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01/03/2016 | FRANCE | N°14-22582

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 mars 2016, 14-22582


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 mai 2014), que pour financer une augmentation de capital de la société Groupe quiétude dont M. X... était dirigeant, ce dernier a, par un acte du 25 avril 2007, souscrit avec son épouse auprès de la caisse régionale de Crédit maritime mutuel du littoral du Sud-Ouest (la Caisse) un prêt d'un montant de 500 000 euros, remboursable en quinze ans, et garanti par une hypothèque inscrite sur leur maison d'habitation ; qu'en raison de leur défaillance dans le rembour

sement du prêt, la Caisse a prononcé la déchéance du terme et fait ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 mai 2014), que pour financer une augmentation de capital de la société Groupe quiétude dont M. X... était dirigeant, ce dernier a, par un acte du 25 avril 2007, souscrit avec son épouse auprès de la caisse régionale de Crédit maritime mutuel du littoral du Sud-Ouest (la Caisse) un prêt d'un montant de 500 000 euros, remboursable en quinze ans, et garanti par une hypothèque inscrite sur leur maison d'habitation ; qu'en raison de leur défaillance dans le remboursement du prêt, la Caisse a prononcé la déchéance du terme et fait procéder à la vente sur saisie immobilière de l'immeuble ; que M. et Mme X... l'ont assignée en responsabilité ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à engager la responsabilité de la Caisse « au titre de l'opportunité de l'opération » alors, selon le moyen, que conformément au devoir de mise en garde auquel il est tenu à l'égard d'un emprunteur profane, il incombe au banquier de l'alerter de manière systématique sur les risques découlant de l'endettement né de l'octroi du prêt et également du projet financé ; que pour débouter M. et Mme X... de leur action fondée sur les risques liée à la viabilité de l'opération financée, la cour d'appel a retenu que « seul un risque certain et probable déclenche le devoir de conseil et non un risque possible », et que « Mme X... s'est donc engagée sur une opération qui, à l'époque à laquelle elle a été envisagée, ne présentait qu'un risque possible ne justifiant pas une mise en garde particulière » ; qu'en déniant ainsi à Mme X... à laquelle elle avait expressément reconnu le caractère d'emprunteur non averti le droit à une quelconque mise en garde motif pris de l'absence d'un risque certain et probable, la cour d'appel a violé l'article 1147 ;
Mais attendu que l'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard de l'emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et non pas sur l'opportunité ou les risques de l'opération financée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à retenir la responsabilité de la Caisse au titre de la perte de chance de ne pas avoir souscrit le prêt alors, selon le moyen, que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui en est la suite ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que pour débouter Mme X..., emprunteur non averti, de son action fondée sur la perte de chance subie de ne pas avoir contracté le prêt, la cour d'appel s'est fondée sur l'absence de devoir de mise en garde spécifique de la Caisse à son égard ; que la cassation à intervenir du chef du dispositif rejetant la responsabilité de la Caisse faute d'avoir respecté son devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteuse non avertie, entraînera pas voie de conséquence celle du chef de dispositif la déboutant de son action au titre de la perte de chance subie en application de l'article 625 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le rejet du deuxième moyen rend sans portée le troisième ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Premier moyen de cassation
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté les époux X... de leurs demandes tendant à voir engagée la responsabilité de la CRCMM au titre de la disproportion du crédit octroyé ;
aux motifs propres que : « (¿) les appelants se bornent à reprendre les moyens déjà développés devant le premier juge qui y a pertinemment répondu par des motifs très complets, exacts en fait et pertinents en droit que la cour adopte » ;
