Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par arrêt irrévocable du 3 mai 2010, une cour d'appel a condamné solidairement l'Earl X... et fils, Mme X... et M. Stéphane X... (les consorts X...) à payer à la Banque populaire de Lorraine-Champagne, aux droits de laquelle vient la Banque populaire Alsace Lorraine-Champagne (la banque) une certaine somme en vertu de prêts consentis courant 2001 à l'Earl X... et fils, et garantis par le cautionnement solidaire de Mme X... et de M. Stéphane X... ; que, suivant acte notarié du 7 mai 2007, Mme X... a fait donation à ses deux fils, Stéphane et Sébastien, de deux parcelles qui ont fait l'objet le 9 mai suivant d'un apport à la SCI X... frères (la SCI) ; qu'agissant sur le fondement de l'article 1167 du code civil, la banque a sollicité l'inopposabilité de ces actes ainsi que la réintégration des biens litigieux dans le patrimoine des consorts X... ; qu'un tribunal ayant rejeté ses demandes, elle a interjeté appel, puis conclu le 6 octobre 2012 une transaction avec les consorts X..., aux termes de laquelle elle a accepté de se désister de son action paulienne, afin de permettre à la SCI de réaliser son projet de cession des deux parcelles litigieuses, à condition que le produit de la vente soit affecté au règlement des dettes contractées par M. Stéphane X... à son égard ; que, suivant acte notarié des 23 et 25 janvier 2013, ces biens ont été vendus à M. et Mme Y..., mais que, n'ayant pas perçu l'intégralité du prix de la vente, la banque a poursuivi son action en assignant les acquéreurs en intervention forcée, et en demandant à la juridiction de lui rendre inopposable l'acte de donation du 7 mai 2007, l'acte d'apport du 9 mai 2007 et l'acte de cession des 23 et 25 janvier 2013, et d'ordonner, en conséquence, la réintégration des parcelles litigieuses dans le patrimoine de la SCI, puis dans celui de MM. Stéphane et Sébastien X... et, enfin, dans celui de Mme X... pour constituer le droit de gage général du créancier ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur la troisième branche du moyen :
Vu l'article 1167 du code civil ;
Attendu que, pour déclarer inopposable à la banque la vente consentie suivant acte des 23 et 25 janvier 2013 par la SCI à M. et Mme Y..., l'arrêt retient que l'action paulienne a fait l'objet d'une assignation régulièrement publiée et que ceux-ci étaient parfaitement informés de la teneur du « protocole d'accord » conclu le 6 octobre 2012 ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la complicité frauduleuse des acquéreurs, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
Et sur la quatrième branche du moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée sur la troisième branche du moyen entraîne la cassation par voie de conséquence de la partie du dispositif critiquée par la quatrième, portant sur la réintégration des parcelles litigieuses dans le patrimoine de la SCI, puis dans celui de MM. Stéphane et Sébastien X... et, enfin, dans celui de Mme X... ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare inopposable à la Banque populaire de Lorraine Champagne, la vente au profit de M. et Mme Y... par la SCI X... frères, suivant acte notarié des 23 et 25 janvier 2013, des parcelles situées à Lisse en Champagne, lieudit « Les Fontenats » cadastrées section ZL numéros 12 et 13, de contenances respectives de 7 hectares 56 ares 50 centiares et un hectare 78 ares 10 centiares, et en ce qu'il ordonne la réintégration de ces biens dans le patrimoine de la SCI X... frères, puis dans celui de MM. Stéphane et Sébastien X... et, enfin, dans celui de Mme X..., l'arrêt rendu le 14 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la Banque populaire Alsace Lorraine-Champagne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Banque populaire Alsace Lorraine-Champagne ; la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré inopposable à la Banque Populaire Lorraine Champagne la vente au profit de M. Frédéric Y... et Mme Fabienne Z...épouse Y... par la SCI X... Frères selon acte notarié des 23 et 25 janvier 2013, portant sur deux parcelles situées à Lisse-en-Champagne, lieudit « Les Fontenats » cadastrées section ZL numéros 12 et 13, de contenances respectives de 7 hectares 56 ares et 50 centiares et un hectare 78 ares 10 centiares et d'avoir ordonné la réintégration de ces biens dans le patrimoine de la SCI X... Frères puis de de Mme X... où ils constitueront le droit de gage général de ses créanciers
