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13/04/2016 | FRANCE | N°15-18649

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 avril 2016, 15-18649


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X...et Mme Y... se sont mariés le 25 juin 1990, sous le régime de la séparation de biens ; qu'un juge aux affaires familiales a prononcé leur divorce ;
Attendu que, pour rejeter la demande de prestation compensatoire présentée par Mme Y..., l'arrêt retient que la disparité créée par le divorce est atténuée par une contribution plus importante de M. X...

à l'entretien et à l'éducation des enfants ;
Qu'en statuant ainsi, en prenant e...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X...et Mme Y... se sont mariés le 25 juin 1990, sous le régime de la séparation de biens ; qu'un juge aux affaires familiales a prononcé leur divorce ;
Attendu que, pour rejeter la demande de prestation compensatoire présentée par Mme Y..., l'arrêt retient que la disparité créée par le divorce est atténuée par une contribution plus importante de M. X... à l'entretien et à l'éducation des enfants ;
Qu'en statuant ainsi, en prenant en considération, pour apprécier l'existence d'une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux, la pension alimentaire versée par M. X... pour l'entretien et l'éducation des enfants, laquelle ne bénéficie pas à l'époux créancier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de prestation compensatoire formée par Mme Y..., l'arrêt rendu le 17 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande de prestation compensatoire ;
Aux motifs propres que, sur la prestation compensatoire, aux termes des articles 270 et suivants du code civil, la prestation compensatoire est destinée à compenser autant que possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; elle doit être fixée en tenant compte des besoins de l'époux à qui elle est versée et des ressources de l'autre, déterminées en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible, et en prenant en considération notamment : la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelle, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation de régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pension de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa ; la cour prononçant le divorce par voie de confirmation, il convient de se placer à la date du présent arrêt pour apprécier ces différents critères ; Mme Y..., âgée de 51 ans, est professeur de piano, elle indique et justifie disposer de deux contrats à temps partiel auprès des mairies de Saint-Jean et de Saint-Gaudens dont l'un à durée déterminée mais régulièrement renouvelé ; elle a déclaré à ce titre pour 2013 un revenu de 25 763 € soit 2146 € par mois ; aucun élément ne permet de considérer qu'elle dispose de revenus complémentaires occultes ; ayant validé 84 trimestres fin 2012 elle totalisera 146 trimestres à l'âge de 65 ans, soit 20 trimestres manquants pour une retraite à taux plein, cette situation résultant selon l'appelante du temps consacré à l'éducation des enfants, argument sur lequel l'intimé n'a pas élevé de contestation ; elle a perçu suite à la vente des biens indivis la somme de 896 € avec laquelle elle a acquis en 2012 une maison pour 295 000 €, contractant en outre un emprunt de 88 000 € pour effectuer des travaux remboursables par mensualités de 638 € jusqu'en 2017 ; à tout le moins ce bien conserve après travaux sa valeur d'acquisition, en revanche le prêt ayant été récemment contracté il n'y a pas lieu de le prendre en considération, que ce soit au passif du patrimoine de Mme Y..., ou au crédit au titre d'une éventuelle plus-value apportée par les travaux ; elle est également propriétaire d'un appartement T3 de 63 mètres carrés à Toulouse construit en 1980, dont la location lui rapporte 374 € par mois (net fiscal 2013) ; une estimation d'agence immobilière de janvier 2012 fait état d'un loyer effectif de 700 € et d'une valeur vénale de 140 000 à 150 000 € pour un local vide sur la base d'une rentabilité de 5 % net, compte tenu de l'état général de l'immeuble et de son agencement, de l'âge et l'entretien de l'immeuble, et de la situation géographique ; les références produites par M. X..., pour les ventes d'appartements situés dans cette rue, et pour une même époque de construction, font certes apparaître une valeur moyenne supérieure à cette évaluation, soit de l'ordre de 180 000 €. Mme Y... ne justifiant pas d'une dégradation particulière de l'immeuble ou de l'appartement, il peut être considéré que l'estimation est sous-évaluée, et la cour retiendra une valeur de