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04/05/2016 | FRANCE | N°15-16589

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 mai 2016, 15-16589


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que saisie d'un appel de la société Le Forum (la société) contre un jugement ayant déclaré irrecevable le recours formé à la suite d'un redressement notifié par l'URSSAF du Vaucluse, aux droits de laquelle vient l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), la cour d'appel de Nîmes, par arrêt du 6 mai 2014, a réformé le jugement en ce qu'il avait dit irrecevable l'action de la société et, statuant à nouveau, a déclaré cette action recevabl

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que saisie d'un appel de la société Le Forum (la société) contre un jugement ayant déclaré irrecevable le recours formé à la suite d'un redressement notifié par l'URSSAF du Vaucluse, aux droits de laquelle vient l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), la cour d'appel de Nîmes, par arrêt du 6 mai 2014, a réformé le jugement en ce qu'il avait dit irrecevable l'action de la société et, statuant à nouveau, a déclaré cette action recevable, et confirmé le jugement pour le surplus ; que l'URSSAF a présenté une requête en rectification d'une omission matérielle ;
Sur la recevabilité du premier moyen, examinée d' office après avis donné aux parties, en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer recevable cette requête, alors, selon le moyen, que la délégation de signature par le directeur d'un organisme de sécurité sociale à un agent doit préciser la nature des opérations qu'il peut effectuer ; qu'en jugeant recevable une requête en rectification d'omission matérielle sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette procédure figurait dans la liste limitative des actes que le délégué était autorisé à signer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article D. 253-6 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que la cour d'appel n'ayant pas statué dans son dispositif sur la recevabilité de la requête, le moyen, sous couvert d'un grief de violation de la loi, critique une omission de statuer, laquelle peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile ;
D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 462 du code de procédure civile ;

