LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre criminelle, en date du 21 novembre 2013, qui a renvoyé MM. John X... et Stéphane Y... des fins de la poursuite, du chef de transfert de déchets dangereux sans autorisation préalable ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 février 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller FARRENQ-NÉSI, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ; Sur le moyen unique moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-2, 111-3 du code pénal, L. 541-40 du code de l'environnement, 3 et 9 du règlement de la communauté européenne n° 1013/ 2006 ;
Vu les articles L. 541-40, L. 541-46 du code de l'environnement et 3 du règlement (CE) n° 1013/ 2006 du Parlement européen et du Conseil, en date du 14 juin 2006, concernant les transferts de déchets ;
Attendu qu'il résulte de ces textes qu'est incriminé le fait de procéder ou faire procéder à un transfert de déchets, sans avoir notifié ce transfert aux autorités compétentes françaises ou étrangères ou sans avoir obtenu le consentement préalable desdites autorités, lorsque cette notification et ce consentement sont requis pour les déchets désignés, en fonction de leur destination et de l'annexe dans laquelle ils figurent, à l'article 3, § 1, du règlement européen 1013/ 2006 auquel renvoie, pour son application, l'article L. 541-40 du code de l'environnement ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que MM. X... et Stéphane Y... sont poursuivis pour avoir volontairement exporté des déchets classifiés dangereux par le règlement européen 1013/ 2006 vers la Belgique en vue de leur revalorisation, sans les consentements préalables écrits des autorités françaises et belges, alors que la dangerosité du déchet leur avait été signalée, la prévention visant notamment les articles L. 541-46 I, 11°, a, L. 541-40 I du code de l'environnement et l'article 3, § 1, du règlement CE 1013/ 2006 du 14 juin 2006 ; que le tribunal correctionnel les a déclarés coupables ; qu'ils ont interjeté appel de la décision ;
Attendu que, pour relaxer les prévenus, l'arrêt relève que l'article L. 541-40 I du code de l'environnement renvoie au contenu entier du règlement n° 1013/ 2006, que ce n'est qu'après lecture de ses dispositions qu'il convient d'en retenir l'article 3 comme étant applicable à la matière pour constater que ce texte procède lui-même, dans un langage extrêmement technique, à de nombreux renvois, le tout rendant la réglementation applicable difficilement intelligible ; que les juges ajoutent que ces textes, procédant par renvois multiples qui se croisent et se chevauchent, au point de constituer un dédale obscur ne mettent pas le justiciable en mesure de connaître exactement les faits qui lui sont reprochés et ne satisfont pas à l'exigence constitutionnelle de clarté et de précision d'un texte d'incrimination ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'article L. 541-40 du code de l'environnement renvoie, pour son application, à un règlement communautaire directement applicable dont le caractère technique est inhérent à son objet, et qui détermine de façon claire et précise, en fonction du type de déchet, les éléments constitutifs de l'infraction poursuivie, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Poitiers, en date du 15 janvier 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.