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07/04/2016 | FRANCE | N°14-24021

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 avril 2016, 14-24021


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique qui est recevable :

Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 24 août 2009 par la société Leny investissement en qualité de vendeur, M. X... a fait l'objet de trois avertissements les 24 novembre 2010, 15 janvier 2011 et 17 mai 2011 ; qu'il a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 22 juin 2011 jusqu'au 2 juillet 2011 puis à compter du 4 juillet au 24 juillet 2011 ; que convoqué le 23 juin 2011 à un entr

etien préalable fixé au 1er juillet et reporté au 5 juillet 2011, il a été li...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique qui est recevable :

Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 24 août 2009 par la société Leny investissement en qualité de vendeur, M. X... a fait l'objet de trois avertissements les 24 novembre 2010, 15 janvier 2011 et 17 mai 2011 ; qu'il a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 22 juin 2011 jusqu'au 2 juillet 2011 puis à compter du 4 juillet au 24 juillet 2011 ; que convoqué le 23 juin 2011 à un entretien préalable fixé au 1er juillet et reporté au 5 juillet 2011, il a été licencié par lettre du 8 juillet 2011 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en nullité de son licenciement et a sollicité le paiement de sommes au titre d'un harcèlement moral, d'une rupture abusive du contrat de travail et d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires ;
Attendu que pour prononcer la nullité du licenciement, l'arrêt retient, après avoir jugé que les griefs énoncés à la lettre de licenciement ne sont pas fondés, que le salarié a subi de la part de l'employeur des agissements constitutifs de harcèlement moral ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le salarié avait été licencié pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité du licenciement et condamne la société Leny investissement à payer à M. X... une indemnité pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 1er juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la société Leny investissement
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit le licenciement de Monsieur X... nul et condamné en conséquence la SARL Leny Investissement à lui verser diverses sommes ;
aux motifs que la lettre de licenciement est ainsi motivée : « le 11 mai dernier, vous avez vendu une Peugeot 307, 1. 6 litres HDI pour 1. 800 euros alors que ce bien avait une valeur estimée à 2. 800 €. Vous avez donc pris la liberté d'effectuer une remise conséquente sur le prix de vente de ce bien, sans même en référer à un supérieur hiérarchique, alors que avez été informé à plusieurs reprises qu'une autorisation d'un responsable est obligatoire dans une telle hypothèse. Ce n'est malheureusement par la première fois que nous avons eu à vous reprocher ce type de fait ; vous avez d'ailleurs fait l'objet de plusieurs avertissements pour des faits similaires. Comprenez bien que notre société ne peut plus supporter les conséquences de ces agissements qui viennent d'une part ternir son image, mais aussi, qui pourrait à terme mettre en péril l'équilibre financier qu'elle s'efforce de conserver. Les explications recueillies lors de notre entretien du 5 juillet 2011 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Nous avons donc décidé de vous licencier pour faute » ; que le licenciement prononcé pour motif disciplinaire se réfère à des avertissements antérieurement délivrés au salarié par l'employeur pour inobservation des règles de commerce dans l'entreprise : le premier, délivré le 24 novembre 2010, sanctionne l'absence de recherche d'un véhicule Touran Volkswagen pour un client ayant ensuite reproché à l'employeur un manque de sérieux, ainsi que l'achat d'une Renault Mégane, n'ayant pas convenu au client ; le second, décerné le 15 janvier 2011, sanctionne une remise abusive de 1. 100 € sur un lot de motos et l'établissement par le salarié de statistiques de vente portant sur les marges des véhicules vendus n'entrant pas dans les missions du contrat de travail salarié ; le dernier, donné le 17 mai 2011, l'a été pour avoir, malgré les deux avertissements ci-dessus délivrés, pris l'initiative de faire réparer un véhicule sans en référer à la direction, ainsi que vendu un véhicule Renault Clio au prix de 1. 200 € au lieu de 1. 500 € ; qu'en premier lieu, il est démontré par Monsieur X... que ces avertissements ont tous donné lieu à une réponse écrite explicative du salarié très argumentée, remise en mains propres à l'employeur contre décharge, sans que l'employeur n'ait répliqué à ces courriers ; qu'en second lieu, la mesure de licenciement sanctionne l'inapplication de règles de commerce que l'employeur ne démontre pas avoir édictées ; que toutefois s'il est constant que le prix de négociation d'un véhicule n'est pas fixé par le vendeur de sa propre autorité car cette prérogative relève du seul pouvoir de l'employeur, maître de la négociation commerciale, il incombe à celui-ci de définir les règles de commerce qu'il prétend avoir été enfreintes par le salarié ; qu'en l'espèce, et alors même qu'il avait fait plusieurs remontrances verbales à son salarié, l'employeur ne justifie pas avoir défini la procédure à respecter pour l'informer lors de la négociation d'un véhicule ; qu'au contraire, il ressort du compte rendu de l'entretien préalable que l'employeur a reconnu ne pas l'avoir fait ; qu'en troisième lieu, l'article L. 1152-1 du Code du travail définit le harcèlement comme le fait de subir, pour le salarié, des « agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; que l'article L. 1154-1 du même code dispose que lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral, le salarié doit établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, et qu'au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au cas d'espèce, le jugement critiqué a justement relevé que parmi les attestations produites par le salarié pour étayer les faits de harcèlement, certaines doivent être écartées comme non probantes ; qu'il en est ainsi des témoignages de MM. Z... Gilles, A... Jacques et B... Didier qui portent une appréciation défavorable sur le comportement de l'employeur en termes généraux et sans rapporter aucun fait précis ; que tel est aussi le cas des témoignages de MM. C... Joël, D... Mohamed et E... Abdellah rapportant les propos racistes et grossiers qu'a eu l'employeur à leur égard et non envers Monsieur X... ; que la cour écartera pour sa part, le témoignage sérieusement critiqué et ayant donné lieu à plainte pénale de M. F... ; qu'à l'inverse, les témoignages de MM. G... Christophe, H... Cyril, I... Didier, N... et J... David rapportent eux, précisément et différemment, la manière dégradante avec laquelle M. K..., l'employeur, s'est adressé à plusieurs reprises à Monsieur X..., y compris en présence de tiers, pour le sommer de nettoyer la machine à café en le traitant d'incapable ou bien la façon dont l'employeur se montrait pressant et autoritaire en demandant à Monsieur X... « où il était ou ce qu'il faisait » ; que relatant des faits précis et répétés de façon circonstanciée, ils emportent la conviction ; que la circonstance que certains émanent d'anciens salariés ayant quitté l'entreprise et ayant du ressentiment envers leur ancien employeur ne saurait avoir comme conséquence de les écarter ; qu'à cet égard, M. L... René, atteste que le départ de nombreux salariés de l'entreprise de M.

