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12/04/2016 | FRANCE | N°14-26815

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 avril 2016, 14-26815


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Orange, opérateur historique de télécommunications en France, propriétaire de la majorité des réseaux fixes de téléphonie fixe, a publié une offre de vente en gros d'accès au service téléphonique dite « offre VGAST », à laquelle la Société française du radiotéléphone (la société SFR) a souscrit ; que cette dernière, devenue le premier opérateur alternatif fixe, a souhaité lancer une offre concurrente de l'offre Résidence secondaire (l'offre

RS) proposée par la société Orange, qui permet à un client de bénéficier d'un abonn...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Orange, opérateur historique de télécommunications en France, propriétaire de la majorité des réseaux fixes de téléphonie fixe, a publié une offre de vente en gros d'accès au service téléphonique dite « offre VGAST », à laquelle la Société française du radiotéléphone (la société SFR) a souscrit ; que cette dernière, devenue le premier opérateur alternatif fixe, a souhaité lancer une offre concurrente de l'offre Résidence secondaire (l'offre RS) proposée par la société Orange, qui permet à un client de bénéficier d'un abonnement à une ligne téléphonique fixe et d'obtenir la suspension de sa ligne lorsque la résidence est inoccupée, moyennant le paiement d'une somme minime ; qu'estimant que les modalités tarifaires mises en oeuvre par la société Orange, qui ne permettent pas, en cas de suspension temporaire de la ligne fixe par le client final, de suspendre parallèlement le paiement des redevances mensuelles de l'offre VGAST, l'empêchaient d'accéder au marché de la téléphonie fixe des propriétaires de résidences secondaires et que le comportement de la société Orange était constitutif d'un abus de position dominante, la société SFR l'a assignée en réparation du préjudice subi ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 420-2 du code de commerce et 1382 du code civil ;
Attendu que pour dire que la société SFR n'établit pas l'existence d'un marché pertinent limité à l'offre de téléphonie fixe destinée aux propriétaires de résidences secondaires et rejeter ses demandes indemnitaires, l'arrêt relève, s'agissant de la substituabilité entre biens ou services du point de vue de la demande, que le marché de la téléphonie fixe des résidences secondaires n'implique pas de besoins particuliers spécifiques puisqu'il apparaît que 90 % des propriétaires de résidences secondaires considèrent que les autres offres du marché sont substituables à l'offre RS ou que l'offre RS et le caractère "interruptible" de son abonnement ne présentent aucun intérêt ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans distinguer, parmi les propriétaires de résidences secondaires n'ayant pas souscrit l'offre RS, ceux qui avaient opté pour une offre de téléphonie simple, ceux qui avaient choisi une offre fixe multiservices ou mobile et ceux qui n'étaient sensibles à aucune de ces offres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Sur le même moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles L. 420-2 du code de commerce et 1382 du code civil ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt relève, s'agissant de la substituabilité entre biens ou services du point de vue de la demande, que le marché de la téléphonie fixe des résidences secondaires n'implique pas de besoins particuliers spécifiques puisqu'il apparaît que 90 % des propriétaires de résidences secondaires considèrent que les autres offres du marché sont substituables à l'offre RS ou que l'offre RS et le caractère "interruptible" de son abonnement ne présentent aucun intérêt ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, au sein de la clientèle résidentielle de téléphonie simple, il existait un groupe de consommateurs pour lesquels, en raison, notamment, de l'usage qu'ils en avaient et de son coût, la faculté de suspendre l'abonnement en faisait un produit unique, non substituable par un autre produit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le même moyen, pris en sa huitième branche :
