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12/05/2016 | FRANCE | N°15-13907

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 mai 2016, 15-13907


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., copropriétaires, ont assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 77 boulevard Voltaire (le syndicat), la société Cabinet Bérard, syndic, et les membres de l'indivision
Y...

Z...
afin que la double donation consentie à leurs enfants le 20 juillet 2010 soit déclarée inopposable au syndicat pour fraude à la règle de réduction des voix du copropriétaire majoritaire de l'article 22 de l

a loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejet...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., copropriétaires, ont assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 77 boulevard Voltaire (le syndicat), la société Cabinet Bérard, syndic, et les membres de l'indivision
Y...

Z...
afin que la double donation consentie à leurs enfants le 20 juillet 2010 soit déclarée inopposable au syndicat pour fraude à la règle de réduction des voix du copropriétaire majoritaire de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le bien cédé ne pouvait être qualifié de dérisoire ou dépourvu d'intérêt et que les consorts Y...-Z... justifiaient de leur âge et de leur état de santé déclinant, la cour d'appel a souverainement retenu que la donation du 20 juillet 2010, qui avait été suivie le 22 décembre 2011 d'une donation plus importante, démontrait l'intention des consorts Y...-Z... d'organiser progressivement leur patrimoine pour bénéficier de dispositions fiscales et successorales avantageuses et que M. et Mme X... ne rapportaient pas la preuve que la donation du 20 juillet 2010 avait été consentie dans une intention frauduleuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... et les condamne à payer aux consorts Y...-Z..., au syndicat des copropriétaires de l'immeuble 77 boulevard Voltaire 75011 Paris et à la société Cabinet Pierre Bérard la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit n'y avoir lieu de déclarer inopposable au syndicat des copropriétaires de l'immeuble la double donation du 20 juillet 2010 consentie par M. et Mme Marc
Y...
à leurs enfants Mme Anne
Y...
épouse B...et M. Stéphane
Y...
, d'une part, et par M. et Mme
Z...
à leurs enfants MM. Nicolas et Olivier
Z...
, d'autre part ;
AUX MOTIFS QUE les appelants demandent que le jugement soit infirmé en ce qu'il a dit inopposable au syndicat la double donation précitée au motif qu'elle aurait été faite en fraude des dispositions de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 ; qu'ils font valoir que la sanction ainsi retenue par le tribunal serait interdite par la loi du 10 juillet 1965, aux termes de laquelle la propriété des parties privatives ne peut être dissociée de la quote-part des parties communes, et la déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur le droit de propriété ; qu'ils font valoir également que les époux X... n'apporteraient pas la preuve, leur incombant, de la fraude qu'ils allèguent ; qu'enfin, ils font valoir qu'en 2010, les époux
Y...
âgés de 72 et 65 ans et les époux
Z...
âgés de 62 et 65 ans, retraités, ont entendu organiser leur patrimoine et faire des donations progressives à leurs enfants pour bénéficier des dispositions fiscales et successorales avantageuses prenant en compte leur âge et leur état de santé et que c'est dans ce cadre qu'ils ont consenti la donation querellée du 20 juillet 2010, puis une nouvelle donation en 2011 ; que les époux X... demandent la confirmation du jugement de ce chef ; qu'ils font valoir que l'inopposabilité de la donation au syndicat ne porterait aucune atteinte au droit de propriété des appelants puisqu'elle ne ferait qu'exclure le droit de vote des tantièmes attachés au lot n º 4, déjà admis dans le mécanisme légal de la réduction des voix du copropriétaire majoritaire prévu par l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 ; qu'ils affirment que la fraude serait en l'espèce constituée, les deux indivisions ayant voté lors de l'assemblée de 2010 dans le même sens, ayant pu ainsi obtenir que leurs décisions s'imposent aux autres copropriétaires et créant une position dominante contraire à l'esprit de la loi du 10 juillet 1965 ; qu'ils précisent que seule est au coeur des débats la donation du 20 juillet 2010 portant sur le lot n º 4 pour obtenir la désignation du syndic le cabinet Pierre Berard lors de l'assemblée du 14 décembre 2010 sans qu'il y ait lieu de prendre en compte la donation du 22 décembre 2011 portant sur la totalité des lots appartenant à l'indivision Y...-Z... ; que la cession d'un lot par le copropriétaire majoritaire, lorsqu'elle a pour seul but de faire échec à la réduction des voix prévue par l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965, constitue une fraude dont la sanction est l'inopposabilité de ladite cession au syndicat des copropriétaires pour le décompte des voix en assemblée générale, cette sanction ne portant atteinte ni aux droits du propriétaire sur son lot garantis par les dispositions de la loi du 10 juillet 1965, ni au droit de propriété garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que toutefois, la preuve de la fraude doit être rapportée par celui qui l'invoque, la cession de lot pouvant avoir une justification, patrimoniale ou fiscale par exemple, en dehors de toute intention frauduleuse ; qu'en l'espèce, les époux X... ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, que la double donation du 20 juillet 2010 aurait été faite dans une intention frauduleuse et dans le seul but d'éviter un partage des voix dans la prise des décisions lors de l'assemblée générale du 14 décembre 2010, pour ne pas reproduire ce qui s'était passé lors de l'assemblée du 10 décembre 2009 pour la désignation du syndic ; qu'ils ne peuvent pas valablement soutenir que le bien cédé serait dérisoire, ce qui caractériserait l'intention frauduleuse des donateurs, alors que le lot n º 4, objet de la donation litigieuse, est décrit ainsi que suit dans l'état descriptif de division : « un ensemble en triplex comprenant : au sous-sol : un local, une douche, un placard, un escalier, au rez-de-chaussée : un local commercial, une entrée, deux escaliers, à l'étage intermédiaire : une mezzanine, un escalier, d'une surface brute de 34 m ² et pondérée de 25 m ² ainsi que 158/ 10. 00 des PC-1 et 30/ 1. 000 des PC-2 » et est loué à usage commercial, le bail renouvelé à compter du 1er janvier 2009 décrivant les lieux comme suit : « une pièce au rez-de-chaussée d'environ 16 m ² avec une hauteur sous plafond d'environ 4 mètres une autre pièce au sous-sol de la même surface », de telle sorte que ledit bien ne peut être qualifié de dérisoire ou « dépourvu du moindre intérêt » comme allégué par les époux X... ; que ce moyen sera donc rejeté ; que les consorts Y...-Z..., pour leur part, justifient de leur âge, de leur état de santé déclinant et de leur intention d'organiser leur patrimoine en conséquence, au regard des dispositions fiscales et successorales, par des donations successives à leurs enfants, la donation du 20 juillet 2010 ayant été suivie, par acte du 22 décembre 2011, d'une donation des époux
Y...
à leurs enfants de la nue-propriété des lots nos 1, 11, 19, 21 et 22, ainsi qu'il résulte d'une attestation de Maître Schultz, notaire à Strasbourg en date du 1er février 2012 ; qu'il appert de ce qui précède qu'il n'est pas prouvé que l'acte de donation du 20 juillet 2010 ait eu pour cause l'intention de contourner les règles prévues par l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 et qu'il est établi, au contraire, que la donation litigieuse du 20 juillet 2010 a été suivie par une donation encore plus importante en date du 22 décembre 2011, démontrant l'intention des consorts Y...-Z... d'organiser progressivement leur patrimoine pour bénéficier de dispositions fiscales et successorales avantageuses, les époux X... ne pouvant pas utilement soutenir qu'il conviendrait de ne prendre en compte que la première donation et non également la seconde qui contredit leur allégation de fraude ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit inopposable au syndicat la double donation du 20 juillet 2010 ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les copropriétaires minoritaires sont recevables à invoquer la nullité ou l'inopposabilité d'une cession de lots qui n'a d'autre but que de permettre au copropriétaire vendeur, par une fraude aux dispositions d'ordre public de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965, de se rendre maître des décisions aux assemblées générales ; qu'en estimant qu'il n'était pas prouvé que l'acte de donation du 20 juillet 2010 avait eu pour cause l'intention de contourner les règles prévues à l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965, au motif que le bien objet de la donation n'était pas « dérisoire » au regard de ses caractéristiques physiques, sans rechercher si le faible nombre de tantièmes associés à ce bien, soit 158/ 10. 000èmes, qui suffisaient cependant à faire basculer la majorité dans le sens des intérêts de l'auteur de la donation, ne révélait pas la fraude aux dispositions susvisées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge ne peut statuer par voie d'affirmation générale ; qu'en se bornant, pour écarter la fraude alléguée, à retenir que la donation litigieuse constituait un acte usuel de la part d'un donateur âgé dont la santé était déclinante et que cette donation pouvait se trouver justifiée « au regard des dispositions fiscales et successorales » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 2), cependant que ces considérations générales n'étaient pas de nature à écarter l'existence d'une fraude aux dispositions relatives aux règles de majorité dans les immeubles en copropriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 ;
ALORS, ENFIN, QUE la fraude doit être appréciée au jour de l'acte de cession mis en cause ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, qu'il était établi « que la donation litigieuse du 20 juillet 2010 a été suivie par une donation encore plus importante en date du 22 décembre 2011, démontrant l'intention des consorts Y...-Z... d'organiser progressivement leur patrimoine pour bénéficier de dispositions fiscales et successorales avantageuses » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 3), cependant que l'existence de donations consenties par les consorts Y...-Z... postérieurement à la donation litigieuse ne permettait en aucune manière d'écarter l'existence d'une fraude à la date du 20 juillet 2010, qui était seule en cause, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation inopérante, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-13907
Date de la décision : 12/05/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 mai. 2016, pourvoi n°15-13907


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Coutard et Munier-Apaire

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.13907
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