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07/04/2016 | FRANCE | N°15-14562

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 07 avril 2016, 15-14562


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 23 septembre 2014), qu'à l'occasion d'une opération de promotion immobilière, la société civile immobilière Le Symphonie (la SCI) a souscrit auprès de la société Banco Popular, devenue la société CIC Iberbanco, une convention de garantie d'achèvement des travaux prévoyant la perception, au titre de la rémunération de la caution, d'une commission annuelle de 48 750 euros exigible à compter du jour de la signature du contrat ;

que, souhaitant ne plus mettre en jeu cette garantie, la SCI a assigné la s...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 23 septembre 2014), qu'à l'occasion d'une opération de promotion immobilière, la société civile immobilière Le Symphonie (la SCI) a souscrit auprès de la société Banco Popular, devenue la société CIC Iberbanco, une convention de garantie d'achèvement des travaux prévoyant la perception, au titre de la rémunération de la caution, d'une commission annuelle de 48 750 euros exigible à compter du jour de la signature du contrat ; que, souhaitant ne plus mettre en jeu cette garantie, la SCI a assigné la société CIC Iberbanco en restitution de cette somme ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que, dans un contrat synallagmatique, l'obligation de chaque partie trouve sa cause dans l'obligation de l'autre, si bien que si l'obligation de l'une se trouve privée d'objet, le paiement qui a été effectué par l'autre en prévision de l'exécution de cette obligation est dépourvu de cause et doit être restitué ; qu'en l'espèce, le paiement effectué d'avance par la SCI Le Symphonie avait pour contrepartie la fourniture par la banque d'un cautionnement garantissant ses acquéreurs du risque d'inachèvement de l'immeuble ; qu'il s'ensuit que ce paiement anticipé devait être regardé comme dépourvu de cause si pour une raison ou pour une autre la garantie bancaire n'avait finalement pas lieu d'être fournie, par exemple en raison de l'état d'achèvement de l'immeuble préalablement à sa commercialisation ; qu'en l'occurrence, il était constant que dès le 11 mai 2009, soit dès avant la conclusion de la première vente qui n'est intervenue que le 27 juillet 2009, la SCI Le Symphonie avait fait savoir à la banque qu'elle renonçait à la garantie promise et que, de fait, l'obligation de la banque n'a jamais reçu le moindre commencement d'exécution, la SCI Le Symphonie n'ayant pas eu à fournir de garantie bancaire à ses acquéreurs ; qu'en considérant néanmoins que la banque était fondée à conserver le paiement effectué entre ses mains, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1235 du code civil ;
2°/ que la clause assortissant une convention de garantie bancaire d'achèvement de travaux, souscrite en prévision d'une vente d'immeubles à construire, qui exige par anticipation le paiement immédiat par le promoteur de la rémunération de la caution avant la conclusion de la première vente, sans prévoir corrélativement la restitution de cette somme dans le cas où cette garantie deviendrait inutile ou sans objet, doit être réputée non écrite comme obligeant potentiellement le vendeur à effectuer un paiement dépourvu de cause ; qu'il s'ensuit qu'en fondant sa décision sur les stipulations du contrat qui, selon l'interprétation qu'elle en a faite, prévoyait le paiement non seulement immédiat, mais également irrévocable, de la commission exigée par l'établissement bancaire, sans permettre au vendeur de récupérer la somme ainsi investie dans l'hypothèse où, par suite notamment de l'évolution du chantier de construction et du calendrier de commercialisation, la garantie bancaire s'avérerait être dépourvue d'objet, la cour d'appel a violé derechef l'article 1131 du code civil ;
3°/ que, dès lors que la prestation qui fait l'objet du contrat n'a pas reçu le moindre commencement d'exécution, sa résolution entraîne nécessairement, en raison de l'effet rétroactif qui s'y attache, la restitution des sommes versées en prévision de son exécution future ; qu'ayant elle-même retenu que la résiliation de la convention litigieuse était intervenue dès le 11 mai 2009, soit dès avant la conclusion de la première vente, ce dont il résultait que l'obligation souscrite par la banque en contrepartie du paiement qui avait été effectué n'avait pas reçu le moindre commencement d'exécution, la cour d'appel ne pouvait refuser à la SCI Le Symphonie la restitution qu'elle sollicitait, sauf à refuser de tirer les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 1134 et 1184 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'aucune disposition de l'acte du 27 mars 2009 ne prévoyait les conditions de la résiliation du contrat, notamment de la restitution de la rémunération de la caution dans l'hypothèse d'une résiliation unilatérale et du fait du recours du vendeur à une garantie intrinsèque, qu'il ressortait de la stricte application des clauses du contrat que celui-ci, aux termes de l'article 6, prenait effet dès la signature de l'acte, la caution étant fondée à exiger, à compter de cette signature, la première commission annuelle d'un montant de 48 750 euros, que l'article 3, dont entendait se prévaloir la SCI, concernait la mise en oeuvre de la garantie, qui était liée à la conclusion des ventes, lesquelles ne pouvaient qu'être postérieures à la date d'effet du contrat effective dès sa signature et que, s'agissant d'un contrat aléatoire, sa signature entraînait l'exigibilité de la première rémunération de la caution, la cour d'appel en a exactement déduit que la SCI n'était pas fondée à obtenir la restitution de la somme de 48 750 euros régulièrement prélevée par la banque conformément aux dispositions du contrat conclu entre les parties avant la résiliation de celui-ci à l'initiative de la SCI ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Le Symphonie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Le Symphonie et la condamne à payer à la société CIC Iberbanco la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société Le Symphonie
