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03/03/2016 | FRANCE | N°15-13446

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 mars 2016, 15-13446


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 décembre 2014), et les productions, que le 15 décembre 2005, M. X..., employé comme marin par la société Condor marine, a été gravement blessé par la passerelle manoeuvrée par un préposé de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Saint-Malo ; que M. X... a assigné celle-ci et son assureur la société Axa France IARD en indemnisation de ses préjudices en présence de la caisse prima

ire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine ;

Attendu que M. X... fait grief à ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 décembre 2014), et les productions, que le 15 décembre 2005, M. X..., employé comme marin par la société Condor marine, a été gravement blessé par la passerelle manoeuvrée par un préposé de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Saint-Malo ; que M. X... a assigné celle-ci et son assureur la société Axa France IARD en indemnisation de ses préjudices en présence de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de limiter la réparation de son préjudice corporel à la somme de 682 838,75 euros et de condamner in solidum la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Saint-Malo et la société Axa France IARD à lui payer la seule somme de 640 275,07 euros avec intérêts légaux dus sur la somme de 420 985,15 euros à compter du 15 juin 2013 ;

Mais attendu que sous le couvert du grief non fondé de violation de l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de l'existence et de l'étendue du préjudice par la cour d'appel qui a retenu par motifs propres et adoptés que la perte de gains professionnels futurs de M. X... devait être évaluée sur la base des revenus dont il justifiait avant l'accident faute de preuve d'une promotion certaine et qui a tenu compte pour l'appréciation de l'incidence professionnelle à la fois de l'abandon de son métier, de la perte de chance de monter en grade et d'augmentation de salaire et de sa perte de retraite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité la réparation du préjudice corporel de M. X... à la somme de 682.838,75 euros et d'avoir condamné in solidum la CCIT de Saint-Malo et la SA AXA FRANCE à lui payer la seule somme de 640.275,07 euros, avec intérêts au taux légal dus sur la somme de 420.985,16 euros à compter du 5 juin 2013 ;

Aux motifs propres que « Les conclusions de l'expert judiciaire reposent sur un examen complet de M. X..., né le 17 mai 1955, et constituent une juste appréciation du dommage physique subi par ce dernier lors de l'accident, d'autant plus qu'elles ne sont pas contestées par les parties. Elles seront donc retenues pour procéder à l'évaluation du préjudice de M. X....

1) Les préjudices patrimoniaux

A) Les préjudices patrimoniaux temporaires

- Les dépenses de santé actuelles :
La Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine justifie des débours à hauteur de de 30.642,17 euros. Quant à M. X..., il justifie de dépenses occasionnelles pour son appareillage, non pris en charge par la caisse primaire, à hauteur de 23.730 euros. Il convient de retenir ces sommes.

- La perte de gains professionnels actuels
Au vu des pièces produites, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. X... la somme de 11.173,53 euros.

- Les frais divers
Après une analyse minutieuse des pièces versées, le premier juge a exactement retenu à la somme de 730,14 euros le montant des frais exposés par la victime en lien direct avec les conséquences de l'accident du 16 décembre 2005.

B) Les préjudices patrimoniaux permanents

- Les dépenses de santé futures
La caisse primaire justifie de soins médicaux et de pharmacie capitalisés pour un montant de 11.921,51 euros et ne fait aucunement état de frais de prothèses à venir. M. X... indique qu'il lui sera nécessaire de changer de prothèses et qu'il a besoin d'un fauteuil roulant pour participer à des activités sportives handisport. Il justifie de tels achats au moyen de factures ou devis, néanmoins aux dates anciennes comme le soulignent les intimés. Au vu de ces éléments, il sera retenu une somme de 3.000 euros pour les prothèses devant être changées tous les deux ans et une somme de 3.583 euros (facture du 17 octobre 2011) pour le fauteuil roulant à changer tous les cinq ans. Il convient de rappeler que l'expert judiciaire dans son rapport avait souligné que de tels frais devaient être pris en compte. Eu égard à l'âge de M. X... lors de la consolidation, ce dernier a droit à un capital représentatif de 34.504,50 euros (3.000/2 x 23.003) pour les prothèses et un capital représentatif de 16.483,95 euros (3.583/5 x 23.003), soit une somme de 50.988,45 euros au titre des dépenses de santé futures.

