LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Aircelle du désistement de son pourvoi ;
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Aircelle a confié le transport, depuis les Etats-Unis jusqu'en France, de matériaux composites entrant dans la fabrication de réacteurs d'avions, à la société Henry Johnson Sons et Co Limited (la société Henry Johnson), qui elle-même a sous-traité le transport, aux Etats-Unis, à la société Mid America Overseas et, en France, à la société Envoyé spécial Normandie ; que les matériaux s'étant révélés impropres à leur destination, la société Aircelle, qui imputait ce défaut à de mauvaises conditions de conservation pendant le transport, a assigné en indemnisation la société Henry Johnson et son assureur, la société Axa France IARD, lesquelles ont appelé en garantie les sociétés Mid America Overseas et Envoyé spécial Normandie ; que la société Aircelle ayant été indemnisée par son courtier d'assurance, ses assureurs, les sociétés Allianz Global Corporate et Speciality, CNA Insurance Company Limited, XL Insurance Company SE, Generali IARD et Helvetia compagnie suisse d'assurances (les assureurs), se prétendant subrogés dans les droits de leur assurée après remboursement du courtier, sont intervenus à l'instance ;
Attendu que, pour dire les assureurs irrecevables à exercer les droits de la société Aircelle, l'arrêt, après avoir exactement relevé que la subrogation légale ne peut jouer en faveur de l'assureur qu'à la condition que la preuve soit rapportée du paiement effectué par ses soins en exécution de ses obligations contractuelles, énonce que ne constitue la preuve d'un tel paiement par les assureurs au courtier, ni la « dispache », qui ne concerne que la répartition de la charge de l'indemnisation entre les coassureurs, ni l'avis d'exécution d'un virement réalisé le 24 juin 2009 par la société Allianz au profit du courtier, qui ne comporte aucune mention du sinistre concerné ;
Qu'en considérant ainsi que l'avis d'exécution du virement effectué par les assureurs au courtier était dépourvu de mention du sinistre concerné, alors qu'y figure le numéro sous lequel le courtier a identifié le sinistre dans un document dont elle a retenu qu'il prouvait le paiement de l'indemnité d'assurance, la cour d'appel a dénaturé cet avis et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Henry Johnson Sons et Co Limited et la société Axa France IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Henry Johnson Sons et Co Limited et Axa France IARD et les condamne à payer aux sociétés Allianz Global Corporate et Speciality, CNA Insurance Company Limited, XL Insurance Company SE, Generali IARD et Helvetia compagnie suisse d'assurances la somme globale de 3 000 euros, et à la société Mid America Overseas la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Allianz Global Corporate et Speciality, CNA Insurance Company Limited, XL Insurance SE, Generali IARD et Helvetia compagnie suisse d'assurances.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes des sociétés Allianz Global Corporate et Speciality, CNA Insurance, XL Insurance, Generali Iard et Helvetia compagnie suisse d'assurance ;
Aux motifs qu'« aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances, "l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur" ; qu'il s'infère de cette disposition que la subrogation légale ne peut jouer en faveur de l'assureur qu'à la condition que la preuve soit rapportée d'une part du paiement par ses soins de l'indemnité d'assurance, d'autre part d'un paiement effectué en exécution par lui de ses obligations contractuelles ; qu'est produite la copie du chèque en date du 8 juillet 2009 émis pour un montant de 114 040,84 euros par le courtier d'assurance Aon à l'ordre d'Aircelle et la lettre d'envoi de ce chèque faisant référence au sinistre en cause ; qu'il est ainsi justifié du paiement de l'indemnité à l'assurée ; ¿ que les assureurs de la société Aircelle ne produisent aucune quittance subrogative ; que ne constitue la preuve du paiement des sociétés Allianz Global Corporate et Speciality, CNA Assurance, XL Insurance, Generali Iard et Helvetia compagnie suisse d'assurance au courtier d'assurance ni la dispatch, qui ne concerne que la répartition de la charge d'indemnisation entre les co-assureurs, ni l'avis d'exécution d'un virement d'Allianz à Aon en date du 24 juin 2009, avis qui ne porte aucune mention du sinistre concerné et dont le montant, de 96 934,71 euros, ne correspond pas à l'indemnité reçue par Aircelle ; qu'en l'absence de pièce justificative propre à établir que les assureurs ont indemnisé le courtier d'assurance au titre du préjudice objet du litige et se sont trouvés subrogés dans les droits de leur assurée, la cour dira irrecevables les demandes des sociétés Allianz Global Corporate et Speciality, CNA Assurance, XL Insurance, Generali Iard et Helvetia compagnie suisse d'assurance » ;
Alors d'une part que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; que l'avis d'exécution du virement effectué le 24 juin 2009 au bénéfice de la société Aon contenait l'indication du numéro 1908600978 sous lequel cette société avait référencé le sinistre, objet du litige ; qu'en affirmant néanmoins que ledit avis ne portait aucune mention du sinistre concerné, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, en violation de l'article 1134 du code civil ;
Alors d'autre part que l'assureur, qui a payé l'indemnité d'assurance, est subrogé dans les droits de l'assuré contre les tiers responsables à concurrence du montant de l'indemnité versée, y compris lorsque celle-ci ne couvre qu'une partie du dommage subi par l'assuré ; que l'indemnité n'a pas besoin d'être directement payée entre les mains de l'assuré pour que la subrogation puisse se produire ; que la différence entre le versement de 114 040,84 euros réalisé par le courtier d'assurance au profit de la société Aircelle, d'un côté, et le virement bancaire de 96 934,71 euros effectué par les assureurs au bénéfice du courtier, de l'autre, était seulement de nature à limiter la subrogation des assureurs à la somme la moins élevée de 96 934,71 euros ; qu'en se fondant sur cette différence pour dénier tout caractère subrogatoire au paiement opéré par les assureurs, la cour d'appel a violé l'article L. 121-12 du code des assurances.