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04/02/2016 | FRANCE | N°14-17429

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 février 2016, 14-17429


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la Mutuelle des architectes français (la MAF) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme B..., Mme X..., M. et Mme Y..., M. et Mme Z..., la société Chauffage Confort Isolation et le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Clos Saint-Yves ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 décembre 213), que la société de construction vente Le Clos Saint-Yves (la SCCV) a acquis un ensemble immobilier qu'elle a fait réhab

iliter avant de le vendre par lots en l'état futur d'achèvement ; que la S...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la Mutuelle des architectes français (la MAF) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme B..., Mme X..., M. et Mme Y..., M. et Mme Z..., la société Chauffage Confort Isolation et le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Clos Saint-Yves ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 décembre 213), que la société de construction vente Le Clos Saint-Yves (la SCCV) a acquis un ensemble immobilier qu'elle a fait réhabiliter avant de le vendre par lots en l'état futur d'achèvement ; que la SCCV a confié à la société Design pro 2000, assurée par la Mutuelle des architectes français (MAF), une mission de maîtrise d'oeuvre limitée à la phase conception, permis de construire et appels d'offres, une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution et d'ordonnancement-pilotage-coordination (OPC) à la société Ouest coordination, la réalisation des travaux à la société La Perosienne pour les lots gros-oeuvre, charpente, menuiserie, revêtements de sols, peinture, à la société Confort chauffage isolation pour les lots, plomberie, chauffage, électricité, ventilation, cloisons et isolation et à la société SCOB pour le lot couverture ; que, se plaignant de non-conformités et de retards de livraison, les consorts B..., C..., Y... et Z..., acquéreurs de lots, ont, après expertise, assigné la SCCV en indemnisation de leurs préjudices et que des appels en garantie ont été formés ;
Attendu que la MAF fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Design Pro et la société Ouest Coordination, à payer à la société Le Clos Saint-Yves la somme de 400 198, 98 euros et à la garantir des chefs de condamnation prononcées contre elle au profit des copropriétaires, à l'exception des condamnations prononcées au titre des non-conformités et non-finitions ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il ressortait du rapport d'expertise judiciaire que le projet de rénovation et d'extension préparé par la société Design pro 2000 présentait des lacunes importantes " erreurs de cotes, contrôle insuffisant de l'état des existants, omissions de certaines prestations, estimation erronée du coût des travaux, non-réalisation de documents de maîtrise d'oeuvre de conception " et que ces erreurs avaient conduit à une sous-estimation du coût réel des travaux et avaient empêché la réalisation des travaux d'extension et retenu que la SCCV, qui n'était pas un professionnel de la construction notoirement compétent et dont il n'était pas démontré, au vu du rapport d'expertise, qu'elle s'était immiscé de manière positive dans la réalisation des travaux ni qu'elle avait, en se réservant la réalisation des documents relatifs aux études d'exécution, commis à ce titre une quelconque faute, la cour d'appel a pu infirmer le jugement en ce qu'il avait retenu, pour partie, la responsabilité de la SCCV, et condamner la MAF, in solidum avec la société Design pro 2000 et la société Ouest coordination ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Mutuelle des architectes français aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Mutuelle des architectes français à payer à la société Le Clos Saint-Yves la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la Mutuelle des architectes français ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Mutuelle des architectes français
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la Mutuelle des Architectes Français, in solidum avec la société DESIGN PRO et la société OUEST COORDINATION, à verser à la société LE CLOS SAINT YVES les somme de 400 198, 98 € en réparation de son préjudice et de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à la garantir intégralement des chefs de condamnations prononcées contre elle au profit des copropriétaires, à l'exception des condamnations prononcées au titre des non-conformités et non-finitions,
Aux motifs qu'« il ressort du rapport d'expertise judiciaire que le projet de rénovation et d'extension préparée par la société DESIGN PRO assurée par la MAF présentait des lacunes importantes : erreurs de cotes, contrôle insuffisant de l'état des existants, omissions de certaines prestations, estimation erronée du coût des travaux, non-réalisation de documents de maîtrise d'oeuvre de conception. Ces erreurs ont notamment conduit à une sous-estimation du coût réel des travaux de rénovation de l'ordre de 235 740 € et ont empêché la réalisation des travaux d'extension. La société OUEST COORDINATION était investie d'une mission de coordination et le contrôle général des travaux. L'expert A... a estimé dans son rapport (pages 25 et 26) que la mission OPC de la société OUEST COORDINATION ne pouvait être menée de manière satisfaisante compte tenu de l'indigence des documents intéressant la maîtrise d'oeuvre de conception, rappelant que dans la sous-phase des études préliminaires de l'OPC le titulaire de cette mission doit procéder à un examen détaillé des pièces contractuelles (notamment les plans de maîtrise d'oeuvre et CCTP). Il a précisé que la société OUEST COORDINATION a, dans ses bulletins d'information de manière régulière, interpellé la maîtrise de conception sur le cas insuffisant du contenu des documents (plans