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04/05/2016 | FRANCE | N°15-14671;15-18717

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 mai 2016, 15-14671 et suivant


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois N° H 15-14. 671 et N° E 15-18. 717 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 octobre 2014), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 30 novembre 2011, pourvoi n° 10-18. 648) qu'en 2001, la société Air France a fait rénover les installations de climatisation de son centre informatique ; que sont intervenues à l'opération de construction la société Smart Building Engeneering (SBE), chargée de la maîtrise d'oeuvre et assurée auprès de la société MMA, la société A

xima, titulaire du lot réseaux d'eau glacée et assurée auprès de la Société mutuel...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois N° H 15-14. 671 et N° E 15-18. 717 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 octobre 2014), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 30 novembre 2011, pourvoi n° 10-18. 648) qu'en 2001, la société Air France a fait rénover les installations de climatisation de son centre informatique ; que sont intervenues à l'opération de construction la société Smart Building Engeneering (SBE), chargée de la maîtrise d'oeuvre et assurée auprès de la société MMA, la société Axima, titulaire du lot réseaux d'eau glacée et assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), la société Serc, sous-traitant de la société Axima pour les travaux de calorifugeage des canalisations d'eau glacée et la pose du pare-vapeur enrobant le calorifuge, assurée auprès de la SMABTP, et la société Socotec, contrôleur technique, assurée auprès de la société Axa France ; que la réception des travaux a été prononcée avec réserves le 25 juillet 2002 ; qu'en juillet 2003, des traces d'eau ont été constatées sur le pare-vapeur bitumeux enrobant le calorifuge ; qu'après expertise, la société Air France a assigné les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la SMABTP et le moyen unique du pourvoi provoqué de la société Axima, réunis :

Attendu que la SMABTP et la société Axima font grief à l'arrêt de dire que les désordres avaient une nature décennale et de les condamner in solidum à indemniser le maître d'ouvrage, alors, selon le moyen :

1°/ que des dommages ne relèvent de la garantie décennale que s'il est certain que, dans le délai de forclusion de dix ans, ils revêtiront le caractère de gravité requis ; qu'en ayant caractérisé un simple « danger » de percement des tuyaux par corrosion qui « de manière évidente n'est pas immédiat », mais pourrait survenir « à moyen ou long terme », sans constater que ce dommage futur se réaliserait dans le délai d'épreuve de dix ans depuis la réception des travaux, alors même que la réception des travaux avait été prononcée en 2002, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

2°/ qu'un désordre de construction ne peut être qualifié de décennal que s'il est suffisamment grave ; qu'ayant constaté que la diminution du coefficient d'isolation de l'immeuble était marginale, sans en déduire que le dommage de construction en résultant ne présentait pas le degré de gravité suffisant pour revêtir une qualification décennale, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;

3°/ que l'impropriété à sa destination d'un immeuble ne s'apprécie pas en fonction de l'investissement qui avait été fait pour le réaliser ; qu'en ayant apprécié l'impropriété de l'ouvrage à sa destination en fonction de « l'investissement » qui avait été fait et de la durée de vie consécutive qui était attendue de l'ouvrage, l'abrégement de la durée de vie de l'ouvrage caractérisant ainsi, selon la cour, une impropriété de celui-ci à sa destination, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;

4°/ que l'impropriété à sa destination d'un immeuble s'entend de son impropriété technique et non de son impropriété contractuelle ; qu'en ayant apprécié l'impropriété à sa destination de l'ouvrage litigieux en fonction de sa destination contractuelle, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la rénovation des installations de conditionnement d'air était destinée à augmenter la fiabilité du site gérant l'ensemble de la billetterie et des réservations de la compagnie Air France, à optimiser les coûts d'exploitation et à améliorer le confort thermique des occupants et que la présence d'eau dans l'isolant diminuait le coefficient prévu d'isolation du calorifugeage de l'ensemble de l'installation, la cour d'appel a pu déduire de ce seul motif que le désordre constaté par l'expert traduisait une impropriété à destination de l'ouvrage et présentait un caractère décennal ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal, réunis :