l'ordre de 165 000 € ; elle indique dans sa déclaration sur l'honneur de février 2014 posséder des capitaux mobiliers à hauteur de 32 000 €, toutefois les pièces de mai 2014 figurant à son dossier font apparaître une épargne constituée de :-20 612 € sur un PEL,-3 095 € sur un livret de développement durable,-43 241 € sur un livret A, soit un total de 66 946 € ; M. X..., âgé de 52 ans, est ingénieur chez Airbus, et le montant de sa rémunération imposable pour 2013 est de 73 618 €, celui de 2012 étant de 62 212 €, étant observé qu'il a perçu en juin et décembre 2013 une somme de 12 054 € bruts au titre de son compte épargne temps, soit environ 9643 € nets correspondant à une rémunération exceptionnelle ; il fait état d'un revenu mensuel de 5 265 € que la cour retiendra ; ayant validé 95 trimestres fin 2011 il totalisera 157 trimestres à l'âge de 65 ans, soit 9 trimestres manquants pour une retraite à taux plein qu'il ne pourra atteindre qu'à l'âge de 67 ans ; M. X... a perçu suite à la vente des biens indivis une somme de 311 560 €, le différentiel de 40 864 € correspondant au solde du compte d'indivision (indemnité d'occupation du domicile conjugal et remboursement des emprunts) en faveur de ce dernier ; il a fait le choix de placer ces sommes plutôt que d'acquérir un logement, et règle de ce fait un loyer de 761 €, que la cour considèrera couvert, du fait de ce choix, par les revenus de ces placements ; aux termes de sa déclaration sur l'honneur d'avril 2014, il évalue le montant de ses capitaux mobiliers à la somme de 312 110 € par mois sans les détailler, alors que cette somme est très proche du capital reçu suite au partage de l'indivision, et qu'il n'a pas été investi dans un bien immobilier ; or la cour relève qu'il disposait avant la vente des biens un placement Skandia, soit 39 126 € en septembre 2010, et que s'il justifie de la dissolution de la société SCCV 4AJ4 en octobre 2011, il a perçu des dividendes à hauteur de 38 500 € en 2010 et 45 425 € en 2011 ; il dispose par ailleurs selon relevé de janvier 2014 d'une épargne salariale pour 9 310 €, et a perçu courant 2013 une rémunération exceptionnelle du même ordre ; il est propriétaire d'un appartement T3 de 62 mètres carrés acquis en 2010 pour la somme de 184 500 € totalement financée par un prêt sur lequel reste due à ce jour la somme de 168 816 € (mensualités 1189 € jusqu'en 2031) ; cet appartement est destiné à la location, et le mandat de gérance comporte une garantie de loyers impayés et de vacance locative ; un relevé de gérance pour le troisième trimestre 2012 fait apparaître un loyer net de 500 €, hors taxe foncière, et ne couvre donc pas les mensualités, le différentiel se substituant à l'impôt ; ce bien, que M. X... a choisi d'acquérir dans le cadre d'une opération de défiscalisation, ne représente donc à ce jour qu'une très faible valeur patrimoniale ; il résulte de cette analyse qu'il existe au détriment de l'épouse une disparité au niveau des revenus et des droits à retraite, qui atténuée par une contribution plus importante de M. X... à l'entretien et l'éducation des enfants âgés de 18 et 21 ans et poursuivant des études, est intégralement compensée par la disparité existant au détriment de l'époux en ce qui concerne les patrimoines ; la décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de prestation compensatoire de Mme Y... ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que les époux sont mariés avec contrat de mariage de séparation de biens en date du 31 mars 1990 ; que Mme Y... est âgée de 50 ans, M. X... de 51 ans, qu'ils ont donc des âges similaires et ne font pas état de problèmes de santé ; que Mme Y... est professeur de piano ; qu'il résulte de l'avis d'impôt sur le revenu 2012 – le plus récent-qu'elle a perçu en net la somme de 20128 euros, soit 1677 euros mensuel ; que les deniers bulletins de salaire produits font état d'un salaire moyen de 2. 000 euros par mois, que sur sa déclaration sur l'honneur, il est mentionné en outre 600 € mensuels de revenus fonciers et 500 euros de contribution pour les enfants ; qu'elle indique également être propriétaire de deux immeubles, elle habite dans l'un d'entre eux et règle un crédit de 648 € ; que M. X... est ingénieur chez Airbus ; qu'il résulte de l'avis d'imposition 2012 qu'il a perçu en net la somme de 57416 € de revenus, soit 4784, 66 € nets en moyenne par mois ; que de l'attestation sur l'honneur il résulte qu'il possède un bien propre pour lequel il a souscrit un prêt et pour lequel il perçoit un loyer de 650 € ; qu'il possède des fonds provenant de la vente de bien soit la somme de 212. 500 € ; il est locataire et paie un loyer ; il justifie de charges courants qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, des pièces justificatives produites, s'il apparaît une différence de salaires, celle-ci est compensée par le patrimoine détenu par Mme Y... (…) ;
