LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 25 septembre 2014), que la SCI du Domaine a donné à bail à la société établissements Jean Chereau, aux droits de laquelle vient la société Jean Chereau, un immeuble à usage d'atelier industriel ; que le bâtiment construit en 1982 a fait l'objet d'une extension en 1995 ; que, souhaitant installer dans les locaux un système d'extinction automatique à eau, la société Jean Chereau a fait procéder, à ses frais, en raison de l'insuffisance structurelle de l'immeuble, à des travaux de renforcement de la toiture, puis a assigné la SCI du Domaine en paiement d'une certaine somme correspondant au montant des travaux propres à remédier à l'insuffisance structurelle du bâtiment d'origine dont la bailleresse est propriétaire ;
Attendu que la SCI du Domaine fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'ayant relevé que l'insuffisance de la structure résultait soit d'un sous-dimensionnement soit d'un ajout, possiblement en cours de bail, de ponts roulants plus puissants, de sorte qu'il n'était pas établi que les travaux aient été imposés par un vice affectant la structure de l'immeuble relevant de l'obligation de délivrance du bailleur, la cour d'appel, en écartant l'application de la clause litigieuse du bail, a violé les articles 1134, 1719 et 1720 du code civil ;
2°/ que le contrat de bail stipulait que le preneur était réputé avoir reçu les locaux loués en bon état ; qu'il appartenait donc au preneur de prouver que la structure de l'immeuble était sous-dimensionnée dès la conclusion du bail et non au bailleur de prouver que le preneur n'avait pas ajouté des ponts roulants plus puissants en cours de bail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1315 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu souverainement, par motifs propres et adoptés, que, le bâtiment d'origine présentant une insuffisance structurelle, la preuve n'était pas rapportée de ce que celle-ci fût la conséquence de l'installation par le preneur de ponts roulants après l'entrée dans les lieux et, à bon droit, que les clauses du bail ne dégageaient pas le propriétaire, au titre de son obligation de délivrance, de supporter le coût des réparations rendues nécessaires pour remédier aux désordres structurels de l'immeuble, la cour d'appel a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI du Domaine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI du Domaine et la condamne à payer à la société Jean Chereau la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société du Domaine.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI du Domaine à payer à la société Jean Chereau la somme de 227. 000 euros au titre des travaux de renforcement de la charpente ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'expert judiciaire a relevé qu'avant la réalisation des travaux de renforcement en 2011, les normes actuelles et les normes en vigueur lors de la construction du bâtiment n'étaient pas respectées ; qu'il a ainsi constaté l'insuffisance de la structure existante ; qu'il a également souligné que bien qu'aucun désordre n'ait été constaté, l'ouvrage ne répondait pas aux normes de sécurité tant du point de vue de sa résistance que des déformations ; que s'agissant des causes ayant rendu nécessaire la réalisation des travaux de confortement de l'ouvrage, l'expert a précisé qu'elles tenaient ;- d'une part au sous dimensionnement lors des études initiales des structures ou à l'ajout de ponts roulants plus puissants entre 1982 et 2003 postérieurement à cette étude initiale,- d'autre part, à l'ajout de charges permanentes supplémentaires par la société Jean Chereau, à savoir le remplacement en 1995 de la couverture d'origine en plaques ondulées de fibro ciment par une couverture en bac acier plus isolation plus étanchéité, un peu plus lourde, et à l'installation en 2011 d'un système d'extinction automatique à eau (sprinklage) ; qu'il a enfin fait observer que la majoration des charges permanentes au niveau de la couverture due à la société Jean Chereau ne vient augmenter que marginalement les efforts dans les composants des structures et les déplacements horizontaux ; qu'ainsi que l'a justement relevé le premier juge, le bailleur est tenu en application des dispositions des articles 1719 et 1720 du code civil de délivrer la chose louée en bon état de réparations de toutes espèces et d'y faire pendant la durée du bail toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires autres que locatives ; que s'il est possible de déroger aux dispositions de l'article 1720 du code civil qui ne sont pas d'ordre public, les clauses du bail transférant au preneur la charge de grosses réparations et celle du clos et couvert doivent être interprétées restrictivement ; qu'en l'espèce les clauses ci-dessus rappelées stipulées à l'article 8-I et 8-II du bail ne sauraient exonérer le bailleur de son obligation de délivrance et de son obligation d'assumer les défauts affectant la structure de l'immeuble ; que l'insuffisance de la structure de l'ouvrage a été relevée tant pour la partie construite en 1981, que pour la partie construite en 1995, tant par l'APAVE que par l'expert judiciaire ; qu'il n'est donc nullement démontré, ainsi que le soutient la société Jean Chereau, que la réalisation de l'extension ait pu aggraver le vice structurel ; que la SCI du Domaine ne rapporte pas, en outre, la preuve de ce que l'insuffisance structurelle du bâtiment serait la conséquence de travaux d'aménagements réalisés par le preneur, et notamment de l'installation de ponts roulants après l'entrée dans les lieux ; que, dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la SCI du Domaine était tenue d'assumer la part des travaux nécessaires pour remédier aux désordres structurels de la chose louée par elle, et qu'il l'a condamnée à payer à la société Jean Chereau la somme de 227. 000 euros H. T. ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de ce rapport, les travaux réalisés ont deux types de causes :- un sous-dimensionnement lors de l'étude initiale de structures ou l'ajout de ponts roulants plus puissants entre 1982 et 2003 postérieurement à cette étude initiale (étant observé que l'étude initiale n'a pas été communiquée par les parties),- l'ajout de charges permanentes supplémentaires par la société Jean Chereau en 1995 par le remplacement de la couverture d'origine en plaques ondulées de fibro-ciment par une couverture en bas acier + isolation + étanchéité un peu plus lourde au moment de l'extension du bâtiment (qui lui appartient) et l'installation en 2011 d'un système d'étanchéité automatique à l'eau (sprinklage) ; que l'expert retient que la part des travaux correspondant à l'augmentation des charges permanentes en 1995 et 2011 s'élève à 15 % (soit 85 % pour l'autre cause) ; que les travaux litigieux portent à la fois sur le bâtiment appartenant à la SCI du Domaine mais aussi sur l'extension édifiée en 1995 appartenant à la société Jean Chereau dans les proportion suivantes déterminées par rapport aux surfaces concernées : 38, 27 % et 61, 73 % ; que l'expert relève ainsi que le coût de la part des travaux imputable à l'insuffisance de résistance et de rigidité de la structure (avant la modification de la couverture en 1995 et le sprinklage) s'élève à 700. 000 euros x 85 % x 38, 27 % = 227. 000 euros ; que M. X... conclut au caractère nécessaire des travaux ainsi réalisés au motif que « l'ouvrage ne présume pas le degré de sécurité vis-à-vis de la résistance limite et des déformations limites telles que prévues par les règles de l'art » ; qu'en conclusion, la société Jean Chereau rapporte la preuve que les travaux litigieux devaient être impérativement réalisés (s'agissant d'un problème de sécurité) et sont liés à une insuffisance de la structure du bâtiment constatée à la date de l'expertise (et imputable pour seulement 15 % aux travaux réalisés en 1995 et sprinklage) ; que, conformément aux articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer la chose louée en bon état de réparations de toute espèce et y faire pendant la durée du bail toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires autres que locatives ; que, pour s'opposer aux prétentions de la société Jean Chereau, la SCI du Domain invoque les clauses du bail qui stipulent que : « Le preneur déclare prendre les lieux dans l'état où ils se trouvent au moment de l'entrée en jouissance sans pouvoir exiger aucun travaux ni remise en état par le bailleur. Il sera réputé les avoir reçus en bon état » ; que « Le preneur aura la charge de toutes les réparations de quelque nature que ce soit et de l'entretien de la chose louée ainsi que les grosses réparations des articles 605 et 606 du code civil qui sont de manière expresse transférées à la charge du preneur » ; que « Les travaux, aménagements ou modifications qui pourraient être prescrits par les autorités administratives ou rendus nécessaires en raison de l'activité exercée par le locataire seront à la charge de celui-ci, quel que soit leur nature et qu'ils se situent à l'intérieur ou à l'extérieur des locaux loués, ces travaux étant réalisés dans ce cas dans les conditions prescrites au paragraphe précédent » ; que ces clauses sont valables puisque les dispositions précitées ne sont pas d'ordre public ; qu'il est cependant constant en jurisprudence qu'elles doivent être interprétées de manière restrictive ; qu'en particulier, elles ne dispensent pas le bailleur de son obligation de délivrance et de son obligation d'assurer les défauts affectant la structure de la chose louée ; que, contrairement aux affirmations de la défenderesse, la décision du 9 juillet 2008 rendue par la troisième chambre de la Cour de cassation vantée par la société Jean Chereau ne vise par l'article 1721 relatif à la garantie des vices cachés (qui suppose la démonstration par le preneur de l'existence d'un vice à la date de signature du bail), mais l'article 1720 concernant l'obligation de réaliser au cours du bail les réparations autres que locatives (qui implique seulement la preuve par le preneur que des réparations autres que locatives sont nécessaires) ; que lors des opérations d'expertise, M. X... a constaté l'insuffisance de la structure existante et confirmé le caractère impératif des travaux réalisés ; que la SCI du Domaine ne rapporte pas la preuve que cet état de fait est la conséquence de travaux d'aménagement réalisés par le preneur et plus précisément de l'installation de ponts-roulants après l'entrée dans les lieux ; que, nonobstant les clauses susvisées, la SCI du Domaine demeure tenue d'assumer la part des travaux nécessaires pour remédier aux défauts structurels affectant la chose louée dont il n'est pas démontré qu'ils sont la conséquence d'éventuels aménagements qu'auraient réalisés le preneur après l'entrée dans les lieux ; qu'il n'y a pas lieu d'examiner les arguments des parties relatifs à l'article 1721 puisque la demande apparaît fondée en application des articles 1719 et 1720 du code civil ; que, compte tenu de ces observations, la SCI du Domaine sera condamnée à payer à la société Jean Chereau la somme de 227. 000 euros ;
1°) ALORS QU'ayant relevé que l'insuffisance de la structure résultait soit d'un sous-dimensionnement soit d'un ajout, possiblement en cours de bail, de ponts roulants plus puissants, de sorte qu'il n'était pas établi que les travaux aient été imposés par un vice affectant la structure de l'immeuble relevant de l'obligation de délivrance du bailleur, la cour d'appel, en écartant l'application de la clause litigieuse du bail, a violé les articles 1134, 1719 et 1720 du code civil ;
2°) ALORS QUE le contrat de bail stipulait que le preneur était réputé avoir reçu les locaux loués en bon état ; qu'il appartenait donc au preneur de prouver que la structure de l'immeuble était sous-dimensionnée dès la conclusion du bail et non au bailleur de prouver que le preneur n'avait pas ajouté des ponts roulants plus puissants en cours de bail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1315 du code civil.