LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre du ministre chargé de la sécurité sociale ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 décembre 2014), que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse), agissant en qualité de caisse centralisatrice des paiements conformément à l'article L. 174-18 du code de la sécurité sociale, a réclamé à l'Hôpital privé de Marne-la-Vallée (l'Hôpital) le remboursement de sommes qu'elle lui avait versées comme acomptes sur la couverture de frais d'hospitalisation pour l'année 2001, mais dont la prise en charge aurait été refusée par les caisses gestionnaires ; que la caisse a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en répétition de cet indu tant à l'encontre de l'établissement hospitalier qu'à l'encontre de la société ayant conclu un contrat d'affacturage avec celui-ci ;
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que les articles R. 174-17 et suivants du code de la sécurité sociale imposent à la caisse centralisatrice le paiement automatique d'un acompte sur simple demande de remboursement d'une facture par les établissements de santé ; qu'il s'agit d'une avance de trésorerie, soumise à la condition résolutoire de la prise en charge définitive de la facture par la caisse gestionnaire des prestations ; que les vérifications et les contrôles se font ultérieurement par la caisse gestionnaire qui procède au paiement final de l'intégralité de la facture, déduction faite du montant de l'acompte déjà versé ; que le refus de la facture par la caisse gestionnaire emporte ainsi pour la caisse centralisatrice le droit de demander ipso jure la restitution de l'acompte versé, sans avoir à justifier de son caractère indu autrement que par la décision de la caisse gestionnaire de ne pas prendre en charge la facture litigieuse ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1235 et 1376 du code civil, ensemble les articles R. 174-17 et suivants du code de la sécurité sociale ;
2°/ que la caisse centralisatrice peut exiger le remboursement de l'acompte versé à l'établissement de santé, sur la seule désignation de la facture refusée par la caisse gestionnaire, identifiée par référence à un code normalisé, ainsi que par l'indication du nom du patient concerné, de l'acte litigieux et de la date de celui-ci ; qu'en considérant que les différents tableaux produits par la caisse, qui contenaient lesdites mentions, ne permettaient pas d'apprécier au cas par cas les factures visées par la demande de remboursement des différents acomptes versés, la cour d'appel a violé les articles L. 321-1 et L. 174-18 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 1235 et 1376 du code civil ;
3°/ que le juge est tenu d'analyser, fût-ce succinctement l'ensemble des éléments de preuve soumis à son appréciation ; que la caisse versait aux débats une attestation de son agent comptable certifiant l'exactitude des comptes présentés à hauteur de la somme de 398 561,05 euros, explications à l'appui ; qu'en considérant que la caisse ne justifiait pas du montant des acomptes indûment perçus, sans expliquer en quoi l'attestation comptable susvisée ne pouvait emporter sa conviction, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que l'action en répétition suppose que les sommes dont la restitution est demandée, ont été indûment versées et qu'il appartient à celui qui agit pour obtenir le remboursement de sommes prétendument perçues à tort d'établir la réalité du paiement indu, l'arrêt retient qu'en l'espèce, les pièces produites par la caisse ne permettent pas de connaître les raisons pour lesquelles les caisses gestionnaires n'ont pas acquitté les différentes facturations de la clinique au vu desquelles la caisse centralisatrice a versé un acompte de 85 % après avoir normalement vérifié les conditions d'attribution ; que les différents tableaux établis par la caisse ne permettent pas d'identifier de façon certaine les prestations pour lesquelles la restitution est demandée ; qu'il n'est en effet pas fait mention, pour chacune des créances, du montant exact de l'indu, de la date du paiement, objet de la répétition, de la date du séjour et de la nature des prestations correspondant aux différents dossiers concernés; que ces pièces ne permettent pas d'apprécier au cas par cas s'il est établi que les différents acomptes ont été indûment versés ;
Que de ces constatations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen d'où il ressort que le caractère indu des créances litigieuses n'est pas établi et sans avoir à s'expliquer sur un document sans portée, la cour d'appel a exactement déduit que la caisse gestionnaire devait être déboutée de sa demande ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR débouté la CPAM du Val de Marne de sa demande en remboursement d'acomptes indûment versés à l'Hôpital de Marne la Vallée et à la société GE FACTOFRANCE ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'action en répétition suppose que les sommes dont la restitution est demandée ont été indûment versées ; qu'il appartient donc à celui qui agit pour obtenir le remboursement de sommes prétendument perçues à tort d'établir la réalité du paiement indu ; que les sommes versées à titre d'acompte ont la même nature juridique la créance à laquelle elles se rattachent ; qu'il en résulte que la caisse pivot ayant versé l'acompte de 85 % ne peut en demander la restitution qu'à la condition de démontrer que la créance de la clinique, représentant des frais d'hospitalisation et notes d'honoraires, n'aurait pas dû être prise en charge par l'assurance maladie ; qu'il importe peu que cette prise en charge n'ait été que partielle ; qu'ainsi, contrairement aux allégations de la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne, l'absence de paiement final de la caisse gestionnaire, quel qu'en soit le motif, ne suffit pas à lui conférer le droit d'obtenir la restitution des sommes versées à titre d'acompte ; qu'il est au contraire nécessaire de prouver le caractère indu du paiement et la caisse pivot ne peut se retrancher derrière le fait que l'ensemble des pièces justificatives est détenu par les caisses d'affiliation pour être déchargée de la preuve qui lui incombe ; que la clinique soutient d'ailleurs sans être démentie que, selon la propre circulaire de la caisse primaire, la gestion des indus se fait après liquidation d'une facture qui met en évidence la cause de l'indu ; qu'en l'espèce, les pièces produites par la caisse primaire ne permettent pas de connaître les raisons pour lesquelles les caisses gestionnaires n'ont pas acquitté les différentes facturations de la clinique au vu desquelles la caisse pivot a versé un acompte de 85 % après en avoir normalement vérifié les conditions d'attribution ; qu'au surplus, les intimées relèvent à raison que les différents tableaux établis par la caisse ne permettent pas d'identifier de façon certaine les prestations pour lesquelles la restitution de l'acompte est demandée; qu'il n'est en effet pas fait mention, pour chacune des créances, du montant exact de l'indu, de la date du paiement objet de la répétition, de la date du séjour et de la nature des prestations correspondant aux différents dossiers concernés ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que ces pièces ne permettaient pas d'apprécier au cas par cas s'il est établi que les différents acomptes ont été indûment versés ; que, dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne de sa demande en répétition d'indu ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE conformément à l'article 1235 du Code civil : « tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition ( .. ,) » ; que conformément à l'article 1376 du même Code : «celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu » ; que c'est à celui qui demande-la répétition de rapporter la preuve que les sommes qu'il réclame ont été indûment payées ; qu'en l'espèce, les pièces versées aux débats par la CPAM, si elles permettent de constater que les caisses gestionnaires ont refusé de lui verser le montant total des frais d'hospitalisation et des honoraires de certaines factures alors que « la caisse pivot » avait préalablement versé l'acompte de 85 % à la clinique, soit une somme totale de 398.561,05 euros, elles ne permettent pas, cependant, au tribunal d'apprécier au cas par cas si le refus de la caisse gestionnaire est justifié et, donc, de conclure que l'acompte a été indûment versé ; qu'en conséquence, et sans qu'il soit nécessaire de répondre aux autres moyens des parties, il convient de débouter la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val de Marne de sa demande en remboursement de la somme de 398.561,05 euros au titre de l'indu et de débouter les sociétés Clinique La Francilienne et GE Factofrance de leurs demandes en lien avec celle-ci ;
1) ALORS QUE les articles R 174-17 et suivants du code de la sécurité sociale imposent à la caisse centralisatrice le paiement automatique d'un acompte sur simple demande de remboursement d'une facture par les établissements de santé ; qu'il s'agit d'une avance de trésorerie, soumise à la condition résolutoire de la prise en charge définitive de la facture par la caisse gestionnaire des prestations ; que les vérifications et les contrôles se font ultérieurement par la caisse gestionnaire qui procède au paiement final de l'intégralité de la facture, déduction faite du montant de l'acompte déjà versé ; que le refus de la facture par la caisse gestionnaire emporte ainsi pour la caisse centralisatrice le droit de demander ipso jure la restitution de l'acompte versé, sans avoir à justifier de son caractère indu autrement que par la décision de la caisse gestionnaire de ne pas prendre en charge la facture litigieuse ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1235 et 1376 du code civil, ensemble les articles R 174-17 et suivants du code de la sécurité sociale ;
2) ALORS QUE la caisse centralisatrice peut exiger le remboursement de l'acompte versé à l'établissement de santé, sur la seule désignation de la facture refusée par la caisse gestionnaire, identifiée par référence à un code normalisé, ainsi que par l'indication du nom du patient concerné, de l'acte litigieux et de la date de celui-ci ; qu'en considérant que les différents tableaux produits par la caisse, qui contenaient lesdites mentions, ne permettaient pas d'apprécier au cas par cas les factures visées par la demande de remboursement des différents acomptes versés, la cour d'appel a violé les articles L 321-1 et L 174-18 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 1235 et 1376 du code civil ;
3) ALORS QUE le juge est tenu d'analyser fût-ce succinctement l'ensemble des éléments de preuve soumis à son appréciation ; que la CPAM du Val de Marne versait aux débats une attestation de son agent comptable certifiant l'exactitude des comptes présentés à hauteur de la somme de 398.561,05 euros, explications à l'appui ; qu'en considérant que la caisse ne justifiait pas du montant des acomptes indûment perçus, sans expliquer en quoi l'attestation comptable susvisée ne pouvait emporter sa conviction, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.