Vu les articles L. 420-2 du code de commerce et 1382 du code civil ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt relève, s'agissant de la substituabilité du point de vue de l'offre, que l'offre RS présente des caractéristiques identiques aux autres offres de téléphonie fixe, à l'exception de la modalité tarifaire litigieuse, et retient que la différence de coût effectif avec l'offre classique qui résulterait du caractère "suspensible" de la prestation, n'est pas établie avec certitude dès lors que ce coût est calculé en fonction de la fréquence et de la durée des séjours, lesquelles sont variables dans les résidences secondaires ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur le test réalisé par la société SFR sur la base des hypothèses d'occupation des résidences secondaires retenues par la société Orange, ni préciser en quoi les éléments qu'il contenait ne permettaient pas d'établir une différence de coût, fût-elle variable, selon la fréquence et la durée des séjours, entre les offres classique et RS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Orange aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la Société française du radiotéléphone la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la Société française du radiotéléphone (SFR)
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société SFR de ses demandes en réparation du préjudice subi du fait des pratiques d'abus de position dominante commises par la société Orange,
AUX MOTIFS QUE la société SFR entend faire reconnaître qu'il existe un marché pertinent de la téléphonie fixe de la résidence secondaire sur lequel la société Orange détient une position dominante dont elle abuse ; que l'abus de position dominante reproché à Orange par SFR suppose que soit défini le marché pertinent sur lequel elle peut réaliser cet abus ; que la société Orange nie l'existence d'un marché pertinent de la téléphonie fixe pour la résidence secondaire que la société SFR entend voir reconnaître ; que la détermination des marchés pertinents n'est pas immuable et doit, le cas échéant, traduire les évolutions technologiques, quelles qu'aient pu être jusqu'à présent les définitions retenues par les diverses autorités intervenant en la matière, Autorité de la concurrence et Commission européenne ; que si SFR expose subir un préjudice sur la période qui « s'étend sur une période ne correspondant pas à (cette) tendance à la convergence, certes entrevue mais pas achevée » des technologies, elle ne donne pas plus d'explication sur les différences technologiques pouvant justifier la définition d'un marché pertinent de la téléphonie fixe des résidences secondaires sur la période sur laquelle elle estime avoir subi un préjudice ; que, dans le faisceau d'indices qui détermine le marché pertinent, la substituabilité de la demande et celle de l'offre doivent être analysées ; que, s'agissant de la demande, la société Orange rappelle sans être contredite par la société SFR que dans le marché de la téléphonie résidentielle, la part de la téléphonie « résidence secondaire » est de 1 % et précise, sans être contredite non plus sur ce point, qu'à peine 10 % des propriétaires de résidences secondaires ont souscrit l'offre RS ; que si Orange a commercialisé une telle offre en pensant avoir identifié un besoin spécifique, il apparaît bien que le marché de la téléphonie fixe des résidences secondaires n'implique pas de besoins particuliers spécifiques puisqu'il apparaît que 90 % des propriétaires de résidences secondaires considèrent que les autres offres du marché sont substituables à l'offre RS ou que l'offre RS et le caractère interruptible de son abonnement ne présentent aucun intérêt ; que la société SFR se livre à un test « Small but Significant Non Transitory Increase in Price », (« SSNIP »), pour tenter de déterminer qu'une hausse légère, significative mais non transitoire profiterait à Orange, en ce que les clients ne se détourneraient pas pour autant de l'offre RS ; que ce test réalisé à partir d'hypothèses non vérifiées pour leur représentativité et sans tenir compte de l'incertitude du coût exact de l'offre RS pour le consommateur ne peut être probant et ne peut justifier l'existence d'un marché pertinent ; que s'agissant de l'offre, la société Orange propose, dans l'offre RS, une modalité tarifaire de consommation en permettant aux abonnés de suspendre leur abonnement tout en conservant leur numéro mais en payant une somme modique pour chaque suspension ; qu'il s'agit de la seule différence avec les autres offres d'Orange et des autres opérateurs lesquelles ont des caractéristiques (services proposés, accès au réseau par raccordement et acheminement des communications, réseau