LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° S 15-13. 093 et G 15-15. 109 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 21 février 2014), que Fernand X..., bénéficiaire de l'allocation supplémentaire d'invalidité depuis le 1er novembre 1979, est décédé le 19 novembre 2010, laissant pour lui succéder Mme Ginette X..., sa veuve, Mme Brigitte X..., sa fille et Mme Elisabeth Y..., sa petite-fille ; que procédant au recouvrement des arrérages servis à leur auteur sur l'actif net successoral, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre (la caisse) a réclamé à chacune des héritières le montant de la quote-part de la créance ; que Mme Brigitte X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ce dernier, alors, selon le moyen :
1°/ que le recours formé à l'encontre de la notification, par une caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, de sa décision de récupération, sur la succession d'un assuré social, des versements faits à ce dernier au titre de l'allocation forfaitaire, et la demande subsidiaire tendant à voir minorer le montant de la récupération, qui visent à éviter l'aggravation du passif successoral, n'emportent pas, par eux-mêmes, acceptation de la succession ; qu'en considérant que la saisine, par l'exposante, du tribunal des affaires de sécurité sociale en contestation de la demande de récupération de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre de l'allocation supplémentaire versée à M. X... sur sa succession et la demande subsidiaire à voir réduire le montant de la récupération à la somme de 19 525, 32 euros, constituaient une acceptation tacite de la succession privant d'effet la renonciation à cette succession intervenue postérieurement au jugement dont appel, la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale et les articles 773, 784, 804 et 805 du code civil ;
2°/ que l'appel étant une voie de réformation ou d'annulation de la décision de première instance, à caractère suspensif, la renonciation à succession régularisée postérieurement à l'appel d'un jugement de condamnation rendu sur le recours formé à l'encontre de la notification, par une caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, de sa décision de récupération sur la succession d'un assuré social des versements faits à ce dernier au titre de l'allocation forfaitaire, est opposable audit organisme social ; qu'en énonçant que la renonciation de Mme X... à la succession de son père le 4 mars 2013 ne pouvait être prise en considération, pour être postérieure au jugement dont appel, la cour d'appel a violé, de nouveau, les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 773, 784, 804 et 805 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé les dispositions de l'article 773 du code civil, l'arrêt énonce que la demande des trois héritières, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, tendait à minorer le montant des sommes recouvrées par la caisse et s'accompagnait d'une proposition de règlement d'une somme reconnue due « payée par prélèvement sur sa quote-part de succession » ; qu'il retient qu'en agissant ainsi, Mme Brigitte X... a tacitement et nécessairement pris le parti d'accepter la succession et que sa renonciation intervenue le 4 mars 2013 ne pouvait être prise en considération ;
Qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche du moyen, la cour d'appel, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, a pu retenir que l'action engagée par Mme Brigitte X... traduisait sa volonté d'accepter la succession, privant d'effet la déclaration de renonciation à celle-ci intervenue postérieurement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen commun produit, aux pourvois n° S 15-13. 093 et G 15-15. 109, par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme Brigitte X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué
D'AVOIR déclaré la Carsat du Centre recevable en son action en récupération sur succession, d'AVOIR déclaré Mme Brigitte X..., en sa qualité d'héritière de M. Fernand X..., redevable à la carsat du Centre, ensemble avec Mme Ginette X... et Mme Elisabeth Y..., de la somme de 65 262, 09 euros, et, pour sa quote-part, de la somme de 26 100, 83 euros, d'AVOIR condamné en conséquence Mme Brigitte X... à payer à la carsat du Centre la somme de 26 100, 83 euros et de l'AVOIR déboutée de ses demandes