et descriptions des ouvrages) lequel a entraîné une quasi impossibilité de poursuite de sa mission normalement. « L'expert a fait également référence à l'annexe 1 de la convention de la société OUEST COORDINATION mentionnant explicitement que les documents relatifs aux études d'exécution (plans, plans de synthèse, devis quantitatifs détaillés par lot ou encore d'état) étaient réputés à la charge de la SCCV et a estimé qu'en toute logique, la qualité du déroulement des phases DECT (direction de l'exécution des contrats de travaux) et OPC (ordonnancement et pilotage de chantier) étaient à l'évidence subordonnée à la qualité des prestations de maîtrise d'oeuvre antérieures de l'EURL DESIGN PRO confié par la SCCV en concluant que sauf à ce que soit définitif tenu à l'impossible, la société OUEST COORDINATION apparaît être parfaitement étrangère aux manquements générateurs du litige intervenu entre constructeurs mais également entre ces derniers et les acquéreurs. Le bulletin de coordination établi le 27 février 2002 par la société OUEST COORDINATION, à la suite d'une réunion tenue en présence des représentants du maître de l'ouvrage, du maître d'oeuvre de conception mentionne, sans aucune réserve de la part de la société OUEST COORDINATION, au titre des délais d'exécution, que l'OS (ordre de service) de démarrage des travaux de démolition intérieures/extérieures interviendra le 4 mars 2002, travaux devant être achevés le 30 mars 2002. Le bulletin n° 2 établi après réunion du 7 mars 2002 sur site, confirme que les travaux de démolitions intérieurs sont réalisés à hauteur de 10 %. Ce n'est que sur le bulletin du 11 avril 2002 qu'il est mentionné qu'il y a une " erreur " au niveau des plans de l'EURL DESIGN PRO. Cependant, la société OUEST COORDINATION a, malgré les reproches faits à la conception, poursuivi sa mission en adaptant, au niveau de l'exécution les travaux, le projet initial pourtant mal conçu et sans justifier avoir parfaitement informé le maître d'ouvrage des conséquences de cette situation notamment au regard du coût réel du projet mais également des délais de réalisation. En effet, le raisonnement de l'expert ne peut être retenu car dès l'instant où la société OUEST COORDINATION s'était rendue compte des erreurs de la conception, elle devait en aviser officiellement le maître d'ouvrage, pour lui demander ce qu'il fallait faire pour la suite de l'opération. Outre le fait qu'elle n'a pas avisé le maître de l'ouvrage des insuffisances du projet de conception, elle a également accepté le démarrage du chantier alors qu'elle ne disposait pas d'un dossier d'exécution complet. La lettre du représentant de la société LA PEROSIENNE du 27 février 2002 versée aux débats fait expressément référence à l'ordre de commencer les travaux qui lui a été donné à la suite de la réunion tenue le jour même. Ainsi, et contrairement à l'avis de l'expert, et à l'analyse du premier juge, elle a engagé sa responsabilité envers la société LE CLOS SAINT YVES. Elle a ainsi manqué à ses obligations et engagé sa responsabilité envers la SCCV CLOS SAINT YVES, laquelle n'est pas un professionnel de la construction notoirement compétent et dont il n'est pas démontré, au vu du rapport d'expertise qu'elle s'est immiscée de manière positive dans la réalisation des travaux ni qu'elle a, en se réservant la réalisation des documents relatifs aux études d'exécution (plans, plans de synthèse, devis quantitatifs détaillés par lots ou par corps d'état) commis à ce titre une quelconque faute ; (...) Sur le surcoût des travaux Il résulte du rapport d'expertise que les travaux se sont élevés à la somme de 478 681 € alors qu'ils avaient été estimés par l'EURL DESIGN PRO 2000 à la somme de 228 128, 64 €. Si cette somme correspond au coût réel des travaux et donc à la dépense normale qu'elle devait régler, elle n'a pas cependant pu répercuter ce surcoût sur le prix de vente des appartements, puisque les ventes sont intervenues en 2002, en début de programme. Ainsi la SCCV CLOS SAINT YVES s'est trouvée dans ces conditions dans l'obligation de financer des travaux d'un montant supérieur au double de celui retenu à l'origine par le maître d'oeuvre, a incontestablement subi un préjudice qui sera réparé par l'allocation de la somme de 235 749 € ; Sur l'impossibilité de réaliser la deuxième tranche L'expert après avoir fait réaliser un relevé de géomètre a précisé que l'impossibilité de réaliser la tranche 2 doit être attribuée aux erreurs cumulées de prise de cotes sur existants par l'EURL DESIGN PRO puisque la longueur réelle de la façade est de la tranche n° 2 ne peut être, tenu du retrait de 3 ml, supérieure à 19, 68 ml. L'expert propose de fixer l'indemnisation à ce titre en retenant la marge brute prévisible égale au manque-à-gagner soit 30 % sur le montant des travaux et la charge foncière afférente soit 426 857 + 50 000 = 143 057, 40 €. La SCCV ne peut pas prétendre obtenir à titre d'indemnisation la totalité du coût des travaux et de la charge foncière qu'elle aurait dû engager pour mener à bien la deuxième tranche du programme. En l'absence d'éléments comptables afférents à un projet qui n'a pas effectivement été mis en chantier, la SCCV CLOS SAINT YVES ne peut obtenir une indemnisation qu'au titre de la perte de chance de pouvoir mener à terme ce second projet et d'en retirer des plus-values. Au vu des éléments versés aux débats, du projet de construction d'un petit immeuble dans une station balnéaire réputée, de la commercialisation réussie de la première tranche et de l'évolution du marché immobilier, la cour possède les éléments suffisants pour fixer l'indemnisation du préjudice de la SCCV CLOS SAINT YVES à la somme de 90 000 €, somme à laquelle il convient d'ajouter les sommes de 1500 € au titre de la condamnation des réseaux en attente et de celle de 10 000 € au titre du traitement du pignon intermédiaire aux deux tranches, devenu pignon extérieur soumis aux intempéries soit au total la somme de 101 500 € ;

