LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;
Attendu que si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée, il appartient au juge, à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte, de vérifier la pièce contestée et de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous éléments à lui comparer ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la carte de paiement souscrite par M. X..., le 1er janvier 2006, auprès de la société American express carte France (la société American express), a été utilisée, du 5 au 12 janvier suivant, dans un casino appartenant à la Société d'activités thermales hôtelières et de loisirs ; que, contestant être l'auteur des signatures apposées sur les tickets de débit produits par la banque, M. X... a assigné ces deux sociétés pour obtenir la réduction du montant réclamé par la société American express au titre de cette utilisation, et des dommages-intérêts ;
Attendu que pour condamner M. X... à payer à la société American express une certaine somme, l'arrêt retient que la signature de M. X... sur les documents est suffisamment complexe pour ne pas être imitée facilement ;
Qu'en statuant ainsi, en refusant de procéder à la vérification d'écriture demandée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;Met hors de cause, sur sa demande, la Société d'activités thermales hôtelières et de loisirs, dont la présence devant la cour d'appel de renvoi n'est pas nécessaire à la solution du litige ;
Condamne la société American express carte France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Jacques X... a payer à la société AMERICAN EXPRESS CARTE FRANCE la somme de 31.482,44 euros ;
AUX MOTIFS QU' « il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'expertise en écriture dans la mesure où cette demande n'avait pas été effectuée en première instance et que le premier juge affirmait que M. Jacques X... ne déniait pas sa signature ; qu'au demeurant, la signature de M. Jacques X... sur les bordereaux est suffisamment complexe pour ne pas être imitée facilement » (arrêt, p. 3, in limine) ;
ALORS QUE, premièrement, une demande formulée en cause d'appel n'est pas nouvelle si elle tend aux mêmes fins que celle formulée en première instance ; qu'à ce titre, l'incident de faux est recevable en cause d'appel lorsqu'il a pour objet d'obtenir du juge, conformément aux prétentions formulées en première instance, qu'il déclare le demandeur débiteur pour une certaine somme à l'exclusion de toute autre ; qu'en estimant en l'espèce que l'incident de faux soulevé pour la première fois en cause d'appel n'était pas recevable en tant qu'il constituait une demande nouvelle, l'arrêt attaqué a violé les articles 564 et 565 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en toute hypothèse, sont recevables en cause d'appel les moyens nouveaux ainsi que les demandes nouvelles qui ont pour objet de faire écarter les prétentions adverses, en ce compris les demandes reconventionnelles du défendeur ; que l'incident de faux, qui a tout à la fois pour objet de soutenir la prétention consistant à se voir reconnaître débiteur d'une certaine somme et de contester le bien-fondé de la demande reconventionnelle en paiement d'une somme supérieure, est recevable pour la première fois en cause d'appel ; qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les articles 563 à 567 du Code de procédure civile ;
ET ALORS QUE, troisièmement, il appartient au juge saisi d'un incident de faux de vérifier l'écriture contestée par la partie à qui on l'impute, sauf à ce qu'il statue sans tenir compte de l'écrit argué de faux ; qu'en refusant en l'espèce, au prétexte que la signature de Monsieur X... était suffisamment complexe pour ne pas être imitée facilement, de vérifier que celle qui figurait sur les tickets de décaissement à l'origine de la condamnation prononcée était bien de sa main, l'arrêt attaqué a en outre violé les articles 1323 et 1324 du Code civil, ensemble les articles 287, 288 et 299 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Jacques X... a payer à la société AMERICAN EXPRESS CARTE FRANCE la somme de 31.482,44 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « il appartient à M. X... qui se prétend libéré d'en faire la preuve ; que compte tenu de ces bordereaux et du versement de 40.000 ¿ effectué le 19 janvier, M. Jacques X... ne peut prétendre ne devoir que la somme de 434 ¿ qui lui avait été réclamée le 10 février 2006 ; qu'il n'est pas contesté qu'il a été remis à M. Jacques X... une somme de 8.000 ¿ au lieu des 800 ¿ qu'il souhaitait retirer et qu'il a dû verser une somme de 7.200 ¿ pour compléter ce débit ; que dès lors, M. Jacques X... reste devoir une somme de 71.069 ¿ outre les frais d'opérations impayées à hauteur de 1.413,44 ¿ soit au total 72.482,44 ¿ dont il convient de déduire 40.000 ¿ ; qu'il reste donc due une somme de 32.482,44 ¿ sur laquelle il n'est réclamé que 31.482,44 ¿, somme retenue par le premier juge ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer la décision déférée de ce chef ; qu'il convient adoptant les motifs de la décision déférée, de débouter les sociétés intimées de leurs demandes de dommages intérêts » (arrêt, p. 3 et 4) ;