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI Le Symphonie de sa demande tendant à la condamnation de la société CIC Iberbanco à lui restituer la somme principale de 48.750 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 1 de la convention conclue le 27 mars 2009 entre la Banco Popular dénommée la caution et la SCI Le Symphonie dénommée le vendeur, il a été stipulé que « afin de permettre au vendeur de satisfaire aux dispositions des articles L. 261-1 et suivants du Code de la construction et de l'habitation (CCH) et notamment son article R. 261-17, la caution se porte caution solidaire envers les acquéreurs de l'immeuble des engagements du vendeur conformément aux dispositions de l'article R. 261-21b du CCH et, par là, s'oblige en cas de défaillance constatée du vendeur à fournir les sommes nécessaires pour mener à bien l'achèvement de l'immeuble visé dans l'exposé ci-dessus » ; que l'article 3 dispose que « Le présent engagement prend effet dès la signature de la première vente et est contracté par la caution jusqu'à l'achèvement de la construction telle que définie à l'article R. 261-24 du CCH … » ; que l'article 6 prévoit au titre de la rémunération de la caution que « Le présent cautionnement donnera lieu à la perception d'une commission annuelle de 48.750,00 € payable d'avance en une seule fois et exigible à compter du jour de la signature du présent acte (…) » ; que le 11 mai 2009, maître Valérie Guerin, notaire à Annecy représentant la SCI Le Symphonie a indiqué à la Banco Popular que « la SCI Le Symphonie ne souhaite pas en mettre en oeuvre pour l'instant la garantie » et a retourné l'original de la convention de garantie d'achèvement signée le 27 mars 2009 ; que par deuxième courrier du 3 septembre 2009, maître Guerin précise à la Banco Popular que les ventes consenties à ce jour concernent le bâtiment D du programme et seront régularisées après complet achèvement et qu'il sera procédé de la même manière pour le bâtiment C ; que le notaire explique que dans ces conditions, la SCI Le Symphonie n'utilisera pas la garantie d'achèvement signée le 27 mars 2009 ; que le 12 janvier 2010, le conseil de la SCI Le Symphonie a mis en demeure le CIC Iberbanco de fournir la garantie d'achèvement, objet de la convention du 27 mars 2009 ; qu'il se déduit des 2 courriers de maître Guerin, notaire intervenant pour la SCI Le Symphonie, que celle-ci a décidé de mettre en oeuvre une garantie intrinsèque d'achèvement des travaux telle que visée à l'article R. 261-17 du Code de la construction et de l'habitation ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont analysé la restitution par ce même notaire à la caution de l'original de la convention de garantie d'achèvement comme une résiliation unilatérale du contrat ; qu'aucune disposition de l'acte du 27 mars 2009 ne prévoit les conditions de la résiliation du contrat, notamment de la restitution de la rémunération de a caution dans l'hypothèse d'une résiliation unilatérale et du fait du recours du vendeur à une garantie intrinsèque ; qu'il ressort de la stricte application des clauses du contrat que celui-ci, aux termes de l'article 6, prend effet dès la signature de l'acte, la caution étant fondée à exiger, à compter de cette signature, la première commission annuelle d'un montant de 48.750,00 € ; que l'article 3 dont entend se prévaloir la SCI Le Symphonie concerne la mise en oeuvre de la garantie qui est liée à la conclusion des ventes, lesquelles nécessairement ne peuvent qu'être postérieures à la date d'effet du contrat effective dès sa signature ; que s'agissant d'un contrat aléatoire, sa signature entraîne l'exigibilité de la première rémunération de la caution ; que dès lors, la SCI Le Symphonie n'est pas fondée à obtenir la restitution de la somme de 48.750,00 € régulièrement prélevée par la banque conformément aux dispositions du contrat conclu entre les parties avant la résiliation de celui-ci à l'initiative de la SCI Le Symphonie ; que c'est sans démonstration aucune que la SCI Le Symphonie allègue une inexécution de la caution puisque jusqu'à la renonciation unilatérale du vendeur, le CIC Iberbanco n'a jamais refusé de mettre en oeuvre sa garantie dans le cadre de la régularisation d'une première vente ; que la mise en demeure du 1er mars 2010 est inopérante dans la mesure où le contrat du 27 mars 2009 a été unilatéralement résilié le 11 mai 2009 par la SCI Le Symphonie et qu'une nouvelle garantie de la CIC Iberbanco n'était possible que dans le cadre d'un nouvel accord des volontés des 2 parties ; que de plus fort, il convient de rejeter la demande de la SCI Le Symphonie au titre d'une répétition de l'indu, le prélèvement de la somme de 48.750,00 € trouvant sa cause dans l'application de la