LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Pierre X...,- La société Hyteck,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 9 avril 2015, qui, pour inexécution de mesure corrective ordonnée en raison d'un risque pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs, a condamné, le premier, à 2 000 euros d'amende, la seconde, à 5 000 euros d'amende ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 février 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Harel-Dutirou, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 218-7, alinéa 2, L. 218-5, L. 218-7 et R. 112-7 du code de la consommation, 111-3 et 111-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a confirmé le jugement sur les déclarations de culpabilité ;
"aux motifs que, attendu qu'il convient d'observer que la nullité invoquée en début d'audience et qui n'avait pas été soulevée en première instance n'est en fait pas une exception de nullités de la procédure mais un moyen soulevé par la société Hyteck et M. Pierre X..., relative à l'illégitimité de la demande de mise en conformité dont la société Hyteck a fait l'objet, eu égard à la motivation du jugement déféré ; que le tribunal correctionnel a, à. bon droit, relevé que la mise en demeure du 8 juillet 2011 était devenue définitive et exécutoire le 12 décembre 2011, la société Hyteck ayant formé un recours gracieux dont le rejet du 1er octobre 2011 avait été porté à sa connaissance le 11 octobre 2011, sans qu'elle ne régularise un recours devant la juridiction administrative ; que la société Hyteck et M. X..., qui n'ont jamais jusque-là contesté la légalité de cette mise en demeure, n'apportent aucun fondement sérieux à leur prétention actuelle, en relevant que M. X..., en sa qualité de président du conseil d'administration de la société Hyteck doit être considéré comme pénalement responsable, sans que la mise en demeure ait dû lui être personnellement adressée ; qu'en effet, ils sont poursuivis sur le fondement de l'article L. 216-7, alinéa 2, (Livre II conformité et sécurité des produits et services - titre 1er conformité - chapitre VIII mesures de police administrative) du code de la consommation, dans sa rédaction alors en vigueur, à savoir :« Est puni d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de ne pas exécuter les mesures ordonnées en application des dispositions du présent chapitre. » ; que l'alinéa 3, de l'article L. 218-7 susvisé dispose : « Les infractions faisant l'objet des sanctions prévues au présent article sont constatées par les agents mentionnés à l'article L. 215-1 dans les conditions prévues au chapitre V du présent titre. », soit dans les conditions prévues par les articles L. 215-1 à L. 215-17 ; qu'il est donc reproché à la société Hyteck et à M. X... de ne pas avoir exécuté les mesures ordonnées en application des dispositions du chapitre VIII à savoir les mesures ordonnées en application de l'article L. 218-5, soit la mise en conformité des produits concernés à la réglementation en vigueur ; qu'il n'est pas contestable qu'ils ne se sont pas conformés à la mise en demeure délivrée, sans diligenter un recours administratif contre celle-ci, qui doit s'appliquer, les considérations des intéressés ne pouvant aller à rencontre de l'application stricte des textes susvisés, en observant que les termes de la mise en demeure du 8 juillet 2011, qu'au demeurant la société Hyteck et M. X... n'ont jamais demandé de préciser, sont clairs, en rappel des dispositions de l'article RI 12-7 du code de la consommation, à savoir :- il a été relevé le 6 avril 2011 que la société Hyteck commercialise des huiles essentielles et des hydrolats à usage alimentaire, présentés, sur la brochure commerciale et le site comme ayant des propriétés thérapeutiques,- les allégations faisant référence à la prévention ou à la guérison d'une maladie sont strictement interdites sur l'étiquetage et la publicité se rapportant aux denrées alimentaires,- cette interdiction s'applique à l'étiquetage du produit mais également à la publicité qui en est faîte et à l'environnement dans lequel il est commercialisé, notamment via les sites,- « vous nous avez également déclaré que les allégations thérapeutiques indiquées sur les huiles essentielles et les hydrolats s'appliquaient à l'ensemble des lots de ces produits... » (voir les déclarations de M. X... à la direction départementale de la protection des populations du Puy-de-Dôme le 6 avril 2011) ; qu'il était ainsi enjoint de mettre en conformité dans un délai de trois mois à réception du courrier la brochure commerciale, le site internet et notamment les fiches techniques des produis, les étiquetages et les documents commerciaux se rapportant aux produits si nécessaire ; qu'en tout état de cause, concernant la contestation relative à la qualification des huiles essentielles et hydrolats de denrées alimentaires, M. X... lui-même, entendu le 6 avril 2011, indiquera que les allégations thérapeutiques « sont portées sur des huiles essentielles et des hydrolats pour lesquels il peut être fait, selon les fiches techniques du site un usage alimentaire », et il n'y a ainsi pas eu de contestation dans le cadre de la procédure de mise en demeure concernée, en observant d'une part, que les produits commercialisés concernés sont destinées à une ingestion éventuelle, certains étant en outre assorti du logo AB (agriculture biologique) réservé aux produits alimentaires, et que la motivation à ce sujet du jugement critiqué, au visa de l'article R. 112-1 du code de la consommation ne peut qu'être reprise, de même qu'au regard de l'article 2 du règlement (CE) n°178/2202 du 28 janvier 2002, d'autre part que la société Hyteck n'a, à priori, pas envisagé de classement de ces produits sous la qualification de médicaments puisque n'a pas été demandée d'autorisation de mise sur le marché ; qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'il n'a pas été satisfait aux injonctions fixées par la mise en demeure dans les délais, soit au 12 décembre 2011 ; que, le 19 janvier 2012, comme mentionné plus loin, il était constaté par la direction départementale de la protection des populations du Puy-de-Dôme que le site internet Hyteck n'avait pas été modifié, des allégations faisant état de propriétés de prévention, de traitement et de guérison d'une maladie humaine, pour une utilisation par voie interne de certaines huiles essentielles et d'hydrolats, étaient toujours présentes (huiles essentielles de marjolaine CT thujanol d'estragon, d'ail, de basilic sacrée bio, de menthe poivrée bio, de thym vulgaire CT thujanol bio, hydrolat de carotte sauvage bio,..) ; que l'administration précisant que même si ces données sont extraites de bibliographies, le fait d'indiquer sur un site internet à visée commerciale des propriétés thérapeutiques sur une denrée alimentaire (ex : sclérose en plaque pour l'huile essentielle de tea-tree) est règlementairement interdite par l'article R. 112-7 du code de la consommation et régulièrement rappelé par position administrative) ; que M. X..., entendu le 27 mars 2012, déclarait que les corrections faites étaient les suivantes :1- suppression de la brochure commerciale,2- création d'une revue qui s'appelle focus sur les plantes, parution en février 2012, cette production intellectuelle faisant état de connaissance et de savoir depuis la nuit des temps susceptible d'être rencontré dans les ouvrages,3- rédaction d'étiquettes collées sur les flacons renfermant uniquement les informations pratiques et obligatoires tournées vers la consommateur,4- suppression de la mention « voie orale » m communication commerciale,5- création d'une bibliothèque renfermant des extraits d'ouvrage pertinent choisis par leur docteur en pharmacie,6- suppression de la fiche technique et création d'un document « note bibliothèque sur l'extrait naturel concerné » ; que le 8 octobre 2012, M. X... ajoutait que, depuis la dernière audition, la société Hyteck a tout mis en oeuvre pour régulariser et prendre en compte les remarques de la direction départementale de la protection des populations du Puy-de-Dôme, que toutes les modifications demandées ont été faites sur le livret, sur les fiches techniques et sur le site internet, la mise en ligne devant être faite début novembre 2012, soit près de onze mois suivant la fin du délai accordé pour la mise en conformité, à supposer qu'elle soit satisfaisante, ayant par ailleurs déclaré, lors de l'audience du 19 septembre 2013 devant le tribunal correctionnel, que les modifications avaient été apportées en juillet 2012 ; qu'en tout cas, à la date de contrôle de la direction départementale de la protection des populations du Puy de Dôme, en janvier 2012, il y avait toujours un lien direct entre le focus et la denrée, puisqu'ils figuraient sur la même page commerciale, le client ne pouvant ainsi qu'associer l'ingestion du produit aux vertus thérapeutiques résultant de la bibliographie l'accompagnant ; que ce n'est qu'un constat d'huissier diligenté à la demande de la société Hyteck, en date du 26 mars 2013, qui fait finalement état de modifications plus sérieuses ; que c'est donc à juste titre que le tribunal correctionnel a déclaré tant la société Hyteck que M. X... coupables des faits reprochés, et ce par application des articles 121-2 et 121-3 du code pénal M. X... n'invoquant pas avoir délégué son pouvoir de direction en vertu duquel il avait parfaitement et personnellement la compétence, les moyens et l'autorité pour appliquer ou faire appliquer les mesures nécessaires à la mise en conformité ordonnée ;
