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30/03/2016 | FRANCE | N°14-20900

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 mars 2016, 14-20900


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article L. 134-1 du code de l'énergie ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, reprochant à la société ERDF de n'avoir pas respecté son obligation de lui transmettre une proposition technique et financière (PTF) dans le délai maximal de trois mois à compter de la réception de sa demande de raccordement de l'installation photovoltaïque au réseau public de distribution d'électricité, la sociétÃ

© Centrale solaire Heliovale l'a assignée en réparation du préjudice résultant de sa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article L. 134-1 du code de l'énergie ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, reprochant à la société ERDF de n'avoir pas respecté son obligation de lui transmettre une proposition technique et financière (PTF) dans le délai maximal de trois mois à compter de la réception de sa demande de raccordement de l'installation photovoltaïque au réseau public de distribution d'électricité, la société Centrale solaire Heliovale l'a assignée en réparation du préjudice résultant de sa soumission au régime du moratoire, instauré par le décret du 9 décembre 2010, l'obligeant à présenter une nouvelle demande sur la base de tarifs inférieurs ; que la société ERDF a appelé en garantie la société Axa, son assureur de responsabilité civile professionnelle ;

Attendu que, pour rejeter la demande de la société Centrale solaire Heliovale, l'arrêt retient que le délai de trois mois institué dans le cadre de la procédure de traitement des demandes de raccordement pour transmettre une PTF au producteur, que la société ERDF n'a pas respecté, n'est qu'un objectif interne du gestionnaire du réseau dans le traitement des demandes ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de la délibération de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) du 11 juin 2009 portant décision sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d'électricité et le suivi de leur mise en oeuvre et de l'article 1.4.2, applicable aux raccordements de puissance supérieure à 36 kVA, de l'annexe 1 de cette délibération, que la société ERDF avait l'obligation de transmettre au demandeur une PTF dans un délai n'excédant pas trois mois à compter de la réception de la demande de raccordement complétée, de sorte que le manquement à cette obligation ouvrait droit à réparation, la cour d¿appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société ERDF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Centrale solaire Heliovale la somme de 3 000 euros et rejette la demande de la société Axa Corporate Solutions ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Centrale solaire Heliovale

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la société Centre solaire Heliovale tendant à obtenir la condamnation de la société ERDF à lui payer la somme de 11.285.218 ¿ ;