AUX MOTIFS PROPRES QU'en application des dispositions de l'article 771 du code civil l'héritier ne peut être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession ; qu'à l'expiration de ce délai il peut être sommé par acte extrajudiciaire de prendre parti à l'initiative de tout créancier de la succession ; qu'en application de l'article suivant il doit alors, dans les deux mois de cette sommation prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge ; que contrairement à ce que soutient la caisse elle ne justifie pas d'avoir sommé les intimées de prendre parti quant à leur acceptation de la succession ; qu'en revanche, en application de l'article 773 du même code l'héritier qui fait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter la succession, et qu'il n'a droit de faire qu'en sa qualité d'héritier, doit être considéré comme ayant tacitement accepté la succession ; que la procédure soumise à la cour a été initiée à la demande de Mme Brigitte X..., Mme Ginette Z... et Mme Elisabeth Y... ; que la saisine initiale du tribunal des affaires de sécurité sociale de Mme X... visait à contester la demande de récupération par la carsat de l'allocation supplémentaire sur les héritiers de M. Fernand X... ; que par conclusions postérieures auxquelles se sont associées Mmes Ginette Z... et Elisabeth Y..., Mme X... a demandé aux premiers juges de limiter les demandes de la carsat considérant que son recouvrement ne pouvait s'opérer sur chacune d'elles que pour des montants moindres que ceux qu'elle leur réclamait ; qu'au surplus cette demande s'accompagnait d'une proposition que la somme due, qu'elle estimait à 19 525, 32 euros, soit " payée par prélèvement sur sa quote-part de succession " ; que ces demandes, effectuées en sa qualité d'héritière de M. Fernand X..., supposent qu'elle a tacitement et nécessairement pris le parti d'accepter sa succession ; que sa renonciation du 4 mars 2013, postérieure au jugement de condamnation dont appel, ne saurait en conséquence être prise en considération ; que le jugement sera dès lors confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE selon l'actuel article L 815-13 du code de la sécurité sociale (reprenant depuis le 1er janvier 2006 la teneur de l'ancien article L 815-2), " Les sommes servies au titre de l'allocation sont récupérées après le décès du bénéficiaire dans la limite d'un montant fixé par décret (…) Toutefois, la récupération n'est opérée que sur la fraction de l'actif net qui excède un seuil dont le montant est fixé par décret 39. 000 euros selon l'actuel article D 815-4 du même Code (…) Le recouvrement est opéré dans des conditions et selon des modalités fixées par décret par les organismes ou services assurant le service de l'allocation mentionnés à l'article L. 815-7. L'action en recouvrement se prescrit par cinq ans à compter de l'enregistrement d'un écrit ou d'une déclaration mentionnant la date et le lieu du décès du défunt ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des ayants droit " ; qu'en application de ce texte, l'actuel article D 815-6 du même Code (reprenant en ses alinéas l et 2, depuis le 13 janvier 2007, la teneur de l'ancien article D 815-2) précise que " Le recouvrement s'exerce sur la partie de l'actif net successoral, visé au deuxième alinéa de l'article L 815-13, défini par les règles du droit commun, qui excède le montant prévu à l'article D. 815-4. Il ne peut avoir pour conséquence d'abaisser l'actif net de la succession au-dessous du montant visé à l'article D. 815-4. Toutefois, pour la détermination de l'actif net ouvrant droit au recouvrement, les organismes ou services mentionnés à l'article L. 815-7 ont la faculté de faire réintégrer à l'actif toutes les libéralités consenties par l'allocataire quelle qu'en soit la forme ainsi que les primes versées par celui-ci au titre d'un contrat d'assurance vie dès lors que :- ces libéralités et ces contrats d'assurance vie respectivement consentis ou conclus postérieurement à la demande d'allocation sont manifestement incompatibles avec les ressources ou biens déclarés par l'allocataire pour obtenir ou continuer à percevoir l'allocation de solidarité ;- et que ces libéralités et ces primes, en minorant l'actif net successoral, ont eu pour effet de faire obstacle en tout ou partie à l'exercice par les organismes et services précités de leur action en recouvrement sur succession