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09/02/2016 | FRANCE | N°14-15134

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 février 2016, 14-15134


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2014), que la société anonyme Le Comptoir bleu (la société LCB) avait pour actionnaire majoritaire la société Sofra, le reste du capital étant réparti entre divers actionnaires, dont M. X... ; que les comptes de l'exercice 1999 ont été établis par la société Cabinet Figec (la société Figec), expert-comptable, et certifiés par M. Z..., commissaire aux comptes ; que l'établissement des comptes consolidés du groupe Sofra aurait été confié à la sociét

é Pricewaterhouse Coopers Audit (la société PwCA) ; qu'en 2000, la société S...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2014), que la société anonyme Le Comptoir bleu (la société LCB) avait pour actionnaire majoritaire la société Sofra, le reste du capital étant réparti entre divers actionnaires, dont M. X... ; que les comptes de l'exercice 1999 ont été établis par la société Cabinet Figec (la société Figec), expert-comptable, et certifiés par M. Z..., commissaire aux comptes ; que l'établissement des comptes consolidés du groupe Sofra aurait été confié à la société Pricewaterhouse Coopers Audit (la société PwCA) ; qu'en 2000, la société Sofra a conclu avec les actionnaires minoritaires de la société LCB un accord, approuvé par délibération du conseil d'administration du 17 juillet 2000, aux termes duquel elle s'est engagée à faire un apport de trésorerie en compte courant et à acquérir des titres supplémentaires ; que, chargé d'établir les comptes de la société LCB pour l'exercice 2000, le cabinet Amyot Exco a rédigé une note, le 7 janvier 2002, exposant qu'une perte n'aurait pas été comptabilisée en 1999 ; que la société Sofra a assigné en responsabilité les sociétés Figec et PwCA, ainsi que M. Z...; que M. Y..., ancien dirigeant de la société Figec, est intervenu volontairement à l'instance ; que le 21 janvier 2004, la société LCB a été mise en liquidation judiciaire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Sofra fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action en réparation du dommage résultant du soutien en trésorerie fait à la société LCB pour un montant de 6 992 690, 53 euros alors, selon le moyen :
1°/ qu'en dépit de l'ouverture d'une procédure collective contre le débiteur et de la déclaration de sa créance, le créancier dispose d'un droit propre de rechercher la responsabilité d'un tiers, dès lors qu'il invoque un préjudice personnel, distinct de celui de la collectivité des créanciers de la procédure ; que le dommage subi par un créancier, causé par l'inexécution du contrat conclu avec un professionnel du chiffre et consistant dans l'octroi d'un soutien en trésorerie au débiteur au vu d'une situation financière inexacte, constitue un préjudice personnel, distinct de celui de la collectivité des créanciers de la procédure collective ; qu'en déclarant la demande de la société Sofra irrecevable, aux motifs adoptés que son préjudice ne se distinguait pas de celui des autres créanciers de la société en liquidation judiciaire, en ce que la société Sofra avait produit sa créance dans le cadre de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, ensemble les articles L. 621-39 et L. 622-4 du code de commerce dans leur rédaction applicable à la cause ;
2°/ que le juge ne peut, sans commettre un excès de pouvoir, se prononcer sur le bien-fondé d'une demande après l'avoir déclarée irrecevable ; qu'en se prononçant sur le bien-fondé de la demande en réparation de son préjudice formée par la société Sofra au titre du soutien en trésorerie d'un montant de 6 992 690, 53 euros, après avoir pourtant déclaré irrecevable une telle demande, la cour d'appel a violé les articles 122 et 562 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en dépit de la formule générale figurant au dispositif de son arrêt, par laquelle la cour d'appel a confirmé pour le surplus l'intégralité des dispositions du jugement, il ne résulte d'aucun des motifs de l'arrêt qu'elle se soit prononcée sur la recevabilité, contestée, de la demande de réparation du préjudice " consistant en l'octroi d'un soutien en trésorerie au vu de la situation financière inexacte ", dont elle a seulement examiné le bien-fondé ; que le moyen qui, sans critiquer une contradiction entre les motifs et le dispositif de l'arrêt, invoque une irrecevabilité inexistante, est inopérant ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Sofra fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Figec et PwCA, ainsi que de M. Z..., au paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis d'un écrit ; qu'en l'espèce, le protocole d'accord de juillet 2000 prévoit que la restructuration du capital de la société LCB effectuée par la société