utilisé, cadre contractuel, conditions générales de l'abonnement et prestations optionnelles, offres avec ou sans forfait, grilles tarifaires, abonnement avec ou sans forfait) identiques et répondent aux mêmes besoins ; que les offres faites (RS et téléphonie fixe) sont interchangeables ; que la différence d'un coût effectif entre l'offre RS et l'offre « classique » invoquée par SFR n'est pas établie avec certitude puisque le coût est calculé en fonction de la fréquence et de la durée variable des séjours dans les résidences secondaires et qu'elle ne peut justifier la définition d'un marché distinct du marché de la téléphonie résidentielle ; qu'en définitive, la société SFR n'établit pas l'existence d'un marché pertinent limité aux résidences secondaires ; 2) qu'il est soutenu que même si le marché de la résidence secondaire n'est pas reconnu pertinent, la société Orange, en position dominante sur le marché de la téléphonie fixe, commettrait un abus en pratiquant des ventes à perte et en pratiquant un squeeze tarifaire ; que SFR expose qu'« une compression de marge ne portant que sur les offres RS constitue un abus de position dominante dès lors que celles-ci visent une clientèle importante du point de vue économique et stratégique » ; que SFR soutient qu'elle ne peut proposer une offre concurrente de l'offre RS dans des conditions économiques viables, ce que l'Arcep a parfaitement identifié sans pour autant contraindre Orange à agir différemment ; qu'elle ajoute qu'en liant l'offre RS et les offres destinées aux résidences principales, la société Orange abuse de sa position dominante sur le marché de la téléphonie fixe résidence secondaire pour conforter encore davantage celle détenue sur le marché de la téléphonie fixe résidence principale ; que, cependant, les pratiques invoquées par SFR doivent avoir un effet d'éviction ; que la clientèle concernée par l'offre RS est de faible importance, représentant 1 % du marché de la résidence secondaire et, comme le souligne la société Orange, « on ne voit pas comment des pratiques circonscrites à 330 000 clients auraient évincé SFR », celle-ci demeurant « libre de commercialiser ses offres à pas moins de 98,8 % du marché » des résidences fixes ; qu'à cet égard, la société SFR devrait démontrer, et non seulement affirmer, qu'elle est victime d'une éviction anticoncurrentielle sur le marché de la téléphonie fixe des résidences, ce qu'elle ne fait pas et ce qui n'est pas l'objet du litige et si elle soutient ne pouvoir proposer des offres concurrentes à l'offre RS, elle n'a pas démontré que le marché de la téléphonie fixe de la résidence secondaire était pertinent ; qu'il apparaît ainsi que la demande de la société SFR n'est pas justifiée et doit être rejetée ; que le jugement du tribunal de commerce sera infirmé ;
1 – ALORS QUE le marché pertinent est celui où se confrontent l'offre et la demande de produits ou de services considérés par les consommateurs comme substituables ou interchangeables entre eux en raison de leurs caractéristiques, de leur prix ou de l'usage qu'ils en font ; que ne constituent pas, pour les consommateurs, en raison de leurs caractéristiques ou de l'usage qu'ils en font, des produits substituables entre eux, les offres de téléphonie fixe simple adressées à une clientèle de particuliers, (dite clientèle résidentielle), les offres de téléphonie fixe, adressées à une clientèle résidentielle, comprenant également l'accès à l'internet et/ou l'accès à un service de télévision, (dite offre multiservices), les offres de téléphonie fixe simple adressées à une clientèle professionnelle, (clientèle non résidentielle), les offres de téléphonie multiservices adressées à une clientèle non résidentielle ; qu'en ce qu'elle s'est fondée, pour écarter l'existence d'un marché pertinent de la téléphonie fixe simple limité aux résidences secondaires, sur le constat que « dans le marché de la téléphonie résidentielle, la part de la téléphonie « résidence secondaire » est de 1 % », quand la téléphonie résidentielle inclut tous les produits de téléphonie d'accès fixe, qu'il s'agisse d'offres simples ou multiservices, à destination de particuliers ou de professionnels, non substituables entre eux, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de toute base légale au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 1382 du code civil ;
2 – ALORS QUE le marché pertinent est celui où se confrontent l'offre et la demande de produits ou de services considérés par les consommateurs comme substituables ou interchangeables entre eux en raison de leurs caractéristiques, de leur prix ou de l'usage qu'ils en font ; que, dans ses conclusions devant la cour d'appel, la société SFR faisait valoir, en produisant à l'appui de ses dires les « conditions spécifiques ligne résidence secondaire » de la société Orange, que seules les personnes abonnées pour leur résidence principale auprès de la société Orange pouvaient bénéficier d'une offre « résidence secondaire » ; qu'en affirmant cependant que le marché de la téléphonie fixe des résidences secondaires n'impliquait pas de besoins particuliers spécifiques « puisqu'il apparaît que 90 % des propriétaires de résidences secondaires considèrent que les autres offres du marché sont substituables à l'offre RS ou que l'offre RS et le caractère interruptible de son abonnement ne présentent aucun intérêt », sans rechercher s'il existait un ensemble non négligeable de consommateurs, désireux de bénéficier d'un abonnement suspensible, mais dont le besoin, faute d'avoir souscrit, pour leur résidence principale, un abonnement auprès de la société Orange, ne pouvait être satisfait, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 1382 du code civil ;
3 – ALORS QUE le marché pertinent est celui où se confrontent l'offre et la demande de produits ou de services considérés par les consommateurs comme substituables ou interchangeables entre eux en raison de leurs caractéristiques, de leur prix ou de l'usage qu'ils en font ; que la substituabilité entre différents biens ou services du point de vue de la demande, qui constitue le critère déterminant pour la délimitation du marché pertinent, s'apprécie en fonction d'un faisceau d'indices comprenant, notamment, les besoins et perceptions des consommateurs, les caractéristiques spécifiques du produit, son usage, son coût et ses conditions de commercialisation; qu'en affirmant, pour exclure l'existence d'un marché pertinent de la téléphonie fixe simple limité aux résidences secondaires, que « le marché de la téléphonie fixe des résidences secondaires n'implique pas de besoins particuliers spécifiques puisque 90 % des propriétaires de résidences secondaires considèrent que les autres offres du marché sont substituables à l'offre RS ou que l'offre RS et le caractère interruptible de son abonnement ne présentent aucun intérêt », sans opérer aucune distinction entre les consommateurs de téléphonie fixe simple et les autres consommateurs de téléphonie – fixe multiservices ou mobiles – ni rechercher si les offres de téléphonie multiservices ou mobiles étaient, notamment, dans la perception que le consommateur en avait, substituables à une offre de téléphonie fixe simple, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 1382 du code civil ;
4 – ALORS QUE le marché pertinent est celui où se confrontent l'offre et la demande de produits ou de services considérés par les consommateurs comme substituables ou interchangeables entre eux en raison de leurs caractéristiques, de leur prix ou de l'usage qu'ils en font ; que la substituabilité entre différents biens ou services du point de vue de la demande, qui constitue le critère déterminant pour la délimitation du marché pertinent, s'apprécie en fonction d'un faisceau d'indices comprenant, notamment, les besoins et perceptions des consommateurs, les caractéristiques spécifiques du produit, son usage, son coût et ses conditions de commercialisation ; que dans ses conclusions, la société SFR, se fondant sur une étude de l'INSEE, faisait valoir qu'il existait bien, au sein de la clientèle résidentielle de téléphonie simple, un ensemble non négligeable de propriétaires de résidence secondaire, n'occupant cette dernière que quelques semaines par an et pour laquelle le caractère suspensible de l'abonnement, partant le coût annuel de la téléphonie, rendait ce produit non substituable ; qu'en se bornant, pour écarter l'existence d'un marché pertinent de la téléphonie fixe simple limité aux résidences secondaires, à affirmer que « le marché de la téléphonie fixe des résidences secondaires n'implique pas de besoins particuliers spécifiques puisque 90 % des propriétaires de résidences secondaires considèrent que les autres offres du marché sont substituables à l'offre RS ou que l'offre RS et le caractère interruptible de son abonnement ne présentent aucun intérêt », sans rechercher si au sein de la clientèle résidentielle de téléphonie simple, il existait un groupe de consommateurs pour lesquels, en raison, notamment, de l'usage qu'ils en avaient et de son coût, le caractère suspensible de l'abonnement et/ou du forfait souscrit en faisait un produit unique, non substituable par un autre produit, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 1382 du code civil ;
