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17/05/2016 | FRANCE | N°14-19861

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 mai 2016, 14-19861


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1226-10, L. 1226-12, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 25 août 1986 par la société Duval en qualité de maçon puis est devenu chef d'équipe ; que, victime d'un accident du travail le 20 juillet 2004 et d'une rechute le 25 mai 2010, il a été déclaré inapte, selon avis du médecin du travail du 4 janvier 2011, à occuper son poste de chef d'équipe mais apte à occuper un autre poste ; q

ue le 6 janvier 2011, l'employeur lui a proposé un aménagement de ses fonctions...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1226-10, L. 1226-12, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 25 août 1986 par la société Duval en qualité de maçon puis est devenu chef d'équipe ; que, victime d'un accident du travail le 20 juillet 2004 et d'une rechute le 25 mai 2010, il a été déclaré inapte, selon avis du médecin du travail du 4 janvier 2011, à occuper son poste de chef d'équipe mais apte à occuper un autre poste ; que le 6 janvier 2011, l'employeur lui a proposé un aménagement de ses fonctions, qu'il a refusé le 14 janvier suivant ; que licencié le 9 février 2011 pour ne pas avoir repris le travail, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour dire fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement disciplinaire du salarié et débouter celui-ci de ses demandes, l'arrêt retient que l'on ne peut considérer qu'en proposant au salarié d'assurer uniquement la part administrative du rôle de chef d'équipe pour les chantiers de l'entreprise, l'employeur procédait à une modification du contrat de travail, alors au demeurant qu'il n'est pas contesté que la nouvelle définition des tâches entrait dans les limites de celles fixées par le médecin du travail, que le salarié restait soumis aux mêmes horaires et bénéficiait du même niveau de rémunération et que la recherche de reclassement ainsi faite doit être considérée comme loyale et sincère en ce qu'elle aboutissait à un aménagement du poste précédemment occupé, conformément aux préconisations contenues à l'avis d'inaptitude du 4 janvier 2011 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié déclaré inapte à son poste à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est en droit de refuser le poste de reclassement proposé et qu'il appartient à l'employeur de tirer les conséquences d'un tel refus, soit en formulant de nouvelles propositions, soit en procédant au licenciement de l'intéressé au motif de l'impossibilité de reclassement et que le caractère abusif d'un refus, à le supposer établi, a pour seule conséquence de lui faire perdre le bénéfice des indemnités spécifiques prévues par l'article L. 1226-14 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société Duval aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Duval à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement disciplinaire de M. X... et d'avoir en conséquence débouté celui-ci de toutes ses demandes ;
Aux motifs propres que « Aucune des parties ne conteste que le licenciement de M. X... ait été prononcé dans le cadre disciplinaire.
Dès lors c'est à l'employeur d'apporter la preuve de la faute commise.
Les termes de la lettre ci-dessus rappelés établissent que le licenciement de M. X... est intervenu à raison de la faute constituée par son absence injustifiée depuis le 14 janvier 2011, et non du refus opposé à la proposition de l'employeur.
M. X... considère que son absence ne peut lui être reprochée dans la mesure où suite au second avis du médecin du travail, le disant apte, mais seulement à un poste de type administratif, son entreprise lui a imposé une véritable modification de son contrat de travail en lui proposant de n'effectuer que la partie administrative de ses fonctions que, jusqu'alors, il n'avait guère remplie.
Cependant, il convient de constater qu'aux termes de la convention collective applicable, M. X..., qui ne remet pas en cause le niveau IV ni le coefficient 270 qui lui étaient attribués occupait des fonctions qui le conduisaient, avec une « large autonomie », à prendre « des responsabilités dans la réalisation des travaux et missions de représentations auprès des tiers », à pouvoir « assurer de manière permanente la conduite et l'animation d'une équipe composée d'ouvriers de tous niveaux », ce qui n'interdit pas qu'une part des missions qui confiées aient un caractère purement administratif.
L'employeur justifie que le salarié a participé activement et depuis plusieurs années à diverses formations à cet aspect de son poste tendant notamment à lui permettre « d'organiser et de planifier un chantier, de gérer le matériel, les heurs, d'opérer un suivi économique, de connaître les données sur la sécurité d'un chantier, (…) ce programme comprenant un enseignement sur la programmation et la planification d'un chantier ainsi qu'un travail sur l'analyse des besoins et le rôle de formateur du responsable et affichant comme objectif pédagogique de rendre les chefs d'équipe capables d'appréhender toutes les pièces d'un dossier (plan, cahier des charges…), de décomposer les chantiers en séquence, de permettre aux responsables des chantiers de calculer les besoins en matériel et matériaux, de respecter un budget » (cf. pièce 1 e de l'employeur)