Attendu que la SMABTP fait grief à l'arrêt de dire que le maître d'oeuvre et le contrôleur technique n'avaient pas manqué à leurs obligations, de la condamner, in solidum avec ses assurées, à indemniser la société Air France et de dire que les responsabilités seront réparties à 80 % à la charge de la société Serc et à 20 % à la charge de la société Axima, alors, selon le moyen :

1°/ que le maître d'oeuvre, investi d'une mission complète, doit s'assurer de la bonne exécution des travaux en cours de chantier ; qu'en jugeant que la société SBE n'avait en rien manqué à sa mission, aux motifs inopérants que les vices n'étaient pas apparents en cours de chantier et à la réception et qu'un mode opératoire avait été défini, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

2°/ que le maître d'oeuvre, investi d'une mission complète de surveillance des travaux, doit s'assurer de leur bonne exécution en cours de chantier ; qu'en déchargeant la société SBE de toute faute dans l'accomplissement de sa mission, notamment dans le défaut d'écartement des tuyaux, au motif inopérant que la société Serc aurait dû refuser le support si elle ne pouvait appliquer l'enduit de protection dans les règles de l'art, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

3°/ que le contrôleur technique engage sa responsabilité si, étant au fait d'un défaut d'exécution du chantier, même ne relevant pas de sa mission, il omet d'en avertir le maître d'ouvrage ; qu'ayant relevé que la société Socotec avait évoqué les calorifuges dans son rapport de certification technique du 12 mai 2003, pour ensuite écarter tout manquement du contrôleur technique à ce titre, au prétexte que les calorifuges ne relevaient pas de sa mission, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que le maître d'oeuvre avait fait suspendre le chantier en début d'exécution du calorifugeage après avoir constaté que les conditions de sa pose n'étaient pas respectées au regard des normes applicables, que le reste du chantier avait été poursuivi selon une méthode différente sans aucun désordre apparent et qu'il n'était pas en mesure de déceler le défaut d'exécution à l'origine du désordre, d'autre part, que la mission de la Socotec, portant exclusivement sur la solidité de l'ouvrage, des éléments d'équipement et des existants, ainsi que sur la sécurité des personnes, il était indifférent qu'elle ait évoqué dans son rapport des considérations sur les calorifuges qui ne relevaient pas de sa mission, la cour d'appel en a exactement déduit que le maître d'oeuvre avait satisfait à son obligation de surveillance de l'exécution des travaux qui n'impliquait pas une présence ou un contrôle permanent sur le chantier et que l'obligation de conseil du contrôleur technique ne pouvait être recherchée en dehors du champ de sa mission ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la SMABTP aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal n° s E 15-18. 717 et H 15-14. 671 par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la SMABTP

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

II est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, ayant dit que les désordres de construction en cause avaient une nature décennale, condamné un assureur (la SMABTP) in solidum avec ses assurées (les sociétés SERC et Axima), à indemniser le maître d'ouvrage (la société Air France) ;

