La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2016 | FRANCE | N°16-80095

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 mars 2016, 16-80095


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Moïse X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 18 décembre 2015, qui, après annulation de l'ordonnance de mise en accusation, l'a renvoyé devant la cour d'assises des mineurs d'Eure-et-Loir sous l'accusation de tentative de meurtre ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Caste

l, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rappor...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Moïse X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 18 décembre 2015, qui, après annulation de l'ordonnance de mise en accusation, l'a renvoyé devant la cour d'assises des mineurs d'Eure-et-Loir sous l'accusation de tentative de meurtre ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Vu les mémoires ampliatif et personnel produits ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 173, 174, 175, 181, 184, 185, 206, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a annulé l'ordonnance de mise en accusation entreprise et, évoquant et statuant à nouveau, a ordonné sa mise en accusation ;
" aux motifs que, sur l'infraction, il n'est pas contesté que M. Y... a été blessé par deux tirs de fusil de chasse, le 6 juin 2011, alors qu'il se trouvait stationné près du campement de la famille X.../ Z... ; que M. X... a immédiatement reconnu être l'auteur des coups de feu ; que l'ensemble des témoins présents sur le lieu des faits, et, notamment, les membres de sa famille, ont immédiatement déclaré qu'il avait été l'auteur des deux coups de feu sur M. Y... ; que les prélèvements de résidus de poudre sur la main gauche de M. X... ont confirmé qu'il était bien le tireur ; que M. X... a constamment assuré qu'il avait tiré deux coups de feu, qui ont " touché parterre ", puis qui ont touché le véhicule de la victime, pour " faire fuir " le conducteur et non pour le tuer ; qu'il a toujours maintenu qu'il n'avait aucunement été animé par une quelconque intention d'homicide à l'encontre de M. Y..., qu'il ne connaissait pas ; que, cependant, les investigations menées dans le cadre de l'information judiciaire ont permis d'établir l'existence d'une intention d'homicide de M. X... ; qu'ainsi, M. X... a admis qu'il avait ouvert le feu en direction du véhicule dans lequel se trouvait la victime ; qu'ensuite, les impacts des tirs de cartouche de chasse faisant balle immédiatement relevés sur le véhicule Peugeot 405 par les gendarmes attestent, par leur localisation et par le bris de la vitre, qu'ils ont été tirés au niveau de la portière conducteur ; qu'aucun ricochet avec le sol ne peut expliquer ces constatations techniques selon l'expert de l'IRCGN ; qu'également, l'arme utilisée par M. X... est un fusil de chasse à double canon, muni de plusieurs cartouches de calibre 12/ 70, lesquels sont de nature létale jusqu'à cent mètres ; que la déformation de la taule, la taille des trous constatés sur la portière conducteur du véhicule de la victime ne peuvent que conforter l'existence d'une très grande proximité de M. Y... par M. X... au moment des tirs ; que l'expert en balistique a attesté de ce que M. X... ne pouvait se situer à plus de trois mètres de la victime au moment des tirs, élément également corroboré par l'expertise médicale de M. B..., docteur, qui mentionne que les tirs ont été effectués à " bout portant " sur la victime ; que les tirs effectués par M. X... étaient donc de nature à entraîner la mort ; que M. X... a reconnu qu'il avait été cherché le fusil et les cartouches dont il avait chargé l'arme et être revenu à proximité du véhicule pour tirer, sans avoir pu expliquer de manière cohérente la raison d'une telle action ; qu'il admettait qu'il avait volontairement actionné la gâchette, sans pause entre les deux coups de feu ; qu'à cet égard, l'expert en balistique a indiqué que seule une action sur la queue de détente par une pression d'1, 8 kilo permet de générer un coup de feu, ce qui exclut un tir accidentel ou non intentionnel ; que la nature et la localisation des blessures de M. Y... dans des zones potentiellement létales caractérisent l'intention homicide qui a animé le mis en examen, la victime ayant, notamment, été touché au niveau du thorax, partie vitale du corps humain, et y ayant présenté une plaie de dix centimètres ; que la légitime défense a tenté d'être invoquée par le mis en examen pour invoquer l'ouverture du feu ; que, cependant, il ne peut être établi par les éléments de l'information aucun fait justificatif avéré ; qu'en effet, l'inconstance des versions de M. Joseph Z... sur la chronologie des événements et les contradictions de celles-ci avec la retranscription de son appel aux secours la nuit des faits ne permet aucunement d'affirmer que M. Y... ait percuté Paul X... en reculant avant que les coups de feu ne soient tirés par M. X... ; que le témoignage de Mme Peggy C... ne peut que conforter l'agressivité qui émanait des personnes du campement et non de la victime ; qu'au contraire, l'audition de Mme Peggy C... extérieure aux faits, tend à considérer que M. Y... s'est enfui après avoir essuyé les coups de feu, en effectuant d'abord une marche arrière, et en pouvant, de ce seul fait, blesser le jeune Paul X... à la main ; que les dégradations constatées sur son véhicule sont aussi compatibles avec cette version des faits ; que le moment de l'ouverture de feu, qui d'après les propres déclarations de M. X... se situait au moment où M. Y... effectuait une marche avant et sans que son père ne soit encore présent sur les lieux, apparaît aussi incompatible avec sa version des faits ; qu'il ne peut en tout état de cause être avancé une réaction proportionnée entre une hypothétique agression