et aux motifs adoptés des premiers juges que : « le banquier est tenu à l'égard des ses clients, emprunteurs non avertis, d'un devoir de mise en garde portant sur l'adéquation des capacités financières des emprunteurs à la charge de remboursement ; qu'il doit également se renseigner pour alerter l'emprunteur et s'assurer des capacités financières de l'emprunteur afin de mesurer la capacité de remboursement ; que, sauf anomalies grossières ou informations manifestement inexactes, le banquier est en droit de se fier aux informations qui lui sont communiquées ; qu'il doit prendre en considération l'état de santé physique et mental de son client et la capacité de financement des personnes vulnérables doit être appréciée avec une attention particulière ; (¿) que l'établissement de crédit doit se renseigner sur les capacités financières de l'emprunteur afin de pouvoir apprécier si le crédit a de bonnes chances d'être remboursé ; qu'il est dès lors fautif s'il n'est pas diligent dans sa recherche d'informations ou s'il s'en tient à des documents incomplets, peu fiables ou manquant de réalisme ; que le bénéficiaire du devoir de mise en garde doit avoir eu un comportement loyal et ne pas avoir communiqué des informations erronées ou dissimulé des renseignements nécessaires ; que pour rechercher la qualité d'emprunteur averti ou non, il est nécessaire de tenir compte des capacités intellectuelles, des habitudes des affaires, de l'âge, de la maladie, des caractéristiques de l'opération, selon son degré de complexité ; qu'il est de droit également constant que la qualité d'emprunteur averti doit être appréciée pour chaque emprunteur pris séparément (Cass Ch. Mixte 29 juin 2007), de sorte que l'existence d'un régime matrimonial et d'un engagement pris conjointement ou solidairement par deux époux n'établit pas en soi cette qualité ; que la qualité de dirigeant ou d'associé ne constitue pas en soi une preuve de la qualité d'emprunteur averti (Cass Com. 11 avril 2012) ; que tel n'est pas le cas lorsque le dirigeant est jeune, néophyte, inexpérimenté dans l'activité exercée, lorsqu'il était salarié ou chômeur, lorsqu'il n'a pas l'aptitude intellectuelle pour apprécier le risque lié au financement ; que, s'agissant de l'associé, le critère déterminant est celui de l'implication dans l'entreprise, pour établir si les conjoints, les proches, les associés sont ou non avertis ; que l'implication peut résulter du cumul avec une fonction administrative ou commerciale, de la présence dans l'entreprise, de la signature de documents essentiels, peu important que l'associé ait eu des connaissances en gestion ; (¿) qu'il convient en premier lieu de rechercher si M. et Mme X... étaient des emprunteurs avertis ; que M. X... a créé courant 1998, avec deux autres associés, le groupe Quiétude, qui a vocation à réaliser essentiellement des EHPAD pour le compte d'un exploitant national ainsi que des résidences de tourisme ; qu'un quatrième associé a rejoint ce groupe courant 2001 ; que le groupe Quiétude se présente comme l'un des principaux acteurs du marché de la promotion immobilière et de l'investissement locatif avec un chiffre d'affaire de 60 millions d'euros atteint en 2006 ;
qu'il est composé de quatre structures : Quiétude Promotion, Quiétude Patrimoine (vente), Quiétude évasion (gestion tourisme) et Quiétude Sénior (gestion Sénior) ; Que lors de la réunion de travail du 2 avril 2007, l'équipe managériale a été présentée comme composée de quatre associés dont M. X..., vice président directeur général et plus particulièrement attaché à la gestion administrative et la gestion des produits immobiliers du groupe ; (¿) que M. X... est donc un non seulement associé d'un groupe qui se présente comme un leader futur d'un marché immobilier mais également un des dirigeants les plus importants de ce groupe, en sa qualité de vice-président ; que ses fonctions de gestion administrative et de produits immobiliers traduisent également une parfaite connaissance de la finance et du mécanisme des crédits ; que la complexité du groupe qui a créé pas moins de 21 filiales montre également le caractère particulièrement averti de ses dirigeants et notamment M. X... qui a oeuvré à cette construction, en étant l'associé fondateur ; que M. X... présente la qualité d'emprunteur averti, de sorte qu'il n'est pas fondé à exiger un devoir de mise en garde au titre de la disproportion alléguée du crédit ; (¿) que par contre (¿) Mme X... est enseignante dans une école élémentaire ; Qu'il appartient à la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest d'établir que Mme X... dispose de compétences particulières en matière de finance ou de crédit ; Que cette preuve n'étant pas rapportée, aucune pièce produite ne démontrant que Mme X... aurait eu un rôle quelconque dans le groupe, elle doit être considérée comme une emprunteuse non avertie ; que la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest devait donc exercer un devoir de mise en garde sur les risques de disproportions liés à l'octroi du crédit et les risques de l'endettement ; (¿.) que la situation financière du couple était la suivante, selon les justificatifs produits par la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest, étant observé que les revenus de Mme X... ne peuvent être individualisés et distingués de ceux de son mari, également emprunteur : composition du patrimoine immobilier selon l'estimation de l'agence de la place du 2 mai 2006- une maison située... à la Rochelle, estimée à 380. 000 ¿, affectée d'un prêt (capital restant dû au 5 avril 2007 ; 63 896 ¿), d'où une valeur résiduelle de 316 104 ¿- deux maisons de ville 10 et 10 bis rue merlin à la Rochelle estimées 75 000 ¿ chacune (affectées d'un prêt inclus dans le remboursement de la maison située rue Adler)- un appartement rue... à la Rochelle estimé 100 000 ¿- un appartement T3 résidence... impasse... à la Rochelle pour 120. 000 ¿- un appartement place..., impasse... à La Rochelle pour 100. 000 ¿- un appartement T 3 Résidence..., rue... à Perigny pour 150. 000 ¿-5 T3, Résidence... rue... pour 395. 000 ¿ Total : 1. 331. 104 ¿ Composition des revenus mensuels 2005- revenus de M. X... : 9. 713 ¿- revenus de Mme X... : 2. 400 ¿- revenus de capitaux mobiliers : 4358 ¿- revenus fonciers nets : 1976 soit 18. 447 ¿ et une valeur de placements supérieure à 1, 5 millions ¿ (1. 750 000 ¿ placés à 3 % = 52. 500 ¿ de revenus annuels liés aux capitaux mobiliers) Composition des charges mensuelles 2005- emprunt immobilier maison située... : 1. 460 ¿- impôts sur le revenu : 3624 ¿-- taxes foncières : 300 ¿ « (¿) que eu égard à la date du prêt, la déclaration des revenus 2006 qui, pour des particuliers, devait être envoyée courant mai, n'était pas encore réalisée et ne pouvait donc se trouver en possession de la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest ; que par contre, compte tenu de la présence de revenus fonciers et du montant du crédit consenti la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest devait procéder à toutes diligences pour obtenir la déclaration n° 2044 des revenus fonciers de l'année 2005 et obtenir un tableau dressé par M. X... et Mme X... à l'effet de vérifier les charges auxquelles ils étaient soumis, ou à défaut un document signé par leurs soins selon lequel aucun prêt ne courait sur les biens immobiliers leur appartenant, de nature à établir qu'elle avait procédé à toute diligence pour se renseigner, qu'elle ne pouvait se contenter de la seule déclaration de revenus qui ne donnait qu'une image incomplète de la situation du couple, sachant que les revenus fonciers déclarés fiscalement ne tiennent en effet pas compte des prêts les affectant ; que la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest devait rechercher les crédits affectant les investissements locatifs ; (¿) que Mme X... justifie d'un crédit immobilier souscrit auprès de la Société Générale pour rembourser l'achat des logements situés rue de frênes, impasse... et place... pour un montant total de remboursement mensuel de 695 ¿ ; que le capital restant dû sur ce prêt s'élevait à 50. 681 ¿ en avril 2007, de sorte que les biens ne pouvaient être évalués qu'à la somme de 269 319 ¿ ; qu'elle fait également état d'un autre crédit pour financer l'acquisition du logement situé rue... à Périgny ; qu'elle justifie d'une offre de prêt de la Société Générale du 24 février 1999 pour un montant de 750. 000 francs remboursable en 180 mensualités de 869 ¿ ; que le capital restant du au mois d'avril 2007 s'élevait à 63. 