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16/03/2016 | FRANCE | N°15-14365

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 mars 2016, 15-14365


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 3 du code civil, ensemble l'article 5 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en oeuvre la règle de conflit de loi et de rechercher le droit désigné par cette règle ;
Attendu que M. X..., de nationalité française, et Mme Y..., de nationalité marocaine, se sont mariés le 23 août 2008 ; que M. X... a formé une demande en nullité du ma

riage pour absence de consentement ;
Attendu que, saisie sur le fondement...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 3 du code civil, ensemble l'article 5 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en oeuvre la règle de conflit de loi et de rechercher le droit désigné par cette règle ;
Attendu que M. X..., de nationalité française, et Mme Y..., de nationalité marocaine, se sont mariés le 23 août 2008 ; que M. X... a formé une demande en nullité du mariage pour absence de consentement ;
Attendu que, saisie sur le fondement de la loi française, la cour d'appel a rejeté cette demande ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les conditions de fond du mariage entre deux personnes, l'une de nationalité française, l'autre de nationalité marocaine, sont régies, selon l'article 5 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 applicable en l'espèce, par la loi nationale de chacun des époux de sorte que la loi marocaine avait vocation à régir le consentement de Mme Y..., la cour d'appel, à laquelle il incombait d'appliquer cette loi, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement déféré, débouté M. X... de sa demande de nullité de mariage ;
Aux motifs propres qu'aux termes de l'article 146 du code civil, il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a pas de consentement ; qu'il appartient à M. X..., qui conteste pour ce motif la validité de son mariage avec Mme Y... et soutient que celle-ci lui a joué la comédie dans le but exclusif d'acquérir la nationalité française, d'obtenir de l'argent et d'émigrer au Canada, de rapporter la preuve de son absence d'intention matrimoniale au moment du mariage ; qu'à l'appui de ses allégations, il invoque dans ses conclusions deux attestations qu'il considère comme des aveux :- une attestation du 4 mai 2011 de M. Z... qui indique que, lors d'une soirée-concert, Mme Y... lui a confié qu'elle s'était mariée « pour avoir la nationalité française et avoir le maximum d'argent pour réaliser ses projets personnels, (parmi lesquels) celui de partir au Canada » et lui a également dit n'avoir « jamais eu de sentiments pour son mari, qu'elle n'a jamais pu aimer car trop différent d'elle » ;- et une attestation du 1er décembre 2010 de M. A..., qui déclare avoir entendu le 25 novembre 2010 Mme Y... dire à son père « ce n'est pas pour lui mais pour mes papiers, en août je n'aurai plus de carte de séjour, toutes ces années perdues pour rien car Loïc demande le divorce. Si je n'étais pas mariée, j'aurais ma nationalité par décret. Je m'en fous de lui, c'est ma situation professionnelle. Si j'avais eu des papiers définitifs avant, je ne me serais sûrement jamais mariée avec lui ; Je ne suis pas venue ici pour rester à côté de lui » ; qu'il produit également, mais sans s'y référer deux autres attestations de M. A... rédigées à la même date, dans lesquelles celui-ci écrit avoir constaté les 15 et 16 novembre 2010 que Mme Y... discutait avec d'autres hommes sur internet ;- une attestation de M. B... du 22 janvier 2011, disant avoir entendu à plusieurs reprises Mme Y... exprimer « le regret de s'être mariée » avec M. X... qui ne lui apportait rien matériellement ;- une attestation de Mme C..., selon laquelle Mme Y... est venue dîner dans son restaurant le 2 novembre 2010 avec un autre homme, avec lequel elle avait « une certaine complicité »- une attestation de M. D..., qui affirme avoir traduit « en présence de M. Christian E..., qui a authentifié la voix de Mme Najoua X... », l'enregistrement d'une conversation en arabe du 3 décembre 2010 entre celle-ci et sa mère, dans laquelle elle disait « je m'en fiche du divorce. Ce n'est pas le problème. Je n'ai pas l'intention de repartir sans rien. Je ne me suis pas mariée pour si peu » ;- une demande de renseignements par mail de Mme Y... du 20 août 2010 dans laquelle après avoir précisé que « depuis qu'on s'est marié, j'ai découvert une autre personne et je vis un enfer depuis deux ans presque », elle expose qu'elle aimerait bien rompre mais que cela lui pose un problème pour avoir sa carte de séjour, car la vie commune a duré moins de trois ans ;- un certificat de sélection du Québec délivré à Mme Y... le 29 septembre 2010 à échéance du 29 septembre 2013 lui permettant de déposer une demande de visa de résidant permanent ;- des échanges de mails sur un site de rencontres au mois d'août 2009 ; que ni le fait que Mme Y... ait fréquenté d'autres hommes, à le supposer établi, ni le fait qu'elle ait effectué des démarches en janvier 2010 pour immigrer au Québec, ni le fait qu'elle ait exprimé son regret de s'être marié et son souhait de divorcer compte tenu de l'attitude de son mari, ne sont de nature à établir son absence d'intention matrimoniale au moment du mariage en août 2008 ; que ses aveux-contestés-sur ses intentions étrangères à l'institution matrimoniale ne reposent quant à eux que sur les affirmations de M. Z... et A... ; que celles-ci sont en contradiction avec les attestations produites par Mme Y..., qui indiquent au contraire qu'elle était très amoureuse de M. X... malgré la différence d'âge et qu'elle désirait avoir un enfant avec lui ; qu'il n'est par ailleurs pas contesté que M. X... et Mme Y... se sont connus en 2002 et ont débuté une relation amoureuse en 2005, soit plus de trois années avant le mariage ; qu'après un premier projet de mariage non mené à terme et le retour de Mme Y... dans sa famille au Maroc, où elle a retrouvé un emploi, ils ont repris leur relation à l'initiative de M. X... et ont de nouveau décidé de se marier ; que le mariage a été célébré le 23 août 2008 à Rezé après d'importants préparatifs de la part des deux familles, en présence des familles et des amis du couple ; que leur cohabitation a été effective et la communauté de vie s'est poursuivie jusqu'au mois de septembre 2010 au cours duquel M. X... a engagé une procédure de divorce ; qu'en l'état de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la preuve de l'absence d'intention matrimoniale de Mme Y... au moment de la célébration du mariage n'était pas rapportée ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que la simulation du mariage consiste dans la volonté non d'entrer dans l'institution du mariage mais de rechercher de façon exclusive un effet secondaire de celui-ci ; qu'il résulte des éléments de l'espèce que M. X... et Mme Y...se connaissent depuis l'année 2002 ; que leur relation amoureuse a débuté en 2005 soit plus de trois années avant le mariage ; que le mariage a été célébré après d'importants préparatifs de la part des deux familles, en présence des familles et des amis du couple ; que leur cohabitation a été effective et que la communauté de vie s'est poursuivie après la célébration et ce, jusqu'au mois de décembre 2010 au cours duquel M. X... a engagé une procédure de divorce ; que si des difficultés ont opposé les époux dans le cadre de leur union, seule Mme Y... établit avoir mis en oeuvre des démarches de réconciliation, puisqu'elle s'est adressée à un psychiatre pour tenter de rapprocher le couple dans le cadre d'une thérapie, et que celle-ci n'a pu se poursuivre en raison du seul comportement de l'époux, qui s'est dérobé au premier rendez-vous ; que les seuls témoignages produits par l'époux, pour réguliers en la forme qu'ils soient, n'apparaissent pas déterminants en l'espèce et au regard des éléments précités qui établissent l'élaboration d'un projet matrimonial par les époux, la mise en place d'une communauté de vie et la volonté non équivoque de l'épouse de fonder un foyer ; que ces témoignages sont sérieusement contredits par les propres attestations régulières en la forme produites par Mme Y... « ce dîner m'a permis de constater encore une fois l'harmonie du couple formé par M. X... et Mme Y...à la manière avec laquelle M. X... évoquait Mme Y...... j'ai été témoin du chagrin de Mme Y... quand celle-ci s'est éloignée de M. X... pour partir travailler au Maroc » ; qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, et à défaut pour le requérant de rapporter la preuve de l'absence d'intention matrimoniale au moment de la célébration du mariage, M. X... ne peut qu'être débouté de ses demandes ;
ALORS QU'en vertu de l'article 3 du code civil, il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en oeuvre, même d'office, la règle de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle ; que le consentement au mariage d'un époux est régi par sa la loi personnelle ; que l'arrêt ayant constaté que Mme Y... n'avait pas la nationalité française, il appartenait à la cour d'appel de rechercher quelle était la loi personnelle de Mme Y... applicable à l'appréciation de son consentement au mariage, ainsi que sa teneur ; qu'en statuant au seul visa de l'article 146 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 3 de ce même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-14365
Date de la décision : 16/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention franco-marocaine du 10 août 1981 - Conflit de lois - Article 5 - Loi applicable aux conditions de fond du mariage - Office du juge - Etendue

CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Mariage - Conditions de fond - Loi applicable - Détermination - Office du juge - Etendue MARIAGE - Validité - Conditions - Conditions de fond - Consentement - Appréciation - Conflit de lois - Loi applicable - Détermination - Office du juge - Etendue CONFLIT DE LOIS - Applications de la loi étrangère - Mise en oeuvre par le juge français - Application d'office - Cas - Droits indisponibles - Portée LOIS ET REGLEMENTS - Loi - Loi étrangère - Mise en oeuvre par le juge français - Application d'office - Cas - Droits indisponibles - Portée

Il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en oeuvre la règle de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle. Dès lors, viole l'article 3 du code civil, ensemble l'article 5 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981, une cour d'appel qui applique la loi française à une demande en nullité de mariage pour absence de consentement, alors que les conditions de fond du mariage entre deux personnes, l'une de nationalité française, l'autre de nationalité marocaine, sont régies par la loi nationale de chacun des époux, de sorte que la loi marocaine avait vocation à régir le consentement de l'épouse marocaine


Références :

article 3 du code civil

article 5 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 07 juillet 2014

Dans le même sens que :1re Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 09-71992, Bull. 2011, I, n° 100 (cassation), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 mar. 2016, pourvoi n°15-14365, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Hascher
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.14365
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