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17/05/2016 | FRANCE | N°14-22792

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 mai 2016, 14-22792


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1226-6 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que Mme X... a été victime d'un accident du travail survenu le 24 février 2007 au service de la société CFD ; qu'elle a été engagée par la société Egly Distribution à compter du 14 novembre 2008 en qualité de chef de caisse ; que licenciée le 19 juin 2009 pour insuffisance professionnelle et estimant devoir bénéficier de la protection de la législation sur les accidents du travail, elle a saisi la

juridiction prud'homale pour voir annuler son licenciement ;
Attendu que po...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1226-6 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que Mme X... a été victime d'un accident du travail survenu le 24 février 2007 au service de la société CFD ; qu'elle a été engagée par la société Egly Distribution à compter du 14 novembre 2008 en qualité de chef de caisse ; que licenciée le 19 juin 2009 pour insuffisance professionnelle et estimant devoir bénéficier de la protection de la législation sur les accidents du travail, elle a saisi la juridiction prud'homale pour voir annuler son licenciement ;
Attendu que pour déclarer nul le licenciement de la salariée et condamner l'employeur à lui payer diverses sommes, l'arrêt retient, d'une part que les pièces médicales produites par l'intéressée démontrent que la nouvelle blessure à la cheville en avril 2009, au service de la société Egly Distribution est en lien direct avec l'accident du travail survenu en février 2007 au sein de la société CFD, le médecin traitant l'ayant clairement indiqué dans l'arrêt de travail établi le 13 mai 2009, d'autre part qu'indépendamment de cette question, la société Egly Distribution a envoyé elle même à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne une déclaration d'accident du travail visant les faits du 4 avril 2009 ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser un lien de causalité entre cette blessure dont la matérialité et la survenance sur le lieu de travail étaient contestées par l'employeur et les conditions de travail ou un événement inhérent aux fonctions de la salariée au service du nouvel employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Egly Distribution ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Egly Distribution.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré nul le licenciement de Madame X... et d'AVOIR, en conséquence, condamné la SAS EGLY DISTRIBUTION à verser à Madame X... les sommes de 4.197,70 € au titre de l'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis et 419,77 € d'incidence congés payés et 12.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et 3.500 € en application de l'article 700 ;
AUX MOTIFS QUE « Marie X... a été victime d'un accident du travail survenu le 24 février 2007 au service d'un précédent employeur, la société CFD, ayant nécessité un arrêt de travail jusqu'au 1er mai 2007 avec un suivi ultérieur dans le cadre d'un protocole de soins. La SAS EGLY DISTRIBUTION a recruté Mme Marie X... en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 14 novembre 2008 en qualité de chef de caisse, catégorie agent de maîtrise-niveau 5 de la convention Collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, moyennant un salaire de base de 2 000 € bruts mensuels. Le 4 avril 2009, Mme Marie X... a été victime d'une chute au sol sur son lieu de travail au service de la SAS EGLY DISTRIBUTION, situation l'ayant conduite à un arrêt de travail à compter du 27 avril 2009. Ce même arrêt de travail établi sur la période initiale du 27 avril au 13 mai 2009, complété par un premier suivi médical qui expirait le 30 juin 2009, a fait l'objet de prolongations successives jusqu'au début de l'année 2010, époque à laquelle l'état de santé de l'appelante a été considéré comme consolidé sous réserve d'un nouveau protocole de soins se terminant le 19 février 2011, avec une référence expresse à l'accident du travail d'origine du 24 février 2007. Par une lettre du 30 avril 2009, la SAS EGLY DISTRIBUTION a convoqué Mme Marie X... à un entretien préalable prévu le 12 mai, avant que ne lui soit notifié le 19 juin 2009 son licenciement pour « insuffisance professionnelle caractérisée », la lettre de rupture en recommandé étant revenue le 8 juillet suivant avec la mention « non réclamé retour à l'envoyeur ». Mme Marie X... soutient dans ses écritures - page 5 - qu'elle a subi un accident du travail le 4 avril 2009 en faisant une chute à l'origine de douleurs à la cheville « précédemment fragilisée et en cours de soins pour un précédent accident de travail chez un précédent employeur ». Si l'article L. 1226-6 du code du travail, texte auquel se réfère l'employeur pour s'opposer aux demandes de Mme Marie X..., exclut l'application du régime légal de protection « aux rapports entre un employeur et son salarié victime d'un accident du travail... survenu au service d'un autre employeur », celle-ci peut toutefois en revendiquer le bénéfice dès lors qu'il existe un lien de causalité entre la rechute de l'accident du travail initial survenu le 24 février 2007 au service de la société CFD et ses conditions de travail ou tout autre événement inhérent à ses fonctions au sein de la SARL EGLY DISTRIBUTION depuis novembre 2008. Nonobstant ce que prétend l'intimée, les pièces médicales produites par Mme Marie X... - n°14/15/16/18/19 - démontrent que la nouvelle blessure à la cheville en avril 2009, au service de la SARL EGLY DISTRIBUTION, est en lien direct avec l'accident du travail remontant au mois de février 2007 survenu au sein de la société CFD, le médecin traitant l'ayant clairement indiqué dans l'arrêt de travail établi le 13 mai 2009 (« Suite AT du 24/02/2007, récidive tendinopathie », pièce 16). Indépendamment d'ailleurs de cette question, force est de constater que l'intimée a elle-même envoyé à la CPAM de l'Essonne une déclaration d'accident du travail visant les faits du 4 avril 2009, déclaration jointe à un courrier d'accompagnement du 12 mai 2009 - sa pièce 8. L'article L.1226-9 du code du travail, texte à propos duquel los parties ont échangé dans leurs conclusions respectives, précise qu'en période de suspension de l'exécution du contrat de travail pour cause d'accident du travail, l'employeur ne peut rompre celui-ci que s'il justifie d'une faute grave du salarié ou de l'impossibilité dans laquelle il se trouve de maintenir ledit contrat pour un motif étranger à cet accident. Dès lors que la SARL EGLY DISTRIBUTION a licencié l'appelante pour « insuffisance professionnelle », hypothèse en dehors des conditions posées par l'article L. 1226-9 précité, il convient de juger nul ledit licenciement en application de l'article L. 1226-13 du même code. Infirmant Ie jugement entrepris, en vertu des dispositions des articles L.1226-14 et L.126-15 du code du travail, en l'absence de demande de réintégration de la part de Mme Marie X..., l'intimée sera condamnée à lui payer les sommes suivantes : - 4 197,70 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis (article 6, annexe II) équivalente à deux mois de salaires (2 x 2 098,85 €) et 419,77 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 3 juin 2010, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation ; - 12 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère illicite dû à concurrence de 6 mois de salaires par transposition des dispositions issues de l'article L. 1235-3 du code du travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt » ;
1°/ ALORS QUE la protection légale des victimes d'accident du travail ne s'étend au salarié victime d'une rechute d'un accident du travail survenu au service d'un précédent employeur que lorsqu'il existe un lien de causalité entre la rechute de l'accident du travail initial et les conditions de travail ou tout autre événement inhérent à ses fonctions au service du nouvel employeur ; qu'en retenant que le licenciement de Madame X... était intervenu en violation des dispositions protectrices de l'article L.1226-9 du Code du travail, au seul motif, inopérant, que la blessure à la cheville serait en lien direct avec l'accident du travail survenu chez son précédent employeur, sans caractériser un lien de causalité entre cette rechute et les conditions de travail ou un événement inhérent aux fonctions de Madame X... au service de la SAS EGLY DISTRIBUTION, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1226-6 du code du travail ;
2°/ ALORS QUE constitue un accident du travail un événement ou une série d'évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail et dont il est résulté une lésion corporelle ; qu'il appartient au salarié qui prétend avoir été victime d'un accident du travail d'en établir, autrement que par ses propres affirmations, la matérialité, notamment par des présomptions précises, graves et concordantes ; qu'en l'espèce, si Madame X... prétendait avoir été victime d'une chute au sol survenue le 4 avril 2009, elle ne produisait aucune pièce de nature à en établir la matérialité ; que la société EGLY DISTRIBUTION contestait pour sa part la matérialité de ladite chute, rappelant les réserves formulées à l'occasion de la déclaration d'accident du travail, le caractère tardif du certificat d'arrêt de travail ainsi que la décision de refus de prise en charge de la CPAM ; qu'en jugeant néanmoins que le fait accidentel invoqué par la salariée était survenu sur son lieu de travail, sans relever le moindre élément objectif de nature à établir la matérialité de l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale et L. 1226-6 du code du travail ;
3°/ ALORS QUE l'employeur est tenu de déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d'assurance maladie dont relève la victime sous peine d'amende civile ; qu'il peut assortir cette déclaration de réserves sur la matérialité et le caractère professionnel de l'accident ; que l'existence d'une déclaration d'accident du travail, assortie de réserves, ne constitue donc pas un élément objectif permettant d'établir la matérialité de l'accident ou son caractère professionnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance que la société EGLY avait « elle-même envoyé à la CPAM de l'Essonne une déclaration d'accident du travail visant les faits du 4 avril 2009 » pour juger que la salariée bénéficiait des dispositions protectrices relatives aux victimes d'accident du travail ; qu'en se fondant sur un tel motif, inopérant, la cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale et l'article L. 1226-6 du code du travail ;
4°/ ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les éléments de la cause ; que la Société EGLY DISTRIBUTION avait expressément indiqué dans sa déclaration d'accident du travail « nous émettons des réserves sur la réalité de cet accident du travail » (production d'appel n°8, p.2, §1) ; que, pour dire que la matérialité de l'accident était établie, la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance que la société EGLY avait « elle-même envoyé à la CPAM de l'Essonne une déclaration d'accident du travail visant les faits du 4 avril 2009 » (arrêt, p. 3, § 4) ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a dénaturé, par omission, les termes clairs et précis de la déclaration d'accident du travail du 12 mai 2009 en violation du principe susvisé ;
5°/ ALORS QUE les jugements doivent être motivés à peine de nullité ; que le juge doit énoncer, fut-ce sommairement, les pièces sur lesquelles il se fonde pour retenir un fait dont la matérialité est contestée par une partie ; qu'en l'espèce, la SARL EGLY DISTRIBUTION avait expressément contesté l'existence d'une chute survenue le 4 avril 2009 dont Madame X... se prétendait victime (conclusions d'appel, p. 10) ; qu'en dépit de cette contestation, la Cour d'appel s'est bornée à affirmer péremptoirement que « Mme Marie X... a été victime d'une chute au sol sur son lieu de travail au service de la SAS EGLY DISTRIBUTION » (arrêt, p. 2, § 3) ; qu'en statuant ainsi, sans indiquer, au moins sommairement, les pièces desquelles elle tenait pour établie l'existence de ladite chute, la cour d'appel a méconnu les exigences des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ ALORS QUE la société EGLY DISTRIBUTION contestait l'existence d'une chute dont Madame X... prétendait avoir été victime le 4 avril 2009 sur son lieu de travail ; que la Cour d'appel a, sur les seules déclarations de la salariée, tenu pour constant un fait qui était formellement contesté, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-22792
Date de la décision : 17/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 mai. 2016, pourvoi n°14-22792


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.22792
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