Attendu que si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l'a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision ;
Attendu que pour accueillir la requête présentée par l'URSSAF, l'arrêt retient que le tribunal des affaires de sécurité sociale n'ayant pas statué sur le fond du litige, mais seulement sur la recevabilité de l'action, à l'exclusion de tout autre chef, et la cour d'appel ayant infirmé cette décision en disant que le recours de la société était recevable, mais que le redressement était bien fondé, c'est bien par suite d'une erreur matérielle qu'elle a énoncé dans les motifs de l'arrêt : « Le jugement sera donc confirmé de ce chef », et en son dispositif : « Confirme le jugement sur le surplus », au lieu de : « Le redressement sera donc confirmé », et au dispositif : « Confirme le redressement pour le montant tel que notifié par l'URSSAF » ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt du 6 mai 2014 n'énonçait pas que le redressement était bien fondé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties, en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la requête en rectification d'omission matérielle ;
Condamne l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant la cour d'appel que devant la Cour de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Le Forum.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la requête de l'Urssaf tendant à la rectification matérielle de l'arrêt rendu le 6 mai 2014 par la cour d'appel de Nîmes ;
Aux motifs que l'Urssaf produit la délégation de signature consentie par le directeur régional à M. X... le 2 janvier 2014, dans le cadre des dispositions des articles R 122-3 et D 253-6 du code de la sécurité sociale, « pour exercer l'emploi de manager d'activités stratégiques, dans les conditions et les limites mentionnées ci-après » ; Qu'il y est notamment indiqué que, « dans le cadre de sa fonction de coordonnateur du site d'Avignon et en cas d'absence du directeur du site, M. X... supplée ce dernier sur les domaines suivants et lui en rend compte à son retour : Fonction Affaires Juridiques (AFJ)
° Signature des courriers/courriels aux cotisants et à leurs conseils
° Signature des décisions d'interjeter appel dans le cadre du dispositif régional de validation et de supervision
° Signature des décisions de pourvoi en cassation (après autorisation ACOSS)
° Signature des dépôts de plainte et constitutions de partie civile » ; Qu'en outre, l'Urssaf justifie, par la production d'une attestation de Mme Y..., directrice du site d'Avignon, datée du 17 décembre 2014, et d'une copie d'écran informatique relative à ses absences et états de frais, que le 1er octobre 2014, date à laquelle M. X... a établi la requête, celle-ci participait à une réunion au siège de l'ACOSS à Paris ; Que la requête est donc recevable ;
Alors que la délégation de signature par le directeur d'un organisme de sécurité sociale à un agent doit préciser la nature des opérations qu'il peut effectuer ; qu'en jugeant recevable une requête en rectification d'omission matérielle sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette procédure figurait dans la liste limitative des actes que le délégué était autorisé à signer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article D 253-6 du code de la Sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir remplacé dans les motifs de l'arrêt du 6 mai 2014 la phrase « Le jugement sera donc confirmé de ce chef » par « Le redressement sera donc confirmé » et dans son dispositif la phrase « Confirme le jugement sur le surplus » par « Confirme le redressement tel que notifié par l'Urssaf » ;
Aux motifs que « selon l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ; Qu'en l'espèce, par jugement du 7 juin 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Vaucluse a déclaré irrecevable le recours formé par la société Le Forum contre un redressement suivi d'une mise en demeure du 7 juin 2010 pour recouvrement de la somme de 483 448 euros, soit 396 086 euros de cotisations et 87 362 euros de majorations de retard ; Que la société Le Forum ayant interjeté appel de cette décision, le 4 juillet 2012, la cour de céans a, par arrêt du 6 mai 2014, statué en ces termes au dispositif : « Réforme la décision en ce qu'elle a dit irrecevable l'action de la société Le Forum, Statuant à nouveau, Dit l'action de la société Le Forum recevable, Confirme le jugement sur le surplus, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à paiement du droit prévu par l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale » ; Que dans les motifs de cet arrêt, après avoir examiné la recevabilité du recours, la cour a ainsi conclu : « il en résulte que l'action de la société Le Forum est recevable » ; Que les motifs suivants sont ensuite énoncés : « Sur le bien-fondé du redressement. La société Le Forum ne conteste pas avoir dissimulé les rémunérations de différents salariés puisqu'elle fait valoir que le nouveau directeur « avait décidé de ne plus verser les salaires occultes » depuis son entrée en fonction en juin 2009 ; en outre, l'infraction a été constatée lors d'un contrôle du 23 juin 2009 et la société Le Forum, M. Z... et Mme A... ont été tous trois condamnés pour travail dissimulé par jugement devenu définitif du tribunal correctionnel d'Avignon en date du 31 mars 2010. Il n'est ainsi pas discuté que les rémunérations allouées aux salariés travaillant le 23 juin 2009 n'ont pas été mentionnées dans la comptabilité de l'entreprise ; l'Urssaf est donc fondée, en l'absence de cette mention, à pratiquer en application de l'article R. 242-5 du code de la sécurité sociale une taxation forfaitaire dont il incombe à la société appelante de démontrer l'inexactitude. La société Le Forum, qui ne conteste pas le versement occulte de commissions égales à 10 % du chiffre d'affaires journalier, soutient que l'Urssaf aurait commis une erreur en ce qu'elle aurait retenu comme base de calcul un montant de chiffres d'affaires erroné ; ainsi, elle aurait pris une base de 4 000 euros là où le tribunal correctionnel retenait une base comprise entre 300 et 400 euros. La cour constate toutefois que la somme comprise « entre 300 et 800 euros par jour » visée par le tribunal correctionnel concernait, non pas le montant du chiffre d'affaires global journalier de la brasserie, mais « une partie des recettes des limonades » ; aucune contradiction n'est dès lors établie. La société ne rapporte aucun élément objectif permettant de déterminer le montant du chiffre d'affaires journalier qu'elle conteste. L'employeur se borne également à affirmer que les heures supplémentaires ont été payées et verse à l'appui de ses allégations dix décisions de conseil de prud'hommes ayant débouté les salariés de leur demande de rappel de salaires. Toutefois, ces jugements dont le caractère définitif n'est pas établi, ne peuvent contrarier les constatations de l'Urssaf puisqu'il n'est pas reproché à l'employeur dans la présente procédure de ne pas avoir payé ces heures, mais de ne pas les avoir déclarées. La méthode adoptée par l'Urssaf est détaillée dans ses écritures, les calculs tenus pour être ici intégralement repris, sera validée dès lors que la société (ne) produit aucun élément probant et pertinent permettant de la remettre en cause. Le jugement sera donc confirmé de ce chef. Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile » ; Qu'il résulte de ces énonciations que, le tribunal des affaires de la Sécurité sociale n'ayant pas statué sur le fond du litige, mais seulement sur la recevabilité de l'action, à l'exclusion de tout autre chef, et la cour ayant infirmé cette décision en disant que le recours de la société Le Forum était recevable, mais que le redressement était bien fondé, c'est bien par suite d'une erreur matérielle qu'elle a dit dans les motifs de l'arrêt : « Le jugement sera donc confirmé de ce chef », et en son dispositif : « Confirme le jugement sur le surplus », au lieu de dire, dans ses les motifs : « Le redressement sera donc confirmé », et au dispositif : « Confirme le redressement pour le montant tel que notifié par l'Urssaf » ; Que la requête sera donc accueillie »;
1) Alors que le juge ne peut modifier l'objet de la demande tel que cet objet est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en ajoutant à son arrêt la confirmation réputée omise d'un redressement dont les motifs ne précisaient pas le montant, cependant qu'elle était saisie d'une demande de confirmation du redressement de cotisations de l'Urssaf « pour son montant notifié de 483 448 €, soit 396 096 € en cotisation et 87 362 € en majoration de retard », soit en réalité une demande d'omission de statuer sans en analyser les conditions de recevabilité, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2) Alors au demeurant que le juge ne peut, sous couvert de rectification d'erreur matérielle, modifier les droits et obligations des parties ; qu'en ajoutant au dispositif de son arrêt la confirmation d'un « redressement » de l'Urssaf que ses motifs ne chiffrent pas, la cour d'appel a violé l'article 462 du code de procédure civile ;
3) Et alors en tout état de cause qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'ayant constaté que l'arrêt à rectifier avait fait l'objet d'un pourvoi en cassation non soutenu, sans que l'Urssaf n'ait formé alors sa demande de rectification, privant l'entreprise redressée de la possibilité de faire valoir, par un pourvoi incident, ses critiques de fond du redressement, la cour d'appel a violé l'article 462 du code de procédure civile, ensemble le principe de concentration des moyens susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-16589
Date de la décision : 04/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 17 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 mai. 2016, pourvoi n°15-16589


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16589
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