K...

depuis 2003, n'est pas étranger à la manière de diriger de l'employeur dépeint par la majorité des témoins comme étant habituellement agressif, voire violent, en tous cas irrespectueux envers son personnel ; que les faits ci-dessus décrits à l'encontre de Monsieur X... permettent de présumer l'existence d'un harcèlement de la part de son employeur, Monsieur K..., gérant de la SARL Leny Investissement ; or, les attestations de l'employeur produites en sens contraire sont sans portée utile ; qu'il s'agit en effet d'attestations de clients affirmant n'avoir jamais été témoin de parole ou de comportement déplacé de la part de Monsieur K... et n'avoir jamais constaté de tension sur le lieu de travail, qui ne renseignent pas sur les relations internes à l'entreprise ; que d'autres émanent de clients se plaignant du comportement « peu commercial » et « peu professionnel » de Monsieur X... ; qu'elles ne permettent, ni d'apporter des réponses objectives aux faits dénoncés par le salarié, ni de les contredire utilement ; que Letizia M... témoigne pour sa part de la suppression le 12 mai et le 17 juin 2011, du bureau et du téléphone professionnel dont disposait Monsieur X..., ce qui a contribué à la dégradation de ses conditions de travail ; qu'il ressort du compte-rendu de l'entretien préalable à une sanction du 5 juillet 2011 rédigé par M. P..., conseiller du salarié, que l'employeur n'a apporté aucune réponse à l'affirmation selon laquelle « le gérant criait souvent contre Monsieur X... » et « exemple de discours ferme ta gueule et fait ce que je te dis » ; que l'employeur n'établit pas que ces agissements sont étrangers à tout fait de harcèlement ; qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations, que les avertissements délivrés ainsi que le licenciement par l'employeur du salarié sont entachés de nullité ; alors qu'il résulte des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail que la nullité d'un licenciement en raison du harcèlement moral dont un salarié a fait l'objet ne peut être prononcée que s'il est établi que celui-ci a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements ; qu'en l'absence au contraire de lien établi entre le harcèlement et le licenciement, celui-ci n'est pas entaché de nullité ; qu'au cas présent, en se bornant à déduire la nullité du licenciement de l'existence d'un harcèlement moral, résultant de l'attitude irrespectueuse de l'employeur, sans établir de lien entre ce harcèlement et les faits précis de réduction de prix non autorisée, tels que reprochés dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-24021
Date de la décision : 07/04/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 01 juillet 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 avr. 2016, pourvoi n°14-24021


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.24021
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