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19/05/2016 | FRANCE | N°14-27225

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mai 2016, 14-27225


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 23 juin 2003 par la société Solotra en qualité de chauffeur routier, M. X... a été licencié pour faute grave par lettre du 28 juin 2010 ;
Attendu que, pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les parties s'accordent pour indiquer que l'accident a trouvé son origine dans un mauvais arrimage des colis, qu'il n'est pas établi par

l'employeur que le dommage provenait d'une erreur commise par le donneur d'ordr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 23 juin 2003 par la société Solotra en qualité de chauffeur routier, M. X... a été licencié pour faute grave par lettre du 28 juin 2010 ;
Attendu que, pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les parties s'accordent pour indiquer que l'accident a trouvé son origine dans un mauvais arrimage des colis, qu'il n'est pas établi par l'employeur que le dommage provenait d'une erreur commise par le donneur d'ordre dans le chargement, le calage et l'arrimage des palettes, ni que cette erreur était apparente lors du chargement, permettant au salarié soit de demander que celui-ci soit refait, soit d'en refuser la prise en charge et que la société ne démontre pas avoir recommandé l'usage de sangles pour ce transport, de sorte qu'aucune faute du salarié n'est suffisamment caractérisée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur contestait l'existence d'un défaut d'arrimage des colis imputable au donneur d'ordre et invoquait uniquement une faute de conduite du salarié et l'absence de vérification de sa part de l'état du chargement avant de prendre la route en violation des obligations lui incombant en application de l'article 7 du décret du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports routiers de marchandises, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef des dispositions de l'arrêt relatif à la condamnation de l'employeur à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement abusif et à rembourser à Pôle emploi les sommes versées au salarié dans la limite de quatre mois ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Solotra à payer à M. X... une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement au droit individuel à la formation, l'arrêt rendu le 30 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société Solotra
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit le licenciement pour faute grave de Monsieur Didier X... abusif ;
AUX MOTIFS QUE sur la cause du licenciement, la lettre de licenciement pour faute grave du 28 juin 2010 qui délimite les termes du litige comporte le grief suivant : « En date du 08/06/2010 alors que vous circuliez sur (41) Saint-Amand Longpre après avoir chargé au départ de (16) Nerac à destination de la société Demeyre (59) Perenchies, vous vous êtes engagés sur un rond-point et avez perdu le contrôle de votre véhicule lequel s'est couché sur la chaussée occasionnant d'importants dégâts tant à la marchandise qu'au véhicule (tracteur immobilisé 3 mois pour réparations ; semi-remorque irréparable et marchandise refusée par le client), occasionnant un coût important pour la société. Votre responsabilité étant entièrement engagée, nous sommes amenés à prononcer votre licenciement pour faute grave exclusive de toute indemnité(…) » ; qu'il est constant que le 8 juin 2010 au matin, Monsieur X..., conducteur routier groupe 7, s'est rendu à Nersac (16) pour le transport d'un lot de 23 tonnes de meubles en kit, soit 873 colis répartis sur 42 palettes ; que, si la convention collective prévoit que le conducteur du groupe 7 assure l'arrimage et la préservation des marchandises transportées, il résulte de l'annexe 7 du décret du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat spécifique que, pour les envois supérieurs à trous tonnes, le chargement, le calage et l'arrimage de la marchandise sont exécutés par le donneur d'ordre, le transporteur fournissant toutes indications utiles en vue d'une répartition équilibrée de la marchandise pour en assurer la stabilité et vérifiant que le calage, le chargement ou l'arrimage ne compromettent pas la sécurité de la circulation ; que sur demande de la société Solotra, une expertise a été confiée à Monsieur Y... qui a déposé son rapport le 20 juillet 2010 ; que si le salarié n'a pas été présent lors des opérations d'expertise, il a néanmoins été en mesure d'en contester le contenu ; que l'expert confirme que le sinistre a été consécutif à un accident de la route avec basculement de l'ensemble routier dans un rond-point, sans tiers ayant provoqué l'accident ; que l'expert relève l'absence de PV des services de police, et l'absence de copie du disque chrono-tachygraphe ; que les parties s'accordent pour indiquer que l'accident a trouvé son origine dans un mauvais arrimage des colis, que le salarié, dès sa lettre de contestation de son licenciement du 26 juillet 2010, a exposé que le basculement avait pour origine la présence d'une ou de plusieurs plaques stratifiées posées entre deux palettes, cette présence n'étant pas visible en raison du film opaque entourant les palettes ; que si cette thèse n'a pas été validée, il convient de relever que l'employeur ne prouve aucunement que le dommage provient d'une erreur commise par le donneur d'ordre dans le chargement qui aurait permis au transporteur