AUX MOTIFS QU'avaient été constatés un défaut de collage continu et au niveau des jointements des coquilles de mousse phénolique, une insuffisante épaisseur de l'enduit de finition, voire une absence d'enduit, lequel constituait la barrière à la migration de vapeur d'eau vers les tuyaux et le non-respect des écartements minimum entre tuyauteries permettant la bonne exécution de la finition de l'enduit ; qu'il devait être rappelé pour la bonne compréhension du litige que lors des travaux, le maître d'oeuvre était intervenu en constatant une exécution des travaux de calorifugeage non conforme sur la première partie du réseau (300 m) et en contestant la méthode de pose pratiquée par la sous-traitante SERC qui ne respectait pas le collage sur les canalisations des coquilles de mousse phénolique utilisées pour l'isolation tel que préconisé par la norme DTU 67. 1 ; que cet incident avait donné lieu à la suspension du chantier, le 27 novembre 2001, puis à sa reprise le 15 janvier 2002 après décision d'un nouveau mode opératoire prévoyant l'encollage des coquilles sur la tuyauterie ; que pour la partie des travaux réalisés, il n'avait pas été prévu de réfection, mais la réalisation d'une troisième couche de parevapeur ; que la réserve ayant porté sur le respect de la norme DTU citée, avait été levée le 15 janvier 2003 ; que les désordres, certes apparus pendant la période de parfait achèvement, présentaient selon l'expert X... les caractéristiques suivantes : la pérennité de l'installation n'était pas garantie ; il existait un « danger » de percement de la tuyauterie par corrosion qui de manière évidente n'était pas immédiat, notamment pour les canalisations de diamètre important (300 ou 250 mm par exemple), compte tenu de l'épaisseur des parois du tube, l'expert notant toutefois que « l'expérience montre que la vitesse de corrosion est parfois surprenante » ; la « présence d'eau dans l'isolant est également préjudiciable thermiquement parlant du fait de la diminution du coefficient d'isolation du complexe, bien que cela reste marginal au niveau de l'exploitation » ; que ces désordres ne pouvaient être considérés comme apparents, alors que des sondages destructifs du calorifuge avaient été nécessaires pour les constater ; que si l'appréciation de la généralisation ou non des désordres était difficile à établir en raison de l'impossibilité d'accéder à l'ensemble de l'installation et de l'examiner autrement que par sondages, cependant l'expert judiciaire avait conclu des observations effectuées qu'on « pouvait raisonnablement penser que la durée de vie du réseau sera écourtée » et qu'il n'est « pas non plus exclu que des percements par corrosion surviennent à moyen ou long terme » ; qu'au regard de la qualification décennale des désordres qui suppose rapportée la preuve d'une atteinte à la solidité de l'ouvrage ou à sa destination, la cour devait retenir, d'une part, que la destination doit s'apprécier en fonction de l'investissement que représentait un tel aménagement dont la durée de vie est généralement fixée de 20 à 30 ans pour les canalisations, vannes et compensateurs, et de 15 à 20 ans pour le calorifuge, et d'autre part, qu'en raison de la spécificité du site concerné qui gérait l'ensemble de la billetterie et des réservations de la compagnie Air France, l'abrègement de la durée de vie de l'installation constituait une atteinte à la destination prévue ; qu'il devait à cet égard être souligné que la destination des travaux avait été contractualisée dans le CCTP qui énonçait (article 1. 1 pièce 8) que la rénovation des installations de conditionnement d'air était destinée à « augmenter la fiabilité des installations (essentiellement pour les salles informatiques), optimiser les coûts d'exploitation (maintenance/ énergie consommée), améliorer le confort thermique des occupants » ; que les désordres constatés en plusieurs endroits, dont l'évolution par migration de l'humidité avait été relevée par l'expert, traduisaient un manquement à cette destination ; que, par ailleurs, la diminution constatée du coefficient d'isolation attendu du complexe était avérée, quand bien même était-elle mentionnée comme marginale, ce qui caractérisait un déficit par rapport au résultat d'exploitation attendu ; que le jugement entrepris devait en conséquence être confirmé sur la qualification décennale des désordres ;

1° ALORS QUE des dommages ne relèvent de la garantie décennale que s'il est certain que, dans le délai de forclusion de dix ans, ils revêtiront le caractère de gravité requis ; qu'en ayant caractérisé un simple « danger » de percement des tuyaux par corrosion qui « de manière évidente n'est pas immédiat », mais pourrait survenir « à moyen ou long terme », sans constater que ce dommage futur se réaliserait dans le délai d'épreuve de dix ans depuis la réception des travaux, alors même que la réception des travaux avait été prononcée en 2002, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

2° ALORS QU'un désordre de construction ne peut être qualifié de décennal que s'il est suffisamment grave ; qu'ayant constaté que la diminution du coefficient d'isolation de l'immeuble était marginale, sans en déduire que le dommage de construction en résultant ne présentait pas le degré de gravité suffisant pour revêtir une qualification décennale, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;

3° ALORS QUE l'impropriété à sa destination d'un immeuble ne s'apprécie pas en fonction de l'investissement qui avait été fait pour le réaliser ; qu'en ayant apprécié l'impropriété de l'ouvrage à sa destination en fonction de « l'investissement » qui avait été fait et de la durée de vie consécutive qui était attendue de l'ouvrage, l'abrégement de la durée de vie de l'ouvrage caractérisant ainsi, selon la cour, une impropriété de celui-ci à sa destination, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;