5 – ALORS QUE le marché pertinent est celui où se confrontent l'offre et la demande de produits ou de services considérés par les consommateurs comme substituables ou interchangeables entre eux en raison de leurs caractéristiques, de leur prix ou de l'usage qu'ils en font ; que, dans ses conclusions, la société SFR faisait valoir que, pour un propriétaire de résidence secondaire désireux de bénéficier d'un service de téléphonie simple résidentiel, la faculté de suspendre son abonnement entraînait, même si l'on retenait les chiffres affirmés par la société Orange, d'une occupation de quatre mois et demi de la résidence par an, un prix annuel de l'abonnement inférieur de 50 à 80 %, selon les hypothèses du nombre de séjours, inférieur aux offres classiques, ce qui excluait toute substituabilité de ce produit pour le consommateur concerné ; qu'en affirmant cependant, pour écarter l'existence d'un marché pertinent de la téléphonie fixe simple limité aux résidences secondaires de la téléphonie, que le consommateur considère que « les autres offres du marché sont substituables à l'offre RS ou que l'offre RS et le caractère interruptible de son abonnement ne présentent aucun intérêt », sans répondre au moyen tiré de ce que pour le consommateur, la différence de prix est telle qu'elle exclue la substituabilité du service, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
6 – ALORS QUE la substituabilité entre différents biens ou services, du point de vue de l'offre, implique que les autres fournisseurs soit proposent les mêmes biens ou services que celui ou ceux en cause, soit peuvent réorienter leur production vers ce(s) produit(s) ou service(s) et les commercialiser à court terme sans encourir aucun coût ni risque substantiel ; que la cour d'appel a constaté que l'offre RS permettait aux abonnés de suspendre leur abonnement tout en conservant leur numéro mais en payant une somme modique pour chaque suspension ; qu'en se bornant cependant, pour dire que les offres RS et téléphonie fixe étaient interchangeables, à affirmer qu'il s'agissait là de la seule différence avec les autres offres d'Orange et des autres opérateurs lesquelles ont des caractéristiques (services proposés, accès au réseau par raccordement et acheminement des communications, réseau utilisé, cadre contractuel, conditions générales de l'abonnement et prestations optionnelles, offres avec ou sans forfait, grilles tarifaires, abonnement avec ou sans forfait) identiques et répondent aux mêmes besoins, sans rechercher si le seul caractère suspensible de l'abonnement et/ou des forfaits dans les offres RS proposées par la société Orange n'était pas de nature à exclure toute substituabilité de ces offres, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 1382 du code civil ;
7 – ALORS QUE dans ses conclusions devant la cour d'appel, la société SFR faisait valoir qu'elle ne pouvait, du fait du refus de la société Orange de suspendre les redevances d'abonnement sur le marché de gros, proposer d'offres substituables aux offres RS, dont la spécificité résultait du caractère suspensible de l'abonnement et/ou du forfait de communication ; qu'elle indiquait encore que ces offres RS proposaient un service distinct de celui proposé par les autres offres de téléphonie simple à destination de la clientèle résidentielle, caractérisé par un accès intermittent au réseau et qu'elles étaient, au demeurant, régies par des conditions contractuelles distinctes, les « conditions spécifiques ligne résidence secondaire », versées aux débats, aux termes desquelles, notamment, la souscription de la ligne était subordonnée à la fourniture d'une attestation d'assurance indiquant la nature de l'habitation ainsi qu'un document fiscal établissant la résidence principale et à la souscription et à la souscription auprès de la société orange d'un abonnement pour leur résidence principale ; qu'en retenant cependant, pour dire que les offres RS et les autres offres de téléphonie simple à destination de la clientèle résidentielle étaient interchangeables, que la seule différence résidait dans une « modalité tarifaire