LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 février 2014), que la société Ethix, désormais dénommée Xithe, dont le dirigeant est M. X..., a vendu son cabinet d'expertise comptable à la société ECA au prix de 300 000 euros ; que prétendant que, ce prix étant dérisoire, M. X... avait commis une faute, M. Y..., associé minoritaire de la société Xithe, a assigné celle-ci et M. X... en réparation du préjudice subi par cette société ;
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner, en qualité de dirigeant de la société Xithe, à payer à celle-ci des dommages-intérêts alors, selon le moyen, que la responsabilité des dirigeants et administrateurs ne peut être engagée vis-à-vis de la société que si la faute de gestion qui leur est reprochée est à l'origine du préjudice invoqué ; que la cour d'appel a constaté que l'assemblée générale des actionnaires de la société Ethix avait, par une délibération du 30 mars 2007, approuvé et autorisé la vente du fonds de commerce de la société au prix de 300 000 euros au profit de la société ECA et avait donné tous pouvoirs, notamment, à M. X... pour négocier et signer un acte de cession ; qu'en jugeant que les fautes imputées à celui-ci étaient à l'origine de la perte de chance d'obtenir un meilleur prix pour le fonds, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que la vente avait été acceptée, en toute connaissance de cause, par l'assemblée générale des actionnaires de la société Ethix, de sorte que la perte de chance de céder à un prix supérieur ne pouvait être considérée comme imputable à M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce ;
Mais attendu que l'article L. 225-253, alinéa deux, du code de commerce, prévoit qu'aucune décision de l'assemblée générale ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les administrateurs ou contre le directeur général pour faute commise dans l'accomplissement de son mandat ; que l'arrêt relève que M. X..., qui a préparé le projet de cession du fonds soumis à l'assemblée générale, a agi avec une légèreté blâmable envers la société Xithe en acceptant un prix très inférieur à sa valeur, sans justifier de la recherche d'un acquéreur à un meilleur prix, ni de la méthode de détermination de ce prix ; que la responsabilité de M. X... était donc engagée ; que par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses trois premières branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné monsieur X... ès qualités de dirigeant de la société XITHE à payer à celle-ci une somme de 200. 000 euros à titre de dommages intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'action en responsabilité intentée par M. Y... à l'encontre de M. X... es qualités de dirigeant et administrateur de la société XITHE, alors ETHIX, lui reprochant essentiellement d'avoir négocié le projet de vente du fonds libéral d'expertise-comptable puis après l'avoir fait voter en assemblée générale extraordinaire, de l'avoir signé à un trop faible prix au mépris de l'intérêt de la société est l'action sociale ut singuli visée par l'article L. 225-52 du code de commerce ; que le projet de résolution soumis à l'assemblée générale des actionnaires du 30 mars 2007 prévoit que « l'assemblée générale approuve et autorise la vente par la société de son fonds libéral d'activité d'expertise comptable aux conditions et selon les modalités connues dans le projet de cession visé notamment au prix de 300 000 ¿ payable en quatre échéances successives de 75 000 ¿ chacune le 1er avril des années 2008 à 2011 au profit de la société ECA, économie et comptabilité associés. A cette fin, l'assemblée générale donne tous pouvoirs à M. Claude X... et M. Alain Z... ensemble ou séparément à l'effet de négocier et souscrire tout acte de cession portant sur le fonds et recevoir le prix correspondant » ; que les parties s'accordent pour dire que la cession du fonds d'exercice libéral ne relève de la compétence exclusive de l'assemblée générale des actionnaires que si elle entraîne la disparition de la société, ce que soutient aujourd'hui M. X... pour dire que l'acte de cession est une décision qui relève de la compétence exclusive de l'assemblée générale des actionnaires ; que, sur ce point, l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 30 mars 2007 a, au contraire, décidé que le nom ETHIX étant cédé en même temps que le fonds, la société se poursuivrait sous le nom de ETHIX expertise, la cession entraînant un changement de nom de la société qui, s'agissant d'une modification des statuts, devait être seul approuvé par l'assemblée des actionnaires ; qu'en revanche, la cession n'entraînait la disparition de l'objet social qu'à la condition que, la clientèle existante ayant été entièrement cédée, la société ne puisse poursuivre de nouvelles activités, ce qui n'est démontré que faute d'affectio societatis et non du fait de la cession elle-même, ainsi que M. X... l'a lui-même admis au cours de l'assemblée générale du 16 juin 2007 qui, elle, a délibéré sur la