Sofra est conditionnée par l'apport concomitant réalisé par le groupe X... devant intervenir au plus tard le 31 décembre 2000 (art. 2-2 du protocole) ; qu'en énonçant que l'accord sur la restructuration du capital social de la société Le Comptoir bleu a été conclu début juillet 2000, de sorte que la société Sofra s'est engagée avant de disposer des comptes définitifs arrêtés au cours des semaines suivantes, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la société Sofra faisait valoir dans ses écritures en cause d'appel qu'elle n'était en aucune façon engagée de façon irrévocable dès le 17 juillet 2000 à apporter son concours à la société LCB, en ce que les décisions prises par son conseil d'administration pouvaient être à tout moment rapportées ou révisées par ce même conseil, et la société Sofra se serait bien évidemment abstenue de tout concours si elle avait eu connaissance de la véritable situation de la société LCB, information dont la société Sofra ne disposera que le 7 janvier 2002, date de la remise de la note technique du cabinet Amyot Exco ; qu'en énonçant qu'il résulte des termes du procès-verbal du 17 juillet 2000 du conseil d'administration de la société Sofra que celui-ci a, dès ce jour là, autorisé l'apport de 7 000 000 francs et la souscription à une augmentation de capital de 25 000 000 francs de la société Le Comptoir bleu sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'un accord de principe oblige seulement les parties à poursuivre les négociations de bonne foi et ne peut emporter engagement ferme et définitif de conclure l'opération projetée ; qu'en énonçant que l'engagement de principe résulte de l'accord de restructuration de début juillet 2000, de sorte que l'engagement d'acquérir les titres sociaux des minoritaires n'a pas davantage été influencé par les comptes erronés de l'exercice 1999, qui n'étaient pas encore disponibles, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1134 du code civil ;
4°/ que le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis d'un écrit ; qu'en l'espèce, le protocole d'accord de juillet 2000 prévoit seulement l'engagement de la société Sofra de céder des participations minoritaires au sein de la société LCB (article 3 du protocole) et ne contient à sa charge aucune obligation d'acquisition de titres LCB ; qu'en énonçant que l'engagement de principe résulte de l'accord de restructuration de début juillet 2000, de sorte que l'engagement d'acquérir les titres sociaux des minoritaires n'a pas davantage été influencé par les comptes erronés de l'exercice 1999, qui n'étaient pas encore disponibles, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que la société Sofra ait soutenu devant la cour d'appel que le protocole d'accord du mois de juillet 2000 comportait seulement l'engagement de cette société de céder des participations minoritaires au sein de la société LCB et ne mettait à sa charge aucune obligation d'acquérir des titres de cette société ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que la société Sofra a conclu l'accord sur la restructuration du capital de la société LCB début juillet 2000, sans détenir à cette date les comptes définitifs de cette société arrêtés seulement au cours des semaines suivantes ; qu'il relève que le conseil d'administration de la société Sofra a, dès le 17 juillet 2000, autorisé une augmentation de capital de la société LCB, cependant qu'il ne disposait pas des comptes définitifs de l'exercice 1999, lesquels n'avaient été transmis que le 24 juillet 2000 par la société Figec ; qu'il ajoute que même si l'acquisition des titres des minoritaires s'est effectuée en janvier ou février 2001, " l'engagement de principe " résulte de l'accord de restructuration de début juillet 2000 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que la convention litigieuse ne constituait pas un simple accord de principe, la cour d'appel, qui ne l'a pas dénaturée, et qui n'était pas tenue de répondre à une affirmation dépourvue d'offre de preuve, a pu retenir que l'engagement souscrit par la société Sofra aux termes de cette convention n'avait pas été influencé par les comptes erronés de l'exercice 1999, lesquels n'étaient pas encore disponibles ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sofra aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 2 000 euros à la société Pricewaterhouse Coopers Audit, celle de 2 000 euros à M. Z..., celle de 2 000 euros à la société Figec et celle de 2 000 euros à M. Y...;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Sofra
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action en réparation de son dommage de la société SOFRA résultant du soutien en trésorerie apporté à la société LE COMPTOIR BLEU d'un montant de 6 992 690, 53 euros ;
