LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 décembre 2014), que, par actes reçus par M. B..., notaire, avec la participation de M. X..., notaire, Mme Y... a cédé à M. et Mme Z... une parcelle de terre, leur a donné à bail diverses parcelles de terre, des bâtiments d'habitation et d'exploitation, précédemment exploitées par M. et Mme A..., qui ont résilié partiellement leur bail et vendu à M. et Mme Z... trois stabulations, deux silos et des matériels d'élevage et d'exploitation ; que M. et Mme Z... ont, après expertise ordonnée en référé, assigné M. et Mme A... en restitution des sommes qu'ils estimaient avoir indûment versées à l'occasion des actes précités ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme A... font grief à l'arrêt de déclarer M. et Mme Z... recevables en leur action et de les condamner in solidum à restituer une certaine somme, alors que la cession des investissements et matériels n'est pas intervenue entre preneurs sortants et preneurs entrants ;
Mais attendu que M. et Mme A..., qui ont reconnu dans leurs conclusions devant la cour d'appel que M. et Mme Z... étaient devenus preneurs à bail en leurs lieu et place, ne sont pas recevables à présenter devant la Cour de cassation un moyen incompatible avec leurs écritures ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme A... font grief à l'arrêt de déclarer M. et Mme Z... recevables en leur action et de les condamner in solidum à restituer une certaine somme ;
Mais attendu qu'ayant retenu que M. et Mme A... devaient restituer les sommes versées en vertu de la convention annulée mettant à la charge du preneur entrant l'indemnité due au preneur sortant pour ses investissements, sans qu'il soit nécessaire de déterminer la valeur vénale de ceux-ci, et souverainement estimé que la somme versée au titre de la reprise des biens mobiliers excédait la valeur vénale de plus de 10 %, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme A... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de garantie contre M. B... et M. X... ;
Mais attendu que M. et Mme A..., n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que leur patrimoine s'était appauvri des sommes qu'ils auraient dû recevoir du bailleur, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM.
B...
et X... et celle de M. et Mme A... ; condamne ces deux derniers à payer à M. et Mme Z... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme A....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les époux Z... recevable en leur action et d'avoir condamné in solidum M. et Mme A... à leur restituer la somme de 69 714, 54 euros majorée d'un intérêt, calculé à compter du paiement du 2 novembre 2005, égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme.
AUX MOTIFS QUE
M. et Mme A... soutiennent que M. et Mme Z... ne peuvent invoquer les dispositions de l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime pour être étrangers aux relations les unissant à Mme Y... et alors qu'ils avaient convenu de leur payer l'indemnité leur étant due en application ce texte afin d'éviter ce paiement à la bailleresse. Ils considèrent que si les intimés ne s'estiment pas redevables, il leur appartient d'engager une action contre Mme Y....
M. et Mme Z... relèvent que les appelants reconnaissent avoir reporté sur eux la charge du paiement de leurs investissements, écartant ainsi les règles d'ordre public du statut du fermage.
Il est de principe, consacré à l'article L. 41 1-69 du code précité, que l'indemnité à laquelle a droit le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué, est due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail.
M. et Mme A..., preneurs auxquels une telle indemnité serait due par la bailleresse en raison de la résiliation de leur bail, reconnaissant qu'elle leur a été réglée par M. et Mme Z..., l'action de ces derniers, qui n'en étaient pas débiteurs, en restitution des sommes indûment versées est recevable, ladite action ne pouvant être dirigée qu'à l'encontre de ceux qui ont perçu les sommes non autorisées, sans qu'un quelconque accord, qui consisterait à contourner les dispositions d'ordre public du texte précité, puisse leur être opposé. La décision sera confirmée en ce qu'elle les a déclarés recevables en leur action.
M. et Mme A... prétendent que les conditions de l'action en répétition ne sont pas réunies, l'article L. 411-7 4 du code rural et de la pêche maritime ne se rapportant qu'à la reprise de biens mobiliers. Les notaires font valoir qu'à la date de l'acte M. et Mme A... n'étant plus locataires, les dispositions du code rural ne pourraient s'appliquer.
