LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 29 septembre 2014), que M. et Mme X..., propriétaires des parcelles AX 268 et AX 197, ont assigné Mmes Y... et M. Y... (les consorts Y...), propriétaires de parcelles contiguës, dont la parcelle AX 318, en interdiction de stationnement de leur véhicule automobile sur la parcelle AX 268 et en enlèvement d'une cuve à gaz implantée sur la parcelle AX 197 ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de dire que la servitude de passage qui grève le fonds cadastré AX 268 au profit des parcelles cadastrées AX 69, 308 à 320, 322 et 323 est éteinte, alors, selon le moyen :
1°/ que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en jugeant que la prétention des consorts X... tendant à voir constater l'extinction de la servitude de passage sur la parcelle AX 268 n'était pas nouvelle dès lors qu'elle tendait aux mêmes fins que celle, déjà présentée en première instance, tendant à ce que les consorts Y... ne soient pas autorisés à stationner leurs véhicules sur ladite parcelle, cependant que la servitude de passage n'impliquant pas le droit de stationner, la prétention tendant à la voir disparaître ne pouvait tendre « aux mêmes fins » que celle tendant à interdire le stationnement sur le fonds servant, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile, ensemble l'article 702 du code civil ;
2°/ que l'article 685-1 du code civil, qui ne vise que l'extinction du titre légal fondant la servitude de passage pour cause d'enclave, laisse en dehors de son champ d'application les servitudes conventionnelles ; qu'il était constant aux débats, devant la cour d'appel, que les consorts Y... bénéficiaient d'une servitude de passage sur la parcelle AX 268 en leur qualité de propriétaires indivis du fonds dominant constitué par les parcelles AX 69, AX 308 à 320, AX 322 et AX 323, en vertu d'un acte du 21 avril 1965 reprenant les termes d'une licitation en date du 2 décembre 1860 ; qu'en jugeant que la cessation de l'état d'enclave du fonds dominant emportait extinction de la servitude de passage précitée, sans rechercher si la stipulation d'une servitude de passage dans les actes précités avait pour objet la création ex nihilo d'une servitude conventionnelle ou seulement l'aménagement d'une servitude légale préexistante, cette dernière hypothèse seule pouvant justifier la disparition de la servitude par la cessation de l'état d'enclave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 685-1 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a pu retenir que la demande formée en première instance par M. et Mme X... et visant à l'interdiction de stationnement de véhicules sur la parcelle AX 318 par les consorts Y... et leur demande formée en appel et visant à l'extinction de la servitude de passage des consorts Chartier tendaient aux mêmes fins dès lors qu'elles avaient pour but d'empêcher le stationnement de véhicules sur la parcelle litigieuse, de sorte que la demande formulée en appel était recevable ;
Attendu, d'autre part, qu'en l'état des conclusions des consorts Y..., la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de dire que les consorts Y... ont acquis par prescription la propriété de la partie de la parcelle AX 197 sur laquelle est située la citerne de gaz des consorts Y... et de rejeter leur demande tendant à l'enlèvement de cette citerne située sur la parcelle AX 197 qui est leur propriété, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel s'est doublement contredite en déclarant dans ses motifs confirmer un jugement dont elle n'adopte pas la solution, et en déclarant dans ses motifs confirmer un jugement qu'elle infirme dans son dispositif ; que la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'il appartient au défendeur, non propriétaire, qui invoque la prescription, de prouver sa possession et tous ses caractères utiles pour prescrire ; qu'en affirmant que la citerne est présumée se trouver au même emplacement depuis 1971, et qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait changé de place entre 1971 et la date de son changement en 1986, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et dispensé les consorts Y... de leur obligation de prouver la continuité de leur possession pendant au moins trente ans ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que le grief, qui tend à dénoncer une erreur purement matérielle pouvant être réparée selon la procédure prévue à l'article 462 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la citerne de gaz était située sur la parcelle AX 197 dans une enceinte clôturée par les consorts Y... et retenu, sans inverser la charge de la preuve, que, son déplacement invoqué par M. et Mme X... n'étant pas prouvé, elle était présumée se trouver depuis 1971 sur cette parcelle, la cour d'appel a pu en déduire que les consorts Y..., qui établissaient une possession trentenaire, continue, publique, paisible et à titre de propriétaire, avaient acquis par prescription la partie de la parcelle AX 197 sur laquelle était située la citerne ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour les consorts Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la servitude de passage qui grève le fonds cadastré AX 268 situé sur la commune de SACHÉ (37) au profit des parcelles AX n° 69, 308 à 320, 322 et 323 est éteinte ;
AUX MOTIFS QUE « I Sur la parcelle AX 268 : En application de l'article 685-1 du code civil, en cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682. A défaut d'accord amiable, cette disparition est constatée par une décision de justice. En application de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. En l'occurrence, les appelants ne contestent plus que Monsieur et Madame Daniel et Claudine X... sont propriétaires de la parcelle 268 à usage de voie de passage et que celle-ci est grevée d'une servitude de passage au profit de l'ensemble immobilier de les consorts Y.... Toutefois, Monsieur et Madame Daniel et Claudine X... font valoir que cette servitude est éteinte du fait de la cessation de l'enclave de l'ensemble immobilier. Selon les consorts Y... cette demande serait nouvelle et donc irrecevable. Mais, en première instance, Monsieur et Madame Daniel et Claudine X... demandaient que les consorts Y... ne soient pas autorisés à stationner leur véhicule dans la cour AX 268 et ils reconnaissaient qu'elle était grevée d'un droit de passage en raison de la situation de la parcelle 318. En conséquence, en démontrant en appel que cette parcelle n'est plus enclavée, leur demande tend toujours à interdire l'utilisation par les consorts Y... de la voie de passage, mais en recourant à un fondement juridique différent. A la lecture du rapport en date du 1er décembre 2008 de Monsieur Didier Z..., géomètre-expert foncier, désigné par le tribunal d'instance et au vu de l'extrait du plan cadastral informatisé du 4 juillet 2008 qui y est annexé, il s'avère que l'ensemble immobilier des consorts Y... est rattaché à la voie publique (dénommée voie communale n°2) par la parcelle 69. Selon ce rapport, « depuis 1989, Madame Y... est propriétaire d'un accès privé cadastré AX69, gravillonné, dont l'entrée se fait par la voie communale n°3 et qui débouche sur ses parcelles, notamment celles où sont positionnés ses garages automobiles. Cet accès désenclave la propriété Y... » et l'expert précise plus loin que « soixante et un mètres séparent le garage de Madame
Y...