de consommation » permettant aux abonnés de suspendre leur abonnement, les autres caractéristiques, (services proposés, accès au réseau par raccordement et acheminement des communications, réseau utilisé, cadre contractuel, conditions générales de l'abonnement et prestations optionnelles, offres avec ou sans forfait, grilles tarifaires, abonnement avec ou sans forfait), étant identiques et répondant aux mêmes besoins, sans répondre au moyen faisant valoir la différence de produit - l'accès au réseau étant suspensible -, ensemble les conditions contractuelles spécifiques des offres RS qui limitaient notamment le bénéfice de ces offres aux seuls propriétaires de résidence secondaire et pour cette résidence secondaire, la cour d'appel a encore méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
8 – ALORS QUE la substituabilité entre différents biens ou services, du point de vue de l'offre, implique que les autres fournisseurs soit proposent les mêmes biens ou services que celui ou ceux en cause, soit puissent réorienter leur production vers ce(s) produit(s) ou service(s) et les commercialiser à court terme sans encourir aucun coût ni risque substantiel ; qu'en l'espèce, la société SFR faisait valoir qu'elle ne pouvait, selon un modèle économiquement viable, proposer des prestations de téléphonie fixe suspensibles, substituables aux offres RS proposées par la société Orange, dès lors que cette dernière refusait toute suspension de la redevance d'abonnement due pour la ligne sur le marché de gros ; qu'elle développait, à l'appui de ses dires, un test de ciseau tarifaire, reprenant les hypothèses mêmes affirmées par la société Orange devant le tribunal, soit une ligne active de 124 jours en moyenne par an pour l'offre standard et 156 jours en moyenne pour l'offre optimale 2 heures, et qui aboutissait à une marge négative de plus de 7 euros par mois et par abonné quelle que soit l'année considérée ; qu'en se bornant, pour retenir que les offres RS et téléphonie fixe étaient interchangeables, à affirmer que la différence d'un coût effectif entre l'offre RS et l'offre « classique » invoquée par SFR n'était pas établie avec certitude puisque le coût était calculé en fonction de la fréquence et de la durée variable des séjours dans les résidences secondaires et qu'elle ne pouvait justifier la définition d'un marché distinct du marché de la téléphonie résidentielle, sans indiquer pour quels motifs les hypothèses de calcul, reprises de la société Orange, ne permettraient pas d'établir la certitude d'une différence de coût, ce dernier fut-il variable, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 1382 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
, (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement déféré, débouté la société SFR de ses demandes en réparation du préjudice subi du fait des pratiques d'abus de position dominante commises par la société Orange, AUX MOTIFS QUE la société SFR estime que même si le marché de la résidence secondaire n'est pas reconnu pertinent, la société Orange, en position dominante sur le marché de la téléphonie fixe, commettrait un abus en pratiquant des ventes à perte et en pratiquant un squeeze tarifaire ; que SFR expose qu'« une compression de marge ne portant que sur les offres RS constitue un abus de position dominante dès lors que celles-ci visent une clientèle importante du point de vue économique et stratégique » ; que SFR soutient qu'elle ne peut proposer une offre concurrente de l'offre RS dans des conditions économiques viables, ce que l'Arcep a parfaitement identifié sans pour autant contraindre Orange à agir différemment ; qu'elle ajoute qu'en liant l'offre RS et les offres destinées aux résidences principales, la société Orange abuse de sa position dominante sur le marché de la téléphonie fixe résidence secondaire pour conforter encore davantage celle détenue sur le marché de la téléphonie fixe résidence principale ; que, cependant, les pratiques invoquées par SFR doivent avoir un effet d'éviction ; que la clientèle concernée par l'offre RS est de faible importance, représentant 1 % du marché de la résidence secondaire, (en réalité 1 % du marché de la téléphonie résidentielle) et, comme le souligne la société Orange, « on ne voit pas comment des pratiques circonscrites à 330 000 clients auraient évincé SFR », celle-ci demeurant « libre de commercialiser ses offres à pas moins de 98,8 % du marché » des résidences fixes ; qu'à cet égard, la société SFR devrait démontrer, et non seulement affirmer, qu'elle est victime d'une éviction anticoncurrentielle sur le marché de la téléphonie fixe des résidences, ce qu'elle ne fait pas et ce qui n'est pas l'objet du litige et si elle soutient ne pouvoir proposer des offres concurrentes à l'offre RS, elle n'a pas démontré que le marché de la téléphonie fixe de la résidence secondaire était pertinent ; qu'il apparaît ainsi que la demande de la société SFR n'est pas justifiée et doit être rejetée ; que le jugement du tribunal de commerce sera infirmé ;