4° ALORS QUE l'impropriété à sa destination d'un immeuble s'entend de son impropriété technique et non de son impropriété contractuelle ; qu'en ayant apprécié l'impropriété à sa destination de l'ouvrage litigieux en fonction de sa destination contractuelle, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

II est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, ayant dit que le maître d'oeuvre (la société SBE) et le contrôleur technique (la société Socotec) n'avaient pas manqué à leurs obligations, condamné un assureur (la SMABTP) in solidum avec ses assurées (les sociétés SERC et Axima), à indemniser un maître d'ouvrage (la société Air France) ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'intervention du maître d'oeuvre, il sera souligné qu'il avait fait suspendre le chantier en début d'exécution du calorifugeage, après avoir constaté que les conditions de sa pose n'étaient pas respectées au regard des normes applicables, satisfaisant ainsi à son obligation de surveillance des travaux ; que leur reprise n'était intervenue qu'après définition d'une méthode concertée ; que s'agissant d'une insuffisance de l'étanchéité à l'humidité ambiante et technique de l'isolation posée qui avait été avérée grâce à des sondages, le caractère apparent des désordres n'était pas établi et le défaut ne pouvait être détecté par le maître d'oeuvre ; que, pour cette raison, le grief de défaut de conseil au maître d'ouvrage en ce qu'il aurait dû lui conseiller de maintenir une réserve sur la question de l'étanchéité n'était pas davantage fondé ; que la réserve relative à la première phase de travaux de calorifugeage avait été levée ; que le reste du chantier avait été poursuivi selon une méthode différente, sans qu'aucun désordre apparent n'alerte l'oeil même averti du maître d'oeuvre ; que, s'agissant du contrôleur technique, sa responsabilité de plein droit n'était pas susceptible d'être engagée, car sa mission portait exclusivement sur la solidité de l'ouvrage, des éléments d'équipement et des existants, ainsi que sur la sécurité des personnes ; qu'il était dès lors indifférent que la société Socotec ait évoqué dans son rapport de certification technique du 12 mai 2003 cité par l'expert (page 24) des considérations sur les calorifuges qui ne relevaient pas de sa mission ; que la recherche de responsabilité de la société Socotec sur un fondement contractuel au motif que sa mission « LP » (solidité des ouvrages) lui aurait fait obligation de se préoccuper de la pérennité des réseaux, était infondée, s'agissant de deux registres parfaitement distincts, alors que la solidité des ouvrages n'était en rien discutée en l'espèce et que son obligation de conseil ne saurait être recherchée hors du champ de sa mission ; qu'il convenait donc de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il n'avait pas retenu la responsabilité de cet intervenant ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'aucun manquement ne pouvait être reproché au maître d'ouvrage dans la surveillance du chantier, dès lors que c'était à la suite d'un sondage effectué dans la première phase des travaux par la société SBE que le défaut de collage des coquilles avait été découvert et qu'il y avait été remédié pour la poursuite des travaux, alors que la société Axima n'avait relevé aucun manquement à ce titre ; que les défauts d'exécution n'étaient pas visibles, sauf à suivre pas à pas le calorifugeur ; qu'il ne pouvait être reproché au maître d'ouvrage de ne pas avoir relevé des défauts d'encollage au niveau des jointements de coquille ou de mise en oeuvre de l'enduit ; que le défaut d'écartement des tuyaux ne pouvait être reproché au maître d'oeuvre, car la société SERC aurait dû refuser le support si elle ne pouvait pas effectuer son travail dans les règles de l'art ;

1° ALORS QUE le maître d'oeuvre, investi d'une mission complète, doit s'assurer de la bonne exécution des travaux en cours de chantier ; qu'en jugeant que la société SBE n'avait en rien manqué à sa mission, aux motifs inopérants que les vices n'étaient pas apparents en cours de chantier et à la réception et qu'un mode opératoire avait été défini, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

2° ALORS QUE le maître d'oeuvre, investi d'une mission complète de surveillance des travaux, doit s'assurer de leur bonne exécution en cours de chantier ; qu'en déchargeant la société SBE de toute faute dans l'accomplissement de sa mission, notamment dans le défaut d'écartement des tuyaux, au motif inopérant que la société SERC aurait dû refuser le support si elle ne pouvait appliquer l'enduit de protection dans les règles de l'art, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