AUX MOTIFS QU'
« En vertu de l'article 1167 du code civil, les créanciers peuvent en leur nom personnel, attaquer les actes faits par les débiteurs en fraude de leurs droits. La fraude paulienne n'implique pas nécessairement la volonté de nuire ; lorsqu'elle tend à la révocation d'un acte consenti par le débiteur à titre gratuit l'action paulienne n'est pas subordonnée à la preuve de la complicité du tiers. Il convient pour apprécier l'existence de la fraude, de se placer à la date de l'acte par lequel le débiteur se dépouille. La banque soutient que la fraude résulte, contrairement à ce qu'indique les défendeurs, de la chronologie des faits, et que l'acte de donation du 5 mai 2007 a eu pour effet d'appauvrir le patrimoine de Mme X... et que l'apport des parcelles à la SCI X... Frères par M. Stéphane X... a pour effet de le rendre moins saisissable. Il résulte des éléments du dossier et des pièces versées aux débats et notamment du protocole d'accord signé par les parties le 10 janvier 2005, qu'au début de l'année 2005 l'EARL X... connaissait des difficultés financières, que les échéances des prêts de 99 091, 86 euros et de 59 455, 12 euros sont restées impayées et que la banque a accepté d'allonger la durée de remboursement des deux prêts étant précisé que les conditions d'exigibilité anticipée des prêts restaient celles en vigueur dans les conditions générales des contrats d'origine. Les annuités dues au 31 janvier 2006 n'étant pas réglées, la Banque Populaire a prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée du 26 mai 2006 en mettant l'EARL X... et les cautions, Mme Martine X... et M. Stéphane X... en demeure de régler la somme de 146 871, 42 euros. Par courrier du 26 août 2006 la Banque Populaire constatait qu'aucun remboursement n'était intervenu et informait la débitrice de la mise en oeuvre des garanties. Par courriers recommandés du 24 juillet 20071a banque actualisait sa créance et mettait l'EARL X... débitrice, Mme Martine X... et M. Stéphane X... en leur qualité de cautions en demeure de procéder au règlement de la somme de 139 952, 39 euros. L'EARL X... et les deux cautions ont été assignées au fond le 31 janvier et le 14 février 2008. Il est donc établi qu'à la date à laquelle la Banque Populaire a introduit son action paulienne (assignation du 12 juin 2008), Mme Martine X... et M. Stéphane X..., mis en demeure de procéder au règlement de leur dette depuis le 31 mai 2006 ne s'étaient pas exécutés et se trouvaient en état d'insolvabilité apparente. Les opérations de donation et d'apport contestées datant du 5 et du 12 mai 2007, sont postérieures aux mises en demeure et à la déchéance du terme prononcées par la banque, même si les cautions ont été assignées en justice postérieurement à ces actes ; les créances de la BPLC étaient exigibles. Les cautions ont été condamnées par jugement du 25 mars 2009 confirmé par arrêt de la cour d'appel de Reims du mai 2010, à payer à la BPLC, une somme totale de 142 249, 81 euros. La donation effectuée par Mme X..., qui se savait débitrice de la banque, portait sur les deux parcelles de terrain ZL 12 et ZL 13 d'une superficie de 7 hectares 56 ares 50 centiares et de un hectare 78 ares et 10 centiares, et constitue un acte d'appauvrissement dont Mme X... avait parfaitement eu conscience. Contrairement à ce qu'affirment les consorts X..., le droit de gage de la BPLC a incontestablement été réduit de moitié puisque les bénéficiaires de la libéralité sont, M. Stéphane X... caution solidaire, mais aussi M. Sébastien X..., qui n'est ni débiteur ni caution de la banque. S'agissant de l'apport de cette part indivise dans la SCI X... Frères, la cour constate que la réalisation d'un gage sur des parts sociales est plus complexe et risquée que sur un bien indivis. En effet, s'il n'est pas discuté que la saisie et la vente aux enchères de 50 % des parts sociales d'une SCI peut être mise en oeuvre une telle vente suppose de trouver un tiers acquéreur de la moitié du capital, ce qui ne lui permet pas d'imposer sa volonté au sein de la société, alors que la