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12/05/2016 | FRANCE | N°15-17290

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 mai 2016, 15-17290


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 janvier 2015) qu'après avoir obtenu sur requête la désignation d'un huissier de justice ayant pour mission de constater une publicité par comparaison de caddies réalisée dans un hypermarché situé à Fécamp, la société Fécamp distribution a assigné la société Carrefour hypermarchés (la société Carrefour) en référé pour voir ordonner une expertise tendant à analyser les données recueillies par cet huissier de justice lo

rs de l'exécution de sa mission ;
Attendu que la société Carrefour fait grief à l...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 janvier 2015) qu'après avoir obtenu sur requête la désignation d'un huissier de justice ayant pour mission de constater une publicité par comparaison de caddies réalisée dans un hypermarché situé à Fécamp, la société Fécamp distribution a assigné la société Carrefour hypermarchés (la société Carrefour) en référé pour voir ordonner une expertise tendant à analyser les données recueillies par cet huissier de justice lors de l'exécution de sa mission ;
Attendu que la société Carrefour fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que le motif légitime à solliciter une mesure d'instruction in futurum n'existe que si celle-ci est utile ; qu'en retenant que la mesure ordonnée par le premier juge, incluant l'analyse des informations des prix pratiqués pour vingt-six produits dans le magasin Carrefour de Fécamp, entre les 1er et 30 novembre 2013, quand l'exposante n'était tenue, en matière de publicité comparative, que de fournir les éléments visés à l'article L. 121-12 du code de la consommation, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
2°/ que la publicité comparative, pratiquée dans la grande distribution, pour un nombre limité de produits et à une date donnée, n'a pas pour objet de comparer le niveau général des prix pratiqués dans deux magasins concurrents ; qu'en énonçant, pour justifier que la mesure ordonnée s'étende sur tout le mois de novembre, quand la publicité en cause n'avait été faite que le 18 novembre 2013 pour un nombre limité de produits (26), que la société Carrefour hypermarchés avait voulu établir que le niveau général de ses prix était moins élevé que chez sa concurrente, la société Fécamp Distribution, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
3°/ qu'une mesure d'analyse des prix pratiqués pendant un mois dans un magasin de grande distribution n'est pas proportionnée à l'établissement de la licéité d'une publicité comparative pratiquée pour un seul jour du mois et pour seulement vingt-six produits ; qu'en ayant énoncé le contraire, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
4°/ que la contestation sérieuse est étrangère au motif légitime nécessaire au prononcé d'une mesure d'instruction avant tout procès ; qu'en ayant fait droit à la demande de la société Fécamp distribution, alors que l'exposante avait fourni la preuve de la date du ticket de caisse qu'elle avait affiché pour les besoins de sa publicité comparative, en énonçant qu'il n'était pas certain que cette contestation de date serait écartée au fond, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel ne s'est pas fondée sur l'absence de contestation sérieuse ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la publicité comparative avait porté sur les prix de vingt-six articles contenus dans deux caddies à la date du 18 novembre 2013 et que la loyauté de cette publicité supposait que soit recherchée l'absence de manipulation de prix sur la période entourant la date choisie pour celle-ci, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a pu en déduire l'existence d'un motif légitime justifiant la mesure sollicitée ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Carrefour hypermarchés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Carrefour hypermarchés à payer à la société Fécamp distribution la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Carrefour hypermarchés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Carrefour hypermarchés.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des référés en ce qu'elle avait, à la demande d'une société de grande distribution (la société Fécamp Distribution, arborant l'enseigne « E. Leclerc »), désigné, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, un expert chargé d'analyser et de traiter les données collectées par un huissier chez une concurrente (la société Carrefour Hypermarchés), dans le cadre d'une publicité comparative ;
