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31/03/2016 | FRANCE | N°14-20357

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mars 2016, 14-20357


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 mai 2014), que Mme X... a été engagée le 2 mai 2011 par Mme Y..., avocate, en qualité de juriste, collaboratrice, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée conclu en remplacement d'une salariée en congé de maternité de mai à septembre 2011 inclus ; que les parties ont conclu deux nouveaux contrats à durée déterminée, pour accroissement d'activité, pour les périodes du 1er octobre au 30 novembre 2011 puis du 15 décembre 2011 au 15

juin 2012 ; qu'à l'issue d'un arrêt de travail pour maladie du 17 février ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 mai 2014), que Mme X... a été engagée le 2 mai 2011 par Mme Y..., avocate, en qualité de juriste, collaboratrice, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée conclu en remplacement d'une salariée en congé de maternité de mai à septembre 2011 inclus ; que les parties ont conclu deux nouveaux contrats à durée déterminée, pour accroissement d'activité, pour les périodes du 1er octobre au 30 novembre 2011 puis du 15 décembre 2011 au 15 juin 2012 ; qu'à l'issue d'un arrêt de travail pour maladie du 17 février 2012 au 26 avril 2012, la salariée a été déclarée apte par le médecin du travail lors de la visite de reprise qui s'est tenue le 26 avril 2012 et a pris acte de la rupture de son contrat de travail le même jour ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que les motifs indiqués par elle pour justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ne caractérisent pas une faute grave de l'employeur et que cette prise d'acte produit les effets d'une démission, de la débouter de ses demandes afférentes à la rupture et de la condamner à payer à l'employeur une somme à titre de dommages et intérêts correspondant au préavis, alors, selon le moyen :
1°/ que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu'elle faisait valoir qu'à la date de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, le 26 avril 2012, Mme Y... ne lui avait payé aucune des heures supplémentaires accomplies de mai 2011 à février 2012, représentant 525 heures au total, et restait lui devoir à ce titre une somme représentant près de quatre mois de salaire, non contestée ; qu'elle ajoutait que Mme Y..., par lettre en date du 30 mars 2012, s'était engagée à payer cet arriéré au cours de la prochaine semaine et n'en avait toujours rien fait près de quatre semaines plus tard ; qu'en s'abstenant de rechercher si, eu égard à l'importance de l'arriéré dû et à la méconnaissance de l'engagement qu'elle avait pris de le régler sous huit jours, le manquement de Mme Y... n'était pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail ;
2°/ que l'existence et la gravité du manquement reproché à l'employeur s'apprécient à la date à laquelle le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail ; qu'en retenant que le non paiement des heures supplémentaires accomplies par Mme X... sur la période de mai 2011 à février 2012 ne constituaient pas un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d'acte effectuée le 26 avril 2012, au motif inopérant que ces heures avaient été payées par Mme Y... postérieurement, le 9 mai 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
3°/ que des difficultés financières ne peuvent justifier le manquement de l'employeur à l'obligation de payer les salaires ; qu'en retenant que le non paiement des heures supplémentaires ne constituait pas un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail à l'initiative de la salariée, prétexte pris que Mme Y... justifiait que, compte tenu de sa situation financière précaire, elle avait dû préalablement contracter un emprunt bancaire pour procéder à ce paiement, la cour d'appel s'est encore fondée sur des motifs inopérants et a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
4°/ que la cour d'appel a elle-même constaté que Mme Y... l'avait embauchée sans contrat de travail et sans déclaration d'embauche dès le 13 avril 2011, lui confiant plusieurs dossiers et évoquant dès le 28 avril « les clients dont tu gères les dossiers », et lui avait fait accomplir jusqu'au 30 avril, soit pendant près de trois semaines, un travail effectif qu'elle avait toujours refusé de rémunérer ; qu'en se bornant à relever, pour écarter tout manquement grave de Mme Y... à cet égard, que cette dernière avait fait de la situation une « analyse juridique différente, estimant qu'il s'agissait d'un simple test », sans rechercher si Mme Y..., en sa qualité d'avocat spécialiste en droit social pouvait légitimement penser qu'elle n'avait aucune obligation à satisfaire, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail ;
5°/ qu'elle faisait valoir que, nonobstant son engagement pris dans sa lettre du 30 mars 2011, Mme Y... ne l'avait pas déclarée auprès des services sociaux comme étant employée sous le statut de cadre expérimenté, et qu'elle avait ainsi commis une faute grave justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part qu'ayant fait ressortir, s'agissant de l'engagement entre le 13 et le 30 avril 2011 sans contrat de travail et sans déclaration d'embauche au motif inexact qu'il s'agissait d'un simple test et non d'un travail effectif, que ce manquement ancien n'avait pas empêché la poursuite de la relation de travail, et relevé, s'agissant du manquement relatif au non-paiement des heures supplémentaires, le contexte caractérisé par le retard de la salariée à quantifier la somme qu'elle réclamait, la non contestation de son montant par l'employeur dès qu'il en avait eu connaissance et les dispositions alors prises par ce dernier pour pouvoir, en tenant compte des difficultés financières du cabinet, être en mesure de régler les heures supplémentaires dans de brefs délais, la cour d'appel a pu, abstraction faite du motif surabondant tiré du paiement des heures supplémentaires postérieurement à la prise d'acte, au vu de l'ensemble des éléments produits devant elle, retenir que les manquements invoqués par la salariée à l'encontre de son employeur ne présentaient pas un caractère de gravité suffisant pour justifier la prise d'acte de la salariée et qu'ils n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ;