236, 79 ¿ ; que le bien devait donc être évalué à 86 763, 21 ¿ ; Qu'elle produit enfin, une offre de prêt du 8 mars 1999 de la Société Générale tenant à un rachat de crédit d'un appartement T2 situé impasse... à la Rochelle (résidence...) et d'un autre appartement qui n'était plus sa propriété le 25 avril 2007 situé, 1 rue... à la Rochelle, prêt dont elle n'a pas fait état ; que la charge de remboursement de ces prêts s'élevait à 695 ¿ hors assurances ; qu'il convient d'observer que l'appartement évalué par l'agence situé impasse... à la Rochelle est un T3 et non un T2 et que les doutes les plus sérieux doivent être émis sur la persistance des crédits sur ces biens, aucun T2 n'étant présent dans l'évaluation de l'agence ; que ce crédit ne sera donc pas retenu ; (¿) qu'il ne saurait être pas plus tenu compte d'un appartement acheté à Mamoudzou 12 décembre 2006, comprenant 24 appartements et 3 locaux commerciaux, dès lors qu'il ne ressort pas de l'étude de l'agence immobilière diligentée à la requête de M. X... et Mme X... que ceux-ci aient alerté la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest sur l'existence de ce bien ; que le prêteur ne pouvait pas avoir connaissance d'une telle information, ni du prêt corrélatif souscrit pour 166 000 ¿, sans déclaration spécifiée ; qu'il ne sera pas tenu compte des prêts souscrits par la SCI Le Cle, dont M. X... est associé pour moitié, ni de ceux souscrits par la SCI Edy dont M. X... est associé avec deux autres personnes, dès lors que d'une part ces prêts ont été consentis à des personnes morales distinctes de M. X... et Mme X... et d'autre part la situation précise de ces sociétés est ignorée et notamment le montant de leurs revenus, de nature à couvrir les charges financières ; (¿) que Mme X... fait état d'un crédit contracté pour l'acquisition d'un bateau auprès du Crédit Maritime ; que ce prêt a été contracté par la SARL Tmg représentée par M. X..., suivant acte sous seing privé du 24 novembre 2005 pour un montant de 150. 000 ¿, remboursable en 84 mensualités de 2. 076, 42 ¿ ; (¿) que la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest ne pouvait ignorer la réalité de ce prêt puisqu'elle en était signataire ; que pour autant, ce prêt était consenti à la SARL Tmg et non M. X... et la circonstance que ce dernier en soit l'administrateur ne saurait créer un lien direct entre Mme X... et cette société ; qu'en l'état, la charge de ce prêt ne saurait être prise en compte pour l'appréciation de la situation lors du prêt personnel consenti le 25 avril 2007, étant rappelé que les revenus de cette société ne sont pas plus connus ; (... que) par conséquent (¿) le patrimoine foncier du couple s'élevait, après déduction du capital restant dû sur les biens, à la somme totale de 1. 217. 186, 20 ¿ ; (¿. qu') également (¿) il y a lieu donc de retenir au titre des remboursements de crédits distincts de l'emprunt principal pour le domicile, la somme totale mensuelle de 1 564 ¿ ; (¿ que) par conséquent (¿) le solde disponible du couple après impôts sur le revenu, s'élevait à la somme de 11. 499 ¿ (tenant compte des revenus de capitaux mobiliers et déduction faite des prêts locatifs seuls retenus) ; (¿) que M. et Mme X... n'expliquent pas ce qu'il est advenu de la somme placée leur procurant des revenus de capitaux mobiliers très importants, ces revenus disparaissant dans la déclaration des revenus 2006 ; que, déduction faite des revenus des capitaux mobiliers dont il est établi qu'ils n'existaient plus lors du prêt, le solde disponible s'élevait donc à 7. 141 ¿- les remboursements mensuels provenant du nouveau crédit d'un montant de 4. 022 ¿ (étant observé que la charge annuelle pouvait être provisionnée mensuellement par le couple) ; qu'il restait donc au couple une somme de 3. 119 ¿ pour faire face aux charges annexes (taxes foncières, dépenses alimentaires et d'entretien) avec trois enfants ; que par ailleurs Mme X..., s'était portée caution solidaire des engagements de la SARL Tmg, pour un montant de 150. 000 ¿ ; que ce risque devait être pris en compte par le prêteur ; que Mme X... était également caution des engagements de la SA Quiétude Promotion au titre d'un découvert en compte, à hauteur de 1 million d'euros, engagement souscrit le 6 février 2007 pour une durée de 35 mois, au profit de la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest ; qu'il résulte du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 10 avril 2007 réunissant les actionnaires de la société Quiétude Promotion, à laquelle M. X... était convoqué que MM, X..., Y... et Z..., associé unique de la SARL Investo, ont proposé de limiter l'augmentation du capital à environ 2 millions d'euros et ils se sont engagés à libérer les actionnaires des cautions, avals ou toute forme de sûreté données au profit des établissements bancaires en garantie