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03/05/2016 | FRANCE | N°14-28044

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 mai 2016, 14-28044


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après son licenciement de la société Fieldturf Tarkett (la société Fieldturf), spécialisée dans la conception, la fabrication, la commercialisation et la pose de revêtements sportifs, M. Z...a créé, en décembre 2005, la société GS investissement (la société GSI) dont l'objet était de recueillir les participations qu'il détenait, au travers de la société Cosinvest dont il avait le contrôle, dans les sociétés Solomat, aux droits de laquelle est venue la sociét

é Slotam, Art-Dan Île-de-France et Art-Dan, spécialisées dans la pose de revête...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après son licenciement de la société Fieldturf Tarkett (la société Fieldturf), spécialisée dans la conception, la fabrication, la commercialisation et la pose de revêtements sportifs, M. Z...a créé, en décembre 2005, la société GS investissement (la société GSI) dont l'objet était de recueillir les participations qu'il détenait, au travers de la société Cosinvest dont il avait le contrôle, dans les sociétés Solomat, aux droits de laquelle est venue la société Slotam, Art-Dan Île-de-France et Art-Dan, spécialisées dans la pose de revêtements de sols sportifs, puis, en avril 2006, la société Eurofield, ayant la même activité que la société Fieldturf ; que reprochant à M. Z..., en ses qualités de représentant permanent de la société GSI, présidente de la société Eurofield, et de président de la société GSI, et aux sociétés Eurofield, GSI, Cosinvest, Slotam, Art-Dan Île-de-France et Art-Dan (les sociétés) des actes de concurrence déloyale, la société Fieldturf les a assignés en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

Attendu que pour dire que les sociétés et M. Z...ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Fieldturf, l'arrêt retient que le débauchage auquel s'est livrée la société Eurofield s'est traduit par des départs de salariés occupant des postes clé et détenant des connaissances précises sur les modes de fabrication et de distribution des produits et que tel est le cas de MM.
X...
, Y...et B...;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Eurofield qui faisait valoir, pour écarter tout acte de débauchage fautif, que M. Y...n'avait jamais été salarié de la société Fieldturf et que MM. B...et X...avaient été licenciés par cette société, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et sur le même moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour dire que les sociétés et M. Z...ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Fieldturf, l'arrêt retient que, si le débauchage de salariés de la société Fieldturf ne peut être qualifié de massif, il s'est traduit par des départs de salariés occupant des postes clé et détenant des connaissances précises sur les modes de fabrication et de distribution des produits et relève que les personnels dirigeants de la société Eurofield viennent de la société Fieldturf et que la société Eurofield a incité plusieurs salariés au départ ; qu'il retient encore que ces débauchages ou tentatives de débauchage, facilités par la proximité géographique des usines des deux sociétés, sont graves en ce qu'ils ont permis à la société Eurofield d'utiliser le savoir, l'organisation, les structures et les moyens de la société Fieldturf pour se créer rapidement une place sur le marché qu'elle n'aurait pu acquérir en si peu de temps par des moyens licites ; qu'il ajoute que ce débauchage de salariés s'inscrit ainsi dans une action concertée destinée à détourner et à s'approprier la clientèle de la société Eurofield en utilisant systématiquement son expérience, ce qui caractérise un défaut de loyauté et qu'il retient encore que ces faits ont conduit à désorganiser le réseau commercial de la société Fieldturf ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence de manoeuvres déloyales de débauchage ni préciser, de manière concrète, en quoi ce débauchage avait entraîné une désorganisation de la société Fieldturf, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Eurofield, GSI, Coinvest, M. Z..., Art-Dan, Slotam, Art-Dan Île-de-France ont commis des actes de concurrence déloyale, les condamne in solidum à payer à la société Fieldturf Tarkett la somme de 250 000 euros en réparation de son préjudice commercial sur le fondement de la perte de chance, ordonne la publication du dispositif de la décision et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 2 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Fieldturf Tarkett aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux sociétés Eurofield, GS investissement, Cosinvest, Art Dan, Slotam, venant aux droits de la société Solomat et Art Dan Île-de-France, et à M. Z...la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. Z...et les sociétés Eurofield, GS investissement, Cosinvest, Art-Dan, Slotam,

