop et Co toute activité de publicité de la cigarette électronique et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la Confédération nationale des buralistes de France, M. X... et la société LCH ayant comme nom commercial Les Courtilles

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la CONFÉDÉRATION NATIONALE DES BURALISTES DE FRANCE en sa demande tendant à voir interdire à la société CLOP et CO toute activité de publicité de la cigarette électronique et, en conséquence, de l'AVOIR condamnée, avec Monsieur X... et la SNC LES COURTILLES, à verser à la société CLOP et CO une indemnité de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la cour retient : qu'aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé ; Que l'intérêt à agir, qui s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice, n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action ; Considérant qu'en l'espèce, l'action des appelants tend à voir ordonner la cessation de toute promotion d'une part, de toute commercialisation d'autre part, des cigarettes électroniques et " e-liquides " dans les boutiques de Caen et de Paris 11ème exploitées par la société Clop et Co, ainsi que sur le site internet et la page " Facebook " associée de cette société ; que les buralistes et leur syndicat professionnel arguent de leur intérêt à faire cesser ces agissements qu'ils qualifient de concurrence déloyale, et constituant un trouble manifestement illicite ; Considérant, en ce qui concerne l'activité de promotion : Que les agissements illicites reprochés à la société Clop et Co consistent en la violation des dispositions de l'article L. 3511-3 du code de la Santé Publique aux termes desquelles " la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac ou des ingrédients définis au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1 ainsi que toute distribution gratuite ou vente d'un produit du tabac à un prix inférieur à celui mentionné à l'article 572 du code Général des Impôts sont interdites " ; Considérant que ces dispositions sont insérées dans le code de la Santé Publique et qu'elles obéissent d'évidence à un objectif de santé publique, qui consiste dans la lutte contre le tabagisme ; Que l'article L. 3512-1 du code de la Santé Publique précise que " les associations dont l'objet statutaire comporte la lutte contre le tabagisme, régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions aux dispositions du présent titre. Peuvent exercer les mêmes droits les associations de consommateurs mentionnés à l'article L. 421-1 du code de la consommation ainsi que les associations familiales mentionnées aux articles L. 211-1 et L. 211-2 du code de l'action sociale et des familles pour les infractions aux dispositions de l'article L. 3512-2 " ; Considérant que la CNBF, union de syndicats professionnels réunissant des débitants de tabac, a, pour but aux termes de l'article II de ses statuts, de défendre les intérêts matériels et moraux de ses adhérents ; Que si, en application de l'article L. 2132-3 et L. 2133-3 du code du travail, en sa qualité de syndicat professionnel, elle a le droit d'agir en justice " pour exercer devant toutes les juridictions les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession " qu'elle représente, il s'infère des dispositions spéciales en matière de publicité pour les produits du tabac ou dérivés du tabac que la loi, au regard de l'objectif d'intérêt général que représente la lutte contre le tabagisme, a désigné pour exercer les droits de la partie civile en cas d'infractions aux dispositions du livre V du code de la Santé Publique des associations dont l'objet statutaire comporte la lutte contre le tabagisme, auxquelles par conséquent l'action est réservée ; Qu'il suit de là que la CNBF n'est pas fondée à se prévaloir, fût-ce dans le cadre d'une action en concurrence déloyale en vue de protéger l'intérêt particulier des buralistes, de la violation de dispositions que seules les associations désignées comme agissant dans un intérêt de santé publique sont recevables à poursuivre ; Que par conséquent que le premier juge l'a exactement déclarée irrecevable à solliciter l'interdiction de la promotion de la cigarette électronique en raison de son interdiction, à défaut de qualité pour le faire ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'« aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé ; Que selon l'article L. 3511-3 du code de la santé publique la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac ou des ingrédients définis au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1 est interdite ; qu'aux termes de l'article L. 3511-4, est considérée comme propagande ou publicité indirecte, la propagande, ou la publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre que le tabac, un produit du tabac ou un ingrédient défini au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1, lorsque, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une marque, d'un emblème publicitaire ou d'un autre signe distinctif, elle rappelle le tabac ou un produit du tabac ; Qu'il résulte ainsi de ces dispositions que sont prohibées toutes formes de communication commerciale, quel qu'en soit le support, et toute diffusion d'objets ayant pour but ou pour effet de promouvoir le tabac ou un produit du tabac ; Que ces textes ont pour objet exclusif la protection de l'intérêt général ; qu'ils figurent en effet dans le titre du code de la santé publique qui est consacré à la lutte contre le tabagisme, et ont pour but la protection de la santé publique ; que c'est pourquoi l'article L. 3512-1 du code de la santé publique réserve aux associations dont l'objet social inclut la lutte contre le tabagisme faculté d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions aux dispositions précitées ; qu'il ne revient à l'évidence pas à la CNBF, syndicat professionnel en charge de la défense des intérêts matériels et moraux des débitants de tabac français, de lutter contre la consommation du tabac, et aucune disposition de loi ne l'habilite à faire respecter l'interdiction de publicité indirecte en faveur du tabac ; qu'il s'ensuit qu'elle est irrecevable en cette action » ;