de Paul X... par M. Y..., lequel en reculant l'aurait percuté, les blessures constatées sur la main de Paul X..., consistant en quelques égratignures et petites plaies, et un acte de défense consistant en l'ouverture de feu, à plusieurs reprises, à l'aide d'un fusil de chasse, doté de cartouches de calibre 12/ 70, classés dans la 5e catégorie ; que l'ensemble de ces éléments consistent des charges suffisantes pour constater que M. X..., alors âgé de 17 ans, a été animé par une intention homicide lorsqu'il a ouvert le feu sur M. Y... ; qu'il y a donc lieu d'ordonner sa mise en accusation devant la cour d'assises des mineurs d'Eure-et-Loir pour tentative de meurtre ; que, sur la procédure, si la saisine de la chambre de l'instruction par le procureur de Chartres sur le fondement de l'article 173 du code de procédure pénale apparaît juridiquement contestable, il n'en reste pas moins que la cour d'assises d'Eure-et-Loir a jugé n'être pas saisie en l'état comme elle l'a dit elle-même dans son arrêt du 15 octobre 2015, arrêt définitif contre lequel le ministère public n'a formé aucun recours ; qu'en effet, l'alinéa 3 de l'article 181 du code de procédure pénale dispose que « l'ordonnance de mise en accusation contient, à peine de nullité, l'exposé et la qualification légale des faits objets de l'accusation » ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'à défaut d'action sur le fondement de l'article 569 du code de procédure pénale, il appartient à la chambre de l'instruction saisie, comme il a déjà été dit plus haut, d'examiner la régularité des procédures qui lui sont soumises et si elle découvre une cause de nullité, elle prononce la nullité de l'acte qui en est entaché, comme le prévoit l'article 206 du même code ; qu'en l'espèce, l'ordonnance de mise en accusation du juge d'instruction de Chartres du 10 février 2014, dépourvue de la prévention et de la qualification permettant la saisine de la cour d'assises d'Eure-et-Loir, est nulle et il convient pour la chambre de l'instruction de constater cette nullité et d'évoquer sur ce point comme il sera dit dans le dispositif du présent arrêt ;
" 1°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, annuler l'ordonnance définitive de mise en accusation du 10 février 2014 qui ne comportait pas la qualification légale des faits lorsque ce moyen de nullité résultait de la requête du parquet du 13 mars 2015, formée hors délai et, partant, irrecevable ;
" 2°) alors qu'en tout état de cause, une requête en nullité ne peut être formée à l'encontre d'un acte juridictionnel, seule la voie de l'appel étant ouverte ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction ne pouvait valablement annuler l'ordonnance de mise en accusation entreprise à la suite de la requête en nullité formée par le parquet, lorsqu'elle n'était pas valablement saisie d'un appel " ;
Vu l'article 173, alinéa 4, du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, la procédure de requête aux fins d'annulation n'est pas applicable aux ordonnances de mise en accusation contre lesquelles la voie de l'appel est seule ouverte ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite d'une altercation entre un automobiliste, M. Y..., et un groupe de jeunes gens, deux coups de feu ont été tirés sur le premier qui a été grièvement blessé ; qu'une information a été ouverte au cours de laquelle le jeune Moïse X..., mineur pénal, a été mis en examen du chef de tentative de meurtre ; qu'à l'issue de l'information, le juge d'instruction, estimant les charges suffisantes pour renvoyer Moïse X... devant la cour d'assises des mineurs, a ordonné sa mise en accusation, en omettant d'indiquer, ainsi que le prescrit l'article 181 du code de procédure pénale, la qualification légale des faits reprochés ; que l'ordonnance, contre laquelle aucun appel n'a été interjeté, est devenue définitive ;
Attendu que le procureur de la République a saisi la chambre de l'instruction d'une requête aux fins d'annulation de l'ordonnance précitée ; que la cour d'assises des mineurs a renvoyé l'affaire à une session ultérieure jusqu'à ce qu'il soit statué sur cette requête ; que, par l'arrêt attaqué, la chambre de l'instruction a annulé l'ordonnance pour violation de l'article 181 du code de procédure pénale, évoqué et, statuant de nouveau, prononcé la mise en accusation de Moïse X... du chef de tentative de meurtre sur la personne de M. Y... ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la requête était irrecevable, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen du mémoire personnel :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 18 décembre 2015 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE le retour du dossier à la cour d'assises des mineurs d'Eure-et-Loir ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-80095
Date de la décision : 31/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Ordonnance de mise en accusation (non)

INSTRUCTION - Nullités - Actes annulables - Ordonnance de mise en accusation (non) INSTRUCTION - Ordonnances - Ordonnance de mise en accusation - Requête en nullité - Irrecevabilité

En application de l'article 173, alinéa 4, du code de procédure pénale, la procédure de requête aux fins d'annulation n'est pas applicable aux ordonnances de mise en accusation contre lesquelles la voie de l'appel est seule ouverte


Références :

article 173, alinéa 4, du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 18 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 mar. 2016, pourvoi n°16-80095, Bull. crim. criminel 2016, n° 118
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2016, n° 118

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Le Baut
Rapporteur ?: M. Moreau
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:16.80095
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award