Aux motifs propres que « les actionnaires de la SA LE COMPTOIR BLEU le demeurent nonobstant sa mise en liquidation judiciaire et que la société SOFRA, invoquant le préjudice résultant pour elle d'avoir acquis les titres des actionnaires minoritaires de la société LE COMPTOIR BLEU en ignorant que celle-ci était dans une situation financière bien plus difficile que ce que les comptes (qui se seraient révélés erronés) le laissaient entrevoir, allègue d'un préjudice spécifique distinct de celui de la collectivité des créanciers de la liquidation judiciaire de la société LE COMPTOIR BLEU, en alléguant un dommage qui résulterait de la faute qui aurait été commise, non par la société LE COMPTOIR BLEU elle-même, mais par le cabinet PwCA à qui elle prétend avoir confié l'évaluation de ladite société ;
Que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont déclaré recevable cette partie de l'action ;
Et que « la société SOFRA sollicite la condamnation solidaire des sociétés PwCA et FIGEC et de Monsieur Alain Z...en réparation des préjudices résultant du soutien qu'elle a apporté à la trésorerie de la société LE COMPTOIR BLEU (6 992 690, 35 ¿ et de l'acquisition complémentaire " inutile " des titres de ladite société (252 455, 57 ¿) ;
Mais considérant qu'il n'est pas contesté que les comptes de l'exercice 1999 de la société LE COMPTOIR BLEU n'ont été disponibles que le 24 juillet 2000 pièce n° 10 et n'ont été approuvés que lors de l'assemblée générale du 20 septembre suivant ;
Qu'il résulte, en revanche, des écritures des parties que l'accord sur la restructuration du capital social de la société LE COMPTOIR BLEU a été conclu début juillet 2000, de sorte que la société SOFRA s'est engagée avant de disposer des comptes définitifs arrêtés au cours des semaines suivantes, étant au surplus observé qu'il résulte des termes du procès-verbal du 17 juillet 2000 du conseil d'administration de la société SOFRA pièce n° 9 que celui-ci a, dès ce jour là, autorisé l'apport de 7 MF et la souscription à une augmentation de capital de 25 MF de la société LE COMPTOIR BLEU, soit avant de disposer des comptes définitifs de l'exercice 1999, transmis le 24 juillet 2000 par le cabinet FIGEC date de la télé-copie figurant sur la pièce n° 10 versée aux débats par la société SOFRA ;
Que dès lors, la société SOFRA n'est pas fondée à prétendre s'être engagée en ayant une vision erronée de la situation réelle du fait de l'inexactitude des comptes de sa filiale, lesquels n'étaient pas encore définitivement arrêtés et donc, a fortiori, n'avaient pas encore été revus par le commissaire aux comptes dont les rapports légaux n'ont été disponibles que pour l'assemblée générale du 20 septembre 2000, ni davantage encore audités par PwCA pour le compte de la maison mère, étant au surplus observé que :
- d'une part, la société SOFRA n'a pas contesté que la comptabilité de la société LE COMPTOIR BLEU était tenue au jour le jour par les services comptables placés sous l'autorité de la maison mère, d'autant qu'il n'est pas davantage contesté que le contrat de prestations de services du 1er octobre 1998 stipule que la société SOFRA est en mesure d'apporter toute son expérience de gestion et de conseil à sa nouvelle filiale,
- d'autre part, le rapport COFYSIS du 31 janvier 2006, versé aux débats par la société SOFRA pièce n° 21, relève que la vive croissance du chiffre d'affaires de 1999 a été réalisée dans un contexte de désorganisation des services administratifs de l'entreprise, traduit notamment par un retard chronique dans le processus d'arrêté des comptes, l'expert judiciaire commis par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nanterre ayant, quant à lui, ultérieurement relevé une organisation interne défaillante en soulignant que la forte croissance du chiffre d'affaires et la complexité de l'organisation mise en place n'ont pas été accompagnées par un renforcement des procédures de contrôle et d'organisation interne, l'ensemble de ces défaillances ne pouvant pas être mis à la charge du cabinet extérieur d'expertise comptable ayant ultérieurement participé à l'élaboration (tardive) des comptes sociaux de l'exercice 1999, ni du commissaire aux comptes, ni davantage du cabinet d'expertise comptable chargé d'établir les comptes consolidés de la maison mère ;
Considérant aussi que, même si on admet que l'acquisition des titres des minoritaires s'est effectuée en janvier ou février 2001, l'engagement de principe résulte de l'accord de restructuration de début juillet 2000, de sorte que l'engagement d'acquérir les titres sociaux des minoritaires n'a pas davantage été influencé par les comptes erronés de l'exercice 1999, qui n'étaient pas encore disponibles » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « la demanderesse allègue que son préjudice consiste à avoir apporté un soutien en trésorerie inopportun et à avoir acquis une fraction du capital social de sa filiale ; qu'elle ne reproche pas aux défendeurs d'être responsables de la mise en redressement judiciaire de la société LCB, mais de lui avoir donné une connaissance gravement inexacte de la situation réelle de sa filiale l'ayant conduite à un soutien et à une acquisition qu'elle n'aurait pas réalisés si elle avait connu la véritable situation de LCB ; que cependant le raisonnement de la demanderesse confond la faute et le préjudice ; qu'il appartient en l'espèce de déterminer si le dommage dont elle se plaint, se distingue de celui des autres créanciers de la société en liquidation judiciaire ;