AUX MOTIFS QUE la société Fécamp Distribution ayant sollicité la désignation d'un huissier de justice pour procéder à un constat relatif à une publicité comparative présentée à l'intérieur du magasin exploité par la société Carrefour à Fécamp, Me Corrihons avait été commis par ordonnance du président du tribunal de commerce du Havre du 11 décembre 2013 rendue sur requête, avec la mission ci-dessus rappelée, étant précisé que le second point de la mission impartie à l'huissier de justice prévoyait que celui-ci se ferait remettre et conserverait en son étude, sans en remettre copie à la société Fécamp Distribution, à charge pour elle de demander la nomination d'un expert pour procéder à l'examen de ces documents dans le cadre d'une procédure contradictoire, les fichiers des prix pratiqués et une copie numérique et certifiée des disques durs contenant les tickets de caisse pour la période où apparaissaient les prix des produits visés par la publicité afin de constater leur vente effective et le prix pratiqué ; que le procès-verbal de constat établi le 19 décembre 2013 en exécution de cette décision relatait, s'agissant de la première partie de la mission de l'officier ministériel, que celui-ci avait constaté, dans le magasin à l'enseigne Carrefour exploité rue Charles Leborgne à Fécamp, que : - devant l'accueil, dans la galerie, deux caddies contenant divers produits étaient exposés côte à côte, au-dessus et à droite étaient présents plusieurs panneaux et affiches publicitaires indiquant aux clients les éléments suivants : « Garantie Carrefour prix le plus bas – Carrefour moins cher que E. Leclerc » ; - trois affiches comparant, à titre d'exemple, les prix de trois produits de consommation entre ceux pratiqués chez Carrefour et ceux pratiqués chez E. Leclerc et annonçaient le pourcentage d'écart entre les prix, faisant systématiquement ressortir un avantage au profit de la société Carrefour ; - audessus de chacun des deux caddies, une indication était donnée du prix global des marchandises contenues avec affichage du ticket de caisse détaillant les produits, au total 26, pour E. Leclerc, le ticket de caisse avait été édité le 18 novembre 2013 à 10 h 59, pour Carrefour le ticket de caisse n'indiquait ni date ni heure ; - une comparaison était faite entre Carrefour Fécamp dont le prix du caddie était de 140,23 € et E. Leclerc où le prix du caddie serait de 144,23 €, faisant ressortir un avantage de prix au profit du premier ; que l'huissier de justice avait procédé dans son constat à un inventaire détaillé des 26 articles, photographiés, puis avait précisé que, s'étant rendu dans les rayons du magasin pour vérifier les prix et les éventuelles remises ou réductions pratiquées, il avait retrouvé 25 des 26 produits dont il avait listé les prix ; qu'il convenait d'observer que le litige portait sur l'expertise sollicitée en référé sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile par la société Fécamp Distribution et non sur la remise en cause de l'ordonnance sur requête du 11 décembre 2013 dont la rétractation n'apparaissait pas avoir été sollicitée à ce jour ; que si la publicité comparative avait porté en l'espèce essentiellement sur le prix des 26 articles contenus dans chacun des deux caddies dont les prix étaient mentionnés à la date du 18 novembre 2013, il n'en restait pas moins que le maintien de cette présentation pendant plus d'un mois, comme en attestait le constat du 19 décembre 2013 et les panneaux et affiches publicitaires, conduisaient à considérer que la société Carrefour Hypermarchés entendait présenter cette publicité comme comparant un niveau général de prix moins élevé dans son hypermarché que chez le concurrent ; que le litige potentiel futur résultait clairement de l'intention de la société Fécamp Distribution, directement concernée par la publicité comparative ainsi effectuée chez son concurrent, de contester la régularité de celle-ci au regard en particulier des dispositions des articles L. 121-8 et suivants du code de la consommation, étant rappelé que la publicité comparative n'est licite que si elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur et qu'elle doit être loyale et objective ; que s'il ne peut être ajouté aux conditions prévues par la loi et qu'il n'y a certes aucune obligation de maintien des prix, la société Fécamp Distribution faisait valoir à juste titre que la loyauté supposait l'absence d'ajustement provisoire des prix pour les besoins de la publicité comparative ; que quand bien même cette société admettait qu'elle disposait d'ores et déjà d'éléments lui permettant de saisir le juge compétent pour rechercher la responsabilité de la société Carrefour, cela n'excluait pas qu'elle démontre disposer d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile en considération en particulier de l'intérêt probatoire que présentait la mesure d'instruction en cause pour donner à la juridiction ultérieurement saisie, le cas échéant, tous éléments de fait lui permettant d'apprécier : - quel était à la date du 18 novembre 2013 