LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nimes, 10 avril 2012), qu'alléguant que M. X... avait installé divers obstacles sur l'assiette de la servitude conventionnelle de passage, consentie le 17 décembre 1956 au profit de son fonds sur la propriété de celui-ci et fixée par un jugement définitif du 27 octobre 2008 auquel était annexé un document d'arpentage signé le 7 avril 1981, Mme Y... a assigné M. X... en libération de ce passage ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu que, dans ses conclusions du 7 février 2012, M. X... n'avait formulé aucun motif grave de nature à justifier sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture, la cour d'appel en a exactement déduit que ses conclusions devaient être déclarées d'office irrecevables ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, que, M. X... n'ayant pas soutenu devant les juges du fond que certains des obstacles mis à l'exercice normal du droit de passage n'étaient pas de son fait, le moyen, en sa première branche, est nouveau, mélangé de fait et de droit et partant irrecevable ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que l'acte constitutif de la servitude instituait un « droit de passage le plus étendu », sans autre limitation, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Monsieur X... fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables ses conclusions du 7 février 2012.
AUX MOTIFS QUE : « (¿) que les dernières conclusions de Monsieur X... ont été signifiées le 7 février 2012, postérieurement à l'ordonnance de clôture ; qu'il n'allègue ni justifie aucun motif grave au soutien de la demande de révocation de cette ordonnance ; que ces écritures doivent être déclarées d'office irrecevables en application de l'article 783 du code de procédure civile ; que les débats se trouvent ainsi en l'état de ses conclusions signifiées le 23 janvier 2012 dont le dispositif est en termes strictement identiques » (arrêt attaqué p. 6, § 1er) ;
ALORS QUE les conclusions postérieures à l'ordonnance de clôture par lesquelles une partie demande sa révocation sont recevables et ce d'autant plus qu'elles peuvent être prises en considération si elles ne soulèvent ni moyens nouveaux ni prétentions nouvelles ; que la décision de rejet de la révocation doit indiquer la cause de révocation invoquée et être motivée ; qu'en rejetant dès lors les conclusions de Monsieur X... signifiées le 7 février 2012- après avoir elle-même constaté que leur dispositif était strictement identique à celui de ses conclusions du 23 janvier 2012 (arrêt attaqué p. 6, § 1er)- conclusions par lesquelles il demandait la révocation de l'ordonnance de clôture aux motifs qu'« il n'allègue ni justifie aucun motif grave au soutien de la demande de révocation de cette ordonnance » (arrêt attaqué p. 6, § 1er), la Cour d'Appel a méconnu les dispositions des articles 455, 458, 783 et 784 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Monsieur X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamné à ôter tous les obstacles installés sur l'assiette de sa servitude de passage, à savoir, piquets, grillage, muret, arbres, arbustes, massifs de fleurs, tables, chaises, voitures, et ce sous astreinte de 80 ¿ par jour de retard à compter de la signification du jugement, et de l'AVOIR condamné à payer à Madame Y...la somme de 3. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « (¿) l'assiette de la servitude est celle définitivement jugée par le jugement susvisé du 27 octobre 2008 qui s'impose aux parties et avec lui le document d'arpentage sur lequel il se fonde et que son dispositif adopte expressément ; que l'assiette tracée sur ce document, entre deux traits pointillés et les façades des maisons voisines, est d'ailleurs parfaitement cohérent avec la disposition des lieux, bordant la longueur de façade de chacune des deux habitations et englobant l'ensemble de leurs ouvertures, notamment la porte d'entrée et le portail de garage de la maison Y..., et permettant le retournement des véhicules ;
« (¿) que les obstacles reprochés sont photographiés par l'huissier dans chacun des deux constats du 31 mars 2010 et du 25 août 2010 et positionnés, en annexe à ce deuxième constat, sur le plan du 7 avril 1981, dans l'emprise de la servitude ; que le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions.
« (¿) que le premier juge a fait l'exacte appréciation du préjudice subi par Madame Y... » (arrêt attaqué p. 6, § 2, 3 et 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE : « Mme Y... est propriétaire d'un immeuble situé à SAINT GERVAIS, chemin du Rouveyran, C 466, voisin de la parcelle 467 appartenant à M. X... ;
Les titres des parties mentionnent une servitude de passage desservant le fonds de la requérante et passant sur celui du défendeur.