3° ALORS QUE le contrôleur technique engage sa responsabilité si, étant au fait d'un défaut d'exécution du chantier, même ne relevant pas de sa mission, il omet d'en avertir le maître d'ouvrage ; qu'ayant relevé que la société Socotec avait évoqué les calorifuges dans son rapport de certification technique du 12 mai 2003, pour ensuite écarter tout manquement du contrôleur technique à ce titre, au prétexte que les calorifuges ne relevaient pas de sa mission, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

II est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait dit que, dans les rapports respectifs entre co-obligés, la charge finale des condamnations pèserait, à hauteur de 20 %, sur le titulaire du lot réseau d'eau glacée (la société Axima, assurée par la SMABTP) et à hauteur de 80 % sur la sous-traitante de celle-ci (la société SERC, aussi assurée par la SMABTP) ;

AUX MOTIFS QUE la présomption de responsabilité de SBE et d'Axima et leur obligation de garantie in solidum envers le maître d'ouvrage étant retenue de plein droit, les parts respectives de responsabilité et les fautes appelaient les observations suivantes : les caractéristiques techniques du lot litigieux, la défaillance de SERC à assurer l'étanchéité du calorifugeage dans les termes contractuellement prévus, et celle d'Axima dans le respect de l'écartement des canalisations par elle posées, justifiaient de confirmer leurs parts respectives de responsabilité dans la proportion de 80 % et 20 % retenue en première instance ; qu'il n'était pas démontré de faute du maître d'oeuvre SBE dont l'obligation de moyen de direction et de suivi des travaux n'impliquait pas une présence et un contrôle constant sur le chantier ; qu'au surplus SBE avait pu repérer dans la phase initiale des travaux les imperfections dans la pose du dispositif d'étanchéité par SERC, faire suspendre le chantier et mettre en oeuvre une méthode conforme à la finalité des travaux ; qu'enfin, l'apparition des désordres relevait de défauts d'exécution que le maître d'oeuvre n'était pas en mesure de déceler dans le cadre de son obligation de moyens ; sur l'intervention du maître d'oeuvre, il sera souligné qu'il avait fait suspendre le chantier en début d'exécution du calorifugeage, après avoir constaté que les conditions de sa pose n'étaient pas respectées au regard des normes applicables, satisfaisant ainsi à son obligation de surveillance des travaux ; que leur reprise n'était intervenue qu'après définition d'une méthode concertée ; que s'agissant d'une insuffisance de l'étanchéité à l'humidité ambiante et technique de l'isolation posée qui avait été avérée grâce à des sondages, le caractère apparent des désordres n'était pas établi et le défaut ne pouvait être détecté par le maître d'oeuvre ; que, pour cette raison, le grief de défaut de conseil au maître d'ouvrage en ce qu'il aurait dû lui conseiller de maintenir une réserve sur la question de l'étanchéité n'était pas davantage fondé ; que la réserve relative à la première phase de travaux de calorifugeage avait été levée ; que le reste du chantier avait été poursuivi selon une méthode différente, sans qu'aucun désordre apparent n'alerte l'oeil même averti du maître d'oeuvre ; que, s'agissant du contrôleur technique, sa responsabilité de plein droit n'était pas susceptible d'être engagée, car sa mission portait exclusivement sur la solidité de l'ouvrage, des éléments d'équipement et des existants, ainsi