Pour condamner M. et Mme Z... à la restitution d'une somme de 13 582, 64 euros, le premier juge, se fondant sur les dispositions de ce texte, a retenu que la valeur vénale des investissements déterminée par l'expert était inférieure de plus de 10 % au prix de vente payé par M. et Mme A....
Cependant, l'article L. 411-69 précité, dont les dispositions sont d'ordre public, mettant à la charge du bailleur l'indemnité due au preneur pour ses investissements, toute convention mettant cette indemnité à la charge d'un autre que le bailleur est nulle. La clause de l'acte notarié du 2 novembre 2005 par laquelle M. et Mme A... ont cédé à M. et Mme Z... 3 stabulations, en ce compris les cornadis, portails et abreuvoir, 2 silos, en ce compris les boudins et la première coupe d'ensilage 2005, édifiés par eux sur les parcelles C n° 747, 749 et 752, moyennant un prix de 53 400, 00 euros est donc nulle, les sommes indûment versées étant sujettes à répétition. Et si à la date de cet acte, M. et Mme A... qui avaient consenti à la résiliation de leur bail le 31 octobre 2005 n'étaient plus locataires des parcelles sur lesquelles ils avaient réalisé des investissements, il n'en demeure pas moins que la cession est intervenue à l'occasion du changement de l'exploitant des terres suite à la résiliation amiable de son bail.
Infirmant le jugement, il convient de condamner M. et Mme A... à restituer à M. et Mme Z... la somme de 53 400, 00 euros, sans qu'il soit qu'il soit nécessaire de déterminer la valeur vénale des investissements cédés.
ALORS QUE l'application de l'article L. 411-69 du code rural et la sanction de l'article L. 411-74 du code rural supposent que la vente d'investissements et de biens mobiliers ait lieu dans le cadre d'un bail rural, entre le preneur entrant et le preneur sortant ; qu'en l'espèce la cour d'appel a souverainement constaté que par acte du 2 novembre 2005, Mme Y... a vendu aux époux Z... les parcelles cadastrées section C n° 744, 745, 747, 749 et 752 où se trouvaient les installations bovines édifiées par les époux A..., que par ce même acte les époux A... ont cédé aux époux Z... au prix de 53 400 euros les installations édifiées par eux sur ces parcelles C n° 747, 749 et 752 dont ils n'étaient plus locataires depuis le 31 octobre 2005 ; qu'en faisant application des règles régissant les baux ruraux à la vente par les exposants de leurs investissements et de leur matériel d'exploitation aux acquéreurs des parcelles, libres de tout occupant, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient et, par suite, a violé par fausse application les textes susvisés et par refus d'application le contrat conclu entre les parties, en violation de l'article 1134 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les époux Z... recevable en leur action et d'avoir condamné in solidum M. et Mme A... à leur restituer la somme de 69 714, 54 euros majorée d'un intérêt, calculé à compter du paiement du 2 novembre 2005, égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme.
AUX MOTIFS QUE
Pour ce qui concerne la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à leur valeur vénale, l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime permet au nouvel exploitant d'exercer l'action en répétition dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur vénale de plus de 10 %.
Le tracteur Ford 5610 75CV et la dessileuse pailleuse ont été cédé au prix de 15 245, 00 euros, l'expert les ayant évalués respectivement 5 000, 00 euros et 2 500, 00 euros, soit 7 500, 00 euros, la somme versée est sujette à répétition pour un montant de 7 745, 00 euros.
Le matériel d'élevage, déduction faite du drainage et des tuyaux qui y étaient inclus, y compris les parts de CUMA et la cuisine, a été cédé au prix de (15 245, 00 €-7 127, 36 €) 8 117, 64 euros. L'expert les ayant évalués à 6 675, 46 euros, la somme versée est sujette à répétition pour un montant de 1 442, 18 euros.
Le matériel d'exploitation y compris du matériel en copropriété a été cédé au prix de 7 622, 50 euros. L'expert ayant évalué ce matériel à un montant de 7° 606, 71 euros, il n'y a pas lieu à répétition.
Aucune convention ne visant la cession de glissières d'autoroute et en l'absence de preuve de leur paiement, M. et Mme Z... seront déboutés de leur demande de restitution d'une somme de 878, 37 euros.