Sur le préjudice « financier » La SCCV réclame la somme de 175 518 € au titre du préjudice financier sur la base d'une simple note (pièce n° 190) non datée et non signée du préjudice financier subi par la SCCV LE CLOS SAINT YVES du fait du retard dans les travaux et les dépassements de budgets. Sur ce document, il est indiqué que la SCCV a dû régler des agios à compter du quatrième trimestre 2002, d'un montant de 68 909 €, la première tranche devant être achevée dans le courant du troisième trimestre 2002. Il est établi que par acte notarié du 13 avril 2002, le crédit agricole a consenti une ouverture de crédit en compte-courant à la SCCV destiné exclusivement dans un premier temps au remboursement du compte débiteur de ladite société dans les livres de la banque et à l'achèvement des travaux. L'ouverture de crédit initial d'un montant de 427 000 € devait être remboursée dans un délai de six mois maximum, il est (sic) prévu est fixé par l'architecte pour la réhabilitation de livraison des appartements. Il est établi que le programme a été terminé est réceptionné le 4 avril 2006 alors que le crédit initial avait été épuisé dès 2004 ce qui a contraint les associés personnellement empruntés (sic) chacun tout d'abord 225. 000 € auprès du Crédit Agricole par acte du 13 avril 2005 puis à nouveau 40 000 ¿ par acte du 18 avril 2007.

