La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/02/2016 | FRANCE | N°14-28381

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 18 février 2016, 14-28381


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 16 septembre 2014), que la société RMB Investissements (société RMB) a conclu avec la société MDNA un marché de travaux « tous corps d'état sauf électricité » relatif à la transformation d'une discothèque en locaux d'habitation ; que la réception des travaux a été prononcée sans réserve ; que la société MDNA a assigné la société RMB en paiement d'un solde de factures ;r>Attendu que, pour condamner la société RMB au paiement d'une certaine somme, l'arrêt retie...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 16 septembre 2014), que la société RMB Investissements (société RMB) a conclu avec la société MDNA un marché de travaux « tous corps d'état sauf électricité » relatif à la transformation d'une discothèque en locaux d'habitation ; que la réception des travaux a été prononcée sans réserve ; que la société MDNA a assigné la société RMB en paiement d'un solde de factures ;
Attendu que, pour condamner la société RMB au paiement d'une certaine somme, l'arrêt retient que le marché à forfait suppose une description précise des ouvrages que l'entrepreneur s'engage à construire, qu'en l'espèce, une telle description fait défaut, de sorte que la notion de « travaux supplémentaires » n'a guère de sens, que le prix de 260 000 euros ne peut avoir qu'un caractère indicatif, qu'il appartient au juge de le fixer, que, même si le marché n'était pas soumis à la norme AFNOR NFP 03-001, les pièces émanant du maître d'oeuvre de l'opération constituent des preuves suffisantes des obligations des parties, dès lors que celles-ci ont été souscrites en matière commerciale, que, d'après le « bon de paiement n° 15/décompte définitif » du mois de juillet 2010 établi par l'architecte, le montant total du marché de la société MDNA s'élevait à 489 301,26 euros TTC, que la société RMB, qui a payé au total soit 378 896,11 euros avec la TVA, doit à la société MDNA la somme de 110 405,15 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la contestation ne portait pas sur la détermination du prix de l'intégralité des travaux exécutés, mais sur l'obligation au paiement du prix des seuls travaux supplémentaires, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société MDNA aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MDNA à payer à la société RMB la somme de 2 000 euros ; rejette la demande de la société MDNA ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société RMB Investissements.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société RMB investissements SAS à payer à la société MDNA SARL la somme de 110 405,15 ¿ et les intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2011 ;
Aux motifs que « le marché de travaux a été conclu sans aucun écrit ; que toutefois la société Mdna indique que le prix prévu initialement de 260 000 ¿ hors taxes était susceptible de varier en plus ou en moins dans une fourchette de 10 % ; que la fixité du prix est un élément essentiel du marché à forfait prévu à l'article 1793 du code civil ; que si les clauses d'indexation ou de révision ne sont pas de nature à lui faire perdre son caractère forfaitaire, il n'en va pas de même d'une clause dont la mise en oeuvre dépend du bon vouloir des parties, à savoir en l'espèce, la possibilité de pouvoir le faire varier dans une proportion de 10 % ; qu'au surplus, le marché à forfait suppose une description précise des ouvrages que l'entrepreneur s'engage à construire ; qu'en l'espèce, une telle description fait défaut, de sorte que la notion de "travaux supplémentaires" n'a guère de sens ; que dès lors, le marché ne pouvait relever de l'article 1793 du code civil ; qu'ainsi, le prix de 260 000 ¿ hors taxes ne pouvait avoir qu'un caractère indicatif ; que cependant, le prix n'est pas un élément constitutif des marchés de travaux du bâtiment ; que lorsqu'il est indéterminé, il appartient au juge de le fixer ; que les premiers juges ont estimé ne pouvoir tenir compte de 11 factures d'un montant total de 173 020,99 ¿ au motif qu'elles avaient été émises après la réception, que toutefois, cette motivation est erronée puisque la réception n'a qu'un rôle technique indépendant de la liquidation des comptes et du paiement du prix et constitue seulement le point de départ du délai de 60 jours prévu à l'article 19.5.1 de la norme AFNOR NFP 03-001 lorsqu'elle s'applique ; qu'en l'espèce, la cour dispose d'éléments suffisants pour déterminer le prix sans avoir recours à une expertise ; qu'en effet, même si le marché n'était pas soumis à la norme AFNOR NFP 03-001, les pièces émanant du maître d'oeuvre de l'opération constituent des preuves suffisantes des obligations des parties, dès lors que celles-ci ont été souscrites en matière commerciale ; que d'après le "bon de paiement n°15/décompte définitif" du mois de juillet 2010 établi par l'architecte, le montant total du marché de la société Mdna s'élevait à 489 301,26 ¿ TTC ; que la société Rmb Investissements expose sans être contredite qu'elle a payé au total 316 802,77 HT, soit 378 896,11 ¿ avec la TVA au taux de 19,6 %, puisque les conclusions de la société Mdna ne contiennent aucun décompte des paiements reçus (voir page 3 ¿ "Or la société Rmb Investissements n'a réglé qu'une partie des factures précitées"), de sorte que Rmb Investissements doit à la société Mdna la somme de 110 405,15 ¿ » (arrêt, p. 2 et s.) ;