disparition de l'objet social ; qu'il a exposé en effet que « l'objet social est consommé sauf création d'une nouvelle activité supposant l'accord unanime des actionnaires, ce qui n'est pas le cas ; la dissolution apparaît donc comme la meilleure solution » ajoutant « à quel titre M. Y... peut-il obliger les actionnaires possédant le diplôme d'expertise comptable à poursuivre une activité s'ils ne le souhaitent pas alors que des dissensions graves se sont faites jour entre différents actionnaires ? » ; qu'aucune disposition de l'acte de cession ne contient en outre de clause interdisant à la nouvelle société ETHIX expertise de poursuivre une autre activité d'expertise comptable, à la condition de répondre aux conditions imposées par les dispositions légales et réglementaires, étant observé que d'autres actionnaires avaient la qualité d'expert-comptable ; qu'il s'ensuit que l'assemblée générale des actionnaires n'était pas exclusivement compétente pour statuer sur la cession du fonds, le directeur général de la société étant investi des pouvoirs les plus larges pour agir au nom de la société sous le contrôle du conseil d'administration qui détermine les orientations de la société ; qu'il n'est pas contesté que M. X... en sa qualité de directeur général de la société a préparé le projet de cession tel qu'il a été soumis au vote des actionnaires, qu'il a ensuite et conformément au vote de l'assemblée générale extraordinaire à laquelle il a participé, négocié et signé l'acte de cession qui ne diffère du projet que par la stipulation d'intérêts et la ventilation du prix entre éléments incorporels et corporels, ces actes relevant d'actes de gestion qu'il était habilité à effectuer et sa responsabilité étant d'ailleurs recherchée tant au titre des actes de gestion qu'il a personnellement effectués qu'en sa qualité d'administrateur ; que le rapport d'expertise de M. A... rappelle que dans la conformité des usages en matière de présentation de clientèle d'expertise comptable, le prix de cession est déterminé par un coefficient compris en 50 % et 80 % du chiffre d'affaires moyen hors taxe des derniers exercices corrigé éventuellement par l'excédent brut d'exploitation ; qu'il conclut que, eu égard à l'activité de niche exploitée par la société, s'adressant essentiellement à des comités d'entreprises, du niveau moyen de rentabilité et par prudence de l'analyse, un coefficient de 50 % peut être retenu pour déterminer la valeur du droit de présentation de la clientèle courant 2007, estimé ainsi à 1070 K ¿ ; que les chiffres de 2006 n'étant pas connus à la date de la signature de l'acte, seuls les chiffres d'affaires de 2004 et 2005 y figurent qui font apparaître des montants respectifs de 2 289 418 ¿ et 1 986 525 ¿ ; que l'expert souligne que la rentabilité de la société s'établi en moyenne à 6 %, soit 16 % en tenant compte du retraitement de la rémunération du dirigeant, M. X... qui en est le principal actionnaire ; que M. X... fait observer, note de M. Z... à l'appui, que la cession a été envisagée dans la perspective de son départ programmé à la retraite en 2010, que le secteur d'activité de la société à destination des comités d'entreprise requiert un fort intuitu personae et qu'il n'a pas trouvé d'autre repreneur ayant les qualités requises et acceptant de prendre le risque financier, aucun actionnaire y compris M. Y... n'ayant souhaité reprendre l'affaire, que seule une négociation difficile a permis de fixer le prix ; que, toutefois, M. X... ne fait la démonstration d'aucune mise en concurrence dont il est admis qu'elle n'est cependant pas usuelle, d'aucun contact ou rendez-vous pris avec quelque personne ou société que ce soit, autre qu'informel, d'aucune urgence et ne justifie pas davantage de la méthode d'évaluation qui a pu être négociée avec la société qui a acquis la clientèle, pour permettre de déterminer le prix qui apparaît manifestement au vu des chiffres d'affaires et de la rentabilité certaine de la société comme particulièrement minoré, l'invocation de recherche d'optimisation fiscale (le prix de 300 000 ¿ étant exonéré d'imposition) ne suffisant pas à le justifier a posteriori ; que l'allégation suivant laquelle la société travaillait sur une niche d'activité où l'intuitu personae est important est au surplus démenti par l'importance du chiffre d'affaires réalisé immédiatement après la cession, par la société cessionnaire qui venait de se créer, démentant la probabilité du risque financier pris par le repreneur ; que la légèreté blâmable au regard de l'intérêt de la société avec laquelle M. X... a agi en ne justifiant d'aucune recherche sérieuse d'un candidat plus offrant, ni d'aucune méthode de détermination du prix occasionne à la société XITHE un préjudice ; celui-ci ne consiste cependant pas dans la différence entre l'évaluation d'un « juste prix » à dire d'expert et le prix pratiqué mais simplement dans la perte de chance pour la société d'avoir pu obtenir un prix de présentation de la clientèle plus élevé et conforme à l'intérêt même de la société ; que ce préjudice peut être indemnisé par l'octroi à la société d'une somme de 200 000 ¿ à titre de dommages intérêts ; que les intérêts au taux légal ne courront qu'à compter de la présente décision, s'agissant de dommages intérêts, avec capitalisation éventuelle dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