Par jugement du 27 octobre 2008, le Tribunal de Grande Instance de NIMES a constaté que le fonds de M. X... était grevé d'une servitude conventionnelle de passage consentie par titre notarié du 17 décembre 1956 et concédant au fonds actuellement dévolu à Me Y... le droit de passage le plus étendu et aboutissant au chemin de Rouveyran, et dit que l'assiette de cette servitude de passage était délimitée et matérialisée sur le document d'arpentage signé le 7 avril 1981.
Or, il ressort clairement d'un procès verbal dressé par Maître Laurent A..., Huissier de Justice, le 25 août 2010, qui vise le jugement et le document d'arpentage précités, que des arbustes et plantations, un grillage installé sur des piquets, des bancs en pierres, des trottoirs, une grande table de jardin en plastique et des chaises, ont été installés sur l'assiette de la servitude de passage telle que délimitée par le plan d'arpentage du 7 avril 1981.
Compte tenu du défaut de respect avéré par M. X... du droit de passage revendiqué et reconnu judiciairement, il convient de faire droit aux demandes présentées.
Il convient en conséquence de condamner M. X... à ôter tous les obstacles installés sur l'assiette de sa servitude de passage, à savoir, piquets, grillage, muret, arbres, arbustes, massifs de fleurs, tables, chaises, voitures, et ce sous astreinte de 80 ¿ par jour de retard à compter de la signification du jugement.
Par ailleurs, le défaut de respect par le défendeur du droit de passage pourtant reconnu judiciairement au profit du fonds de Mme Y... a causé à cette dernière un préjudice qui sera estimé à 3. 000 ¿ » (jugement p. 2, § 3 à 9).
ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu du principe de fixité de la servitude, le juge ne saurait, sans méconnaître le principe de l'autonomie de la volonté des parties, autoriser des modifications entraînant une aggravation de la servitude ni contraindre les propriétaires des fonds servants à des changements aggravant leur condition ; qu'il ressortait des propres constatations de Maître A..., huissier de justice, dans ses procès-verbaux des 31 mars et 25 août 2010, rappelées par Madame Y...elle-même dans ses conclusions récapitulatives d'appel (conclusions p. 5, dernier § et p. 6, § 2, 3, 4 et 6), qu'existaient sur la prétendue assiette du droit de passage des éléments particulièrement anciens tels qu'un arbre tricentenaire, des arbres de plusieurs mètres de haut ou de vieux perrons ; que la Cour d'Appel a cependant condamné Monsieur X... à ôter tous les obstacles par lui prétendument installés sur l'assiette de la servitude de passage telle que délimitée par le plan d'arpentage du 7 avril 1981 ; qu'en statuant ainsi sans avoir recherché quels obstacles il aurait ainsi lui-même créés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 682 et suivants, 701 et 702 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en vertu du principe de fixité de la servitude, le juge ne saurait, sans méconnaître le principe de l'autonomie de la volonté des parties, autoriser des modifications entraînant une aggravation de la servitude ni contraindre les propriétaires des fonds servant à des changements aggravant leur condition ; qu'il résultait d'une attestation de la fille de Monsieur Z...que la servitude de passage créée par acte de vente du 17 décembre 1956 permettait à Monsieur B..., cultivateur, « d'accéder d'une part au grand portail du bâtiment avec ses véhicules, d'autre part au petit portail pour entrer ses bêtes et ses marchandises.. » ; qu'il s'agissait d'une servitude de passage établie en faveur d'un agriculteur qui ne pouvait pas répondre à l'usage moderne que Madame Y...souhaitait lui donner au soutien de son action ; qu'en condamnant Monsieur X... à ôter tous les obstacles par lui prétendument installés sur l'assiette de la servitude de passage telle que délimitée par le plan d'arpentage du 7 avril 1981 sans avoir recherché si ladite servitude répondait à son usage d'origine, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 682 et suivants, 701 et 702 du Code civil.