Alors, premièrement, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans leurs écritures, tant la société RMB investissements que la société MDNA indiquaient que l'accord initial avait reçu exécution puisque les travaux originairement prévus avaient été effectués et payés en conséquence, le désaccord des parties se limitant à la question des travaux supplémentaires, que le maître de l'ouvrage expliquait n'avoir jamais acceptés tandis que l'entrepreneur prétendait qu'ils lui avaient été commandés verbalement ; que pour condamner la société RMB investissements au paiement de la somme de 110 405,15 ¿, l'arrêt retient néanmoins que le marché de travaux ne spécifiait pas les ouvrages à réaliser, qu'il y a partant peu de sens à parler de travaux supplémentaires et que le prix prévu initialement était purement indicatif, de sorte qu'il appartient au juge de fixer un prix global, laissé indéterminé par les parties ; qu'en statuant de la sorte, quand la contestation ne portait pas sur la détermination du prix de l'intégralité des travaux exécutés, mais sur l'obligation au paiement du prix des seuls travaux supplémentaires, la cour d'appel a modifié l'objet du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors, deuxièmement, que, en toute hypothèse, le juge qui doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que pour condamner la société RMB investissements au paiement de la somme de 110 405,15 ¿, l'arrêt retient que le marché de travaux ne peut en l'espèce s'analyser comme un marché à forfait au sens de l'article 1793 du code civil, car, d'une part, la fixité du prix, qui est un élément essentiel d'un tel marché, est incompatible avec la possibilité de le faire varier dans une proportion de 10 % et, d'autre part, il manque une description précise des ouvrages que la société MDNA s'est engagée à réaliser, de sorte que la notion de travaux supplémentaires n'a ici guère de sens, que le prix de 260 000 ¿ hors taxes prévu initialement ne pouvait avoir qu'un caractère indicatif et que, dans la mesure où le prix n'est pas un élément constitutif des marchés de travaux du bâtiment, il appartient au juge de le fixer s'il est indéterminé ; qu'en relevant d'office, sans le soumettre à la discussion des parties, ce moyen aux termes duquel le prix global des travaux était indéterminé et devait donc être fixé judiciairement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors, troisièmement, que le juge qui doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que pour condamner la société RMB investissements au paiement de la somme de 110 405,15 ¿, l'arrêt retient que même si le marché n'était pas soumis à la norme AFNOR NFP 03-001, les pièces émanant du maître d'oeuvre de l'opération constituaient des preuves suffisantes des obligations souscrites en matière commerciale par les parties, de sorte que la cour disposait des éléments suffisants pour déterminer le prix, le recours à l'expertise s'avérant inutile ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans le soumettre à la discussion des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors, quatrièmement, que celui qui réclame le paiement de travaux doit prouver le consentement de l'autre partie à l'exécution de ceux-ci au prix demandé ; que pour condamner la société RMB investissements au paiement de la somme de 110 405,15 ¿, l'arrêt retient, d'une part, que le marché de travaux ne comportait pas de description précise des ouvrages que l'entrepreneur devait accomplir, de sorte que la notion de travaux supplémentaires n'avait guère de sens, et, d'autre part, que la cour dispose d'éléments suffisants pour déterminer le prix car il ressort d'un décompte établi par l'architecte, c'est-à-dire d'une pièce émanant du maître d'oeuvre de l'opération constituant une preuve suffisante des obligations des parties, que le montant total du marché s'élevait à 489 301,26 ¿ ; qu'en statuant par de tels motifs, qui ne suffisent pas à caractériser la volonté du maître de l'ouvrage de commander ou accepter l'ensemble des travaux réalisés par l'entrepreneur en sus de ceux prévus initialement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1787 du code civil, ensemble l'article 1315 de ce code ;
Alors, cinquièmement, que nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même, le juge ne peut se fonder exclusivement sur la facturation opérée par l'entrepreneur pour fixer le prix des travaux litigieux, cet entrepreneur serait-il une société commerciale par la forme ; que pour condamner la société RMB investissements SAS au paiement de la somme de 110 405,15 ¿, l'arrêt retient, après avoir énoncé que les pièces émanant du maître d'oeuvre de l'opération constituent en matière commerciale des preuves suffisantes des obligations des parties, que le montant total du marché s'élevait à 489 301,26 ¿ TTC selon le décompte définitif établi par l'architecte ; qu'en statuant ainsi, quand ledit décompte se bornait à faire la somme des factures transmises au maître d'oeuvre par la société MDNA SARL, la cour d'appel s'est en réalité fondée exclusivement sur la facturation opérée par le prétendu créancier, en violation des articles 1315 et 1330 du code civil et L. 110-3 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-28381
Date de la décision : 18/02/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 16 septembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 18 fév. 2016, pourvoi n°14-28381


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.28381
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award