Attendu, d'autre part que la cour d'appel a exactement rappelé que la prise d'acte de la rupture du contrat qui n'est pas justifiée produit les effets d'une démission et qu'il en résulte que le salarié doit à l'employeur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis résultant de l'application de l'article L. 1237-1 du code du travail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les motifs indiqués pour justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme X... ne caractérisent pas une faute grave de l'employeur et que celle-ci produit les effets d'une démission, de l'avoir déboutée de ses demandes afférents à la rupture et de l'avoir condamnée à payer à Mme Y... une somme de 11. 699, 40 € à titre de dommages et intérêts correspondant au préavis,
AUX MOTIFS QUE si la cour juge, comme le conseil, que la salariée était liée à Mme Y... par un contrat de travail entre le 13 et le 30 avril 2014, le fait, pour cette dernière, d'avoir fait de la nature de la relation contractuelle une analyse juridique différente, estimant qu'il s'agissait d'un simple test et non d'un travail effectif, ne peut constituer un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail ; que s'agissant du non paiement des heures supplémentaires, Mme Y... n'a eu connaissance que le 26 mars 2012, par l'intermédiaire du conseil de la salariée du décompte de cette dernière et donc de la somme qu'elle lui réclamait, ce dont d'ailleurs l'intéressée s'est plainte, estimant que son conseil n'aurait pas dû lui communiquer cette information qu'elle estimait confidentielle alors qu'il s'agissait d'un élément permettant à son employeur de connaître le montant de sa demande et donc d'y faire droit ; que Mme Y... n'avait certes pas encore réglé à la salariée le montant de ses heures supplémentaires, dont elle n'avait pas contesté le montant même si elle soutient aujourd'hui que le montant qui lui a été réclamé est erroné, au moment où cette dernière a pris acte de la rupture ; mais qu'elle justifie que, compte tenu de sa situation financière précaire, elle a dû contracter un emprunt bancaire pour régler sa salariée, ce qu'elle a fait le 9 mai 2012, après l'obtention de ce prêt, soit 14 jours seulement après la prise d'acte de rupture de cette dernière ; que ce retard de paiement ne constitue donc pas un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail à l'initiative de la salariée ; qu'il en est de même du défaut d'information relative au repos compensateur, Mme Y... ne pouvant mentionner cette information sur les bulletins de paie de la salariée alors qu'aucune demande précise en paiement d'heures supplémentaires ne lui avait été adressée et qu'il n'est nullement établi qu'elle ne pouvait en ignorer l'existence comme le soutient la salariée ; qu'au vu de ces éléments, il apparaît que les manquements invoqués par Mme X... à l'encontre de son employeur ne présentent pas un caractère de gravité suffisant pour justifier sa prise d'acte de rupture de son contrat de travail ;
1° ALORS QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; que Mme X... faisait valoir qu'à la date de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, le 26 avril 2012, Mme Y... ne lui avait payé aucune des heures supplémentaires accomplies de mai 2011 à février 2012, représentant 525 heures au total, et restait lui devoir à ce titre une somme représentant près de quatre mois de salaire, non contestée ; qu'elle ajoutait que Mme Y..., par lettre en date du 30 mars 2012, s'était engagée à payer cet arriéré au cours de la prochaine semaine et n'en avait toujours rien fait près de quatre semaines plus tard ; qu'en s'abstenant de rechercher si, eu égard à l'importance de l'arriéré dû et à la méconnaissance de l'engagement qu'elle avait pris de le régler sous huit jours, le manquement de Mme Y... n'était pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail ;
2° ALORS QUE l'existence et la gravité du manquement reproché à l'employeur s'apprécient à la date à laquelle le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail ; qu'en retenant que le non paiement des heures supplémentaires accomplies par Mme X... sur la période de mai 2011 à février 2012 ne constituaient pas un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d'acte effectuée le 26 avril 2012, au motif inopérant que ces heures avaient été payées par Mme Y... postérieurement, le 9 mai 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
3° ALORS QUE des difficultés financières ne peuvent justifier le manquement de l'employeur à l'obligation de payer les salaires ; qu'en retenant que le non paiement des heures supplémentaires ne constituait pas un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail à l'initiative de la salariée, prétexte pris que Mme Y... justifiait que, compte tenu de sa situation financière précaire, elle avait dû préalablement contracter un emprunt bancaire pour procéder à ce paiement, la cour d'appel s'est encore fondée sur des motifs inopérants et a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
4° ALORS QUE la cour a elle-même constaté (p. 7) que Mme Y... avait embauché Mme X... sans contrat de travail et sans déclaration d'embauche dès le 13 avril 2011, lui confiant plusieurs dossiers et évoquant dès le 28 avril « les clients dont tu gères les dossiers »), et lui avait fait accomplir jusqu'au 30 avril, soit pendant près de trois semaines, un travail effectif qu'elle avait toujours refusé de rémunérer ; qu'en se bornant à relever, pour écarter tout manquement grave de Mme Y... à cet égard, que cette dernière avait fait de la situation une « analyse juridique différente, estimant qu'il s'agissait d'un simple test », sans rechercher si Mme Y..., en sa qualité d'avocat spécialiste en droit social pouvait légitimement penser qu'elle n'avait aucune obligation à satisfaire, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail ;
5° ALORS QUE Mme X... faisait valoir que, nonobstant son engagement pris dans sa lettre du 30 mars 2011, Mme Y... ne l'avait pas déclarée auprès des services sociaux comme étant employée sous le statut de cadre expérimenté, et qu'elle avait ainsi commis une faute grave justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail (conclusions, pages 16 et 17) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-20357
Date de la décision : 31/03/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 07 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mar. 2016, pourvoi n°14-20357


Composition du Tribunal
Président : M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.20357
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