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. Z..., la société Eurofield, la société GSI Investissement, la société Cosinvest, la société Art-Dan, la société Slotam, la société Art Dan Ile-de-France ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Fieldturf Tarkett et de les avoir condamnés à payer à la société Fieldturf Tarkett la somme de 250. 000 euros en réparation du préjudice commercial sur le fondement de la perte de chance, et d'avoir ordonné la publication du dispositif de la décision dans trois revues françaises spécialisées autour du sport, au choix de la société Fieldturf et aux frais des exposants pour un montant maximum de 15. 000 euros ;

Aux motifs qu'en cause d'appel, la société Fieldturf Tarkett fait à juste titre observer que le jugement civil entrepris a été rendu alors que le jugement correctionnel n'avait pas été porté à la connaissance du tribunal avant la clôture des débats et n'était donc pas dans la cause ; que le jugement correctionnel a été rendu le 25 juin 2012 ; qu'il est entré en voie de condamnation (pénale) à l'égard des différents prévenus ; que la société Fieldturf Tarkett, en qualité de partie civile, a obtenu la condamnation des prévenus (Z..., Eurofield,
A...
, X...) au paiement d'une somme de 189. 702 euros au titre du " manque à gagner " et 25. 278 euros au titre du vol de la machine (Z..., Eurofield, A...) ; qu'en effet, si M. Z...et la société Eurofield se sont désistés de leur appel (au pénal) en sorte que les condamnations de complicité de vol et complicité d'abus de confiance (pour le premier), recel de biens obtenus à l'aide d'un abus de confiance et recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans (pour la seconde) ainsi que les peines principales et complémentaires prononcées à leur encontre sont à présent définitives, la condamnation pénale de Gilles A... au titre de l'abus de confiance a été étendue au vol de la machine à tisser ; qu'Eurofield, GSI, Cosinvest, M Z..., Art-Dan, Slotam, Art-Dan Ile-de-France font cependant observer que ce sont les mêmes éléments qui ont tout à la fois servi à caractériser le vol et l'abus de confiance, et que la société Fieldturf Tarkett invoque à l'appui de la concurrence déloyale, sachant que toutes les sociétés intimées n'ont pas fait l'objet d'une condamnation ; que sur le fondement de l'article 1382 du code civil, la société Fieldturf Tarkett a demandé à la cour d'infirmer le jugement et de constater que le succès de la société Eurofield est le prolongement de ses actes déloyaux de concurrence ; que ces actes déloyaux reposent sur un ensemble de faits, au demeurant organisés les uns par rapport aux autres, aux fins de produire un résultat que les auteurs de cette concurrence n'auraient pu espérer sans ces actions ; qu'or, on ne peut contester que certains de ces actes, qui entrent dans la qualification civile de concurrence déloyale, ont reçu une qualification pénale et ont été sanctionnés à travers l'indemnisation de la partie civile (le vol de matériel, l'abus de confiance ou la complicité dans la commission de ces infractions) ; que si on ne peut pour autant écarter ces actes déjà retenus par la juridiction pénale pour qualifier une infraction, dans la mesure où ils seraient constitutifs des manoeuvres orchestrées par M. Z...au titre de la concurrence déloyale, c'est dans l'appréciation du préjudice qu'il en sera tenu compte ; qu'il convient donc d'examiner les actes de concurrence déloyale invoqués par l'appelante ; que sur les actes de concurrence déloyale M. Z..., qui occupait le poste de directeur distribution et application France de Tarkett sport, avait, à sa demande, été délié de la clause de non-concurrence, ayant déclaré son intention de s'orienter vers la " prestation de service " (pièce 70 de l'appelant), alors que dès avant son départ en novembre 2005, et alors qu'il était mandataire social, il avait progressivement acquis le contrôle des sociétés spécialisées dans la pose des revêtements de sols sportifs, c'est-à-dire les principaux distributeurs ou sous-traitants de la société Fieldturf Tarkett (Solomat, Art-Dan, Erecom, Cosinvest) ; que ces sociétés sont cependant restées jusqu'en septembre 2006 des partenaires de la société Fieldturf Tarkett, M. Z...et Eurofield bénéficiant ainsi d'informations fort utiles à la réalisation de leur projet d'implantation rapide sur le marché ; que quelques jours après son départ, M. Z...créait en effet la GSI qui recueillait les prises de contrôle déjà réalisées par M. Z..., tout en organisant les choses de telle sorte que la société Fieldturf Tarkett ne se doute de rien, ce que l'intimé reconnaissait bien volontiers, mais en attribuant une autre interprétation à cette attitude pourtant clairement déloyale ; que l'apport fait par la société Cosinvest de ses titres à la société GSI en 2006, s'est accompagné de précautions particulières, aux fins d'éviter d'éveiller la méfiance de Fieldturf Tarkett (pièces 64 et 84 de Fieldturf Tarkett) tout en laissant s'installer la confusion dans l'esprit des clients ; que la société Eurofield, créée en avril 2006 par M. Z..., avait pour présidente le GSI représenté par M. Z...; que son activité est directement concurrente de celle de la société Fieldturf Tarkett, de l'aveu même de M. Z...dans ses écritures de première instance, ce qui, au demeurant, ne permet pas à soi seul de qualifier le