Qu'en l'espèce s'agissant du soutien de trésorerie, la société SOFRA a produit sa créance dans le cadre de la procédure collective ; que dès lors, il convient de constater que son dommage ne se distingue pas de celui de la collectivité des créanciers ; qu'en conséquence, sa demande de réparation du dommage résultant de cet investissement n'est pas recevable » ;
Alors, d'une part, qu'en dépit de l'ouverture d'une procédure collective contre le débiteur et de la déclaration de sa créance, le créancier dispose d'un droit propre de rechercher la responsabilité d'un tiers, dès lors qu'il invoque un préjudice personnel, distinct de celui de la collectivité des créanciers de la procédure ; que le dommage subi par un créancier, causé par l'inexécution du contrat conclu avec un professionnel du chiffre et consistant dans l'octroi d'un soutien en trésorerie au débiteur au vu d'une situation financière inexacte, constitue un préjudice personnel, distinct de celui de la collectivité des créanciers de la procédure collective ; qu'en déclarant la demande de la société SOFRA irrecevable, aux motifs adoptés que son préjudice ne se distinguait pas de celui des autre créanciers de la société en liquidation judiciaire, en ce que la société SOFRA avait produit sa créance dans le cadre de la procédure collective, la Cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil, ensemble les articles L. 621-39 et L. 622-4 du code de commerce dans leur rédaction applicable à la cause ;
Alors, d'autre part que le juge ne peut, sans commettre un excès de pouvoir, se prononcer sur le bien-fondé d'une demande après l'avoir déclarée irrecevable ; qu'en se prononçant sur le bien-fondé de la demande en réparation de son préjudice formée par la société SOFRA au titre du soutien en trésorerie d'un montant de 6 992 690, 53 euros, après avoir pourtant déclaré irrecevable une telle demande, la Cour d'appel a violé les articles 122 et 562 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société SOFRA de sa demande tendant à condamner solidairement les sociétés FIGEC et PRICEWATERHOUSE COOPERS AUDIT, ainsi que Monsieur Alain Z...à lui payer la somme de 7 245 146, 10 ¿ en réparation du préjudice subi par les fautes commises ;
Aux motifs que « la société SOFRA sollicite la condamnation solidaire des sociétés PwCA et FIGEC et de Monsieur Alain Z...en réparation des préjudices résultant du soutien qu'elle a apporté à la trésorerie de la société LE COMPTOIR BLEU (6 992 690, 35 ¿ et de l'acquisition complémentaire " inutile " des titres de ladite société (252 455, 57 ¿) ;
Mais considérant qu'il n'est pas contesté que les comptes de l'exercice 1999 de la société LE COMPTOIR BLEU n'ont été disponibles que le 24 juillet 2000 pièce n° 10 et n'ont été approuvés que lors de l'assemblée générale du 20 septembre suivant ;
Qu'il résulte, en revanche, des écritures des parties que l'accord sur la restructuration du capital social de la société LE COMPTOIR BLEU a été conclu début juillet 2000, de sorte que la société SOFRA s'est engagée avant de disposer des comptes définitifs arrêtés au cours des semaines suivantes, étant au surplus observé qu'il résulte des termes du procès-verbal du 17 juillet 2000 du conseil d'administration de la société SOFRA pièce n° 9 que celui-ci a, dès ce jour là, autorisé l'apport de 7 MF et la souscription à une augmentation de capital de 25 MF de la société LE COMPTOIR BLEU, soit avant de disposer des comptes définitifs de l'exercice 1999, transmis le 24 juillet 2000 par le cabinet FIGEC date de la télé-copie figurant sur la pièce n° 10 versée aux débats par la société SOFRA ;
Que dès lors, la société SOFRA n'est pas fondée à prétendre s'être engagée en ayant une vision erronée de la situation réelle du fait de l'inexactitude des comptes de sa filiale, lesquels n'étaient pas encore définitivement arrêtés et donc, a fortiori, n'avaient pas encore été revus par le commissaire aux comptes dont les rapports légaux n'ont été disponibles que pour l'assemblée générale du 20 septembre 2000, ni davantage encore audités par PwCA pour le compte de la maison mère, étant au surplus observé que :