de la dette de la société et de ses filiales et ce au plus tard le 30 juin 2007 ; que la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest n'était pas présente lors de cette assemblée générale et qu'elle était seule habilitée à lever les cautions souscrites ; que les engagements d'actionnaires ne la contraignaient aucunement et rien n'établit qu'elle avait donné son accord de principe sur un désengagement des cautions ; qu'il n'est pas établi que Mme X..., qui n'était pas présente lors de cette assemblée générale, ait été avertie de cette proposition réalisée par des actionnaires dont rien ne garantissait la permanence ; que la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest ne justifie pas avoir accepté par anticipation une telle proposition et informé Mme X... qu'elle s'engageait à la libérer de son engagement de caution ; que par conséquent, le montant cautionné présentait un caractère acquis, certain et définitif et son inexistence dépendait d'événements futurs et incertains dont Mme X... n'avait nulle maîtrise, pas plus que M. X... ; que par ailleurs, force est de constater que la libération est intervenue bien après la date fixée par les actionnaires engagés, ce qui établit en soi que l'action ne dépendait pas de la seule expression de leur volonté ; (¿) que la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest devait donc intégrer dans l'endettement le montant de la caution ; que par conséquent, pour un patrimoine de 1. 217. 186, 20 ¿, l'endettement déjà possible s'élevait à 1. 150. 000 ¿ ; que pour autant, les revenus du couple permettaient le règlement des échéances du prêt ; qu'en effet, un solde de 3. 119 ¿ était laissé à disposition du couple pour ses dépenses personnelles, une fois les impôts sur le revenus, les taxes foncières et les emprunts réglés incluant l'emprunt nouveau, somme tout à fait conséquente, étant observé par ailleurs qu'en 2006, les revenus étaient encore plus élevés puisque M. X... percevait 11. 372 ¿, soit 1 659 ¿ supplémentaires, que ceux de Mme X... étaient stables, que les revenus fonciers nets avaient augmenté de 701 ¿, les impôts sur le revenus avaient diminué de près de 400 ¿ soit un disponible porté à 5. 879 ¿ ; (¿ que) par conséquent (¿) le couple pouvait assumer la charge de remboursement, tout en supportant l'existence d'une caution de 1 150 000 ¿, de sorte que le crédit était proportionné à la situation financière et la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du littoral du Sud Ouest n'était pas tenue à un devoir de mise en garde particulier tenant à une disproportion quelconque ou un risque d'endettement inconsidéré » ;
1°) alors, d'une part, qu'il incombe à la banque de rapporter la preuve qu'elle a satisfait au devoir de mise en garde auquel elle est tenue à l'égard d'un emprunteur non averti ; qu'après avoir elle-même considéré que la CRCMM devait exercer son devoir de mise en garde à l'égard de Mme X..., emprunteur non averti, sur les risques de disproportion liés à l'octroi du crédit et les risques de l'endettement (jugement confirmé p. 5, § 8), la cour d'appel a cependant débouté les époux X... de leur action fondée sur la disproportion du crédit sans rechercher si la CRCMM avait à tout le moins justifié avoir satisfait à son obligation de mise en garde à l'égard de Mme X... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°) alors, d'autre part, qu'en cas de prêt souscrit par des époux, le caractère prétendument averti de l'époux emprunteur ne saurait dispenser la banque de son devoir de mise en garde à l'égard de l'épouse non avertie dont il lui incombe d'examiner alors les propres capacités financières ; que pour dégager la banque de toute responsabilité au titre de la disproportion du crédit, la Cour d'appel s'est fondée sur l'ensemble des ressources du couple X... et ce, alors que ce prêt était souscrit non dans l'intérêt commun du couple mais en vue de procéder à l'augmentation de capital de la société Groupe Quiétude dont M. X... était le vice-président directeur général, et que la Cour d'appel disposait d'éléments d'information sur la situation de l'épouse (jugement p. 6, deux derniers §, p. 7, § 1er notamment) ; qu'en statuant ainsi motifs pris de ce que les revenus de Mme X... ne pouvaient être individualisés et distingués de ceux de son époux (jugement confirmé p. 5, § pénultième) la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil.
