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31/03/2016 | FRANCE | N°15-17060

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 31 mars 2016, 15-17060


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en deuxième branche :
Vu les articles 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée, 29 et 32 du décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005, en vigueur à la date de la signature des circulaires et instructions litigieuses, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Attendu qu'il résulte des deuxième et troisième de ces textes que la publication, lorsqu'elle est prévue par le premier, des directives, instructions et circulaires incombe, respectivement, aux administrat

ions centrales et aux établissements publics dont elles émanent ;
Atte...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en deuxième branche :
Vu les articles 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée, 29 et 32 du décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005, en vigueur à la date de la signature des circulaires et instructions litigieuses, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Attendu qu'il résulte des deuxième et troisième de ces textes que la publication, lorsqu'elle est prévue par le premier, des directives, instructions et circulaires incombe, respectivement, aux administrations centrales et aux établissements publics dont elles émanent ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir sollicité et obtenu partiellement de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (l'URSSAF) du Cher, aux droits de laquelle vient l'URSSAF du Centre, le remboursement de cotisations au titre des trois derniers trimestres de l'année 2005, la société Manpower (la société) a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt retient essentiellement qu'en ne publiant pas la lettre du ministre chargé de la sécurité sociale du 18 avril 2006 et la circulaire de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale du 7 juillet 2006, ainsi que la lettre ministérielle confirmative du 13 mars 2008, l'URSSAF a manqué de transparence et de loyauté à l'égard des cotisants et a ainsi rompu le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt ; que ce manquement fautif a généré un préjudice pour la société qui n'a pu agir et demander le remboursement des cotisations du fait de la prescription qui lui a été opposée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la publication des circulaires et instructions litigieuses n'incombait pas à l'URSSAF, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société Manpower France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Manpower France et la condamne à payer à l'URSSAF du Centre la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF du Centre
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné l'URSSAF du Cher (aux droits de laquelle vient l'URSSAF du Centre) à verser à la SAS Manpower France, d'une part, la somme de 59 755,05 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil et, d'autre part, la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QU' « il convient à titre liminaire de rappeler : - que la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 dite loi Fillon a instauré un dispositif de réduction des cotisations patronales de sécurité sociale ; - que par décret du 11 juin 2003 il a été précisé pour la détermination du coefficient que devaient être prises en compte ¿la rémunération annuelle brute' et les ¿heures rémunérées'; - qu'une lettre ministérielle du 10 septembre 2004 et une lettre circulaire du 8 octobre 2004 émanant de l'ACOSS ont restreint le champs des heures de travail concerné et précisé qu'elles devaient correspondre à du temps de travail effectif ou assimilé au sens de l'article L 212-4 du code du travail; -que la loi 2005-1579 du 19 décembre 2005 a complété les dispositions de l'article L 241-15 du code de la sécurité sociale et a précisé que ¿l'assiette de calcul s'entend des heures rémunérées quelle qu'en soit la nature' ; - qu'une lettre ministérielle du 18 avril 2006 et une circulaire du 7 juillet 2006 de l'ACOSS ont donné pour instruction aux Urssaf d'abandonner tous les redressements en cours ou envisagés à l'encontre des employeurs qui ont déterminé le montant de la réduction générale sur la base de la totalité des heures rémunérées pour les cotisations versées avant le 1er janvier 2006 et de se retirer de tous les contentieux en cours; - qu'une lettre ministérielle du 13 mars 2008 est venue confirmer ces instructions des 18 avril et 7 juillet 2006 ; que l'Urssaf organisme de droit privé est soumise à la responsabilité pour faute sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que s'il ne peut être fait grief à l'Urssaf de ne pas avoir assuré une information individualisée en revanche en vertu des dispositions de l'article 7 de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 applicable aux collectivités territoriales ainsi qu'aux autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission, doivent faire ¿l'objet d'une publication, les directives, les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif' ; qu'également de par les dispositions de l'article R 112-2 du code de la sécurité sociale l'Urssaf doit prendre toutes mesures utiles afin d'assurer l'information générale des assurés sociaux; qu'il n'est pas contesté que les lettres ministérielles et circulaire ACOSS datées des 18 avril 2006 et 13 mars 2008 et 7 juillet 2006 n'ont pas fait l'objet de publication ; que l'Urssaf ne saurait s'exonérer de cette obligation au seul motif que les documents litigieux ne comportent pas une interprétation de droit positif, alors d'une part qu'elle a procédé à la publication d'autres documents (lettre ministérielle du 10 septembre 2004 et lettre circulaire du 8 octobre 2004) et d'autre part que ces documents litigieux comportaient une interprétation du droit applicable ainsi que des instructions sur l'application de la réduction Fillon et en particulier la possibilité pour les cotisants de solliciter le remboursement au titre des périodes antérieures au 1er janvier 2006; qu'en outre manifestement les consignes données s'analysent non en une ¿tolérance' appréciée à chaque cas d'espèce mais consistaient en une instruction générale d'abandon des redressements ; qu'en conséquence en ne publiant pas ces directives et instructions, l'Urssaf du Cher a manqué de transparence et de loyauté à l'égard des cotisants et a ainsi rompu le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt; que ce manquement fautif a généré un préjudice pour la SAS Manpower qui n'a pu agir et demander le remboursement des cotisations du fait de la prescription qui lui a été opposée; que le préjudice est équivalent au montant total des cotisations indûment versées sur la période concernée à savoir 59.755,05 € ; que le jugement déféré sera infirmé en ce sens ; qu'en application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil, la SAS Manpower est fondée à prétendre aux intérêts au taux légal à compter de la présente décision que la capitalisation sollicitée est fondée par application des dispositions de l'article 1154 du code civil ; qu'il est équitable d'allouer à la SAS Manpower une indemnité de 1500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. »