caractère déloyal de cette concurrence ; que cependant M. Z...et ses sociétés vont pratiquer des actes de débauchage et de détournement d'une partie de la production de Fieldturf Tarkett ; que ce dernier point n'est pas contesté : détournement de 177 rouleaux de gazon synthétique, vol d'une machine à tisser installée en Espagne (malgré son ampleur et son poids) le tout étant destiné à une société concurrente de Fieldturf Tarkett et fabriqué dans des conditions déloyales dans l'usine de la société Fieldturf Tarkett à Auchel (dirigée par M. A...) avec de faux numéros de commande (les pièces 71 et 72 de Fieldturf Tarkett) et ceci dans l'attente de la construction de la propre usine de Eurofield, située à 15 km de celle d'Auchel afin d'entretenir la confusion ; que ces actes ont permis à Eurofield d'offrir immédiatement à la vente des produits concurrents, mais en fait provenant des propres usines de la société Fieldturf Tarkett ; que c'est par ce moyen particulièrement déloyal que la société Eurofield, mais aussi indirectement la société GSI, la société Cosinvest, M. Z..., Art-Dan, Slotam, Art-Dan Ile-de-France ont rendu possible le succès de cette entreprise, ont obtenu le partenariat stratégique de la coupe du monde avec la FFR, alors que ce partenariat devait normalement revenir sans ces manoeuvres à la société Fieldturf Tarkett ; que ces détournements ont donc bien été organisés au détriment de la société Fieldturf Tarkett et au profit de la société Eurofield ; que quant au débauchage et tentative de débauchage des salariés, ils ont été partiellement reconnus et pour le moins établis ; que si le débauchage ne peut être qualifié de « massif » il s'est traduit par des départs de salariés occupant des postes clés, et détenant des connaissances précises sur les modes de fabrication et de distribution des produits de la société Fieldturf Tarkett ; que les personnels dirigeants de la société Eurofield viennent de la société Fieldturf Tarkett ; qu'il s'agit de M. Z..., licencié il est vrai, mais qui, selon la société Fieldturf Tarkett a voulu partir (pièces 146/ 147 de Fieldturf Tarkett) ; de messieurs
X...
(août 2006), Y...(novembre 2006), A..., responsable de la production de l'usine d'Auchel (mai 2006) ; B...(fin 2005) ; que la société Eurofield a de plus incité plusieurs salariés au départ (pièces 70 et 73, 40, 39, 42 à 44, 138 de Fieldturf Tarkett) ; que ces débauchages ou tentatives, facilités par la proximité géographique des deux usines (celle de Eurofield et celle de Fieldturf Tarkett), sont graves parce qu'ils vont permettre à Eurofield d'utiliser le savoir, l'organisation, les structures et les moyens de Fieldturf Tarkett pour se créer rapidement une place sur le marché, qu'elle n'aurait pu acquérir en si peu de temps par des moyens licites ; que le débauchage de salariés de Fieldturf Tarkett s'inscrit ainsi dans une action concertée destinée à détourner et à s'approprier la clientèle de l'appelante en utilisant systématiquement son expérience, en reproduisant ou détournant ses produits ; que le défaut de loyauté est donc encore ici caractérisé ; que la société Fieldturf Tarkett a été ainsi victime d'un détournement partiel de sa production, d'une captation de clientèle se traduisant par des détournements de commande l'obtention déloyale d'un partenariat avec la FFR pour la Coupe du Monde 2007 de rugby, l'appropriation déloyale d'un savoir-faire, qui ont conduit à désorganiser le réseau commercial de Fieldturf Tarkett en France et qui caractérisent des actes de concurrence déloyale ; que ces actes de parasitisme économique engagent la responsabilité de M. Z...qui est de manière incontestable le véritable inspirateur des faits, mais aussi des sociétés Eurofield et GSI qu'il a créées et qui ont constitué les instruments fidèles de son projet déloyal, tant sur le plan de la production que de la distribution du gazon synthétique ; que la société Eurofield a en effet bénéficié du détournement de production ; que la société GSI contrôlait notamment Eurofield, ayant pour permanent M. Z...; que malgré son activité principale de holdings cette société qui assurait un contrôle des autres sociétés, a nécessairement participé aux actes de concurrence déloyale dom elle ne pouvait ignorer l'existence et l'objectif ; qu'à cet égard, M. Z...ne peut sérieusement prétendre que son action et celle des sociétés intimées ne s'inscrivaient pas dans le temps et concernaient un fait unique, le vol, en sorte qu'elles n'ont pas été préjudiciables à la société Fieldturf Tarkett ; que les sociétés Art-Dan, Solomat, Art-Dan IDF et leur société mère, Cosinvest, outre X...liens capitalistiques sont dirigées par M. Z...; que ces sociétés étaient particulièrement bien placées, compte tenu des liens qu'elles avaient eus avec la société Fieldturf Tarkett, pour savoir qu'elles participaient à des actes de concurrence déloyale ; que ces sociétés ont une communauté d'intérêt et de projet animée par la même personne, si bien que contrairement à X...affirmations contenues dans X...écritures, elles ont engagé leur responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil en se rendant complices de ces actes de production et de commercialisation illicites ; que la responsabilité in solidum de toutes les sociétés intimées est donc engagée, chacune a participé, en fonction de ses activités à la production du dommage ;