le prix pratiqué dans l'hypermarché Carrefour pour chacun des 26 articles placés dans les caddies, étant souligné que l'huissier de justice avait constaté, le 19 décembre 2013, que le ticket correspondant présenté dans la publicité comparative ne portait pas mention de la date et de l'heure et que le ticket ensuite produit en cours de procédure ayant été édité sur une caisse destinée à la formation des caissières, avait suscité des contestations dont il ne pouvait être affirmé en référé qu'elles seraient écartées au fond ; qu'il fallait à cet égard préciser que l'attestation du « responsable national caisse » de Carrefour, établie le 29 octobre 2014, ne suffisait pas à pallier, à tout le moins avec l'évidence requise en référé, l'absence de mention de date et d'heure sur le ticket présenté en fac-similé dans le magasin et ajouter que la société Carrefour ne pouvait tirer argument du fait que le ticket qui avait été utilisé pour la publicité ne lui avait été demandé que postérieurement à l'établissement du constat ; - si les variations de prix constatées par l'huissier de justice le 19 décembre 2013, par rapport à ceux qui étaient mentionnés à la date du 18 novembre précédent n'étaient que le résultat des variations usuelles de prix dans la grande distribution, la société Fécamp Distribution apparaissant fondée, au vu des différences constatées, à s'assurer de l'absence de manipulation de prix sur la période entourant la date choisie pour la publicité, la société Carrefour ne pouvant prétendre à juste titre que l'examen de ces données n'était pas utile à l'appréciation de la régularité de la publicité comparative ; qu'à cet égard, la mission impartie à l'expert apparaissait proportionnée à ce qui était nécessaire à la solution du litige potentiel opposant les parties ; qu'il importait de souligner que dès lors que l'huissier de justice avait conservé les tickets de caisse de la période en cause et devait les remettre à l'expert judiciaire, que les parties ne pourront accéder qu'aux données nécessaires pour déterminer le cas échéant les variations des prix offerts au public pour les 26 produits concernés en novembre 2013 et que le prix de vente des produits affiché pour les clients ne pouvant être tenu pour une information couverte par le secret des affaires, c'était en vain que la société Carrefour Hypermarchés alléguait que la connaissance de ces prix porterait une atteinte illégitime et licite au secret des affaires ;
1°) ALORS QUE le motif légitime à solliciter une mesure d'instruction in futurum n'existe que si celle-ci est utile ; qu'en retenant que la mesure ordonnée par le premier juge, incluant l'analyse des informations des prix pratiqués pour 26 produits dans le magasin Carrefour de Fécamp, entre les 1er et 30 novembre 2013, quand l'exposante n'était tenue, en matière de publicité comparative, que de fournir les éléments visés à l'article L. 121-12 du code de la consommation, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la publicité comparative, pratiquée dans la grande distribution, pour un nombre limité de produits et à une date donnée, n'a pas pour objet de comparer le niveau général des prix pratiqués dans deux magasins concurrents ; qu'en énonçant, pour justifier que la mesure ordonnée s'étende sur tout le mois de novembre, quand la publicité en cause n'avait été faite que le 18 novembre 2013 pour un nombre limité de produits (26), que la société Carrefour Hypermarchés avait voulu établir que le niveau général de ses prix était moins élevé que chez sa concurrente, la société Fécamp Distribution, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'une mesure d'analyse des prix pratiqués pendant un mois dans un magasin de grande distribution n'est pas proportionnée à l'établissement de la licéité d'une publicité comparative pratiquée pour un seul jour du mois et pour seulement 26 produits ; qu'en ayant énoncé le contraire, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE la contestation sérieuse est étrangère au motif légitime nécessaire au prononcé d'une mesure d'instruction avant tout procès ; qu'en ayant fait droit à la demande de la société Fécamp Distribution, alors que l'exposante avait fourni la preuve de la date du ticket de caisse qu'elle avait affiché pour les besoins de sa publicité comparative, en énonçant qu'il n'était pas certain que cette contestation de date serait écartée au fond, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-17290
Date de la décision : 12/05/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 20 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 mai. 2016, pourvoi n°15-17290


Composition du Tribunal
Président : M. Liénard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Odent et Poulet, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.17290
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