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24/03/2016 | FRANCE | N°15-14473

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 24 mars 2016, 15-14473


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article R. 13-49 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, applicable à la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 janvier 2015), qu'un jugement du 16 mai 2012 a fixé l'indemnité due à la société Tôlerie et émaillerie nantaise (TEN), par suite de l'expropriation au profit de la société Loire océan développement (LOD), d'une parcelle lui appartenant ; qu'un arrêt du 4 octobre 2013 a réévalué cette indemnité ; qu'une ordonnance du 28

mars 2013, rendue comme en matière de référé, a enjoint à la société TEN d'abando...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article R. 13-49 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, applicable à la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 janvier 2015), qu'un jugement du 16 mai 2012 a fixé l'indemnité due à la société Tôlerie et émaillerie nantaise (TEN), par suite de l'expropriation au profit de la société Loire océan développement (LOD), d'une parcelle lui appartenant ; qu'un arrêt du 4 octobre 2013 a réévalué cette indemnité ; qu'une ordonnance du 28 mars 2013, rendue comme en matière de référé, a enjoint à la société TEN d'abandonner cette parcelle et l'a condamnée à payer à la société LOD une indemnité d'occupation ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les pièces n° 28 à 45 déposées les 7 et 31 mars 2014 par la société TEN, l'arrêt retient que celle-ci a interjeté appel le 29 avril 2013 et déposé son mémoire le 17 mai 2013 avec vingt-sept pièces et qu'en application des dispositions de l'article R. 13-49 précité, elle disposait, pour déposer les pièces au soutien de son appel, d'un délai de deux mois expirant le 29 juin 2013 ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si des pièces ne venaient pas au soutien des mémoires complémentaires de la société TEN déposés les 7 mars et 18 avril 2014 et déclarés recevables, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Loire Océan développement aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la Société d'exploitation de la tolerie et émaillerie nantaise.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les pièces n° 28 à 45 produites par la société TOLERIE ÉMAILLERIE NANTAISE (TEN) ;
Aux motifs que : « il résulte des dispositions de l'article R 13-47 de l'ancien code de l'expropriation que les décisions rendues en première instance sont susceptibles d'appel.
Aux termes de l'article R 13-49 du même code : « L'appelant doit, ) peine de déchéance, déposer ou adresser son mémoire et les documents qu'il entend produire au greffe de la chambre dans un délai de deux mois à dater de l'appel.
A peine d'irrecevabilité, l'intimé doit déposer ou adresser son mémoire en réponse et les documents qu'il entend produire au greffe de la chambre dans le mois de la notification du mémoire de l'appelant.
Le commissaire du Gouvernement doit dans les mêmes conditions et à peine d'irrecevabilité déposer ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans les mêmes délais.
Les mémoires et les documents doivent être produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties plus un.
Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du Gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces transmises au greffe.
Appel incident peut être formé par les parties ou le commissaire du Gouvernement dans leur mémoire en réponse ou par déclaration faite au greffe de la chambre. »
La société TEN a interjeté appel le 29 avril 2013. Elle a déposé son mémoire d'appelant le 17 mai 2013 avec 27 pièces. En application des dispositions ci-dessus, applicables aux appels des décisions du juge de l'expropriation, elle disposait, pour déposer les pièces au soutien de son appel, d'un délai de deux mois qui expirait le 29 juin 2013.
Par voie de conséquence, les pièces 28 à 43 déposées le 7 mars 2014, puis les pièces 44 à 45 déposées le 31 mars 2014 sont irrecevables.
En revanche, les mémoires complémentaires déposés par chacune des parties, sans modifier l'objet du litige, répondaient aux moyens du contradicteur et rendaient compte de l'intervention de la loi du 28 mai 2013, également prise en compte par la cour, qui a rouvert les débats sur ce point. Ils sont en conséquence recevables » ;
Alors que si, en cas d'appel de l'ordonnance d'expulsion prononcée par le Juge de l'Expropriation ayant statué en la forme des référés, la procédure est soumise aux dispositions relatives aux délais de production, notamment du mémoire d'appel dans un délai de deux mois, pour autant la Cour d'appel ne saurait priver le justiciable d'une défense efficace et, partant, d'un droit à un procès équitable quand les circonstances particulières de la procédure commandent qu'il puisse produire des pièces complémentaires y compris en dehors des strictes limites de ce délai ; qu'en l'espèce, par un arrêt du 27 juin 2014, la Cour d'appel de Rennes avait décidé de rouvrir les débats afin de permettre aux parties de déposer chacune au Greffe un mémoire avec leurs observations précises respectives sur deux points et que la société TEN avait produit des nouvelles pièces qui venaient, précisément, étayer les moyens et prétentions exprimés tant à son nouveau mémoire sur réouverture des débats qu'à ceux, antérieurs, produits les 7 mars et 10 avril 2014, pièces qui établissaient, notamment, l'existence d'une évolution du litige au vu de laquelle la Cour d'appel était expressément invitée à statuer ; qu'en déclarant irrecevables ces nouvelles pièces tout en déclarant, cependant et dans le même temps, recevables le nouveau mémoire produit et les mémoires des mars et 10 avril 2014, la Cour d'appel n'a pas tiré les conclusions qui devaient s'évincer de la réouverture des débats qu'elle avait elle-même ordonnée et de la recevabilité de ces jeux d'écritures qu'elle a prononcée, a privé la société TEN du droit à une procédure équitable dans une affaire d'expropriation et a donc violé l'article 6, § 1er de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et l'article 1er de son Protocole additionnel n° 1, ensemble l'article R. 13-49 du Code de l'Expropriation, dans sa version applicable en l'espèce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société TOLERIE ET EMAILLERIE NANTAISE (TEN) à verser à la société LOIRE OCEAN DEVELOPPEMENT (LOD) une indemnité d'occupation de 300,00 ¿ par jour de retard depuis le 21 août 2012 et jusqu'à la signification de cette ordonnance ;
Aux motifs que : « l'exproprié qui se maintient indûment dans les lieux s'expose à supporter une indemnité d'occupation sur le fondement du droit commun. Cette indemnité répare le préjudice de la partie expropriante de ne pouvoir jouir du bien.
En l'espèce la consignation de l'indemnité par la société LOD n'était due qu'au refus de la société TEN de percevoir cette indemnité, la société TEN s'est maintenue dans les lieux sans droit ni titre depuis le 21 août 2012, soit un mois après la dernière consignation de l'indemnité fixée par le juge de l'expropriation.
L'indemnité de 300 ¿ par jour fixée par le juge de l'expropriation fait référence à un entrepôt à Saint-Herblain d'une superficie de 2 900 m², ce qui est comparable au bâti de l'espèce qui de 3 300 m², également à usage d'entrepôt.
Ainsi cette indemnité est justifiée au regard des circonstances de l'espèce et l'ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions » ;
Alors que en cas d'appel de l'ordonnance fixant les indemnités d'expropriation, si l'arrêt d'appel intervient postérieurement à la demande d'expulsion et majore l'indemnité fixée en première instance, l'expulsion n'est possible que si le supplément d'indemnité a été lui-même payé ou consigné ; que ce n'est donc qu'à partir du paiement ou de la consignation de la somme ainsi majorée en cause d'appel que l'exproprié devient occupant sans droit ni titre et que commence à courir le délai d'un mois à compter duquel une indemnité d'occupation pourra être due à l'expropriant ; qu'en l'espèce, en ayant fait courir ce délai d'un mois à partir de la dernière consignation de l'indemnité fixée par jugement du Juge de l'Expropriation du Département de la Loire Atlantique du 16 mai 2012 tout en constatant que, par arrêt du 4 octobre 2013, soit postérieurement à la demande d'expulsion formée par la société LOD, la Cour d'appel de Rennes avait majoré le montant des indemnités octroyées en première instance à la société TEN, la Cour d'appel n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article L. 15-1 du Code de l'Expropriation dans sa version issue de la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-14473
Date de la décision : 24/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Indemnité - Appel - Mémoire - Dépôt et notification - Mémoire de l'appelant - Délai de deux mois - Mémoire complémentaire postérieur à ce délai - Pièces venant au soutien des mémoires complémentaires jugés recevables - Recevabilité - Condition

La cour d'appel qui déclare recevables des mémoires complémentaires déposés en dehors des délais de l'article R. 13-49 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne peut déclarer irrecevables les pièces qui ont été déposées simultanément ou à une date proche, sans rechercher, au besoin d'office, si elles ne viennent pas à leur soutien


Références :

article R. 13-49 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique applicable à la cause

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 09 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 24 mar. 2016, pourvoi n°15-14473, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat général : M. Petit
Rapporteur ?: Mme Abgrall
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.14473
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