1°) ALORS QUE la décision de céder un fonds de commerce relève de la compétence de l'assemblée générale des actionnaires lorsqu'elle rend nécessaire une modification des statuts ; que monsieur X... soutenait que la vente du fonds de commerce de la société ETHIX impliquait une modification de l'objet social, et par conséquent, des statuts, dès lors qu'elle entraînait l'extinction de son objet social (conclusions d'appel signifiées le 30 août 2013, p. 8 § 1 et p. 11 dernier §) ; qu'en se fondant, pour juger que la décision de vendre ne relevait pas de la compétence exclusive de l'assemblée générale des actionnaires de la société ETHIX, sur le fait que la cession n'entraînait pas, en elle-même, la disparition de l'objet social, celle-ci résultant du défaut d'affectio societatis, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'activité de la société aurait pu se poursuivre après la cession du fonds de commerce et du nom en l'absence de délibération adoptant un nouveau nom, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 225-96 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE monsieur X... faisait valoir que la cession de fonds de commerce relevait de la compétence de l'assemblée générale lorsqu'elle impliquait une modification des statuts (conclusions d'appel, p. 8 § 3) et que la cession du fonds de commerce de la société ETHIX aboutissait à l'extinction de l'objet social de la société de sorte que la décision de vente relevait de la compétence exclusive de l'assemblée générale (conclusions précitées, p. 9 § 2) ; qu'en se fondant, pour juger que la décision de céder le fonds de commerce ne relevait pas de la compétence exclusive de l'assemblée générale des actionnaires, sur le fait que les parties s'accordent pour dire que la cession du fonds d'exercice libéral ne relève de la compétence exclusive de l'assemblée générale des actionnaires que si elle entraîne la disparition de la société, cependant que monsieur X... faisait valoir que l'assemblée générale était compétente dès lors que l'objet social était éteint, sans qu'il soit nécessaire que la société disparaisse, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de monsieur X... et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE monsieur X... soutenait, pour démontrer que la négociation d'un prix de 300. 000 euros n'était pas fautive, que l'activité de la société à destination des comités d'entreprise requérait un fort intuitu personae et qu'il n'avait pas trouvé d'autre repreneur ayant les qualités requises et acceptant de prendre le risque financier, aucun actionnaire y compris monsieur Y... n'ayant souhaité reprendre l'affaire, et que seule une négociation difficile aurait permis de fixer le prix (conclusions d'appel de monsieur X..., p. 14 et 16-17) ; que, pour juger que le risque financier pris par le repreneur n'était pas de nature à justifier le prix de cession, la cour d'appel a retenu que l'allégation suivant laquelle la société travaillait sur une niche d'activité où l'intuitu personae est important est démentie par l'importance du chiffre d'affaires réalisé immédiatement après la cession, par la société cessionnaire qui venait de se créer, démentant la probabilité du risque financier pris par le repreneur ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'existence d'un risque financier ne pouvait être écartée au seul motif qu'il ne s'était pas réalisé après la signature de l'acte de cession, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce ;
4°) ALORS QUE, en tout état de cause, la responsabilité des dirigeants et administrateurs ne peut être engagée vis-à-vis de la société que si la faute de gestion qui leur est reprochée est à l'origine du préjudice invoqué ; que la cour d'appel a constaté que l'assemblée générale des actionnaires de la société ETHIX avait, par une délibération du 30 mars 2007, approuvé et autorisé la vente du fonds de commerce de la société au prix de 300. 000 euros au profit de la société ECA et avait donné tous pouvoirs, notamment, à monsieur X... pour négocier et signer un acte de cession (arrêt, p. 4 § 3 et p. 5 § 2) ; qu'en jugeant que les fautes imputées à monsieur X... étaient à l'origine de la perte de chance d'obtenir un meilleur prix pour le fonds de commerce, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que la vente du fonds de commerce avait été acceptée, en toute connaissance de cause, par l'assemblée générale des actionnaires de la société ETHIX, de sorte que la perte de chance de céder à un prix supérieur ne pouvait être considérée comme imputable à monsieur X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce.