LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Damien X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 19e chambre, en date du 7 janvier 2015, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à dix huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 janvier 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Raybaud, conseiller rapporteur, M. Castel, Mme Caron, M. Moreau, Mme Drai, M. Stephan, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Le Baut ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller RAYBAUD, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, ensemble les articles 6, § § 1 et 3, d, de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré le prévenu coupable d'agressions sexuelles et l'a condamné à un emprisonnement délictuel de dix-huit mois intégralement assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve durant trois ans ;
" aux motifs que, sur l'action publique, comme il est habituel en cette matière, les agissements reprochés à M. X... ont été perpétrés dans le huis-clos de l'intimité familiale, et n'ont donc eu aucun témoin ; que le rôle du juge en pareille matière est en conséquence de vérifier la crédibilité des dires de l'enfant, et des moyens de défense présentés par le mis en cause ; qu'en l'espèce, la jeune A... était au moment des faits une enfant exempte de tout trouble ou anomalie psychique ; qu'elle accuse donc son parrain, avec lequel elle entretenait d'excellents rapports ce que chacun s'accorde à affirmer, d'attouchements sur sa personne commis lors de deux séjours chez lui, en 2009 et 2010 ; qu'il s'agissait à l'époque d'une fillette peu mature sur le plan sexuel puisqu'elle n'avait pas encore après la révélation des faits, intégré la notion de pénétration ; que, toutefois, la sexualité et les notions de ce qui est permis et ce qui n'est l'est pas, avaient été visiblement intégrés, comme le démontrent son audition aux services de police (au cours de laquelle elle désigne le pubis comme l'endroit où elle trouve gênant qu'on la caresse), le témoignage de l'animatrice périscolaire, et l'expertise psychologique de l'enfant ; que, dans la mesure où la fillette présente un bon niveau intellectuel, elle ne peut avoir confondu les gestes reconnus par son parrain (le fait d'avoir rapproché son visage, vers l'entrecuisse de l'enfant pour détecter des odeurs d'urine), avec ceux dont elle l'accuse ; que, rien dans la psychologie de cette fillette ne permet de penser qu'elle pourrait affabuler, la meilleure preuve en est que lorsque les faits ont été révélés, à aucun moment ses parents, malgré les liens d'amitié pérennes qui les liaient à M. X..., n'ont mis en doute la parole de leur enfant, ce qui démontre bien que cette dernière n'avait pas coutume de mentir à la maison ou de travestir la réalité ; que, rien ne permet non plus de considérer que la fillette aurait pu vouloir se venger de M. X..., avant événement les ayant opposés n'étant rapporté par les uns ou les autres ; que le contexte de la révélation des faits exclut par ailleurs totalement une manipulation parentale (dont on voit mal quel en serait le but), le père ayant au contraire expliqué l'enfant avait tenté de se confier à lui après un week-end où elle avait rencontré son parrain, et qu'il n'avait pas compris ce qu'elle tentait de lui faire comprendre ; que le prévenu explique les accusations de l'enfant par la souffrance liée à la séparation parentale ; que, mais outre le fait qu'au moment de la révélation des faits, la séparation du couple parental datait de dix-huit mois, on voit mal pourquoi, à la supposer établie (ce que la psychologue n'affirme pas), cette souffrance aurait conduit la jeune A... à dénoncer faussement un homme qui la prenait en charge pendant les vacances et la choyait de diverses manières, se comportant vraiment comme un parrain, place qu'il revendiquait lui-même, et que l'enfant considérait comme un « second père », comme le précise l'expert psychologue ; que M. X... relève des contradictions dans les déclarations de la fillette aux services de police et devant la psychologue ; qu'ainsi sur :- le présence de l'enfant dans le lit du prévenu : une fois, c'est elle qui vient de sa propre initiative dans le lit parce qu'elle ne peut pas dormir, la fois suivant, c'est lui qui lui demande de venir ;- le fait qu'il était dénudé : à la police, elle ne l'a jamais vu tout nu ; devant la psychologue, il a collé son sexe sur le sien ; qu'elle indique aussi à la psychologue qu'il lui a fait écarter les jambes ce qu'elle n'a jamais précisé dans son audition initiale ; que certes, il est regrettable que le magistrat instructeur n'ait pu entendre lui-même l'enfant pour éclaircir ses propos, et que devant la cour, A... présente dans la salle, n'ait pas voulu s'approcher de la barre pour lever les doutes que pourraient engendrer des propos tenus par la partie adverse comme contradictoires ; que, toutefois, il convient de relever que dès la première audition, A... a bien déclaré que M. X... s'était mal comporté avec elle « à chaque fois qu'elle allait chez lui », pendant les vacances ; que, devant la psychologue, elle a réitéré ses affirmations à ce sujet ; que les faits ne se sont donc pas passés selon elle, une fois, mais à plusieurs reprises au cours de différentes vacances ; qu'il est donc plus que probable que les agissements divers que l'enfant prête à M. X..., correspondent à des scénarios qui ont varié avec le temps ; qu'enfin, il est important de souligner la modification du comportement d'A... après la révélation des faits, comme l'a exposé l'animatrice scolaire ; que l'enfant, qu'elle connaissait depuis la rentrée 2009, était très discrète et réservée ; que, mais aussitôt après la révélation des faits, elle l'avait trouvée comme « libérée », étant beaucoup plus souriante, joyeuse et discutant avec ses camarades et les animateurs ; que l'enfant lui avait même confié avoir été soulagée d'avoir parlé ; qu'en définitive, aucun élément sérieux ne permet de mettre en doute la parole d'une fillette vive et intelligente, alors qu'au moment où elle date les faits, il est reconnu par M. X... lui-même qu'il était dans une période de désert affectif et sexuel depuis plus de trois ans ; qu'au vu de ces éléments, la cour estime que c'est à juste titre que M. X... a été retenu dans les liens de la prévention ; qu'en ce qui concerne la peine à lui infliger, il convient de relever que M. X... a été retenu dans les liens de la prévention ; qu'en ce qui concerne la peine à lui infliger, il convient de relever que M. X... n'a jamais été condamné ; qu'il est inséré socialement et professionnellement ; qu'il présente à l'égard des faits une grande froideur, la dénonciation par la jeune A... de faits dont il affirme la fausseté, et la rupture de relations amicales anciennes et fortes n'ayant eu sur lui aucun retentissement psychologique (à l'inverse d'un accident mortel dont a été victime l'un de ses amis) ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation de la gravité des faits et de la personnalité de leur auteur, en lui infligeant une peine de dix-huit mois d'emprisonnement assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve à trois années, cette durée apparaissant indispensable pour permettre à M. X... d'entamer un travail psychologique de fond ; que les obligations prononcées par les premiers juges ne seront pas en revanche modifiées ; que, sur l'action civile, c'est à bon droit que M. Ludovic F..., et Mme Aurélia G... ont été reçus en leur constitution de parties civiles, tant en leur qualité de représentants légaux d'A..., qu'en leurs noms personnels, M. X... étant retenu dans les liens de la prévention ; que les premiers juges, pour allouer aux parents, en leur qualité de représentants légaux, la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts, ont considéré à juste titre, se fondant sur le rapport d'expertise, que l'enfant devait faire l'objet d'un suivi psychologique, vu le très jeune âge auquel elle a subi les faits ; qu'il convient de confirmer cette décision ; que la décision sera également confirmée sur les dommages-intérêts accordés aux parents à titre personnel, ces derniers ayant été victimes, au travers des agissements perpétrés sur leur fille, d'une véritable trahison de la part d'un proche de la famille ;
" 1°) alors qu'une condamnation ne peut reposer de façon exclusive ou déterminante sur un témoignage qui n'a pas été soumis à l'épreuve du contre-interrogatoire dès lors qu'aucune mesure compensatoire suffisante n'a été offerte à l'accusé aux fins de contrebalancer les obstacles à l'exercice de ses droits de la défense liés à l'admission d'une telle déposition ; que la cour d'appel ne pouvait fonder sa décision de culpabilité sur les seuls dires de la plaignante recueillis au cours de l'enquête préliminaire, sans qu'aucune confrontation n'ait été organisée à aucun stade de la procédure, cette circonstance n'ayant pas été compensée par des garanties procédurales solides aux fins d'assurer l'exercice adéquat et effectif des droits de la défense ;
" 2°) alors qu'à tout le moins, faute d'avoir recherché s'il n'existait pas, en l'espèce, des éléments compensant suffisamment les inconvénients liés à l'admission du témoignage d'un mineur non soumis à l'épreuve du contre-interrogatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale en interdisant à la Cour de cassation de vérifier la compatibilité de la décision de condamnation prononcée avec les garanties attachées au procès équitable " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la fin de l'année 2010, les services de l'Education nationale ont signalé au procureur de la République que la jeune A..., à l'époque âgée de neuf ans, se plaignait d'attouchements sexuels commis par son parrain, M. X... ; qu'entendue par les enquêteurs, elle a fourni des détails, déclarant avoir subi des attouchements sexuels à plusieurs reprises alors qu'elle se trouvait au domicile de l'intéressé, notamment au cours de l'été 2009 et de l'été 2010 ; qu'une information a été ouverte à l'issue de laquelle M. X..., qui conteste les faits, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'agressions sexuelles aggravées ; que, par jugement du 17 février 2014, le tribunal correctionnel qui a retenu sa culpabilité ; que, saisie par les appels du prévenu et du ministère public, la cour d'appel a confirmé la déclaration de culpabilité, confirmé les dispositions civiles et modifié la peine par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, même si A..., qui assistait à l'audience, n'a pas voulu s'avancer à la barre pour déposer, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que la déclaration de culpabilité repose non seulement sur les déclarations circonstanciées de l'enfant lors de l'enquête mais aussi sur d'autres éléments de preuve que constituent, notamment, les conclusions de l'examen psychologique ordonné par le juge d'instruction, le bon niveau intellectuel de l'enfant qui lui permettait de faire la différence entre des attouchements sexuels et des gestes anodins, la modification de son comportement après la révélation des faits, les déclarations de ses parents ainsi que les explications du prévenu estimées non convaincantes par les juges ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, en ce que le prévenu invoque pour la première fois l'absence de confrontation avec la victime alors qu'il n'a pas sollicité cette mesure au cours de la procédure, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra à la société civile professionnelle Delaporte, avocat aux conseils, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale et de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 modifiée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.