soit de demander que le chargement soit refait soit d'en refuser la prise en charge selon les modalités prévues à l'article 7 du décret du 6 avril 1999 précité ; que le grief relatif à l'absence de sangles n'est pas plus étayé puisque l'employeur ne verse pas la lettre de voiture préconisant une telle sécurité, la présence des sangles étant uniquement mentionnée dans le document dit de confirmation de transport n°30913828 ; que la faute de Monsieur X... n'est dès lors pas suffisamment caractérisée, le doute devant en toute hypothèse lui profiter en application de l'article L1333-1 du Code du travail ; que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a dit le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE Monsieur Didier X... a été engagé par la société Solotra en contrat à durée indéterminée à compter du 23 juin 2003, en qualité de conducteur routier ; que la qualification de Monsieur Didier X... était groupe 6, coefficient 138 pour une rémunération de 1266,41 euros brut par mois pour un horaire hebdomadaire de 39 heures ; que la convention collective applicable est celle des transports routiers annexe 1 ; qu'à compter de 2007, Monsieur Didier X... a été promu au coefficient 150 groupe 7 de la convention collective applicable ; que Monsieur Didier X... n'a jamais fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire de quelque nature que ce soit pendant toute la relation de travail ; que le 8 juin 2010, Monsieur Didier X... a été affecté sur un nouveau transport auprès d'une société d'ameublement ; que par courrier du 28 juin 2010, la société Solotra notifiait à Monsieur Didier X... son licenciement pour faute grave ; que le chargement s'effectue au départ de Nersac, département de la Charente à destination de la société Demeyre sur Pérenchies dans le Nord (59) ; qu'il n'est pas contesté que c'est le personnel de quai de l'affréteur qui s'est chargé du chargement de la remorque ainsi que de son arrimage ; que Monsieur Didier X... remplit les documents ; il prend la route ; que peu de temps après Monsieur Didier X... emprunte un rond-point, il est victime d'un accident de la circulation, son ensemble routier s'est renversé ; qu'après expertise, il s'avère que l'origine du sinistre résulte du conditionnement des marchandises transportées ; que la société Solotra rend Monsieur Didier X... responsable de cet accident, que celui-ci contestera les faits par courrier du 26 juillet 2010 ; que Monsieur Didier X... dans son courrier indique que des plaques stratifiées ont été disposées entre deux palettes filmées de haut en bas et que celles-ci n'étaient pas visibles ; que selon la convention collective applicable, Monsieur Didier X... avait les fonctions de conducteur routier, groupe 7 ; qu'il sera reproché le mauvais arrimage de la marchandise par Monsieur Didier X... ; qu'à l'article 7 de l'annexe du décret du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable au transport routier de marchandises, cette disposition indique « les opérations de chargement, de calage, d'arrimage d'une part, de déchargement d'autre part, incombe spécifiquement au donneur d'ordre ou au destinataire sauf pour les envois inférieurs à 3 tonnes » ; que la lecture de cet article indique que les opérations de chargement et d'arrimage des marchandises transportées dans la semi-remorque incombent exclusivement à l'expéditeur et non au chauffeur routier, il ne peut être tenu responsable de l'arrimage de ces marchandises ; que l'article 7-2 indique « pour les envois égaux ou supérieurs à 3 tonnes, le chargement, le calage et l'arrimage de la marchandise sont exécutés par le donneur d'ordre ou par son représentant sous sa responsabilité » ; que Monsieur Didier X... en tant que chauffeur ne peut être tenu responsable de l'arrimage ; que toujours dans l'article 7, il est indiqué que « le transporteur est exonéré de la responsabilité résultant de la perte ou de l'avarie de la marchandise pendant le transport s'il est établi que le dommage provient d'une défectuosité non apparente du chargement, du calage, de l'arrimage » ; que Monsieur Didier X... conteste sa responsabilité dans un courrier du 26 juillet 2010, puisqu'il indique que la présence de plaque stratifiée était glissée entre deux palettes de marchandises, filmées de haut en bas, ce qui a provoqué le basculement du chargement ; que c'est seulement en transperçant le film, qu'il a constaté la présence de cette plaque stratifiée ; que la présence de cette plaque stratifiée n'est pas contestée par la société Solotra ; que dès lors, le conseil estime que la responsabilité ne peut être engagée contre Monsieur Didier X..., que l'arrimage ne relevait pas de sa mission ; que Monsieur Didier X... a été licencié par courrier le 28 juin 2010 pour faute grave, que celui-ci était en arrêt accident du travail depuis le 8 juin 2010 ; que la société Solotra estime qu'il n'est pas démontré que l'accident résulterait d'un mauvais conditionnement des marchandises transportées, mais n'en apporte pas la preuve ; qu'en application des dispositions de l'article 1331-1 in fine du Code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'en l'espèce, des éléments et des preuves apportées par les deux parties, le conseil des prud'hommes dit que le licenciement de Monsieur Didier X... est dépourvu de causes réelles et sérieuses ;