de la porte d'entrée de sa maison. » Dans leurs dernières conclusions, les consorts Y... ne contestent pas les constatations de l'expert judiciaire. Dès lors, il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'ensemble immobilier constitué des parcelles section AX n° 69, 308, 309, 310, 311, 312, 313, 314, 315, 316, 317, 318, 319, 320, 322 et 323 n'est plus enclavé et qu'en conséquence, il doit être décidé que la servitude de passage qui grève le fonds 268 au profit des parcelles précitées, est éteinte. La demande d'interdiction de stationnement des véhicules sur la parcelle 268 devient donc sans objet. Le jugement entrepris sera réformé concernant la servitude passage sur la parcelle 268 » ;
ALORS, D'UNE PART QUE les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en jugeant que la prétention des consorts X... tendant à voir constater l'extinction de la servitude de passage sur la parcelle AX 268 n'était pas nouvelle dès lors qu'elle tendait aux mêmes fins que celle, déjà présentée en première instance, tendant à ce que les consorts Y... ne soient pas autorisés à stationner leurs véhicules sur ladite parcelle, cependant que la servitude de passage n'impliquant pas le droit de stationner, la prétention tendant à la voir disparaître ne pouvait tendre « aux mêmes fins » que celle tendant à interdire le stationnement sur le fonds servant, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du Code de procédure civile, ensemble l'article 702 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART QUE l'article 685-1 du Code civil, qui ne vise que l'extinction du titre légal fondant la servitude de passage pour cause d'enclave, laisse en dehors de son champ d'application les servitudes conventionnelles ; qu'il était constant aux débats, devant la cour d'appel, que les consorts Y... bénéficiaient d'une servitude de passage sur la parcelle AX 268 en leur qualité de propriétaires indivis du fonds dominant constitué par les parcelles AX 69, AX 308 à 320, AX 322 et AX 323, en vertu d'un acte du 21 avril 1965 reprenant les termes d'une licitation en date du 2 décembre 1860 ; qu'en jugeant que la cessation de l'état d'enclave du fonds dominant emportait extinction de la servitude de passage précitée, sans rechercher si la stipulation d'une servitude de passage dans les actes précités avait pour objet la création ex nihilo d'une servitude conventionnelle ou seulement l'aménagement d'une servitude légale préexistante, cette dernière hypothèse seule pouvant justifier la disparition de la servitude par la cessation de l'état d'enclave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 685-1 du Code civil.Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. et Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir dit que les consorts Y... ont acquis par prescription la propriété de la partie de la parcelle AX 197 sur laquelle est située la citerne de gaz des consorts Y..., et d'avoir débouté les époux X... de leur demande tendant à l'enlèvement de cette citerne située sur la parcelle AX 197 qui est leur propriété,
AUX MOTIFS QU'il a été constaté par l'expert judiciaire qu'une citerne de gaz appartenant aux consorts Y... est installée sur la parcelle 197 (rapport, p 11/16) ; qu'il est aussi constaté qu'elle se trouve dans une enceinte clôturée mise en place par M. et Mme Y... ; qu'il n'est pas contesté que ces derniers détiennent une citerne de gaz depuis 1971, qui a été remplacée depuis cette date ; que M. et Mme Daniel et Claudine X... font valoir que la citerne initiale n'aurait pas été entreposée sur la parcelle 197 et communiquent aux débats une photographie correspondant à une vue d'avion qui ne permet pas de détailler les objets posés au sol et qui, au surplus, n'est pas datée ; que cet élément de preuve est insuffisant pour justifier que la citerne ne serait que depuis 1986 sur la parcelle 197 ; que dans la mesure où le déplacement de la citerne n'est pas prouvé, celle-ci est présumée se trouver depuis 1971 sur la parcelle 197 et que M. et Mme Y... et aujourd'hui, les héritiers de M. Y... possèdent depuis au moins trente ans, de manière continue, publique et paisible et à titre de propriétaire, la partie de la parcelle 197 sur laquelle est située ladite citerne ; qu'en conséquence, il s'en déduit que les consorts Y... ont acquis par prescription la propriété de la partie de la parcelle 197 sur laquelle est située ladite citerne ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;
1°) ALORS QUE la Cour d'appel s'est doublement contredite en déclarant dans ses motifs confirmer un jugement dont elle n'adopte pas la solution, et en déclarant dans ses motifs confirmer un jugement qu'elle infirme dans son dispositif ; que la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'il appartient au défendeur, non propriétaire, qui invoque la prescription, de prouver sa possession et tous ses caractères utiles pour prescrire ; qu'en affirmant que la citerne est présumée se trouver au même emplacement depuis 1971, et qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait changé de place entre 1971 et la date de son changement en 1986, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve et dispensé les consorts Y... de leur obligation de prouver la continuité de leur possession pendant au moins 30 ans ; que la Cour d'appel a ainsi violé l'article 1315 du Code civil.