de l'allocation de solidarité. Ces dispositions particulières au recouvrement sur successions de l'allocataire, qui n'ont pas d'incidence sur la validité des libéralités et contrats consentis ou conclus par l'allocataire, ont seulement pour effet de les rendre inopposables aux organismes et services mentionnés à l'article L. 815-7 précité dans le cas visé au troisième alinéa du présent article " ; qu'il résulte de ces textes que la recevabilité de l'action en récupération de la carsat du Centre est subordonnée à la reconnaissance d'un actif net successoral excédant 39 000 euros ; qu'il est constant que l'expression « actif net » figurant à l'article L 815-13 du code de la sécurité sociale doit être interprétée dans le sens d'actif réel tel qu'il est défini par les règles du droit commun et non d'actif fiscal ; qu'il n'est en l'occurrence pas contesté qu'avant réintégration du contrat d'assurance-vie, l'actif net successoral de Fernand X... ainsi entendu s'élève à la somme de 87 813, 81 6 euros, autorisant à tout le moins une récupération partielle de l'allocation supplémentaire de vieillesse ; que la seule question en litige, dont dépend la possibilité pour la carsat du Centre de récupérer l'intégralité des sommes versées au titre de l'allocation supplémentaire de vieillesse, est par conséquent celle de savoir si cette dernière était fondée à réintégrer à l'actif net successoral ainsi déterminé la somme de 17 460 euros présentée par elle comme correspondant à des primes d'assurance-vie réintégrables par application de l'article D 815-6 alinéa 3 du code de sécurité sociale sus-rappelé, cet article reprenant la teneur de l'article L 132-13 du code des assurances et de l'application constante qui en a été faite, évoqués par la carsat du Centre ; que le projet de déclaration précise que Fernand X... avait " souscrit auprès de la compagnie CNP Assurances une assurance vie postérieurement au 20 novembre 1991 sous le numéro de police 977-405548-09, le 16 juillet 2004, le montant des primes versées après son soixante dixième anniversaire étant inférieur à l'abattement spécial, il n'y a pas lieu à taxation conformément aux dispositions de l'article 757 B du code général des impôts. Bénéficiaire :'Madame Ginette X... épouse survivante. Le capital souscrit s'élève à la somme de 17 460 euros » ; que bien que contestant, d'une part le montant des primes réintégrées par la carsat sur cette base, d'autre part leur caractère manifestement exagéré, les héritières de Fernand X... s'abstiennent de produire aux débats les pièces constitutives du contrat d'assurance-vie en question et les états récapitulatifs annuels auxquels elles ont pourtant nécessairement accès en qualité d'héritières et auxquels a nécessairement eu accès le notaire en charge de la liquidation de succession, qui auraient permis au tribunal de connaître, d'une part le montant exact des primes versées, d'autre part les dates et montants de chaque versement de prime ; qu'elles s'abstiennent également d'apporter la démonstration, pièces à l'appui, de ce que le raisonnement de la carsat du Centre-consistant à présumer que, sur la période de versement de l'allocation supplémentaire de vieillesse, les ressources de Fernand X... et de son épouse n'excédaient pas 1 054, 36 euros par mois (allocation supplémentaire de vieillesse incluse)- serait erroné d'une part le montant exact des primes versées, d'autre part les dates et montants de chaque versement de prime ; qu'en l'espèce, alors que Fernand X... n'a manifestement jamais fait de déclaration de changement de situation à la carsat du Centre-venant aux droits et obligations de la caisse régionale d'assurance maladie-, ses ressources ou biens déclarés pour continuer à percevoir l'allocation de solidarité du 1er novembre 1979 au 19 novembre 2010 sont ceux visés dans sa déclaration initiale du 26 octobre 1979, à savoir :- un bien immobilier constituant le domicile conjugal ;- l'absence de ressources de son épouse ;- sa retraite personnelle agricole (2 862, 54 francs par trimestre en 1979, soit 145, 46 euros par mois) ;- sa retraite carsat (169, 50 francs par trimestre en 1980, soit 8, 61 euros par mois en 1980 ; 22, 39 euros par mois en 2010 selon les écritures de la carsat) ; qu'à la lecture de l'attestation de versement de l'allocation supplémentaire de vieillesse produite par la carsat du Centre, il apparaît que le contrat d'assurance-vie souscrit par Fernand X... le 16 juillet 2004 a finalement été alimenté-soit par une prime unique dont le montant correspondant a minima aux 8 dernières années de perception de l'allocation supplémentaire de vieillesse, de 1996 à 2003 inclus (15. 