1) ALORS QUE l'obligation générale d'information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs ne leur impose, en l'absence de demande des cotisants ou assurés, ni de prendre l'initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels, ni de porter à leur connaissance des textes publiés au Journal officiel de la République française ; qu'en l'espèce, pour ce qui concernait les dispositions de l'article 14 de la loi n°2005-1579 du 19 décembre 2005 portant loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2006, laquelle n'avait vocation à s'appliquer qu'aux rémunérations versées à compter du 1er janvier 2006, les organismes de sécurité sociale avaient satisfait à leur obligation générale d'information à la charge des organismes de sécurité sociale par la diffusion d'une lettre ministérielle du 31 janvier 2007 via une lettre circulaire n°2007-068 du 05 avril 2007 ; qu'en retenant, pour faire droit à l'action en réparation engagée par la société MANPOWER, que l'URSSAF aurait commis une faute en s'abstenant de publier les lettres ministérielles et ACOSS des 18 avril 2006 et 13 mars 2008 et 7 juillet 2006 lesquelles définissaient une stratégie dans le cadre de la gestion interne des dossiers des organismes de recouvrement dans leur mission de service public, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.
2) ALORS QUE seules sont opposables aux URSSAF les lettres ministérielles et circulaires publiées conformément à la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, portant diverses mesures d'amélioration entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, ou dans les conditions prévues à l'article 5-1 de l'ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004, relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs ; qu'il n'entre pas dans l'obligation générale d'information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs, d'obligation de diffuser les lettres adressées par le Ministre chargé de la sécurité sociale au Directeur de l'Acoss afin de lui faire connaître sa stratégie pour la gestion interne des dossiers dans sa mission de service public ni la lettre adressé par le Directeur de l'Acoss aux directeurs des organismes de recouvrement pour mettre en place cette stratégie ; qu'en retenant, pour dire caractérisée la faute de l'URSSAF du Cher, que celle-ci avait manqué de transparence et de loyauté à l'égard des cotisants et rompu le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt faute d'avoir diffusé les lettres émanant du Ministre, de l'ACOSS et du directeur de la sécurité sociale en date des 18 avril 2006 et 13 mars 2008 et 7 juillet 2006 lesquelles présentaient l'orientation stratégique en matière de gestion contentieuse de la part de l'autorité de tutelle ainsi que les modalités de sa mise en oeuvre, la cour d'appel a derechef violé l'article 1382 du code civil.
3) ALORS QUE ne commet aucune faute l'URSSAF qui ne diffuse pas des documents que sa tutelle lui demande de garder confidentiels ; qu'en l'espèce, l'exposante avait fait valoir que son comportement n'était pas fautif dès lors que l'ACOSS avait demandé aux organismes de recouvrement de ne pas publier les documents litigieux qui contenaient des instructions hautement stratégiques pour la conduite des contentieux en cours à l'encontre des URSSAF ; qu'en retenant l'existence de la faute de l'URSSAF du CHER sans avoir recherché si celle-ci n'avait pas effectivement suivi les instruction de sa tutelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.
4) ALORS QUE les cotisants n'étant jamais liés par l'interprétation des textes faite par les organismes sociaux, la connaissance ou l'ignorance de l'existence d'une instruction ministérielle ou circulaire de l'ACOSS est sans incidence sur leur droit de solliciter un remboursement de cotisations qu'ils estiment avoir indûment acquittées puis, le cas échéant, d'engager une instance devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale ; qu'aussi, en retenant, pour condamner l'URSSAF, à payer à titre de dommages et intérêts à la société MANPOWER que l'absence de diffusion des lettres émanant du Ministre, de l'ACOSS et du directeur de la sécurité sociale en date des 18 avril 2006 et 13 mars 2008 et 7 juillet 2006 avaient empêché la société MANPOWER d'agir, avant l'acquisition de la prescription, en remboursement des cotisations indûment versées sur la période litigieuse lui causant ainsi un préjudice équivalent au montant desdites cotisations atteintes par la prescription, la cour d'appel a ici encore violé l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-17060
Date de la décision : 31/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE - Caisse - URSSAF - Obligations - Exclusion - Cas - Publication de circulaires et instructions du ministre chargé de la sécurité sociale et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale

LOIS ET REGLEMENTS - Documents administratifs - Publication - Auteur - Détermination - Portée

Il résulte des articles 29 et 32 du décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 que la publication lorsqu'elle est prévue par l'article 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée, des directives, instructions et circulaires incombe, respectivement, aux administrations centrales et aux établissements publics dont elles émanent. En conséquence, ne commet aucune faute l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) qui n'a pas procédé à la publication de circulaires et instructions émanant du ministre chargé de la sécurité sociale et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale


Références :

articles 29 et 32 du décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005

article 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée

article 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 27 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 31 mar. 2016, pourvoi n°15-17060, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Rapporteur ?: M. Hénon
Avocat(s) : SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.17060
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