1 – ALORS QUE le marché pertinent est celui où se confrontent l'offre et la demande de produits ou de services considérés par les consommateurs comme substituables ou interchangeables entre eux en raison de leurs caractéristiques, de leur prix ou de l'usage qu'ils en font ; que ne constituent pas, pour les consommateurs, en raison de leurs caractéristiques ou de l'usage qu'ils en font, des produits substituables entre eux, les offres de téléphonie fixe simple adressées à une clientèle de particuliers, (dite clientèle résidentielle), les offres de téléphonie fixe, adressées à une clientèle résidentielle, comprenant également l'accès à Internet et/ou l'accès à un service de télévision, (dite offre multiservices), les offres de téléphonie fixe simple adressées à une clientèle professionnelle, (clientèle non résidentielle), les offres de téléphonie multiservices adressées à une clientèle non résidentielle ; qu'en ce qu'elle s'est fondée, pour écarter tout abus de position dominante sur le marché de la téléphonie fixe à destination d'une clientèle résidentielle, sur les affirmations, reprises de la société Orange que la clientèle concernée par l'offre RS est de faible importance, représentant 1 % du marché de la téléphonie résidentielle et que la société SFR demeure « libre de commercialiser ses offres à pas moins de 98,8 % du marché » des résidences fixes, quand la téléphonie résidentielle se distingue de la téléphonie à destination d'une clientèle résidentielle, la cour d'appel, qui n'a pas défini le marché pertinent sur lequel elle appréciait la position dominante, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 1382 du code civil ;
2 – ALORS QUE constitue un abus de position dominante toute pratique d'un opérateur en position de dominance ayant entraîné une restriction de concurrence, sensible sur le marché ; qu'en énonçant cependant, pour débouter la société SFR de ses demandes en réparation du préjudice subi du fait des pratiques d'abus de position dominante commises par la société Orange, que « les pratiques invoquées par SFR doivent avoir un effet d'éviction » et que « la société SFR devrait démontrer, et non seulement affirmer, qu'elle est victime d'une éviction anticoncurrentielle sur le marché de la téléphonie fixe des résidences », la cour d'appel, qui a subordonné la qualification d'abus de position dominante à un effet d'éviction d'un concurrent du marché, a ajouté aux dispositions de l'article L. 420-2 du code du commerce, en violation de ce texte, ensemble, et par refus d'application, l'article 1382 du code civil ;
3 – ALORS QUE la cour d'appel a constaté que la société SFR estime que même si le marché de la résidence secondaire n'est pas reconnu pertinent, la société Orange, en position dominante sur le marché de la téléphonie fixe, commet un abus en pratiquant des ventes à perte et en pratiquant un squeeze tarifaire et qu'elle expose qu'« une compression de marge ne portant que sur les offres RS constitue un abus de position dominante dès lors que celles-ci visent une clientèle importante du point de vue économique et stratégique » ; qu'en énonçant cependant, pour débouter la société SFR de ses demandes en réparation du préjudice subi du fait des pratiques d'abus de position dominante commises par la société Orange, que l'existence d'un abus de position dominante sur le marché de la téléphonie fixe des résidences n'est pas « l'objet du litige », la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constations, en violation de l'article 4 du code de procédure civile, ensemble les articles l'article L. 420-2 du code du commerce et 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-26815
Date de la décision : 12/04/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 avr. 2016, pourvoi n°14-26815


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.26815
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