Aux motifs que la programmation pluriannuelle des investissements en matière de production d'électricité adoptée en 2009 a fixé des objectifs de développement pour chaque source de production d'électricité ; qu'en matière de production d'énergie d'origine photovoltaïque, l'objectif à atteindre le 31 décembre 2012 était fixé à 1100 mégawatt crête (MWc) ; qu'afin d'y parvenir et de permettre le démarrage de la filière photovoltaïque en France, l'État a imposé à EDF de conclure des contrats d'achat d'électricité d'une durée de 20 ans à un tarif très avantageux pour le producteur, de sorte que cette filière a connu un succès important dépassant largement l'objectif initial, qui a conduit à une politique de baisses successives des tarifs d'achat, matérialisée par les arrêtés ministériels des 13 mars 2000, 10 juillet 2006, 12 janvier et 31 août 2010, chacun abrogeant la grille tarifaire fixée par le précédent arrêté ; que le porteur d'un projet d'installation d'une centrale photovoltaïque souhaitant bénéficier de cette obligation d'achat doit adresser à la société ERDF une demande de raccordement dont la finalisation passe, après l'étude du projet, par quatre phases, à savoir la proposition technique et financière (PTF), la convention de raccordement, les travaux de raccordement et les travaux de mise en service du raccordement ; que l'article 8.2.1.3 du document technique de référence de la société ERDF prévoit qu'elle doit adresser la PTF dans les trois mois suivant la réception d'un dossier complet de demande de raccordement ; qu'à réception, le producteur pétitionnaire dispose, à peine de caducité, d'un délai de trois mois pour l'accepter en la renvoyant accompagnée d'un chèque d'acompte, à valoir sur le prix des travaux de raccordement ; que la société Heliovale a envoyé le 30 août 2010 un dossier de demande de raccordement qualifié de complet par la société ERDF à cette date ; qu'à l'issue du délai de trois mois prévu dans le cadre de la procédure des traitement des demandes de raccordement qui expirait le 30 novembre 2010, la société ERDF n'a pas transmis de PTF à la société Heliovale et l'a informée, par courrier du 31 décembre 2010, que le décret moratoire du 9 décembre 2010 lui était applicable ; que si, en n'adressant pas à la société Heliovale la PTF, le 30 novembre 2010 au plus tard, la société ERDF a manqué à l'obligation prescrite par sa documentation technique de référence, il convient de déterminer la nature de ce délai et de rechercher si sa responsabilité peut ou non être engagée ; que la loi n° 2000-108 du 10 février et le décret 2003-588 du 27 juin 2003 font obligation à ERDF la première de garantir aux producteurs d'électricité un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution d'électricité et le second de mener ses études de raccordement de manière transparente et non discriminatoire, dont un document technique de référence détaillera la procédure qui sera soumis à l'approbation de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et publié ;
qu'aux termes des articles L 134-1 et L 134-2 du code de l'énergie, la CRE dispose d'un pouvoir réglementaire dit « supplétif » lui permettant de prendre notamment des décisions relatives aux conditions de raccordement aux réseaux d'électricité ; que le décret 2006-1731 du 23 décembre 2006 approuvant le cahier des charges type de concession du réseau public de transport d'électricité attribue aussi compétence à la CRE pour approuver les procédures de traitement des demandes de raccordement au réseau public de transport ; que le 11 juin 2009, la CRE a pris une délibération publiée au Journal officiel du 3 juillet 2009 par laquelle elle a décidé que « les procédures de traitement de raccordement précisent la nature des études nécessaires pour établir la procédure de raccordement et le cas échéant, les conventions de raccordement et d'exploitation. Elles indiquent également les engagements des gestionnaires de réseaux publics de distribution sur les délais de traitement de la demande de raccordement et sur les coûts et délais de mise à disposition des ouvrages du réseau public annoncés dans ces documents » ; qu'il ressort de tous ces textes que si le délai de trois mois imparti pour transmettre la PTF est de nature réglementaire, il n'est, au demeurant, assorti d'aucune sanction en cas de dépassement et doit, dès lors, être considéré comme un objectif interne que se donne le gestionnaire de réseau pour traiter dans les meilleurs délais possibles les demandes dont il est saisi ; que la PTF ne constitue d'ailleurs pas une acceptation pure et simple de la demande de raccordement mais tout au plus une proposition détaillant et précisant, à l'issue de l'étude menée par la société ERDF, les modalités techniques de l'offre de raccordement auxquelles le producteur doit satisfaire, les délais prévisionnels et les coûts y afférents ; qu'à la suite d'un communiqué de presse du 23 août 2010 annonçant un réajustement des tarifs à partir du 1er septembre 2010 pour les projets professionnels et les grosses installations n'ayant pas fait l'objet d'une demande complète à la date de publication de l'arrêté, la société ERDF ont connu sur l'ensemble du territoire national un afflux considérable de demandes de raccordements photovoltaïques puisqu'au cours du seul mois d'août 2010, elle a reçu pour la moyenne et la basse tension plus de 2800 demandes alors que le chiffre mensuel moyen s'établissait depuis février 2010 à 600 et pour le réseau haute tensions plus de 300 demandes alors que pour cette même période, le chiffre mensuel moyen était de 50 ; que l'agence ERDF Méditerranée, en charge pour des raisons géographiques de procéder à l'instruction de la demande de raccordement présentée par la société Heliovale, a connu en quinze jours, du fait de l'emballement qui a suivi le communiqué de presse susvisé, une augmentation de 360 % du nombre des demandes à traiter en haute tension et de 900 % du nombre des demandes en basse tension ; que l'ampleur et la soudaineté de cette augmentation n'a pas pu être anticipée par la société ERDF, d'autant qu'un précédent communiqué du ministère de tutelle en date du 13 janvier 2010 avait annoncé un maintien des tarifs résultant de l'arrêté du 12 janvier 2010 jusqu'en 2012 ; que la société ERDF a tenté de faire face à cet afflux considérable de demandes au troisième trimestre 2010, en affectant 350 agents en « équivalent plein temps » au lieu de 165 en 2009 ; que l'agence Méditerranée a affecté au traitement des demandes de raccordement d'installation avant acceptation de la PTF dix-neuf agents au lieu de quatre auparavant, sans parvenir pour autant à y répondre pleinement en raison du fait que, d'une part, le personnel nouvellement affecté a dû être formé avant d'être opérationnel, ladite formation, très spécialisée, tendant à la maîtrise des différents systèmes d'informations de gestion, des outils et des règles d'études de raccordement et à la connaissance des normes et des textes réglementaires et techniques en la matière et d'autre part, le délai d'élaboration d'une PTF requiert au moins trois jours et demi de travail ; que la société ERDF ne pouvait pas anticiper non plus la promulgation d'un décret moratoire qui fixerait de manière rétroactive un droit au maintien des tarifs d'achat antérieurs en fonction de la date d'envoi de la PTF et non plus, comme c'était le cas auparavant, à compter de la date de la demande complète de raccordement (cf. article 3 de l'arrêté du 12 janvier 2010 et article 8 de l'arrêté du 31 août 2010) ; que la société Heliovale qui se plaint, par ailleurs, d'une atteinte au principe de non-discrimination n'établit pas que sa demande de raccordement du 30 août 2010 n'a pas été instruite selon son rang et que d'autres demandes postérieures ont été privilégiées à son détriment ; qu'en conséquent, et en l'état d'un tel contexte de saturation, il n'est pas démontré que la société ERDF n'a pas accompli les diligences et mis en oeuvre les moyens nécessaires et appropriés dans le traitement de la demande de raccordement présentée par la société Heliovale pour respecter le délai de trois mois expirant, en l'espèce, le 30 novembre 2010 (soit 24 heures avant la date butoir fixée par le décret du 9 décembre 2010) ; qu'il ne peut donc pas lui être reproché une faute dans l'exécution de l'obligation de moyens qu'elle s'était fixée et sa responsabilité quasi délictuelle vis-à-vis du porteur de projet ne saurait être engagée ; que le jugement sera confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de la société Heliovale ;

1. ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des actes qui lui sont soumis ; que la procédure de traitement des demandes de raccordement individuel établi par ERDF en date du 3 juillet 2010 ne comporte aucun article 8.2.1.3 mais seulement un article 8.2.1 qui indique que « à compter de la date de qualification de la demande de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l'offre de raccordement ne dépassera pas le délai défini dans le barème de raccordement pour le type d'installation concernée. Ce délai n'excèdera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement » ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que le délai de trois mois prévu par l'article « 8.2.1.3 » constitue un objectif interne que se donne le gestionnaire de réseau pour traiter dans les meilleurs délais possibles les demandes dont il est saisi, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis de ce document fixant un délai maximum de trois mois et a violé l'article 1134 du code civil ;

2. ALORS QUE s'impose au gestionnaire du réseau, qui est impérativement tenu de la respecter sous peine d'engager sa responsabilité civile, l'obligation figurant dans sa documentation technique de référence publiée et établie dans les conditions fixées par la commission de régulation de l'énergie dans le cadre de ses pouvoirs réglementaires, de transmettre au demandeur une proposition technique et financière de raccordement dans un délai qui « n'excèdera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement » ; qu'ayant constaté la nature réglementaire du délai maximum de trois mois imparti à ERDF pour transmettre la PTF et sa méconnaissance par cette société, la cour d'appel qui, pour écarter sa responsabilité, a retenu qu'il s'agit d'un simple objectif interne de traiter dans les meilleurs délais possibles les demandes dont il est saisi, c'est-à-dire une obligation de moyens, au motif inopérant de l'absence de sanction en cas de dépassement, a violé l'article 37 de la directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009, les articles 2, 18 et 37 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, l'article 14 du décret n° 2008-386 du 23 avril 2008 et la décision du 11 juin 2009 de la Commission de régulation de l'énergie, ensemble l'article 1382 du code civil ;

3. ALORS subsidiairement QUE l'engagement unilatéral du gestionnaire de réseau, souscrit dans sa documentation technique de référence publiée, de transmettre au demandeur une proposition technique et financière de raccordement dans un délai qui « n'excèdera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement » a une valeur contraignante pour ce gestionnaire qui engage sa responsabilité s'il ne transmet pas la PTF dans ce délai maximum de trois mois ; qu'en retenant que la responsabilité quasi-délictuelle de la société ERDF ne pouvait être engagée malgré le dépassement de ce délai, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1382 du code civil ;

4. ALORS QUE l'arrêté du 16 mars 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil a maintenu le tarif antérieur à celui issu de l'arrêté du 12 janvier 2010 au profit des installations pour lesquelles le producteur avait accepté la PTF de raccordement et versé le premier acompte avant le 11 janvier 2010 ; qu'ainsi, au troisième trimestre 2010, ERDF était parfaitement en mesure d'anticiper qu'à l'occasion d'un prochain décret modifiant les conditions d'achat de l'électricité, le droit au maintien des tarifs d'achat antérieurs serait à nouveau fonction de la date d'envoi de la PTF acceptée, et non pas de la date de la demande complète de raccordement ; qu'en affirmant le contraire, pour écarter la responsabilité d'ERDF, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-20900
Date de la décision : 30/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 06 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 mar. 2016, pourvoi n°14-20900


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.20900
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