convention du 27 mars 2009 et plus précisément de son article 6 ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les courriers du notaire s'analysent comme une résiliation unilatérale du contrat par la SCI Le Symphonie qui sollicite le remboursement de la commission par la banque au motif que celle-ci n'est pas due puisque la banque n'a pas eu à mettre en oeuvre la garantie d'achèvement des travaux ; que la clause résolutoire est toujours entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfait point à ses engagements ; que cependant, la SCI Le Symphonie ne peut prétendre à une inexécution des obligations de la caution ; qu'en effet, celle-ci n'a jamais refusé sa garantie ; que la SCI Le Symphonie ne pouvait de son côté et sans contradiction prétendre à la fois à la résiliation du contrat qui a amené la banque à restitution la convention ainsi que le lui demandait son cocontractant puisqu'il n'en serait pas fait usage et à son exécution forcée, sollicitée dans un courrier du 12 janvier 2010, qui n'avait pas de sens dès lors que le programme immobilier était achevé ; que la commission prélevée par la banque était due au jour de la signature du contrat et aucune clause contractuelle ne permet au promoteur de prétendre à la restitution de la rémunération de la caution s'il choisit a posteriori de ne pas recourir à cette garantie ; que la SCI Le Symphonie ne peut non plus prétendre à une répétition de l'indu dans la mesure où c'est elle qui a fait le choix d'une autre garantie après avoir signé un engagement avec la banque CIC Iberbanco qui ne lui a jamais dénié sa garantie ; que la demande de la SCI Le Symphonie en remboursement de la commission sera en conséquence rejetée ;
ALORS QUE, d'une part, dans un contrat synallagmatique, l'obligation de chaque partie trouve sa cause dans l'obligation de l'autre, si bien que si l'obligation de l'une se trouve privée d'objet, le paiement qui a été effectué par l'autre en prévision de l'exécution de cette obligation est dépourvu de cause et doit être restitué ; qu'en l'espèce, le paiement effectué d'avance par la SCI Le Symphonie avait pour contrepartie la fourniture par la banque d'un cautionnement garantissant ses acquéreurs du risque d'inachèvement de l'immeuble ; qu'il s'ensuit que ce paiement anticipé devait être regardé comme dépourvu de cause si pour une raison ou pour une autre la garantie bancaire n'avait finalement pas lieu d'être fournie, par exemple en raison de l'état d'achèvement de l'immeuble préalablement à sa commercialisation ; qu'en l'occurrence, il était constant que dès le 11 mai 2009, soit dès avant la conclusion de la première vente qui n'est intervenue que le 27 juillet 2009, la SCI Le Symphonie avait fait savoir à la banque qu'elle renonçait à la garantie promise et que, de fait, l'obligation de la banque n'a jamais reçu le moindre commencement d'exécution, la SCI Le Symphonie n'ayant pas eu à fournir de garantie bancaire à ses acquéreurs ; qu'en considérant néanmoins que la banque était fondée à conserver le paiement effectué entre ses mains, la Cour viole les articles 1131 et 1235 du Code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, la clause assortissant une convention de garantie bancaire d'achèvement de travaux, souscrite en prévision d'une vente d'immeubles à construire, qui exige par anticipation le paiement immédiat par le promoteur de la rémunération de la caution avant la conclusion de la première vente, sans prévoir corrélativement la restitution de cette somme dans le cas où cette garantie deviendrait inutile ou sans objet, doit être réputée non écrite comme obligeant potentiellement le vendeur à effectuer un paiement dépourvu de cause ; qu'il s'ensuit qu'en fondant sa décision sur les stipulations du contrat qui, selon l'interprétation qu'elle en a faite, prévoyait le paiement non seulement immédiat, mais également irrévocable, de la commission exigée par l'établissement bancaire, sans permettre au vendeur de récupérer la somme ainsi investie dans l'hypothèse où, par suite notamment de l'évolution du chantier de construction et du calendrier de commercialisation, la garantie bancaire s'avérerait être dépourvue d'objet, la Cour viole derechef l'article 1131 du Code civil ;
ET ALORS ENFIN QUE, et en tout état de cause, dès lors que la prestation qui fait l'objet du contrat n'a pas reçu le moindre commencement d'exécution, sa résolution entraîne nécessairement, en raison de l'effet rétroactif qui s'y attache, la restitution des sommes versées en prévision de son exécution future ; qu'ayant elle-même retenu que la résiliation de la convention litigieuse était intervenue dès le 11 mai 2009, soit dès avant la conclusion de la première vente, ce dont il résultait que l'obligation souscrite par la banque en contrepartie du paiement qui avait été effectué n'avait pas reçu le moindre commencement d'exécution, la Cour ne pouvait refuser à la SCI Le Symphonie la restitution qu'elle sollicitait, sauf à refuser de tirer les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 1134 et 1184 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-14562
Date de la décision : 07/04/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 23 septembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 07 avr. 2016, pourvoi n°15-14562


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Blondel, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.14562
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