Toutes les sommes indûment perçues, d'un montant total de 69 714, 54 euros, seront majorées d'un intérêt, calculé à compter du paiement du 2 novembre 2005, égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme, ainsi que le prévoit l'article L. 411-7 4 du code rural et de pêche, étant précisé qu'en l'absence de précision dans la convention des parties, les prix doivent être considérés toutes taxes comprises.
ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les époux A... avaient fait valoir, s'agissant de la reprise des biens mobiliers, que la cession du matériel le 2 novembre 2005 s'était opérée pour la somme de 38 112 € TTC, soit 30. 642 € HT, que l'expert agricole avait évalué le matériel cédé par les époux A... à la somme de 35. 640, 98 € HT, qu'il en ressortait donc que la cession du matériel par les époux A... s'est opérée à une valeur inférieure à l'évaluation de l'expert agricole de 4 999 € ; qu'en statuant sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a privé de motifs sa décision en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux A... de leur demande de garantie contre Maître Bruno B... et Bernard X...
AUX MOTIFS QUE
M. et Mme A... soutiennent que les notaires, lesquels sont intervenus dès la rédaction de la convention du 29 août 2005, ont manqué à leur devoir de conseil en ne les prévenant pas du risque de contestation des actes par M. et Mme Z... qui leur payaient des sommes dues par Mme Y... alors que s'ils en avaient été avertis, ils n'auraient pas contracté. Leur patrimoine se trouvant appauvri du montant jugé indûment perçu par la faute des notaires, ils demandent leur condamnation à les garantir du montant des condamnations.
Les notaires répondent qu'ils ne sont pas intervenus à la convention et, quand bien même ils y seraient intervenus, M. et Mme A... ne pourraient se prévaloir de leur propre turpitude. Ils prétendent ensuite que la restitution du prix à laquelle ils pourraient être condamnés ne constitue pas un préjudice indemnisable, mais tout au plus la perte d'une chance de ne pas contracter, le préjudice des appelants n'étant pas certain puisqu'ils seraient fondés à réclamer à Mme Y... l'indemnité de fin de bail.
Il est certain que le notaire, tenu du devoir de conseil, ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu'il s'est borné à donner la forme authentique à la convention directement arrêtée par les parties.
Les notaires affirment n'avoir pas participé à la convention du 29 août 2005 alors que cette convention mentionne, in fine page 10, l'intervention de Maître B.... En tout cas, les actes successifs reçus par eux le 2 novembre 2005 faisant apparaître que M. et Mme Z... succédaient à M. et Mme A... en qualité d'exploitants des terres louées par Mme Y..., ils ont manqué à leur devoir de conseil en n'attirant pas l'attention des parties sur l'illicéité résultant de la mise à la charge d'un autre que le bailleur de l'indemnité due à M. et Mme A... dont le bail prenait fin. Ils ne sauraient exciper, alors qu'il leur appartient d'informer et de conseiller les parties, de la prétendue turpitude de M. et Mme A... alors qu'ils ne prétendent pas les avoir informés d'une violation manifeste de la loi ou que leurs connaissances juridiques précises leur permettaient d'en être informés.
Par contre, les restitutions auxquelles sont condamnés M. et Mme A... ne constituant pas un dommage, leur patrimoine ne pouvant, par ailleurs, s'être appauvri de sommes qu'ils n'auraient pas dû percevoir, il convient de les débouter de leur demande de garantie contre les notaires.
ALORS QUE le défaut d'information ou de conseil est de nature à justifier une réparation intégrale du préjudice subi lorsque la faute commise a exposé la victime à un risque qui s'est réalisé, la victime devant être indemnisée du préjudice représenté par la réalisation de ce risque ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que les notaires ont manqué à leur devoir de conseil en n'attirant pas l'attention des parties sur l'illicéité résultant de la mise à la charge d'une autre que le bailleur de l'indemnité due à M. et Mme A... dont le bail prenait fin ; qu'ainsi, la faute commise par les notaires ayant exposé les époux A... à un risque qui s'est réalisé, à savoir la perte de l'indemnité due par le bailleur au titre des investissements cédés, parce que reçue d'une autre partie que le bailleur, la cour d'appel devait condamner les notaires à les garantir du préjudice représenté par la réalisation de ce risque ; qu'en exonérant les notaires de toute condamnation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale du dommage subi.