- La perte de gains professionnels futurs
M. X... n'apporte aucun élément nouveau permettant à la cour d'avoir une appréciation différente de celle admise par le premier juge qui a fait une parfaite analyse de la situation. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a alloué à ce titre une somme de 218.040 euros.

- L'incidence professionnelle
Comme l'a retenu le Tribunal de grande instance, le préjudice de M. X... est certain pour avoir dû abandonner un métier qu'il apprécie et avoir perdu une chance de monter en grade comme en ont attesté ses collègues de travail et ses supérieurs hiérarchiques. Ainsi l'indemnité de 80.000 euros allouée en première instance répare justement le préjudice subi.

- Les frais d'aménagement du logement
La somme accordée par le premier juge, soit 4.332,99 euros, est justifiée par les pièces produites.

- Les frais de véhicule adapté
M. X... a désormais besoin d'un véhicule adapté. Comme l'a rappelé le premier juge, seuls les surcoûts sont indemnisables. Le premier juge a justement alloué une indemnité de 27.000 euros.

- La tierce personne
L'expert judiciaire a relevé que M. X... était autonome dans les actes essentiels de la vie courante. Le premier juge en a exactement déduit que la demande au titre de l'assistance par une tierce personne devait être rejetée.

2) Les préjudices extrapatrimoniaux

A) Les préjudices extrapatrimoniaux temporaires

- Le déficit fonctionnel temporaire
La période de déficit fonctionnel temporaire s'est étendue sur 610 jours. M. X... a donc droit à une indemnité de 14.030 euros en réparation de ce déficit fonctionnel temporaire. Le jugement sera réformé sur ce point.

- Les souffrances endurées
La gravité lésionnelle et l'amputation ainsi que la chirurgie orthopédique qui ont suivi, le suivi psychiatrique en ambulatoire seront plus justement réparés par une somme de 25.000 euros. Le jugement sera réformé sur ce point.

- Le préjudice esthétique temporaire
Il est indéniable compte tenu de l'amputation et de l'appareillage. Une somme de 3.000 euros réparera plus justement ce préjudice.

B) Les préjudices extrapatrimoniaux permanents

- Le déficit fonctionnel permanent
Le déficit fonctionnel a été chiffré au taux de 55 % par l'expert judiciaire, ce qui n'est pas contesté par les parties. M. X... est appareillé du membre inférieur droit sur emboîture fémorale mal adaptée ce qui entraîne des contraintes locomotrices et des conséquences douloureuses avec ressentiment psychologique conséquent. Il convient d'accorder à M. X... la somme qu'il réclame, soit 151.250 euros. Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

- Le préjudice esthétique permanent
Le préjudice esthétique permanent a été chiffré à 4,5 par rapport aux moignons d'amputation, à la prothèse de membre inférieur droit, à la totalité des cicatrices, à la démarche et à la déformation résiduelle du poignet gauche. Une somme de 15.000 euros réparera plus justement ce préjudice.

- Le préjudice d'agrément
Les photographies versées aux débats démontrent que M. X... pratiquait des activités sportives et de loisirs spécifiques, parfois dans des lieux peu communs. Il y a lieu d'allouer une somme de 15.000 euros en réparation de ce préjudice d'agrément. Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

- Le préjudice sexuel
A la suite de l'accident dont il a été victime, M. X... a présenté des troubles dans sa vie sexuelle tels qu'il a relatés à l'expert. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a alloué une somme de 4.000 euros en réparation de ce préjudice.

En conséquence, la réparation du préjudice corporel de M. X... est fixée à la somme de 682.838,75 euros.

Le recours de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine est justifié à hauteur de 42.563,68 euros. La chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo et la SA AXA FRANCE IARD seront condamnées in solidum à lui payer cette somme outre la somme de 1.028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L.454-1 du code de sécurité sociale.

Dès lors, la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo et la SA AXA FRANCE IARD seront condamnées in solidum à payer, en deniers ou quittance, à M. X... la différence, soit la somme de 640.275,07 euros, les intérêts au taux légal étant dus sur la somme de 420.985,16 euros à compter du 5 juin 2013. » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « Pertes de gains professionnels futurs :

Jean-Luc X... réclame le montant de son salaire annuel, qu'il estime à 27.885,84 euros, pendant 13 années, jusqu'à l'âge de 65 ans.

Il ne peut plus occuper un emploi de marin, car par décision du 6 octobre 2006 du directeur régional des affaires maritimes de Bretagne, il a été déclaré inapte à la navigation. La station debout prolongée est en effet pénible et Jean-Luc X... ne peut se déplacer aisément et ne peut s'accroupir.

L'expert précise dans son rapport que Jean-Luc X... doit envisager une reconversion professionnelle avec une activité adaptée à son handicap, soit plutôt une activité administrative.

Son curriculum vitae montre qu'il a occupé de nombreux emplois dans le milieu maritime et surtout des emplois à l'extérieur. Ses diplômes sont aussi en relation avec des activités maritimes.

Au jour de l'expertise, le 18 septembre 2007, il a déclaré à l'expert qu'il n'avait encore entrepris aucune démarche pour sa reconversion.

Il était alors âgé de 52 ans. Sa reconversion professionnelle dans un emploi de bureau apparaît, compte-tenu de sa formation et de son expérience professionnelle spécialisée, de son âge, de ses difficultés psychologiques et de la conjoncture économique, très difficile.

Il sera fait droit à sa demande sur la base d'un salaire annuel de 21.804,00 euros, comme il est calculé ci-dessus et d'une durée de travail jusqu'à l'âge de 62 ans, Jean-Luc X... ayant commencé à travailler tôt en 1975. Il lui sera donc alloué une indemnité de 218.040,00 euros (21.804 x 10).
Incidence professionnelle

Jean-Luc X... fait état de la perte de retraite et de la perte de promotions professionnelles. Il réclame la somme de 187.000 euros sans expliquer comment elle est calculée.

Il ressort d'une attestation du Commandant du Condor 10 du 10 août 2007 que Jean-Luc X... avait de fortes chances d'être promu comme bosco en 2006, le bosco du navire ayant quitté son poste en 2006. Le témoin ajoute que Jean-Luc X... aurait pu valider son brevet de Capitaine de navigation côtière.

Mais d'une part ces derniers éléments sont hypothétiques et seule la parte de chance de promotions ultérieures est établie. Et d'autre part Jean-Luc X... ne produit aucun élément permettant au tribunal d'apprécier quel aurait été son salaire s'il avait obtenu ces promotions.

Il ne produit pas davantage d'éléments relatifs au montant de la pension de retraite qu'il aurait perçu s'il avait continué à travailler comme marin, avec ou sans promotions.

Dans ces conditions, en retenant que son préjudice est certain pour avoir abandonné un métier qu'il appréciait et avoir perdu une chance de monter en grade et d'avoir une meilleure rémunération et en retenant que le montant de sa retraite sera nécessairement inférieure à celle qu'il aurait pu percevoir s'il avait continué à travailler jusqu'à l'âge de 62 ans au moins, il lui sera alloué une indemnité de 80.000,00 euros » ;

1/ Alors, d'une part, que l'indemnisation du préjudice subi par la victime au titre de la perte des gains professionnels futurs suppose de procéder à l'actualisation des salaires perdus en tenant compte de leur augmentation future ; qu'en l'espèce, en indemnisant ce préjudice sur la base d'un salaire qui n'aurait pas augmenté sur la période en cause de dix ans, quand la victime soulignait qu'elle aurait dû bénéficier de promotions et d'augmentations salariales, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ;

2/ Alors, d'autre part, que le préjudice constitué par l'incidence professionnelle du dommage pour la victime doit être réparé par une indemnité prenant en compte la perte de chance pour celle-ci de bénéficier d'une promotion ou d'un avancement et de l'augmentation de salaire corrélative ; qu'en se bornant à accorder à la victime une indemnité pour avoir perdu une chance de monter en grade, sans préciser dans quelle mesure celle-ci prenait en compte la perte de chance d'obtenir une augmentation de salaire, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ;

Alors, enfin, que l'indemnisation du préjudice constitué par l'incidence professionnelle doit prendre en compte la perte subie par la victime au titre de ses droits à la retraite ; qu'en l'espèce, la victime rappelait justement ne plus cotiser à la caisse d'assurance vieillesse auprès de laquelle elle était affiliée antérieurement à l'accident et qu'il en avait résulté une perte au titre de ses droits à la retraite ; qu'en se bornant à indemniser, au titre de l'incidence professionnelle, le préjudice subi par la victime pour avoir dû abandonner un métier qu'elle apprécie et avoir perdu une chance de monter en grade, sans tenir compte de sa perte au titre des droits à la retraite, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-13446
Date de la décision : 03/03/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 17 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 mar. 2016, pourvoi n°15-13446


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.13446
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