En outre, il résulte des déclarations faites par des architectes avec lesquels il avait préalablement travaillé, mais également de M. Y... « coordonnateur SPS », que rien ne permet de remettre en cause que M. X..., dans son rôle de chef d'équipe sur les chantiers, participait aux rendez-vous de chantier, assurait la planification, le bon suivi et la coordination avec les autres corps de métiers, de sorte qu'il est établi que l'aspect administratif de ses fonctions constituait une part, sinon importante, du moins réelle, de son travail et qu'il l'assumait de manière habituelle.
Ces éléments ne permettent pas de considérer qu'en proposant au salarié d'assurer uniquement la part administrative du rôle de chef d'équipe pour les chantiers de l'entreprise, l'employeur procédait à une modification du contrat de travail, alors au demeurant qu'il n'est pas contesté que la nouvelle définition des tâches entrait dans les limites de celles fixées par le médecin du travail et que M. X... restait soumis aux mêmes horaires et bénéficiait du même niveau de rémunération qu'auparavant.
La recherche de reclassement ainsi faite doit être considérée comme loyale et sincère en ce qu'elle aboutissait à un aménagement du poste précédemment occupé, et ce conformément aux préconisations contenues à l'avis d'inaptitude du 4 janvier 2011.
Dès lors, c'est à juste titre qu'absent de manière irrégulière depuis le 14 janvier 2011, M. X... a été licencié dans le cadre disciplinaire, le jugement du Conseil de prud'hommes devant être tous points confirmé » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « En précisant sans autre explications dans sa lettre du 14 janvier 2011 à l'employeur « je ne suis pas en mesure d'accepter le poste de reclassement que vous me proposez » sans autres explications et en ne reprenant pas son travail, malgré une mise en garde de son employeur par lettre recommandée avec AR du 6 janvier 2011 et un maintien de sa position lors de l'entretien préalable au licenciement envisagé, M. X... malgré les efforts déployés par son employeur pour aménager son poste de travail de manière appropriée à ses capacités, avec des fonctions comparables à celles précédemment occupées et en concertation avec le médecin du travail commet une faute en refusant sans motif légitime le reclassement qui lui est proposé.
Le Conseil de prud'hommes dit que l'entreprise DUVAL a satisfait aux dispositions de l'article 1226-2 du code du travail et que le licenciement de M. X... est dans ces conditions justifié par une cause réelle et sérieuse en raison de son refus non motivé de proposition de reclassement et de son absence de reprise de travail » ;
1/ Alors que le salarié qui n'est ni reclassé dans l'entreprise, ni licencié après avoir été déclaré inapte par le médecin du travail consécutivement à un accident ou une maladie professionnelle ne peut reprendre son poste de travail et ne se trouve pas en situation d'absence injustifiée dans l'attente de la décision de l'employeur ; qu'en jugeant, en l'espèce, que l'absence du salarié déclaré inapte, après son refus opposé à une proposition de reclassement formulée par l'employeur, est irrégulière et constitutive d'une faute justifiant son licenciement, quand l'intéressé ne pouvait ni reprendre le poste qu'il occupait précédemment, ni aucun autre en l'absence de reclassement, la Cour d'appel a violé les articles L.1226-10 et L.1235-1 du code du travail ;
2/ Alors, en outre, que le salarié déclaré inapte à son poste à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est en droit de refuser le poste de reclassement proposé ; qu'il appartient alors à l'employeur de tirer les conséquences d'un tel refus, soit en formulant de nouvelles propositions, soit en procédant au licenciement de l'intéressé au motif de l'impossibilité de reclassement ; qu'il en résulte que le licenciement prononcé pour un motif disciplinaire tenant au refus du salarié opposé à la proposition de reclassement de l'employeur et à son absence consécutive à ce refus, et non en raison de l'inaptitude du salarié et de son impossibilité de reclassement, qui aboutit à un détournement des règles applicables au bénéfice du salarié déclaré inapte, est nécessairement privé de cause réelle et sérieuse ; qu'en jugeant, en l'espèce, fondé sur une cause réelle et sérieuse un tel licenciement, la Cour d'appel a violé les articles L.1226-10 et L.1235-1 du code du travail ;
3/ Alors, en tout état de cause, qu'en estimant, par des motifs éventuellement adoptés du Conseil de prud'hommes, que le licenciement disciplinaire est justifié par le refus sans motif légitime du salarié à la proposition de reclassement formulée par l'employeur, quand un tel refus ne peut constituer une faute, la Cour d'appel a méconnu les dispositions des articles L.1226-10 et L.1235-1 du code du travail ;
4/ Alors, au surplus, que le refus du salarié opposé à la proposition de reclassement présentée par l'employeur, même abusif, ne peut constituer un motif de licenciement ; qu'en l'espèce, en ayant relevé, par motifs propres et éventuellement adoptés du Conseil de prud'hommes, de manière inopérante que la proposition de reclassement n'emportait pas modification du contrat de travail et était conforme aux préconisations du médecin du travail et que le salarié l'avait refusée sans motif légitime, pour en déduire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1226-10 et L.1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-19861
Date de la décision : 17/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 25 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 mai. 2016, pourvoi n°14-19861


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.19861
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