866 euros au total) ;- soit par des primes mensuelles pendant les 76 mois séparant sa souscription de son dénouement, correspondant peu ou prou au montant mensuel de l'allocation supplémentaire de vieillesse sur cette période (183, 79 euros en 2004, 187, 74 euros en 2005, 191, 35 euros en 2006, 195, 03 euros en 2007, 197, 89 euros en 2008, 202, 29 euros en 2009 et 206, 25 euros en 2010) ; qu'il est ainsi manifeste que le contrat d'assurance-vie souscrit par lui postérieurement à sa demande d'allocation supplémentaire de vieillesse, à l'âge avancé de 85 ans et au bénéfice de son épouse, est incompatible avec les ressources de son ménage (de l'ordre de 850-900 euros par mois, allocation de vieillesse non comprise, compte tenu du plafond de ressource applicable à partir de 2004), la finalité du contrat fût-elle familiale ; que les primes n'ont ainsi manifestement pu être versées que grâce au complément tiré de l'allocation supplémentaire de vieillesse, dont la finalité a ainsi été détournée ; qu'en outre, alors qu'il a ainsi perçu cette dernière allocation pendant 31 ans, soit une somme totale de 65 252, 09 euros, ces primes, correspondant peu ou prou au quart de cette somme, font indéniablement obstacle pour une partie non négligeable à l'exercice par la carsat du Centre de son action en recouvrement ; qu'il en résulte que la carsat du Centre est fondée à demander que ces primes soient réintégrées à l'actif net successoral de 87 813, 81 euros, de sorte que ce dernier, ainsi augmenté de la somme même minimale de 15 000 euros (pouvant raisonnablement correspondre aux primes versées pour l'obtention d'un capital final de 17 460 euros), l'autorise à récupérer la partie excédant le seuil de 39 000 euros et, partant, l'intégralité de la somme versée par elle à Fernand X... du 1er novembre 1979 au 30 novembre 2010 au titre de l'allocation supplémentaire de vieillesse ; que les héritières de Fernand X... seront dans ces conditions déboutées de leurs demandes tandis qu'il sera fait droit aux demandes reconventionnelles de la carsat du Centre dans les termes du dispositif ;
ALORS D'UNE PART QUE le recours formé à l'encontre de la notification, par une caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, de sa décision de récupération, sur la succession d'un assuré social, des versements faits à ce dernier au titre de l'allocation forfaitaire, et la demande subsidiaire tendant à voir minorer le montant de la récupération, qui visent à éviter l'aggravation du passif successoral, n'emportent pas, par eux-mêmes, acceptation de la succession ; qu'en considérant que la saisine, par l'exposante, du tribunal des affaires de sécurité sociale en contestation de la demande de récupération de la carsat du Centre de l'allocation supplémentaire versée à M. X... sur sa succession et la demande subsidiaire à voir réduire le montant de la récupération à la somme de 19 525, 32 euros, constituaient une acceptation tacite de la succession privant d'effet la renonciation à cette succession intervenue postérieurement au jugement dont appel, la cour d'appel a violé les articles R 142-1 et R 142-18 du code de la sécurité sociale et les articles 773, 784, 804 et 805 du code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE l'appel étant une voie de réformation ou d'annulation de la décision de première instance, à caractère suspensif, la renonciation à succession régularisée postérieurement à l'appel d'un jugement de condamnation rendu sur le recours formé à l'encontre de la notification, par une caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, de sa décision de récupération sur la succession d'un assuré social des versements faits à ce dernier au titre de l'allocation forfaitaire, est opposable audit organisme social ; qu'en énonçant que la renonciation de Mme X... à la succession de son père le 4 mars 2013 ne pouvait être prise en considération, pour être postérieure au jugement dont appel, la cour d'appel a violé, de nouveau, les articles R 142-1 et R 142-18 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 773, 784, 804 et 805 du code civil.