ALORS QUE, D'UNE PART, dans ses écritures d'appel reprises oralement, la société Solotra soutenait à titre principal que « le versement de l'ensemble routier est dû manifestement à un défaut de maîtrise, Monsieur X... ayant abordé ce énième sens giratoire trop rapidement » (concl. d'appel page 5 pénultième paragraphe) et contestait la thèse du salarié selon laquelle l'origine du sinistre résultait du conditionnement des marchandises (concl. d'appel page 5 en part. § 5) ; qu'en retenant que les parties s'accordaient pour indiquer que l'accident avait trouvé son origine dans un mauvais arrimage des colis, la cour méconnait les termes du litige, violant ainsi les articles 4 et 5 du Code de procédure civile, ensemble le principe dispositif ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, en tout état de cause, et en supposant les motifs des premiers juges adoptés, qu'il résulte de la combinaison de l'annexe I ouvriers, nomenclature et définition des emplois résultant de l'accord du 16 juin 1961 à la convention collective nationale des transports routiers du 21 décembre 1950 et de l'article 7 de l'annexe du décret du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports routiers de marchandises que pour les envois égaux ou supérieurs à trois tonnes, le conducteur hautement qualifié de véhicules poids lourds a l'obligation de vérifier la qualité de l'arrimage de la marchandise effectué par le donneur d'ordre ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement de Monsieur X... abusif, la Cour retient en substance que le salarié n'était tenu d'aucune obligation s'agissant de l'arrimage de la marchandise transportée, celui-ci étant exécuté par le donneur d'ordre ; qu'en statuant ainsi, la Cour viole les textes précités ;
ET ALORS ENFIN QUE, et subsidiairement, il résulte de la combinaison de l'annexe I ouvriers, nomenclature et définition des emplois résultant de l'accord du 16 juin 1961 à la convention collective nationale des transports routiers du 21 décembre 1950 et de l'article 7 de l'annexe du décret du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports routiers de marchandises que pour les envois égaux ou supérieurs à trois tonnes, le conducteur hautement qualifié de véhicules poids lourds a l'obligation de vérifier la qualité de l'arrimage de la marchandise effectué par le donneur d'ordre ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'un doute devant profiter au salarié et juger, en conséquence, le licenciement de Monsieur X... abusif, la Cour retient, en substance, que l'employeur n'établit ni l'erreur commise par le donneur d'ordre dans l'arrimage des palettes contenant les colis, ni que cette erreur était apparente pour permettre à Monsieur X... soit de demander que le chargement soit refait soit de refuser la prise en charge ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions d'appel de la société Solotra (page 5) si Monsieur X... ne reconnaissait pas lui-même dans ses écritures ne pas avoir vérifié, avant de prendre la route, la qualité de l'arrimage du lot de 23 tonnes de meubles en kit qu'il s'apprêtait à transporter de sorte que la perte de contrôle de son véhicule était consécutive à un manquement du salarié à son obligation fondamentale de sécurité, la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard des textes précités, ensemble des articles L.4122-1, L.1234-1, L.1234-5, L.1234-9 et L.1232-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Solotra à verser à Monsieur Didier X... une indemnité compensatrice de préavis, un rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre un rappel de congés payés sur ces deux indemnités, une indemnité légale de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement abusif et d'avoir condamné l'employeur à rembourser à Pôle Emploi les sommes versées à Monsieur X... dans la limite de quatre mois ;
AUX MOTIFS QUE sur les conséquences du licenciement ; que le jugement déféré doit être confirmé sur les sommes allouées à titre d'indemnité de préavis (5.276,50 euros à titre d'indemnité de préavis), de congés payés afférents, de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire (1.270,92 euros), de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement (3.693,55 euros à titre d'indemnité de licenciement) ; que si la lettre de licenciement ne précise le montant du DIF acquis par le salarié, ce dernier ne peut pas pour autant prétendre que ce défaut d'information l'a privé de l'intégralité des droits qu'il avait acquis à ce titre ; que la somme de 500 euros doit être allouée au salarié à ce titre ; que Monsieur X..., né en 1961, disposait d'une ancienneté de 7 années dans une entreprise de plus de 10 salariés ; que son salaire brut moyen s'élevait à 2.638,25 euros ; qu'après son licenciement il a été inscrit à Pôle Emploi et a retrouvé un emploi en 2012 ; qu'au vu de cette situation, la Cour entend chiffrer à 20 000 euros le montant des dommages et intérêts devant lui être alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS QU'en l'état d'un lien de dépendance nécessaire, la cassation à intervenir sur le premier moyen du présent pourvoi, du chef du chef du bien-fondé du licenciement pour faute grave, emportera annulation du chef des conséquences du licenciement, en application de l'article 624 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-27225
Date de la décision : 19/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 30 septembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mai. 2016, pourvoi n°14-27225


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.27225
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