ET AUX MOTIFS EXPRESSÉMENT ADOPTÉS QUE « l'examen des relevés de compte produits par la société American Express met en évidence les mouvements suivants : - entre le 5 et le 11 janvier : débits effectués au nom de la société SATHEL et de la société Chevignon (une opération) pour un montant total de 70.569 euros ; - le 19 janvier : règlement partiel de la somme de 40.000 euros sur 50.000 euros appelés ; - le 20 janvier : débit pour frais d'opération impayée d'un montant de 18,5 euros, portant le solde débiteur à la somme de 30.587,60 euros ; - le 30 janvier : défaut de règlement de la somme de 30.587,50 euros pour absence de provision ; - le 3 février : débit pour frais d'opération impayée de 1.394,94 euros ; - le 7 février : « rectification de mise à jour » au crédit du compte à hauteur de 31.500 euros, ramenant le solde débiteur à 482,44 euros ; - le 5 avril : débit effectué au nom de la société SATHEL pour un montant de 31.500 euros, conduisant à un solde débiteur de 31.982,44 euros ; que par lettre en date du 28 avril 2006, Monsieur X... sollicitait auprès de la société American Express des explications concernant la somme de 30.587,50 euros apparaissant au débit de son compte ; que cette lettre a été envoyée moins de soixante-dix jours après la dernière opération portée au compte le 5 avril 2006 concernant la somme litigieuse de 30 587,50 euros, augmentée des intérêts à hauteur de 1.394,94 euros ; que la contestation de Monsieur X... est par conséquent recevable ; que le montant des opérations portées au débit du compte de Monsieur X... entre le 5 et le 11 janvier 2006 s'élève à la somme de 70.569 euros, ce compris un paiement de 69 euros effectué auprès d'un magasin Chevignon qui n'est pas contesté par le demandeur dont les critiques se concentrent sur les opérations effectuées au casino ; que la société SATHEL verse aux débats 29 tickets de caisse, comportant chacun une signature que le demandeur ne désavoue pas, pour un montant total de 70.000 euros, de sorte que la preuve est ainsi faite de la réalité des opérations effectuées par Monsieur X... à hauteur de la somme de 70.069 euros, en ce compris le règlement de 69 euros précité, seule demeurant une somme de 600 euros pour laquelle les défenderesses ne produisent aucun justificatif ; que par ailleurs, Monsieur X... qui indique, s'agissant de l'erreur de caisse évoquée par la société SATHEL, avoir effectué le paiement complémentaire de la somme de 7.200 euros dans des « conditions particulières et par diverses pressions psychologiques » ne verse aucune pièce de nature à établir la réalité d'une contrainte susceptible d'avoir vicié son consentement, étant observé que le ticket de caisse correspondant à l'opération de 7.200 euros est également signé ; que le solde débiteur s'élevait ainsi, en tenant compte d'une dette de 70.069 euros, à la somme de 31 482,44 euros ; qu'ensuite, la somme de 31.600 euros a été créditée sur le compte de Monsieur X... le 7 février avec la mention « rectificatif de mise à jour » puis débité du compte le 5 avril suivant ; que la société American Express explique que cette opération correspond à un crédit temporaire porté sur le compte, le temps de lui permettre de faire les vérifications nécessaires et, qu'une fois celles-ci effectuées, elle a reporté au débit du compte la somme de 31.600 euros ; que Monsieur X..., à qui il appartient, conformément aux dispositions de l'article 1315 alinéa 2 du Code civil, de rapporter la preuve du paiement, ne justifie pas dans le cas présent du règlement de la somme de 31.482,44 euros restant due avant la « rectification de mise à jour » du 7 février 2006, de sorte que l'opération de débit effectuée le 5 avril pour la somme de 31 500 euros apparaît, au vu des explications de la défenderesse, bien fondée ; que la société American Express justifie ainsi d'une créance certaine d'un montant de 31.482,44 euros à l'encontre de Monsieur X... » (jugement, p. 7 et 8) ;
ALORS QUE, dès lors que le solde débiteur d'un compte bancaire a été remboursé par versement au crédit du compte, il appartient à l'établissement qui, deux mois après ce règlement, débite une somme de même montant d'établir le bien-fondé de cette contrepassation ; qu'en affirmant en l'espèce, pour s'en tenir aux seules allégations de la société AMERICAN EXPRESS, qu'il appartenait à Monsieur X... de faire la preuve de son remboursement (jugement, p. 8, al. 7 et 8), quand il était constant qu'une somme de 31.500 euros correspondant au montant de sa dette avait été inscrite le 7 février 2006 au crédit de son compte, les juges du fond ont renversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil.