LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 20 octobre 2014), qu'un arrêt du 16 mars 2009, rendu en référé, a condamné sous astreinte Mme X... à respecter les limites du droit de passage dont bénéficie son fonds sur celui de M. et Mme Y... ; que ceux-ci l'ont assignée au fond en cessation de l'aggravation des conditions d'exercice de la servitude par la remise en état des lieux, la limitation de son usage et l'octroi de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, qui est recevable :
Vu l'article 488 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. et Mme Y... en cessation de l'aggravation des conditions d'exercice de la servitude, l'arrêt retient qu'un arrêt du 16 mars 2009 a déjà statué sur ce point et que ceux-ci ne justifient d'aucun élément nouveau depuis celui-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, une décision de référé étant dépourvue d'autorité de la chose jugée au principal, l'une des parties à l'instance en référé a la faculté de saisir le juge du fond afin d'obtenir un jugement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, qui est recevable :
Vu les articles 564 à 567 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme Y... en déplacement de la bouche d'égout, destruction du muret et remise en état consécutive de leur propriété, l'arrêt retient qu'elles ont été présentées pour la première fois en cause d'appel et ne peuvent être considérées comme l'accessoire ou le complément des demandes présentées en première instance ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel ou la relevant d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les demandes de M. et Mme Y... ne tendaient pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement du 24 novembre 2001 ayant débouté M. et Mme Y... de leurs demandes en cessation de l'aggravation des conditions d'exercice de la servitude par la remise en état des lieux, la limitation de son usage et l'octroi de dommages-intérêts et en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de M. et Mme Y... en déplacement de la bouche d'égout, en destruction du muret et en remise en état consécutive de leur propriété, l'arrêt rendu le 20 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la condamne à payer à M. et Mme Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait jugé que Mme X... n'avait pas aggravé la servitude de passage grevant le fonds appartenant aux époux Y... et avait, en conséquence, débouté les époux Y... de leurs demandes tendant à obtenir la remise en état de la servitude, la restriction du passage au seul véhicule de Mme X... et l'octroi de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il convient de rappeler que par un arrêt définitif du 16 mars 2009 rendu dans le cadre d'une procédure distincte, la cour de céans a déjà statué sur ce point en confirmant une ordonnance de référé du 20 novembre 2007 ayant condamné les époux Y... à laisser libre l'emprise du droit de passage dont bénéficie Mme X... sous astreinte de 50 ¿ par infraction constatée et condamné Mme X... à respecter les limites du droit de passage dont bénéficie son fonds sous astreinte de 50 ¿ par infraction constatée ; que le Tribunal de grande instance de Nancy ayant relevé que les époux Y... ne justifiaient d'aucun élément nouveau depuis cet arrêt, les a à juste titre déboutés de leur demande subsidiaire tendant à obtenir la remise en état des choses et en restriction de la servitude au seul véhicule personnel de Mme X... et uniquement dans le seul but d'entrer dans son garage, la seule circonstance du « contexte hautement conflictuel de ce conflit de voisinage » ne pouvant valoir preuve de l'aggravation de la servitude de passage depuis le précédent arrêt de 2009 ;
AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'à titre subsidiaire, Monsieur et Madame Y... excipent de l'aggravation des conditions d'exercice de ladite servitude pour réclamer la remise en état du passage ; qu'ils indiquent que Madame Z... use et abuse de son droit de passage, de même qu'une personne de son entourage qui utilise son garage et la plate-bande bétonnée se situant à l'arrière pour effectuer une activité d'entretien et de réparation d'automobiles, de sorte que les passages de tous types de véhicules par des personnes inconnues sont systématiques ; que pour autant, il n'est justifié d'aucun élément nouveau depuis l'arrêt rendu le 16 mars 2009 par la Cour d'Appel de Nancy, aux termes duquel l'ordonnance de référé rendue le 20 novembre 2007 avait été confirmée en ce qu'elle avait, d'une part, condamné Monsieur et Madame Y... à laisser libre l'emprise du droit de passage dont bénéficie le fonds de Madame Z... sous astreinte de 50 ¿ par infraction constatée et, d'autre part, condamné Madame Z... à respecter les limites du droit de passage dont bénéficie son fonds, sous astreinte de 50 ¿ par infraction constatée ; que sur cette dernière condamnation, il avait été établi l'existence d'une violation courante par Madame Z..., son conjoint Monsieur X..., et des tiers avec lesquels ils sont en relation, des modalités d'exercice de la servitude de passage ; que depuis lors, aucune infraction n'a semble-t-il été relevée à l'encontre de Madame Z... quant l'exercice dudit droit ; qu'il n'existe donc pas d'aggravation actuelle du droit de passage, tel que décrit dans l'acte du 30 novembre 1979, à savoir " concédé pour être exercé en tout temps et à toute heure par tous les propriétaires successifs de l'immeuble (¿), les membres de leur famille, leurs domestiques et employés " ; qu'il convient donc de débouter Monsieur et Madame Y... de leur demande subsidiaire tendant à obtenir la remise en état des choses, de même que la restriction pour Madame Z... de ce que la servitude ne s'applique qu'à son seul véhicule personnel et dans le seul but d'entrer dans son garage, et encore l'octroi de dommages et intérêts, en l'absence de toute aggravation et de tout préjudice correspondant ;
1°) ALORS QUE l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée ; qu'en jugeant que Mme X... n'avait pas aggravé la servitude de passage grevant le fonds des époux Y..., au motif que, par une ordonnance de référé du 20 novembre 2007, confirmé par un arrêt rendu par la Cour d'appel de Nancy en date du 16 mars 2009, la violation courante des modalités d'exercice de la servitude avait déjà donné lieu à la condamnation de Mme X... à respecter les limites du droit de passage sous astreinte de 50 euros par infraction constatée, la Cour d'appel a violé l'article 488 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en affirmant que les époux Y... n'apportaient aucun élément nouveau depuis l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Nancy en date du 16 mars 2009, quand ils produisaient des éléments de nature à démontrer la persistance de l'aggravation de la servitude après le prononcé de l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy le 16 mars 2009, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions des époux Y... et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en tout hypothèse, en affirmant que le seul « contexte hautement potentiel de ce conflit de voisinage » ne pouvait valoir preuve de l'aggravation de la servitude de passage, quand, pour démontrer l'existence d'une aggravation de la servitude de passage, les époux Y... ne se fondaient pas exclusivement sur cette circonstance mais sur le passage de plusieurs véhicules appartenant aux clients de M. et Mme X... et sur le stationnement récurrent de voitures sur le passage litigieux, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions des époux Y... et violé l'article 4 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes des époux Y... tendant à obtenir le déplacement de la bouche d'égout construite illégalement sur leur propriété, la destruction du muret et la remise en état consécutive de leur propriété ;
AUX MOTIFS QUE s'agissant de demandes nouvelles présentées pour la première fois en cause d'appel et ne pouvant être considérées comme l'accessoire ou le complément des demandes présentées en première instance, ces demandes seront déclarées irrecevables en application de l'article 564 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; qu'en déclarant irrecevables les demandes des époux Y... tendant à obtenir le déplacement de la bouche d'égout construite illégalement sur la propriété Y..., la destruction du muret et la remise en état consécutive de leur propriété, quand ces dernières tendaient, comme celles présentées en première instance, à faire cesser l'aggravation de la servitude de passage grevant leur fonds, la Cour d'appel a violé l'article 565 du Code de procédure civile.