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23/03/2016 | FRANCE | N°15-81448

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mars 2016, 15-81448


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Stéphane X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 12 février 2015, qui, dans la procédure suivie contre M. Laurent Y... des chefs de vols, faux et usage, abus de biens sociaux et escroquerie, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 février 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale :

M. Guérin, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Stéphane X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 12 février 2015, qui, dans la procédure suivie contre M. Laurent Y... des chefs de vols, faux et usage, abus de biens sociaux et escroquerie, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 février 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle YVES ET BLAISE CAPRON, de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 311-1 et 441-1 du code pénal, des articles L. 242-6, L. 511-21 et L. 512-4 du code de commerce, de l'article 1382 du code civil et des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. X... et a dit que M. X... n'exerçait plus de fonction de représentation de la société Scierie du Pré d'Auge et ne justifiait d'aucun préjudice direct lié aux infractions poursuivies à l'encontre de M. Y... ;
"aux motifs, qu'en application de l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que M. Y... a été poursuivi et condamné pénalement des chefs de : - vol au préjudice de la société Scierie du Pré d'Auge ; - faux au préjudice des sociétés Panaget, Scierie d'Angerville et Margaritelli ; - escroquerie au préjudice du Crédit du Nord ; - abus des biens ou du crédit de la société Scierie du Pré d'Auge ; qu'aucune de ces infractions n'a été commise au préjudice direct de M. X... ; que le délit d'abus de biens sociaux n'occasionne un dommage personnel et direct qu'à la société elle-même et non à chaque associé ; qu'ainsi, la dévalorisation ou la perte de chance de valorisation du capital social découlant de délits d'abus de biens sociaux commis par un dirigeant constitue, non pas un dommage propre à chaque associé, mais un préjudice subi par la société elle-même ; que M. X... soutient, néanmoins, que les comportements frauduleux de M. Y... lui ont occasionné un préjudice personnel et direct ; qu'il allègue à cette fin que l'associé tenu indéfiniment et solidairement aux dettes sociales est recevable à se constituer partie civile contre les dirigeants de la société lorsque ceux-ci ont commis une infraction de nature à porter atteinte à son patrimoine ; qu'un tel argument est inopérant en l'espèce puisque les associés d'une société anonyme ne sont pas, contrairement à la situation existant en matière de société en nom collectif, tenus indéfiniment et solidairement aux dettes sociales ; que le fait que M. X... a cautionné certains engagements de la société Scierie du Pré d'Auge ne l'a pas davantage rendu indéfiniment et solidairement débiteur des dettes sociales ; que, certes, il produit au débat des décisions de justice l'ayant condamné au titre d'engagements de caution de divers engagements de la société Scierie du Pré d'Auge auprès du Crédit du Nord et de la Bred (pièces 24 et 25 de M. X...) ; que, cependant, ces condamnations à paiement ne constituent qu'un préjudice indirectement causé par les délits reprochés à M. Y... ; que M. X... allègue encore que les délits de faux, d'usage de faux et de vol des stocks commis par M. Y... ne lui ont pas permis d'avoir une présentation comptable exacte de la société ; qu'un tel argument est encore inopérant, dès lors que M. Y... n'a pas été poursuivi ni condamné du chef de présentation ou de publication de comptes ne donnant pas une image fidèle de la société ; qu'en conséquence, faute d'établir un préjudice personnel directement causé par les infractions pour lesquelles M. Y... a été reconnu coupable, M. X... ne peut qu'être déclaré irrecevable en sa constitution de partie civile ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
"1°) alors que les détournements ou vols des biens d'une société commis par l'associé de cette société occasionnent un préjudice personnel et direct aux personnes qui répondent solidairement de tout ou partie des dettes sociales ; qu'en énonçant, dès lors, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de M. X..., que ce dernier n'établissait un préjudice personnel directement causé par les infractions dont M. Y... a été reconnu coupable, après avoir relevé que M. X... avait cautionné certains engagements de la société Scierie du Pré d'Auge et produisait au débat des décisions de justice l'ayant condamné au titre de ces engagements à titre de caution, sans caractériser que ces engagements n'avaient pas rendu M. X... codébiteur solidaire d'une partie des dettes sociales de la société Scierie du Pré d'Auge, la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées ;
"2°) alors que les infractions qui, en l'empêchant d'avoir une perception exacte de la situation réelle d'une société, ont déterminé une personne à accomplir un acte qui lui est préjudiciable, causent à cette personne un préjudice personnel et direct ; qu'en énonçant, par conséquent, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de M. X..., que ce dernier alléguait que les délits de faux et de vol des stocks commis par M. Y... ne lui avaient pas permis d'avoir une présentation comptable exacte de la société Scierie du Pré d'Auge et que cet argument était inopérant, dès lors que M. Y... n'avait pas été poursuivi ni condamné du chef de présentation ou de publication de comptes ne donnant pas une image fidèle de la société Scierie du Pré d'Auge, quand la circonstance que M. Y... n'avait pas été poursuivi ni condamné du chef de présentation ou de publication de comptes ne donnant pas une image fidèle de la société Scierie du Pré d'Auge était impropre à exclure que les infractions commises par M. Y... aient causé un préjudice personnel et direct à M. X..., la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que M. Y..., associé et directeur général de la société anonyme Scierie du Pré d'Auge, a été déclaré coupable des chefs de vols, faux et usage, abus de biens sociaux et escroquerie commis au préjudice de la société Scierie du Pré d'Auge et du Crédit du Nord ; que, sur l'action civile, le tribunal a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. X..., associé principal de la société susvisée, qui se prévalait, d'une part, du préjudice lié aux condamnations civiles prononcées à son encontre en sa qualité de caution de la société aujourd'hui défaillante, d'autre part, de celui découlant des incidences des infractions sur la présentation des comptes de la société ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de M. X..., l'arrêt relève que, d'une part, le préjudice causé par les condamnations prononcées à l'encontre de ce dernier en sa qualité de caution ne résulte pas directement des infractions, d'autre part, le second préjudice dont il se prévaut ne se rattache à aucune des infractions dont M. Y... a été reconnu coupable ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, et dès lors que l'exécution de l'obligation mise à la charge de la caution ne résulte directement que de son seul engagement contractuel, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu la disposition conventionnelle invoquée, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 500 euros la somme que M. X... devra payer à M. Laurent Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-81448
Date de la décision : 23/03/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Caution - Caution de la société - Condamnation du dirigeant d'une société - Préjudice sans lien direct avec l'infraction - Portée

L'exécution par la caution de l'obligation mise à sa charge ne résultant directement que de son seul engagement contractuel et non de l'infraction dont a été victime la société cautionnée, c'est à bon droit que la cour d'appel déboute une partie civile de ses demandes tendant au remboursement des sommes qu'elle a versées à ce titre


Références :

article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

article 2 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 12 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 mar. 2016, pourvoi n°15-81448, Bull. crim. criminel 2016, n° 101
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2016, n° 101

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Liberge
Rapporteur ?: Mme Planchon
Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.81448
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