ALORS QU'un syndicat professionnel qui représente les débitants de tabac a qualité pour introduire devant la juridiction civile des référés une action tendant à voir cesser des agissements de concurrence déloyale consistant, pour des commerçants étrangers à la profession, à se livrer à une publicité en faveur des produits du tabac qui est interdite aux débitants de tabac ; qu'en affirmant que la CONFÉDÉRATION NATIONALE DES BURALISTES DE FRANCE, bien qu'ayant la qualité de syndicat professionnel des débitants de tabac, n'avait pas qualité pour solliciter, fût-ce dans le cadre d'une action en concurrence déloyale en vue de protéger l'intérêt des buralistes, l'interdiction de la promotion de la cigarette électronique par une société commerciale étrangère à la profession, aux prétextes erronés que l'article L. 3512-1 du code de la santé publique aurait réservé à certaines catégories d'associations la faculté d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions tendant à lutter contre le tabagisme et qu'aucune disposition légale n'aurait habilité ledit syndicat à agir, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 3512-1 du code de la santé publique, et par refus d'application, les articles 31 et 809 du code de procédure civile, L. 2132-3 et L. 2133-3 du code du travail, ensemble les articles 1382 du code civil et L. 470-7 du code du commerce.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable Monsieur X... et la société LES COURTILLES en leur demande tendant à voir interdire à la société CLOP et CO toute activité de publicité de la cigarette électronique et, en conséquence, de les AVOIR condamnés, avec la CONFÉDÉRATION NATIONALE DES BURALISTES DE FRANCE, à verser à la société CLOP et CO une indemnité de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l'intérêt à agir de M. X... et de la SNC Les Courtilles, que ceux-ci se bornant à invoquer une concurrence déloyale ne précisent pas le préjudice personnel et direct qu'il subirait du fait de la publicité illégitime imputée à la société Clop et Co pour la cigarette électronique, publicité nécessairement indirecte en faveur du tabac à la supposer établie, de telle sorte qu'ils n'ont pas caractérisé, en première instance comme à hauteur de cour, leur intérêt à agir » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « M. X... et la société " Les Courtilles " ne caractérisent, ni n'invoquent même, l'existence d'un dommage direct, propre à chacun d'eux, qui résulterait de l'activité de promotion indirecte en faveur du tabac dont ils font grief à la société Clop et Co ; que, n'allég u ant ainsi aucun préjudice direct et personnel de nature à appuyer leur action, ils sont de la même manière irrecevables » ;