que sur la sécurité des personnes ; qu'il était dès lors indifférent que la société Socotec ait évoqué dans son rapport de certification technique du 12 mai 2003 cité par l'expert (page 24) des considérations sur les calorifuges qui ne relevaient pas de sa mission ; que la recherche de responsabilité de la société Socotec sur un fondement contractuel au motif que sa mission « LP » (solidité des ouvrages) lui aurait fait obligation de se préoccuper de la pérennité des réseaux, était infondée, s'agissant de deux registres parfaitement distincts, alors que la solidité des ouvrages n'était en rien discutée en l'espèce et que son obligation de conseil ne saurait être recherchée hors du champ de sa mission ; qu'il convenait donc de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il n'avait pas retenu la responsabilité de cet intervenant ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'aucun manquement ne pouvait être reproché au maître d'ouvrage dans la surveillance du chantier, dès lors que c'était à la suite d'un sondage effectué dans la première phase des travaux par la société SBE que le défaut de collage des coquilles avait été découvert et qu'il y avait été remédié pour la poursuite des travaux, alors que la société Axima n'avait relevé aucun manquement à ce titre ; que les défauts d'exécution n'étaient pas visibles, sauf à suivre pas à pas le calorifugeur ; qu'il ne pouvait être reproché au maître d'ouvrage de ne pas avoir relevé des défauts d'encollage au niveau des jointements de coquille ou de mise en oeuvre de l'enduit ; que le défaut d'écartement des tuyaux ne pouvait être reproché au maître d'oeuvre, car la société SERC aurait dû refuser le support si elle ne pouvait pas effectuer son travail dans les règles de l'art ;

1° ALORS QUE le maître d'oeuvre, investi d'une mission complète, doit s'assurer de la bonne exécution des travaux en cours de chantier ; qu'en jugeant que la société SBE n'avait en rien manqué à sa mission, aux motifs inopérants que les vices n'étaient pas apparents en cours de chantier et à la réception et qu'un mode opératoire avait été défini, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2° ALORS QUE le maître d'oeuvre, investi d'une mission complète de surveillance des travaux, doit s'assurer de leur bonne exécution en cours de chantier ; qu'en déchargeant la société SBE de toute faute dans l'accomplissement de sa mission, notamment dans le défaut d'écartement des tuyaux, au motif inopérant que la société SERC aurait dû refuser le support si elle ne pouvait appliquer l'enduit de protection dans les règles de l'art, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3° ALORS QUE le contrôleur technique engage sa responsabilité si, étant au fait d'un défaut d'exécution du chantier, même ne relevant pas de sa mission, il omet d'en avertir le maître d'ouvrage ; qu'ayant relevé que la société Socotec avait évoqué les calorifuges dans son rapport de certification technique du 12 mai 2003, pour ensuite écarter tout manquement du contrôleur technique à ce titre, au prétexte que les calorifuges ne relevaient pas de sa mission, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.

Moyen produit au pourvoi provoqué éventuel n° s E 15-18-717 et H 15-14. 671 par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils pour la société Axima

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société AXIMA in solidum avec la SMABTP envers la société Air France, au titre de sa garantie décennale de constructeur,

AUX MOTIFS QU'

« avaient été constatés un défaut de collage continu et au niveau des jointements des coquilles de mousse phénolique, une insuffisante épaisseur de l'enduit de finition, voire une absence d'enduit, lequel constituait la barrière à la migration de vapeur d'eau vers les tuyaux et le non-respect des écartements minimum entre tuyauteries permettant la bonne exécution de la finition de l'enduit ; qu'il devait être rappelé pour la bonne compréhension du litige que lors des travaux, le maître d'oeuvre était intervenu en constatant une exécution des travaux de calorifugeage non conforme sur la première partie du réseau (300 m) et en contestant la méthode de pose pratiquée par la sous-traitante SERC qui ne respectait pas le collage sur les canalisations des coquilles de mousse phénolique utilisées pour l'isolation tel que préconisé par la norme DTU 67. 1 ; que cet incident avait donné lieu à la suspension du chantier, le 27 novembre 2001, puis à sa reprise le 15 janvier 2002 après décision d'un nouveau mode opératoire prévoyant l'encollage des coquilles sur la tuyauterie ; que pour la partie des travaux réalisés, il n'avait pas été prévu de réfection, mais la réalisation d'une troisième couche de parevapeur ;

que la réserve ayant porté sur le respect de la norme DTU citée, avait été levée le 15 janvier 2003 ; que les désordres, certes apparus pendant la période de parfait achèvement, présentaient selon l'expert X... les caractéristiques suivantes la pérennité de l'installation n'était pas garantie ; il existait un « danger » de percement de la tuyauterie par corrosion qui de manière évidente n'était pas immédiat, notamment pour les canalisations de diamètre important (300 ou 250 mm par exemple), compte tenu de l'épaisseur des parois du tube, l'expert notant toutefois que « l'expérience montre que la vitesse de corrosion est parfois surprenante » ; la « présence d'eau dans l'isolant est également préjudiciable thermiquement parlant du fait de la diminution du coefficient d'isolation du complexe, bien que cela reste marginal au niveau de l'exploitation » ;