réalisation d'un immeuble indivis permet au créancier d'engager une action en partage avec licitation de l'immeuble. En conséquence et contrairement à ce qu'a admis le premier juge, la donation faite par Mme X... alors qu'elle était poursuivie par la BPLC, a eu pour effet de soustraire au gage de sa créancière la moitié des parcelles données évaluées à 43 940 euros et l'apport du terrain à la SCI X... Frères a rendu plus difficile la réalisation des biens alors que M. Stéphane X... était débiteur de la banque. La fraude des consorts X..., qui ont cherché à soustraire à leur créancier une partie du patrimoine de Mme X... et en tout cas la moitié de la valeur des terres faisant l'objet de la donation du 5 mai 2007, est caractérisée. Les consorts X... ne justifient pas être en mesure de faire face à leurs engagements et n'ont fait aucune proposition de paiement. Il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente du règlement par Me Tirmant ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de M. Joël X... des créanciers de la liquidation judiciaire. La demande de la BPLC est fondée et il convient en infirmant le jugement déféré de déclarer inopposables à la BPLC les donations faites par Mme Martine X... à MM. Stéphane et Sébastien X... le 5 mai 2007 et les apports faits par ces derniers à la SCI X... Frères. L'assignation par laquelle la BPLC a engagé la présente action paulienne a été régulièrement publiée au bureau de la publicité foncière et les époux Y... étaient parfaitement informés de la teneur du protocole d'accord signé par la BPLC et les consorts X... le 26 octobre 2012. En conséquence, la vente intervenue entre la SCI X... et les époux Frédéric Y... et Fabienne Z...selon acte des 23 et 25 janvier 2013 sera déclarée inopposable à la BPLC. Le présent arrêt sera déclaré commun et opposable aux époux Frédéric Y... assignés en intervention forcée » ;
1°) ALORS QUE le juge doit se placer à la date de l'acte par lequel le débiteur se dépouille de certains éléments de son patrimoine pour déterminer si, relativement à cet acte, il y a eu fraude paulienne ou non ; que la vente litigieuse entre la SCI X... Frères et M. Frédéric Y... et Mme Fabienne Z..., épouse Y... est intervenue suivant actes notariés des 23 et 25 janvier 2013, avec l'accord de la banque ; qu'en se bornant à relever qu'à la date à laquelle la Banque Populaire a introduit son action paulienne-assignation du 12 juin 2008 ¿ Mme X... et M. Stéphane X..., débiteurs, se trouvaient en état d'insolvabilité apparente, la cour d'appel n'a pas caractérisé la fraude paulienne à la date de la vente et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil ;
2°) ALORS QUE le créancier, qui n'est pas investi de droits particuliers sur certains biens de son débiteur, ne peut déclarer inopposable les actes faits par ce dernier en fraude de ses droits que s'il établit, au jour de l'acte litigieux, son insolvabilité au moins apparente ; que pour prononcer l'inopposabilité de la vente litigieuse, la cour d'appel relève que les débiteurs ne justifient pas être en mesure de faire face à leur engagements et n'ont fait aucune proposition de règlement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
3°) ALORS QUE lorsqu'il s'agit d'un acte à titre onéreux, le créancier qui exerce l'action paulienne doit prouver la complicité de fraude du tiers acquéreur ; que pour déclarer la vente litigieuse inopposable à la Banque Populaire Lorraine Champagne, créancière des consorts X..., la cour d'appel se borne à relever la connaissance par les époux Y..., tiers acquéreur, d'une action paulienne intentée par la Banque Populaire à l'encontre de ses débiteurs, et de la transaction conclue entre eux autorisant la vente litigieuse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la complicité frauduleuse des époux Y..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil ;
4°) ALORS QUE lorsque les conditions en sont réunies, l'action paulienne a pour seul effet d'entraîner l'inopposabilité des actes affectés de fraude ; qu'en ordonnant que les biens objets de la vente litigieuse, qui aurait été passée en fraude des droits de la Banque Populaire Lorraine Champagne, réintègrent le patrimoine de la SCI X..., la cour d'appel a violé l'article 1167 du code civil.