1. ALORS QU'un préjudice s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale, générateur d'un trouble commercial ; qu'en écartant l'intérêt à agir de Monsieur X... et de la société LES COURTILLES, au prétexte qu'ils ne précisaient pas le préjudice personnel et direct ni n'invoquaient même le dommage propre à chacun d'eux qu'ils subiraient du fait de la publicité illégitime imputée à l'intimée pour la cigarette électronique, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société CLOP et CO n'avait pas, en faisant de la publicité pour des cigarettes électroniques et des e-liquides, méconnu une réglementation impérative, entraînant ainsi une distorsion de concurrence entre des opérations économiques évoluant sur un même marché, en sorte qu'un préjudice s'en inférait nécessairement pour ses concurrents, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 et 1382 du code civil, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; qu'en l'espèce, en déduisant au contraire le défaut d'intérêt à agir de Monsieur X... et de la société LES COURTILLES de la circonstance qu'ils ne précisaient pas le préjudice personnel et direct ni n'invoquaient le dommage propre à chacun d'eux qu'ils auraient subis du fait des agissements de l'intimée, conditions propres à l'appréciation du bien-fondé de leur action et non de sa recevabilité, la Cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Monsieur X..., de la société LES COURTILLES et de la CONFÉDÉRATION NATIONALE DES BURALISTES DE FRANCE en ce qu'elle tendait à voir interdire à la société CLOP et CO de commercialiser la cigarette électronique et les e-produits dans ses boutiques « Clopinette » exploitées à Caen et à Paris 11ème et, en conséquence, de les AVOIR condamnés à verser à la société CLOP et CO une indemnité de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la Cour relève : qu'aux termes de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; Que le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit ; qu'il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines ; Considérant l'article 565 du code général des impôts réserve à l'Etat la vente au détail des tabac manufacturés, qui délègue cette activité aux débits de tabac auxquels sont imposés un contrat de gérance, qui contraint les buralistes à se conformer aux directives de l'administration dans la vente des produits du monopole ; Que l'article 564 du même code dispose que " sont assimilés aux tabacs manufacturés : 1°) les produits destinés à être fumés, prisés ou mâchés, même s'ils ne sont que partiellement constitués de tabac ; 2°) les cigarettes et produits à fumer, même s'ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux " ; Considérant que la CNBF, M. X... et la SNC Les Courtilles estiment que la cigarette électronique et l'e-liquide relève nt du monopole de l'Etat en ce qu'il s'agit d'un produit destiné à être fumé, avec ou sans tabac, et plus particulièrement en ce qui concerne les cigarettes électroniques contenant de la nicotine, scientifiquement et incontestablement produits du tabac ; Que la société Clop et Co, qui critique leurs allégations, ne conteste pas que la cigarette électronique qu'elle distribue contient de la nicotine, mais dans une proportion réduite, ce dont elle tire un argument pour l'exclure des produits relevant du monopole de l'Etat ; Considérant qu'au vu des pièces du dossier, le 30 mai 2011, l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé recommandait de ne pas consommer de cigarette électronique en relevant un risque de dépendance ; Que la même année la Direction générale des Douanes et des Droits indirects écrivait à la confédération des Buralistes que " la cigarette électronique ne constitue pas un produit du tabac au sens fiscal " ; qu'elle ajoutait que " dès lors que le sevrage tabagique ou toute notion équivalente est revendiquée, que la cartouche contienne ou non de la nicotine, ce produit répond à la qualification de médicament " ; Que l'Office Français contre le tabagisme dans un rapport de mai 2013 décrit " l'e-cigarette " comme un produit fonctionnant à l'électricité sans combustion, destiné à simuler l'acte de fumer du tabac, qui produit " un brouillard de fines particules, appelé communément vapeur ou fumée artificielle.. l'aérosol contient selon les données disponibles beaucoup moins de substances délétères à la santé que la fumée du tabac... aucun pays européen ne classe les e-cigarettes comme produit du tabac et ne pourrait le faire car la définition européenne commune précise que ces produits doivent contenir du tabac ce qui n'est pas le cas " ; Qu'il note que " si l'e-cigarette était considérée comme un produit du tabac, ce qu'elle n'est pas, c'est la réglementation des produits du tabac qui devrait s'appliquer "... " si l'e-cigarette passait les étapes d'analyse et d'études nécessaires pour devenir un médicament, ce qu'elle n'est pas aujourd'hui " ; qu'il conclut en écrivant " l'e-cigarette est, par défaut en début 2013 un produit de consommation courante " ; Qu'il apparaît que dans sa Directive n° 2014/ 40/ CE, l'Union Européenne elle-même n'a pas classé les cigarettes électroniques automatiquement en produits du tabac ou dérivés ; qu'elle laisse aux Etats le soin de légiférer ; Qu'au vu de ces éléments contradictoires, la qualification de " produits du tabac " qu'il est demandée à la juridiction des référés de retenir pour la cigarette électronique, et qui détermine la solution du litige, n'est pas établie avec l'évidence requise en référé ; qu'elle requiert une analyse du produit et de ses caractéristiques et une appréciation qui ne relèvent pas du juge des référés juge de l'évidence ; Que dès lors le trouble allégué, fondé sur la concurrence déloyale que constituerait la commercialisation faite hors de la réglementation imposée aux produits du tabac de la cigarette électronique, n'est pas manifeste, que le premier juge a exactement débouté les appelants de leurs demandes » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « sur " le fond " du référé, que les demandeurs dénient à la société Clop et Co le droit de vendre des cigarettes électroniques et des e-liquides, soutiennent que la commercialisation de ces produits relèvent du monopole d'Etat de sorte qu'ils ne peuvent être vendus que par les débitants de tabac, préposés désignés à cet effet, que la commercialisation par la société Clop et Co est constitutive d'un trouble manifestement illicite en ce qu'elle viole les dispositions de l'article 564 decies du code général des impôts et de l'article L. 3511-1 du code de la santé publique ; Attendu que l'article 564 decies du code général des impôts dispose, pour l'application du monopole, que " sont assimilés aux tabacs manufacturés : 1° les produits destinés à être fumés, prisés ou mâchés, même s'ils ne sont que partiellement constitués de tabac ; 2° les cigarettes et produits à fumer, même s'ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux " ; Que l'article L. 3511-1 du code de la santé publique dispose que " sont considérés comme produits du tabac les produits destinés à être fumés, prisés, mâchés ou sucés, dès lors qu'ils sont, même partiellement, constitués de tabac, ainsi que les produits destinés à être fumés même s'ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux, au sens du troisième alinéa (2°) de l'article 564 decies du code général des impôts " ; Attendu que les requérants agissent en référé ; qu'ils ont dès lors la charge de la preuve que la cigarette électronique relève indiscutablement des prescriptions de ces textes ; Attendu, cependant, que, des termes du rapport publié le 7 juin 2013 de l'Office français de prévention du tabagisme, il résulte que si la composition des émissions d'une cigarette électronique apparaît répondre mieux à la définition d'une fumée que d'une vapeur, la cigarette électronique ne peut, en l'absence de combustion, être un produit fumé ; Attendu qu'il s'ensuit que la preuve n'est pas faite que les textes ci-avant cités sont indiscutablement applicables à la cigarette électronique ; Attendu, dès lors, que, pour être recevable, la demande de M. X..., de la société " Les Courtilles " et de la CNBF sera rejetée ; Attendu que M. X..., la société " Les Courtilles " et la Confédération nationale des buralistes de France qui succombent, devront indemniser la société Clop et Co de ses frais irrépétibles dans la limite d'une somme de 2 000 euros » ;

1. ALORS QUE constitue un trouble manifestement illicite la vente par un commerçant de cigarettes électroniques et des liquides qui sont destinés à leur usage lorsqu'ils sont présentés comme supprimant l'envie de fumer ou réduisant l'accoutumance au tabac, sans avoir fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché ; qu'en l'espèce, en excluant l'existence d'un trouble manifestement illicite au regard de l'absence de certitude concernant la seule qualification de produit du tabac des articles en cause, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société CLOP et CO ne commercialisait pas des cigarettes électroniques et les liquides destinés à leur usage en les présentant comme supprimant l'envie de fumer ou réduisant l'accoutumance au tabac et si ces produits avaient fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 5111-1, alinéa 1er, L. 5121-2 et L. 5121-8 du code de la santé publique ;

2. ALORS QUE constitue un trouble manifestement illicite la vente par un commerçant autre qu'un débitant de tabac de produits destinés à être fumés, même s'ils ne sont que partiellement constitués de tabac, ou de produits à fumer, même s'ils ne contiennent pas de tabac ; que l'acte de fumer n'implique pas la combustion, dès lors qu'il recouvre tous les produits dégageant un fluide gazeux chaud que l'on peut inhaler ; que l'arrêt attaqué a relevé que la société CLOP et CO ne contestait pas que la cigarette électronique qu'elle distribuait contenait de la nicotine, principe actif du tabac ; qu'en affirmant néanmoins, par motif propre, que la qualification de « produits du tabac » appliquée à la cigarette électronique n'était pas établie avec évidence et, par motif adopté, qu'en l'absence de combustion, la cigarette électronique ne pouvait être un produit fumé, cependant que l'acte de fumer n'implique pas la combustion et qu'il n'était pas contesté que les produits en cause contenaient du tabac, la Cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, les articles 564 decies et 565, 2° du code général des impôts, ensemble l'article L. 3511-1 du code de la santé publique ;

3. ALORS QU'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'Union européenne avait laissé aux États membres le soin de légiférer sur la qualification de la cigarette électronique en produits du tabac ou dérivés ; que pour affirmer qu'un trouble manifestement illicite n'était pas établi, l'arrêt a relevé la contradiction entre le droit de l'Union européenne et un rapport de l'Office français contre le tabagisme de mai 2013 d'après lequel « aucun pays européen ne classe les cigarettes électroniques comme produit du tabac et ne pourrait le faire car la définition européenne commune précise que ces produits doivent contenir du tabac ce qui n'est pas le cas » ; qu'en statuant ainsi, quand le droit de l'Union européenne prévalait nécessairement sur la mention erronée dudit rapport, si bien qu'il n'existait pas de contradiction empêchant de constater l'existence d'un trouble manifestement illicite, la Cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-25210
Date de la décision : 24/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 mai. 2016, pourvoi n°14-25210


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.25210
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