"1°) alors que l'article L. 218-5 du code de la consommation permet aux agents qui y sont habilités « lorsqu'il est constaté que tout ou partie des produits n'est pas conforme à la réglementation en vigueur », à ordonner leur mise en conformité, dans le délai qu'ils fixent ; que ce texte réserve ainsi la possibilité d'une injonction au seul cas de non-conformité de produits ; qu'en déclarant les exposants coupables de non exécution de l'injonction ordonnée sur le fondement de ce texte, lorsque les faits reprochés ne concernent pas la non conformité d'un produit, mais la présence de mentions non autorisées sur un site internet marchand, la cour d'appel a méconnu les articles L. 218-5 et L. 218-7 du code de la consommation ;
"2°) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'en déclarant les exposants coupables de refus de mise en conformité des produits malgré injonction, lorsque les dispositions de l'article L. 218-5 du code de la consommation, sanctionnées par l'article L. 218-7 de ce même code, visent uniquement le défaut de conformité des produits, et que seule la présence d'allégations mentionnées sur un site internet marchant était reprochée aux prévenus, situation qui n'entre pas dans les prévisions des textes visés au moyen, la cour d'appel a méconnu le principe d'interprétation stricte de la loi pénale ;"3°) alors qu'il appartient aux juges du fond de rechercher si les faits poursuivis ont été commis par un organe ou un représentant de la personne morale au sens de l'article 121-2 du code pénal ; qu'en se bornant à relever que la société Hyteck n'a pas apporté dans le délai qui lui était imparti les modifications sur son site internet qui lui étaient demandées par l'administration, sans mieux rechercher si les faits reprochés avaient été commis, pour le compte de la personne morale poursuivie, par l'un de ses organes ou représentants, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 8 juillet 2011, sur le fondement de l'article L. 218-5 du code de la consommation permettant aux agents des autorités qualifiées, lorsqu'ils constatent que des produits ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur, d'en ordonner la mise en conformité dans le délai qu'ils fixent, la direction départementale de la protection des populations du Puy-de-Dôme a mis en demeure la société Hyteck, spécialisée dans la fabrication et la vente d'huiles essentielles et d'hydrolats aromatiques, de supprimer, dans un délai de trois mois, dans sa brochure commerciale, les étiquetages et sur son site internet certaines mentions faisant état des propriétés thérapeutiques de produits à usage interne en contravention de l'article R. 112-7 du code de la consommation interdisant qu'il soit fait état dans l'étiquetage, la publicité ou la présentation des denrées alimentaires des propriétés de prévention, de traitement et de guérison des maladies humaines ; qu'un procès-verbal de constat d'infraction de refus de mise en conformité des produits a été dressé ; que M. X... et la société Hyteck ont été poursuivis sur le fondement de l'article L. 218-7 du code de la consommation ; que le tribunal les a déclarés coupables des faits reprochés ; qu'ils ont interjeté appel ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt, après avoir relevé que la mise en demeure du 8 juillet 2011 résultant du non-respect de l'article R. 112-7 du code de la consommation était devenue exécutoire depuis le rejet du recours gracieux formé par la société, retient qu'à la date du contrôle de la direction départementale de la protection des populations, le 19 janvier 2012, le site internet de la société n'avait pas été modifié et comportait toujours des allégations faisant état de propriétés de prévention, de traitement et de guérison d'une maladie humaine concernant des huiles essentielles et hydrolats qui, destinés à une utilisation par voie orale, ont la qualité de denrées alimentaires ; que les juges précisent qu'il existait entre le focus bibliographique faisant état de ces vertus thérapeutiques et la denrée, un lien direct résultant de leur présentation sur une même page commerciale et ayant pour effet de conduire le client à associer l'emploi du produit aux vertus décrites ; qu'ils ajoutent que, M. X..., président du conseil d'administration de la société, n'avait pas délégué son pouvoir de direction en vertu duquel il avait parfaitement et personnellement la compétence, les moyens et l'autorité pour appliquer ou faire appliquer les mesures nécessaires à la mise en conformité ordonnée ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a retenu que le président du conseil d'administration de la société avait agi en qualité d'organe de la personne morale et pour le compte de celle-ci, a fait une juste application de l'article L. 218-7 du code de la consommation qui sanctionne l'inexécution des mesures correctives ordonnées, notamment, pour assurer la mise en conformité des produits avec la réglementation en vigueur, conformément à l'article L. 218-5 du même code ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.