Alors 1°) que, les juges du fond ne peuvent, sous couvert d'interprétation, dénaturer le sens clair et précis d'un écrit ; qu'en relevant, pour considérer que la disparité existant au détriment de Mme Y... au niveau de ses revenus et de ses droits à la retraite est intégralement compensée par celle existant au détriment de M. X... en ce que concerne les patrimoines, que l'exposante a une épargne de 66. 946 € constituée notamment d'un livret A à hauteur de 43. 241 €, cependant qu'il résulte du relevé bancaire qu'elle communiquait régulièrement aux débats (pièce n° 57) que ce montant était en francs et non en euros, partant que le solde du livret était seulement de 6. 592, 09 €, la cour d'appel, qui a dénaturé ce document, a violé ensemble l'article 1134 du code civil et le principe faisant interdiction aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ;
Alors 2°) que, les sommes versées au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants issus du mariage constituent des charges venant en déduction des ressources du mari pour apprécier la disparité entre la situation respective des époux ; qu'en l'espèce, nonobstant la contribution plus importante de M. X... à l'entretien et à l'éducation des enfants, la cour d'appel a dûment retenu l'existence d'une disparité au détriment de Mme Y... en termes de revenus et de retraite ; qu'en retenant, pour refuser de lui allouer une prestation compensatoire, que cette disparité était atténuée par cette contribution, la cour d'appel, qui a fait bénéficier par deux fois M. X... des conséquences de cette charge, a violé les articles 270 et 271 du code civil ;
Alors 3°) qu'en retenant que le prêt de 88. 000 € souscrit par Mme Y... pour effectuer des travaux dans sa maison est remboursable par mensualités de 638 € jusqu'en 2017, cependant qu'il résulte du tableau d'amortissement du 3 août 2012 communiqué régulièrement aux débats (pièce n° 35) qu'il l'était jusqu'en 2027, la cour d'appel a derechef violé l'article 1134 du code civil, ensemble le principe interdisant aux juges du fond de dénaturer les éléments de la cause ;
Alors 4°) que, le juge doit tenir compte des charges et ressources respectives des parties au moment du divorce pour apprécier l'existence de la disparité dans leurs conditions de vie respectives ; qu'en refusant de prendre en compte la charge de Mme Y... liée au prêt pour travaux de 88. 000 € en raison de ce qu'il avait été « récemment contracté », cependant qu'il s'agissait d'une charge existant au moment où elle statuait sur le divorce, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;
Alors 5°) que, le juge doit tenir compte des charges et ressources respectives des parties pour apprécier l'existence de la disparité dans leurs conditions de vie respectives ; qu'en s'abstenant de prendre en compte la charge de Mme Y... liée au prêt pour travaux de 88. 000 €, « que ce soit au passif du patrimoine de Mme Y..., ou au crédit au titre d'une éventuelle plus-value apportée par les travaux », sans justifier de ce que la plus-value était équivalente à la charge de remboursement de l'emprunt, ce qui établirait la neutralité de l'emprunt au regard des charges et des ressources de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;
Alors 6°) que, dans ses conclusions délaissées (p. 7 et p. 11), Mme Y... expliquait que M. X... bénéficiait d'actions gratuites offertes par son employeur, la société Airbus ; elle en déduisait exactement que cet avantage devait être pris en compte dans les ressources et le patrimoine de M. X... ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 7°) que, les sommes perçues par un époux pour l'entretien et l'éducation des enfants ne peuvent être prises en compte au titre des ressources de l'épouse pour apprécier la disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'en prenant en compte dans les ressources de Mme Y... la contribution du père à l'entretien et l'éducation des enfants quand ce versement ne lui bénéficiait pas, la cour d'appel a violé l'article 271 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-18649
Date de la décision : 13/04/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 17 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 avr. 2016, pourvoi n°15-18649


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.18649
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