Il ressort du courrier du 21 juillet 2009 délivré par le crédit agricole des Côtes-d'Armor que sur l'ouverture de crédit mis en place d'un montant de 427 000 € et pour une durée de 12 mois, le montant des intérêts débiteurs et commissions d'engagement s'est élevée à :
-24 436, 25 € pour l'année 2002-27 517, 90 € pour l'année 2003-18 054, 90 € pour l'année 2004-12 480, 78 € pour l'année 2006-350, 61 € pour l'année 2006-1531, 29 € pour l'année 2007-2806, 61 € pour l'année 2008-207, 89 € pour les deux premiers trimestres de l'année 2009.

Il est établi que la société a été confrontée aux difficultés liées à la réalisation du programme est que ces associés ont apporté en compte-courant la somme de 642 443, 29 € Les difficultés consécutives aux fautes commises par les intervenants à l'acte de construire dans la réalisation du programme et notamment du retard consécutif ont engendré pour la société un préjudice financier particulier puisqu'elle a dû régler, à partir de l'animée 2003 des agios bancaires, pour un montant de 62 949, 98 € du fait de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de pouvoir, par les ventes en l'état futur d'achèvement, rembourser dans les délais d'ouverture de crédit dont elle avait bénéficié. Ainsi elle est bien fondée à obtenir en réparation de son préjudice financier, le paiement de la somme de 62 949, 98 € à titre de dommages-intérêts ; (...) L'EURL DESIGN PRO, la MAF et la société OUEST COORDINATION ¿ doivent in solidum indemniser la société LE CLOS ST YVES de ses préjudices personnels et la garantir des condamnations prononcées au bénéfice des copropriétaires au titre du retard de livraison, du préjudice moral et des frais irrépétibles » (arrêt p. 16 à 19) ;

Alors que, d'une part, la responsabilité de droit commun d'un constructeur n'est engagée que si le maître d'ouvrage rapporte la preuve d'une faute de sa part, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux ; qu'en l'espèce, pour retenir une faute à la charge de la société Design Pro, maître d'oeuvre, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il ressortait du rapport d'expertise judiciaire que le projet de rénovation et d'extension préparé par la société Design Pro présentait des lacunes importantes, erreurs de cotes, contrôle insuffisant de l'état des existants, omission de certaines prestations, estimation erronée du coût des travaux, non réalisation de documents de maîtrise d'oeuvre de conception, que ces erreurs avaient notamment conduit à une sous-estimation du coût réel des travaux de rénovation de l'ordre de 235 740 € et empêché la réalisation des travaux d'extension ; qu'en statuant par ces seuls motifs, sans préciser les lacunes imputées au projet du maître d'oeuvre, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Alors que, d'autre part, la responsabilité du maître d'ouvrage peut être engagée s'il a participé à la construction en exerçant des fonctions de maître d'oeuvre et s'il a commis des fautes dans l'exercice de ses missions ; que dans ses conclusions d'appel, la Mutuelle des Architectes Français a fait valoir que la SCCV Le Clos Saint Yves avait conservé à sa charge la mise au point des marchés et le suivi des travaux, et qu'elle avait commis une faute pour avoir pris l'initiative de commencer les travaux alors que le dossier d'exécution n'était pas complet et que le montant global des travaux n'était pas déterminé ; qu'en écartant néanmoins toute responsabilité de la SCCV, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-17429
Date de la décision : 04/02/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 05 décembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 fév. 2016, pourvoi n°14-17429


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Le Bret-Desaché, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.17429
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