que ces désordres ne pouvaient être considérés comme apparents, alors que des sondages destructifs du calorifuge avaient été nécessaires pour les constater ; que si l'appréciation de la généralisation ou non des désordres était difficile à établir en raison de l'impossibilité d'accéder à l'ensemble de l'installation et de l'examiner autrement que par sondages, cependant l'expert judiciaire avait conclu des observations effectuées qu'on « pouvait raisonnablement penser que la durée de vie du réseau sera écourtée » et qu'il n'est « pas non plus exclu que des percements par corrosion surviennent à moyen ou long terme » ; qu'au regard de la qualification décennale des désordres qui suppose rapportée la preuve d'une atteinte à la solidité de l'ouvrage ou à sa destination, la cour devait retenir, d'une part, que la destination doit s'apprécier en fonction de l'investissement que représentait un tel aménagement dont la durée de vie est généralement fixée de 20 à 30 ans pour les canalisations, vannes et compensateurs, et de 15 à 20 ans pour le calorifuge, et d'autre part, qu'en raison de la spécificité du site concerné qui gérait l'ensemble de la billetterie et des réservations de la compagnie Air France, l'abrégement de la durée de vie de l'installation constituait une atteinte à la destination prévue ; qu'il devait à cet égard être souligné que la destination des travaux avait été contractualisée dans le CCTP qui énonçait (article 1. 1 pièce 8) que la rénovation des installations de conditionnement d'air était destinée à « augmenter la fiabilité des installations (essentiellement pour les salles informatiques), optimiser les coûts d'exploitation (maintenance/ énergie consommée), améliorer le confort thermique des occupants » ; que les désordres constatés en plusieurs endroits, dont l'évolution par migration de l'humidité avait été relevée par l'expert, traduisaient un manquement à cette destination ; que, par ailleurs, la diminution constatée du coefficient d'isolation attendu du complexe était avérée, quand bien même était-elle mentionnée comme marginale, ce qui caractérisait un déficit par rapport au résultat d'exploitation attendu ; que le jugement entrepris devait en conséquence être confirmé sur la qualification décennale des désordres »,

ALORS D'UNE PART QUE des dommages ne relèvent de la garantie décennale que s'il est certain, que dans le délai de forclusion de dix ans, il revêtiront le caractère de gravité requis ; qu'en ayant caractérisé un simple « danger » de percement des tuyaux par corrosion qui « de manière évidente n'est pas immédiat » mais pourrait survenir « à moyen ou long terme », sans constater que ce dommage futur se réaliserait dans le délai d'épreuve de dix ans depuis la réception des travaux, alors même que la réception des travaux avait été prononcée en 2002, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil,

ALORS D'AUTRE PART qu'un désordre de construction ne peut être qualifié de décennal que s'il est suffisamment grave ; qu'ayant constaté que la diminution du coefficient d'isolation était marginale, sans en déduire que le dommage de construction en résultant ne présentait pas le degré de gravité suffisant pour revêtir une qualification décennale, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil,

ALORS ENCORE QUE l'impropriété à sa destination d'un immeuble ne s'apprécie pas en fonction de l'investissement qui avait été fait pour le réaliser ; qu'en ayant apprécié l'impropriété de l'ouvrage à sa destination en fonction de « l'investissement » qui avait été fait et de la durée de vie consécutive qui était attendue de l'ouvrage, l'abrégement de la durée de vie l'ouvrage caractérisant ainsi, selon la cour, une impropriété de celui-ci à sa destination, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil,

ALORS ENFIN QUE l'impropriété à sa destination d'un immeuble s'entend de son impropriété technique et non de son impropriété contractuelle ; qu'en ayant apprécié l'impropriété à sa destination de l'ouvrage litigieux en fonction de sa destination contractuelle, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-14671;15-18717
Date de la décision : 04/05/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 mai. 2016, pourvoi n°15-14671;15-18717


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Jean-Philippe Caston, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.14671
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