La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/2016 | FRANCE | N°14-14524

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 février 2016, 14-14524


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 février 2014), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 5 décembre 2012, pourvois n° 11-20. 460 et 11-21. 278), que, le 23 décembre 1998, les consorts X..., propriétaires d'un fonds de commerce de vente de carburants au détail, ont donné ce fonds de commerce en location-gérance à la société Sodicarbu, constituée entre MM. Daniel et Thierry Z...; que, selon la convention de location-gérance, la société Sodicarbu s'est engagée à exécuter pour l'avenir les obliga

tions du contrat de commission conclu avec la société Total ; que ce con...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 février 2014), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 5 décembre 2012, pourvois n° 11-20. 460 et 11-21. 278), que, le 23 décembre 1998, les consorts X..., propriétaires d'un fonds de commerce de vente de carburants au détail, ont donné ce fonds de commerce en location-gérance à la société Sodicarbu, constituée entre MM. Daniel et Thierry Z...; que, selon la convention de location-gérance, la société Sodicarbu s'est engagée à exécuter pour l'avenir les obligations du contrat de commission conclu avec la société Total ; que ce contrat a pris fin de façon anticipée le 31 juillet 2007 ; que MM. Z...ont saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives tant à l'exécution qu'à la rupture des relations contractuelles ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Total Marketing services :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a pas respecté les obligations légales concernant le respect du repos dominical et de la condamner à payer des sommes à MM. Z...;
Mais attendu qu'après avoir constaté que MM. Z...avaient travaillé respectivement cent soixante et deux cent vingt-deux dimanches durant les années 2003 à 2007 et retenu que les dispositions de l'article R. 3132-5 du code du travail n'étaient pas applicables, dès lors que la société a imposé des conditions économiques, sans que MM. Z...n'aient le choix de modifier les plages horaires, déjà larges et sans qu'ils ne puissent pour répondre aux objectifs ainsi fixés, diminuer l'ouverture de la station-service ou embaucher du personnel, la cour d'appel, qui motivant sa décision, a décidé, à bon droit, que les intéressés pouvaient demander réparation de leur préjudice résultant de la privation du repos dominical ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de MM. Z...:
Attendu que ceux-ci font grief à l'arrêt de dire que les demandes antérieures au 7 avril 2003 sont prescrites et de limiter les dommages-intérêts, qui leur ont été alloués pour manquement de la société à ses obligations au titre du repos hebdomadaire, alors, selon le moyen, que ne constitue pas une demande de nature salariale l'action du salarié tendant à la réparation, par son employeur, du préjudice que lui cause la privation de repos hebdomadaire en infraction aux dispositions légales et règlementaires applicables ; que cette action en réparation d'un préjudice qu'il incombe au juge d'évaluer, qui n'est pas une action en paiement de salaires, était soumise, avant l'intervention de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, à la prescription trentenaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 2277 ancien du code civil et L. 3245-1 du code du travail dans leur rédaction antérieure à l'intervention de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la demande présentée sous la forme d'une réparation pécuniaire tendait en réalité au paiement d'avantages salariaux, la cour d'appel a exactement décidé que celle-ci était soumise à la prescription quinquennale ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Condamne la société Total Marketing services aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Total Marketing services à payer à MM. Z...la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Total Marketing Services, demanderesse au pourvoi principal
Il est fait reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Total Marketing Services n'a pas respecté les obligations légales concernant le respect du repos dominical et de l'avoir condamnée à payer, avec intérêts au taux légal, à M. Daniel Z..., la somme de 19. 200 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos dominical, et à M. Thierry Z..., au même titre, la somme de 26. 400 euros, ainsi qu'à chacun d'eux, la somme de 2. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE Sur les dommages et intérêts pour non-respect du repos dominical ; qu'en application de l'article L. 3132-2 du code du travail, « le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre » ; que l'article suivant dispose que le repos hebdomadaire est donné le dimanche ; que l'arrêt de la Cour de cassation, objet du présent renvoi, prévoit que le salarié peut demander réparation de son préjudice sur le repos dominical si les majorations de salaires prévues par la Convention collective, ou celles prévues par les dispositions légales autorisant des dérogations à la règle du repos dominical, ne sont pas applicables ; que les relations entre les parties ne sont pas d'ordre contractuel ; qu'il s'agit d'un statut défini par l'ancien article L. 781-4 du code du travail ; que les dispositions de l'article R. 3132-5 du code du travail prévoyant une dérogation permanente de droit au repos dominical pour les postes de distribution de carburants et lubrifiants pour automobiles n'étaient pas applicables compte tenu des conditions économiques imposées par Total ; que le salarié peut donc demander réparation de son préjudice sur le repos dominical ; qu'en l'espèce, il convient à titre liminaire d'apprécier si M. Daniel Z...et M. Thierry Z...ont travaillé les dimanches ; ... ; que sur la réparation du nonrespect du repos hebdomadaire : sur les fautes de la société Total Marketing Services ; qu'il est établi de manière définitive que les obligations de la Sarl Sodicarbu étaient en fait celles de M. Daniel Z...et de M. Thierry Z...; que le contrat de location gérance établi entre la Sarl Sodicarbu et les consorts X... prévoyait, dans le paragraphe « charges et conditions » que « l'ouverture du fonds aura lieu de 6h 30 du matin à 21 heures le soir. CE FONDS DEVRA RESTER OUVERT TOUS LES JOURS DE L'ANNÉE » ; que l'expert indique, dans son rapport, sans que cela ne soit contredit par les parties, qu'au vu des contrats conclus entre les consorts X... et la société Total Raffinage Marketing il ressort que l'engagement d'ouverture de la station-service s'établissait à : « 14 heures journalières entre 6h30 et 20h30, 7 jours sur 7 » ; qu'il est donc établi que la société Total Marketing Services a imposé une ouverture continue entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2004 ; qu'à la lecture du contrat de commission établi à compter du 1er janvier 2005, il n'est fait aucune mention d'horaires d'ouverture de la station puisque au paragraphe 1. 9 « jours et heures d'ouverture » seule la mention « le commissionnaire déclare que la période de fermeture annuelle est : néant » ; que cependant, il ressort de l'étude de l'activité économique de la société Sodicarbu qu'il n'existe pas de variation brutale début 2005, traduisant de nouveaux horaires ; que l'absence de modification de l'économie générale du contrat prouve que cette politique d'ouverture a perduré, sans que M. Daniel Z...et M. Thierry Z...aient le choix de modifier les plages horaires, déjà larges ; qu'ils ne pouvaient, pour répondre aux objectifs ainsi fixés, diminuer l'ouverture de la station-service ou embaucher du personnel ;
1) ALORS QUE la Cour de cassation a énoncé, dans son arrêt du 5 décembre 2012, statuant sur le pourvoi n° F 11-21. 278, que « si les majorations de salaires prévues par une convention collective ou par les dispositions légales autorisant des dérogations à la règle du repos dominical ne sont pas applicables à un salarié travaillant habituellement le dimanche, le travail ce jour-là en infraction aux dispositions légales et réglementaires sur le repos dominical est susceptible de causer au salarié un préjudice dont il peut demander réparation » ; qu'en énonçant que l'arrêt de la Cour de cassation, objet du présent renvoi, prévoit que le salarié peut demander réparation de son préjudice sur le repos dominical si les majorations de salaires prévues par la Convention collective, ou celles prévues par les dispositions légales autorisant des dérogations à la règle du repos dominical, ne sont pas applicables, la cour d'appel a violé les articles L. 7321-1, L. 7321-2, L. 3132-2, L. 3132-3 et R. 3132-5 du code du travail ;
2) ALORS QUE les bénéficiaires du statut de gérant de succursales peuvent notamment revendiquer l'application des dispositions du livre 1er de la troisième partie du code du travail relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relative à la santé et à la sécurité au travail, pour autant que le chef d'entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que l'article R. 3132-5 du code du travail, qui prévoit une dérogation permanente de droit au repos dominical pour les postes de distribution de carburants et lubrifiants pour automobiles, fait partie des dispositions que le bénéficiaire du statut de gérant de succursale peut se voir opposer ; qu'en retenant que l'article R. 3132-5 du code du travail n'était pas applicable compte tenu des conditions économiques imposées par Total pour faire droit à une demande indemnitaire en réparation d'un préjudice sur le repos dominical, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 7321-2, L. 5311-1, L. 5421-1, L. 5422-1 et R. 3132-5 du code du travail ;
3) ALORS QUE subsidiairement la société Total Marketing Services avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que MM. Z...avaient en fait la faculté de recruter du personnel et par conséquent, celle d'aménager leurs repos hebdomadaires ; précisant qu'ils n'avaient pas fait le choix de recruter afin de bénéficier d'une rémunération supérieure (conclusions d'appel, p. 11, n° 51) ; qu'en énonçant que MM. Z...ne pouvaient embaucher du personnel, sans s'expliquer sur le moyen de la société Total Marketing Services, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE subsidiairement, la société Total Marketing Services avait encore fait valoir dans ses conclusions d'appel, que MM. Z...avaient disposé dans les faits de la liberté de fixer librement l'amplitude d'ouverture de la station-service, notamment le week-end et qu'en l'absence de M. Daniel Z..., 50 % de ses horaires avaient été assurés par M. Thierry Z..., la station-service ayant été fermée pour l'autre moitié, ainsi qu'il ressortait du rapport d'expertise (conclusions d'appel, p. 10, n° 43) ; qu'elle avait encore observé que le rapport d'expertise établissait que M. Daniel Z...n'avait effectué aucune heure supplémentaire en 2003, 2005 et 2007 ; qu'en 2004, M. Daniel Z...avait travaillé 35, 34 heures et seulement une dizaine d'heures supplémentaires par semaine en 2006, autant de circonstances qui ne l'avaient pas empêché de bénéficier d'un repos hebdomadaire ; qu'elle avait ajouté que l'expert ayant établi que MM. Z...s'étaient relayés afin d'exploiter la station-service, et qu'il en résultait que M. Thierry Z...avait pu bénéficier d'un jour de repos hebdomadaire (conclusions d'appel, p. 7 et 8) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces moyens, corroborant que MM. Z...avaient pu prendre un repos hebdomadaire, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour MM. Daniel et Thierry Z..., demandeurs au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR " dit que les demandes antérieures au 7 avril 2003 sont prescrites ", limité aux sommes de 19 200 € et 26 400 € les dommages et intérêts respectivement alloués à Monsieur Daniel Z...et à Monsieur Thierry Z...pour manquement de la SA Total Marketing Services à ses obligations au titre du repos hebdomadaire ;
AUX MOTIFS QUE'la SA Total Marketing Services soutient que les demandes de nature salariale doivent être limitées du fait de la prescription quinquennale ; que Monsieur Daniel Z...et Monsieur Thierry Z...soutiennent que, s'agissant d'une demande fondée sur l'article 1382 du Code civil, la prescription quinquennale ne s'applique pas ;
QUE la prescription quinquennale instituée par l'article L. 143-14 du Code du travail s'applique à toute action engagée à raison de sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail ; que tel est le cas d'une demande tendant au versement de sommes qui auraient dû être payées en raison de l'absence de prise du repos hebdomadaire ; qu'en l'espèce, la demande est fondée sur les dispositions du Code du travail ; qu'il ne s'agit pas d'une demande tendant au versement de sommes qui auraient dû être payées en raison de l'absence de prise du repos hebdomadaire au sens strict, puisque la relation de travail entre Monsieur Daniel Z...et Monsieur Thierry Z...et Total n'est pas une relation contractuelle ; que cependant, il s'agit d'une demande de nature salariale prise sous la forme d'une réparation de préjudice ; qu'en conséquence, Monsieur Daniel Z...et Monsieur Thierry Z...ayant saisi le Conseil de prud'hommes de Nanterre le 7 avril 2008, les demandes relatives aux repos hebdomadaires antérieurs au 7 avril 2003 sont prescrites " ;
ALORS QUE ne constitue pas une demande de nature salariale l'action du salarié tendant à la réparation, par son employeur, du préjudice que lui cause la privation de repos hebdomadaire en infraction aux dispositions légales et règlementaires applicables ; que cette action en réparation d'un préjudice qu'il incombe au juge d'évaluer, qui n'est pas une action en paiement de salaires, était soumise, avant l'intervention de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, à la prescription trentenaire ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé par fausse application les articles 2277 ancien du Code civil et L. 3245-1 du Code du travail dans leur rédaction antérieure à l'intervention de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-14524
Date de la décision : 10/02/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 06 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 fév. 2016, pourvoi n°14-14524


Composition du Tribunal
Président : M. Mallard (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.14524
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award