1°) Alors que seul le débauchage de salariés qui a entraîné une véritable désorganisation de la société et non une simple perturbation constitue un acte de concurrence déloyale ; que pour démontrer qu'il n'y avait eu aucun débauchage fautif des salariés de la société Fieldturff Tarkett ayant désorganisé cette entreprise, les exposants soutenaient que M. Y...n'avait jamais été salarié de la société Eurofield (conclusions, p. 18) et que MM. B...et X...avaient été, pour leur part, licenciés par la société Fieldturf Tarkett (conclusions, p. 17) ; qu'en retenant que la société Eurofield avait commis une faute en débauchant MM.
X...
, Y...et B...et que ce débauchage avait permis à la société Eurofield d'utiliser le savoir, l'organisation et les structures de la société Fieldturf Tarkett, sans répondre à ce moyen péremptoire démontrant l'absence de débauchage de ces salariés de la société Fieldturf Tarkett ayant pu désorganiser cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) Alors que n'est pas constitutive d'un acte de concurrence déloyale la simple embauche d'un salarié qui n'est pas accompagnée de manoeuvres déloyales ; qu'en se bornant à affirmer que les débauchages étaient graves, car ils allaient permettre à la société Eurofield d'utiliser le savoir, l'organisation les structures et les moyens de la société Fieldturf Tarkett, sans caractériser l'existence de manoeuvres déloyales de la part de la société Eurofield pour débaucher ces salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°) Alors que seul le débauchage de salariés qui a entraîné une véritable désorganisation de la société et non une simple perturbation constitue un acte de concurrence déloyale ; que les exposants soutenaient que la société Fieldturf Tarkett ne faisait état d'aucune désorganisation grave de son entreprise en suite des prétendus débauchages qu'elle dénonçait et que la production de la société Fieldturf Tarkett avait augmenté sur le marché mondial en 2006 passant de 7 à 10 millions de mètres carrés vendus ; qu'en se bornant à affirmer que le débauchage des salariés avait conduit à désorganiser le réseau commercial Fieldturf Tarkett en France, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la perturbation du simple réseau français avait véritablement désorganisé l'activité générale et mondiale de la société Fieldturf Tarkett, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

4°) Alors que seul le détournement de clientèle résultant de manoeuvres déloyales constitue un acte de concurrence déloyale ; qu'en retenant que le détournement de 177 rouleaux de gazon synthétique avait permis à la société Eurofield d'obtenir le partenariat avec la Fédération Française de Rugby, sans expliquer en quoi un tel détournement – qui ne peut que servir à l'exécution d'un contrat – avait permis à la société Eurofield de conclure un partenariat avec la Fédération Française de Rugby, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

5°) Alors que seul le détournement de clientèle résultant de manoeuvres déloyales constitue un acte de concurrence déloyale ; qu'en se bornant à affirmer que la société Eurofield avait empêché la société Fielfdturf Tarkett d'obtenir le partenariat avec la Fédération Française de Rugby, liée jusqu'en juillet 2006 avec la société Desso, sans expliquer en quoi ce marché devait nécessairement revenir à la société Fieldturf Tarkett, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Z..., la société Eurofield, la société GS Investissement, la société Cosinvest et la société Art-Dan, la société Slotam, la société Art-Dan Ile-de-France à payer à la société Fieldturf Tarkett la somme de 250. 000 euros en réparation du préjudice commercial sur le fondement de la perte de chance, et d'avoir ordonné la publication du disposition de la décision dans trois revues françaises spécialisées autour du sport, au choix de la société Fieldturf et aux frais des exposants pour un montant maximum de 15. 000 euros ;

Aux motifs qu'en cause d'appel, la société Fieldturf Tarkett fait à juste titre observer que le jugement civil entrepris a été rendu alors que le jugement correctionnel n'avait pas été porté à la connaissance du tribunal avant la clôture des débats et n'était donc pas dans la cause ; que le jugement correctionnel a été rendu le 25 juin 2012 ; qu'il est entré en voie de condamnation (pénale) à l'égard des différents prévenus ; que la société Fieldturf Tarkett, en qualité de partie civile, a obtenu la condamnation des prévenus (Z..., Eurofield, A..., X...) au paiement d'une somme de 189. 702 euros au titre du " manque à gagner " et 25. 278 euros au titre du vol de la machine (Z..., Eurofield, A...) ; qu'en effet, si M. Z...et la société Eurofield se sont désistés de leur appel (au pénal) en sorte que les condamnations de complicité de vol et complicité d'abus de confiance (pour le premier), recel de biens obtenus à l'aide d'un abus de confiance et recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans (pour la seconde) ainsi que les peines principales et complémentaires prononcées à leur encontre sont à présent définitives, la condamnation pénale de Gilles A... au titre de l'abus de confiance a été étendue au vol de la machine à tisser ; qu'Eurofield, GSI, Cosinvest, M Z..., Art-Dan, Slotam, Art-Dan, Ile-de-France font cependant observer que ce sont les mêmes éléments qui ont tout à la fois servi à caractériser le vol et l'abus de confiance, et que la société Fieldturf Tarkett invoque à l'appui de la concurrence déloyale, sachant que toutes les sociétés intimées n'ont pas fait l'objet d'une condamnation ; que sur le fondement de l'article 1382 du code civil, la société Fieldturf Tarkett a demandé à la cour d'infirmer le jugement et de constater que le succès de la société Eurofield est le prolongement de ses actes déloyaux de concurrence ; que ces actes déloyaux reposent sur un ensemble de faits, au demeurant organisés les uns par rapport aux autres, aux fins de produire un résultat que les auteurs de cette concurrence n'auraient pu espérer sans ces actions ; qu'or, on ne peut contester que certains de ces actes, qui entrent dans la qualification civile de concurrence déloyale, ont reçu une qualification pénale et ont été sanctionnés à travers l'indemnisation de la partie civile (le vol de matériel, l'abus de confiance ou la complicité dans la commission de ces infractions) ; que si on ne peut pour autant écarter ces actes déjà retenus pas la juridiction pénale pour qualifier une infraction, dans la mesure où ils seraient constitutifs des manoeuvres orchestrées par M. Z...au titre de la concurrence déloyale, c'est dans l'appréciation du préjudice qu'il en sera tenu compte ; que sur le préjudice subi par Fieldturf Tarkett, les sociétés Eurofield, GSI, Cosinvest, M. Z..., Art-Dan, Slotam, Art-Dan Ile-de-France font valoir que l'activité de la société Eurofield n'a pas modifié le chiffre d'affaires de Fieldturf Tarkett dont la production a augmenté sur le marché mondial, passant de 7 à 10 millions de m2 vendus ; que cependant, son action s'est concentrée sur la France et les faits de concurrence déloyale ont causé à l'appelante, en France, un préjudice ; que la société Fieldturf Tarkett considère qu'il y a lieu de faire application de la notion de perte d'une chance pour elle, de voir des contrats se poursuivre ou d'éviter la perte d'une clientèle potentielle ; que ce préjudice ne se confond pas avec celui réparé par l'allocation de dommages-intérêts en sa qualité de partie civile ; que la consultation non contradictoire réalisée à la demande de la société Fieldturf Tarkett repose sur des éléments comptables objectifs énoncés par le rapport (p. 3) qui constitue dès lors une information qu'il n'y a pas lieu d'écarter ; que s'agissant du gain manqué, le rapport considère que la part de marché de la société Eurofield en mai 2006 était de 5 % et que le gain manqué par la société Fieldturf Tarkett est de 1. 147. 512 euros ; que cependant, s'agissant de la concurrence déloyale, l'indemnisation de Fieldturf Tarkett ne peut intervenir que sur le fondement de la perte d'une chance et non d'un préjudice déterminé ; que la société Fieldturf Tarkett a perdu de manière certaine une chance de profiter des retombées du partenariat avec la FFR et de remporter d'autres appels d'offres et marchés ; qu'eu égard à la taille de l'entreprise Fieldturf Tarkett et au fait qu'elle a été indemnisée à hauteur de 189. 000 euros par le juge pénal pour un autre préjudice, il convient d'évaluer à la somme de 250. 000 euros s'ajoutant à la condamnation prise par la juridiction pénale, la perte de chance invoquée par la société Fieldturf Tarkett et de condamner les intimés in solidum à lui payer cette somme ;

1°) Alors que la contradiction de motifs équivaut à son absence ; qu'en affirmant d'une part, que certains des actes qui entraient dans la qualification civile de concurrence déloyale avaient reçu une qualification pénale et avaient « été sanctionnés à travers l'indemnisation de la partie civile » (arrêt, p. 9) et, d'autre part, que l'indemnisation de 189. 000 euros octroyée par le juge pénal à la société Fieldturf Tarkett l'avait été « pour un autre préjudice que celui résultant de la concurrence déloyale » (arrêt, p. 12), la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) Alors que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en se fondant exclusivement sur la consultation non contradictoire réalisée à la demande de la société Fieldturf Tarkett pour évaluer le préjudice subi par cette société, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) Alors que pour être indemnisé, un préjudice doit être certain né et actuel et un préjudice éventuel ne donne pas lieu à réparation ; qu'en se bornant à affirmer que la société Fieldturf Tarkett avait perdu de manière certaine une chance de profiter des retombées du partenariat avec la FFR et de remporter d'autres appels d'offres et marchés, sans rechercher si ces contrats avaient d'ores et déjà été remportés par une autre société que la société Fieldturf Tarkett et si le préjudice s'était ainsi déjà réalisé et n'était pas seulement éventuel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-28044
Date de la décision : 03/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 02 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 mai. 2016, pourvoi n°14-28044


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.28044
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