Deuxième moyen de cassation
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté les époux X... de leurs demandes tendant à voir engagée la responsabilité de la CRCMM au titre de l'opportunité de l'opération ;
aux motifs propres que : « (¿) les appelants se bornent à reprendre les moyens déjà développés devant le premier juge qui y a pertinemment répondu par des motifs très complets, exacts en fait et pertinents en droit que la cour adopte » ;
et aux motifs adoptés des premiers juges que : « (¿) M. X..., bien qu'emprunteur averti et Mme X..., emprunteuse non avertie, sont créanciers d'un devoir de mise en garde, s'ils apportent la preuve que l'établissement des crédit aurait disposé d'informations qu'eux-mêmes auraient ignorées ; (¿) que Mme X..., emprunteuse non avertie, était par ailleurs créancière d'un devoir de mise en garde sur les risques de l'opération ; que l'établissement de crédit doit ainsi avoir recueilli des informations sur la viabilité du projet financé et justifier avoir alerté l'emprunteur des risques de celui-ci ; que cette action se distingue de celle visée par l'article L 650-1 du code de commerce en ce que la responsabilité de la banque n'est pas recherchée pour un soutien abusif du crédit mais pour manquement à un devoir de mise en garde ; qu'elle est, dès lors, valablement fondée sur les dispositions de l'article 1147 du code civil ; (¿ qu') en premier lieu (¿) si un prêt personnel a été consenti à M. et Mme X..., nulle fraude n'est établie au regard de l'affectation de ce crédit, destiné à financer l'augmentation de capital du groupe Quiétude ; qu'en effet, il a été expliqué lors de la réunion de travail à laquelle participait la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest le 2 avril 2007 que le besoin en financement du groupe provenait du besoin de la promotion, qui immobilisait beaucoup de capitaux propres, notamment de par des acquisitions coûteuses foncières obligeant à bloquer les fonds propres même avec des niveaux de pré-commissions très forts ; que le projet, très clairement exprimé, était d'augmenter les fonds propres pour financer l'augmentation du besoin en fonds de roulement issu du développement de la promotion ; que le besoin financier structurel a été évalué à 10 millions ¿ pour les mois à venir et il a été prévu qu'il serait couvert d'une part par une augmentation de capital de 2 millions ¿ par les associés et d'autre part par une ligne de crédit bancaire syndiqué à hauteur de 8 millions ¿ ; que par conséquent, la décision des associés d'augmenter le capital n'établit nullement une volonté de fraude de la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest mais constitue la conséquence logique d'un groupe qui constate qu'il a besoin de fonds propres pour se développer et qui souhaite limiter son appel à des financiers extérieurs à hauteur de 8 millions ¿ tout en montrant qu'il dispose d'une structure saine puisque ses associés sont eux-mêmes capables d'injecter des fonds dans le capital ; que par conséquent, le recours à un prêt personnel était la seule solution pour permettre cet apport de capital, aucune autre forme de prêt (professionnel, crédit à la consommation ¿) n'étant adaptée à une telle opération ;
que le lien entre le prêt personnel et l'augmentation du capital était officiel et nullement caché et, pour cette raison, la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest a procédé à un virement du compte personnel du couple sur le compte de la société, sans que ni M. X... ni Madame X... n'émettent la moindre protestation, ni que leur accord soit nécessaire ; que par conséquent, les emprunteurs étaient parfaitement informés de l'affectation du crédit qu'ils souscrivaient ; (¿ qu') en second lieu (¿) il ne saurait être reproché à la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest une immixtion dans le groupe Quiétude alors que ce groupe n'a ouvert un compte bancaire auprès de son établissement que le 1er février 2007 ; qu'il ne saurait être question d'analyser l'attitude de la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest postérieure au crédit consenti, dès lors que des faits postérieurs ne sauraient démontrer une faute qui doit s'apprécier au jour du crédit consenti et que par ailleurs, aucune pièce n'établit que la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest ait, avant le crédit consenti, adopté une attitude d'immixtion dans les affaires du groupe, le simple fait de participer à une réunion d'information avec les dirigeants du groupe ne caractérisant pas une telle attitude ; (¿ qu') en troisième lieu qu'il ressort du compte rendu de la réunion du 2 avril 2007, établi à l'en tête de son groupe qu'un projet nouveau a réuni les quatre associés, tenant au développement des quatre structures en synergie autour de la finalité de l'exploitation, le projet étant le suivant :- devenir un acteur incontournable des territoires en France-travailler la synergie en filiale à 100 %- fabriquer et vendre 1000 lots par an permettant de créer 10 sites gérés par an-atteindre la masse critique pour les filiales en question (20/ 25 sites par secteur)- améliorer la rentabilité de toutes les structures-normaliser les process de production-systématiser l'image HQE sur les produits ; que rien ne laissait, à cette époque, prévoir les difficultés économiques auxquelles le groupe serait confronté ; qu'en effet, les résultats financiers montraient une progression constante du chiffre d'affaire depuis l'année 2005, passant de 22. 