- d'une part, la société SOFRA n'a pas contesté que la comptabilité de la société LE COMPTOIR BLEU était tenue au jour le jour par les services comptables placés sous l'autorité de la maison mère, d'autant qu'il n'est pas davantage contesté que le contrat de prestations de services du 1er octobre 1998 stipule que la société SOFRA est en mesure d'apporter toute son expérience de gestion et de conseil à sa nouvelle filiale,
- d'autre part, le rapport COFYSIS du 31 janvier 2006, versé aux débats par la société SOFRA pièce n° 21, relève que la vive croissance du chiffre d'affaires de 1999 a été réalisée dans un contexte de désorganisation des services administratifs de l'entreprise, traduit notamment par un retard chronique dans le processus d'arrêté des comptes, l'expert judiciaire commis par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nanterre ayant, quant à lui, ultérieurement relevé une organisation interne défaillante en soulignant que la forte croissance du chiffre d'affaires et la complexité de l'organisation mise en place n'ont pas été accompagnées par un renforcement des procédures de contrôle et d'organisation interne, l'ensemble de ces défaillances ne pouvant pas être mis à la charge du cabinet extérieur d'expertise comptable ayant ultérieurement participé à l'élaboration (tardive) des comptes sociaux de l'exercice 1999, ni du commissaire aux comptes, ni davantage du cabinet d'expertise comptable chargé d'établir les comptes consolidés de la maison mère ;
Considérant aussi que, même si on admet que l'acquisition des titres des minoritaires s'est effectuée en janvier ou février 2001, l'engagement de principe résulte de l'accord de restructuration de début juillet 2000, de sorte que l'engagement d'acquérir les titres sociaux des minoritaires n'a pas davantage été influencé par les comptes erronés de l'exercice 1999, qui n'étaient pas encore disponibles » ;
Alors, d'une part que le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis d'un écrit ; qu'en l'espèce, le protocole d'accord de juillet 2000 prévoit que la restructuration du capital de LCB effectuée par SOFRA est conditionnée par l'apport concomitant réalisé par le groupe X... devant intervenir au plus tard le 31 décembre 2000 (art. 2-2 du protocole) ; qu'en énonçant que l'accord sur la restructuration du capital social de la société LE COMPTOIR BLEU a été conclu début juillet 2000, de sorte que la société SOFRA s'est engagée avant de disposer des comptes définitifs arrêtés au cours des semaines suivantes, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Alors, d'autre part, que l'exposante faisait valoir dans ses écritures en cause d'appel que SOFRA n'était en aucune façon engagée de façon irrévocable dès le 17 juillet 2000 à apporter son concours à LCB, en ce que les décisions prises par son conseil d'administration pouvaient être à tout moment rapportées ou révisées par ce même conseil et SOFRA se serait bien évidemment abstenue de tout concours si elle avait eu connaissance de la véritable situation de LCB, information dont SOFRA ne disposera que le 7 janvier 2002, date de la remise de la note technique du cabinet AMYOT EXCO (Conclusions d'appel de SOFRA, p. 49) ; qu'en énonçant qu'il résulte des termes du procès-verbal du 17 juillet 2000 du conseil d'administration de la société SOFRA que celui-ci a, dès ce jour là, autorisé l'apport de 7 MF et la souscription à une augmentation de capital de 25 MF de la société LE COMPTOIR BLEU sans répondre à ce moyen péremptoire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, en outre, qu'un accord de principe oblige seulement les parties à poursuivre les négociations de bonne foi, et ne peut emporter engagement ferme et définitif de conclure l'opération projetée ; qu'en énonçant que l'engagement de principe résulte de l'accord de restructuration de début juillet 2000, de sorte que l'engagement d'acquérir les titres sociaux des minoritaires n'a pas davantage été influencé par les comptes erronés de l'exercice 1999, qui n'étaient pas encore disponibles, la Cour d'appel a violé les articles 1101 et 1134 du code civil ;
Alors, enfin, que le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis d'un écrit ; qu'en l'espèce, le protocole d'accord de juillet 2000 prévoit seulement l'engagement de SOFRA de céder des participations minoritaires au sein de LCB (article 3 du protocole), et ne contient à sa charge aucune obligation d'acquisition de titres LCB ; qu'en énonçant que l'engagement de principe résulte de l'accord de restructuration de début juillet 2000, de sorte que l'engagement d'acquérir les titres sociaux des minoritaires n'a pas davantage été influencé par les comptes erronés de l'exercice 1999, qui n'étaient pas encore disponibles, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-15134
Date de la décision : 09/02/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 fév. 2016, pourvoi n°14-15134


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.15134
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