003. 262 ¿ à 78. 416. 244 ¿ et un résultat net en progression, de 901. 769 ¿ 1. 394. 953 ¿ ; que les prévisions comptables pour l'année 2008, versées aux débats montraient une diminution du chiffre d'affaire mais une profession du résultat net comptable du groupe ; que le plan 2008/ 2011 faisait état d'une progression constante du chiffre d'affaire ; que l'établissement de crédit n'est pas tenu d'alerter le cocontractant sur les risques liés aux aléas... immobilier qu'il ne peut pas prévoir ; que seul un risque certain et probable déclenche le devoir de conseil et non un risque possible ; (¿ qu') enfin (¿) M. et Mme X... ont présenté à la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest des pièces concernant leurs revenus, charges et situation patrimoniale et il n'est pas établi que la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest serait dépositaire d'autres pièces dont ils ignoreraient le contenu, étant observé qu'aucun incident tenant à la production aux débats de l'avis de la direction des risques n'a été diligenté par M. et Mme X... dans le cadre de la mise en état et que ce document interne n'apparaît pas déterminant du litige, eu égard aux autres pièces produites confirmant l'impossibilité pour la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest de connaître la future déconfiture du groupe Quiétude ; (¿) que Mme X... s'est donc engagée sur une opération qui, à l'époque à laquelle elle a été envisagée, ne présentait qu'un risque possible ne justifiant pas une mise en garde particulière, sur laquelle la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest ne disposait pas d'autres éléments d'information que ceux présentés par M. X... et qui n'a été sujette à aucune immixtion » ;
alors que conformément au devoir de mise en garde auquel il est tenu à l'égard d'un emprunteur profane, il incombe au banquier de l'alerter de manière systématique sur les risques découlant de l'endettement né de l'octroi du prêt et également du projet financé ; que pour débouter les époux X... de leur action fondée sur les risques liée à la viabilité de l'opération financée, la Cour d'appel a retenu que « seul un risque certain et probable déclenche le devoir de conseil et non un risque possible », et que « Mme X... s'est donc engagée sur une opération qui, à l'époque à laquelle elle a été envisagée, ne présentait qu'un risque possible ne justifiant pas une mise en garde particulière » (jugement confirmé p. 10, § 3 et 5) ; qu'en déniant ainsi à Mme X... à laquelle elle avait expressément reconnu le caractère d'emprunteur non averti (jugement confirmé p. 9, § 2) le droit à une quelconque mise en garde motif pris de l'absence d'un risque certain et probable, la cour d'appel a violé l'article 1147.
Troisième moyen de cassation
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande tendant à voir engagée la responsabilité de la CRCMM au titre de sa perte de chance de ne pas avoir souscrit le prêt ;
aux motifs propres que : « (¿) les appelants se bornent à reprendre les moyens déjà développés devant le premier juge qui y a pertinemment répondu par des motifs très complets, exacts en fait et pertinents en droit que la cour adopte » ;
et aux motifs adoptés des premiers juges que : « (¿) que Mme X... soutient avoir subi une perte de chance de ne pas contracter le prêt ; que cependant, dès lors qu'il a été démontré que la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Littoral du Sud Ouest n'avait pas de devoir de mise en garde spécifique à son égard, aucune faute n'est établie et l'action doit être rejetée » ;
alors que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui en est la suite ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que pour débouter Mme X..., emprunteur non averti, de son action fondée sur la perte de chance subie de ne pas avoir contracté le prêt, la cour d'appel s'est fondée sur l'absence de devoir de mise en garde spécifique de la CRCMM à son égard (jugement confirmé p. 10, § pénultième) ; que la cassation à intervenir du chef du dispositif rejetant la responsabilité de la CRCMM faute d'avoir respecté son devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteuse non avertie, entraînera pas voie de conséquence celle du chef de dispositif la déboutant de son action au titre de la perte de chance subie en application de l'article 625 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-22582
Date de la décision : 01/03/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 13 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 mar. 2016, pourvoi n°14-22582


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.22582
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