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03/02/2016 | FRANCE | N°14-87754

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 février 2016, 14-87754


Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Haydar X...,- Mme Zinet Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ANGERS, en date du 15 octobre 2014, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment, non-justification de ressources, a prononcé sur une saisie pénale immobilière ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 décembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, pr

ésident, Mme Chauchis, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambr...

Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Haydar X...,- Mme Zinet Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ANGERS, en date du 15 octobre 2014, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment, non-justification de ressources, a prononcé sur une saisie pénale immobilière ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 décembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chauchis, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CHAUCHIS, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LACAN ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur la recevabilité du pourvoi n° 36 formé, le 20 octobre 2014, par M. Haydar X... :
Attendu que le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice que son avocat en avait fait le même jour, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision ; que seul est recevable le pourvoi n° 35 formé le 20 octobre 2014 ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du 1er protocole à cette convention, 131-21, 222-44, 321-9, 324-7 du code pénal, 591, 593, 706-141 et 706-150 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'appel de M. X... irrecevable, et a ordonné la saisie du bien immeuble acquis en 1996 pour moitié indivise par Kemal X... et par Mme Zinet X...;
" aux motifs que le bien immobilier saisi a été acquis le 30 mai 1996, pour moitié indivise, par Kemal X... et Mme Zinet X...; que Kemal X... est décédé le 17 janvier 2012 ; qu'il résulte des propres écritures de l'avocat de l'appelant qu'aucun élément ne permet de dire à qui a été dévolue la succession de Kemal X... ; qu'en tout état de cause, il apparaît que l'immeuble saisi appartient à Mme Zinet X...; qu'il n'est donc pas établi que M. Haydar X... dispose de droits sur ce bien immobilier et qu'il a qualité pour contester la saisie réalisée ; qu'en conséquence il convient de déclarer irrecevable l'appel interjeté par M. Haydar X... contre l'ordonnance de saisie pénale relative au bien immobilier appartenant à sa mère ; que les éléments du dossier font apparaître que l'ensemble immobilier comprenant la boucherie et l'habitation de Mme Zinet X...a servi à commettre l'infraction pour laquelle M. Haydar X... est mis en examen, à savoir les faits de transport, détention, offre, cession, ou acquisition de stupéfiants, commis entre janvier 2010 et le 13 septembre 2013 inclus, au Mans, à Paris, à Monce-en-Belin, en état de récidive légale pour avoir été condamné le 17 novembre 2003 par le tribunal correctionnel du Mans pour des faits similaires ou assimilés ; que ces faits sont prévus et réprimés par les articles 222-37, 222-38, 222-40, 222-41, 222-43, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49, 222-50, 321-6, 321-9 du code pénal ; qu'à ce titre, les articles 222-44 et 321-9 du code pénal autorisent la confiscation de la chose qui a servi à la commission de l'infraction, l'article 131-21 du code pénal ajoutant la réserve des « droits du propriétaire de bonne foi » ; qu'à cet égard Mme Zinet X...est seule propriétaire de l'ensemble immobilier sis ... au Mans depuis le décès de son époux le 17 janvier 2012 ; que ses explications livrées aux enquêteurs quant à sa méconnaissance du trafic déployé par son fils illustrent sa mauvaise foi, dans la mesure où :- la boucherie et le domicile de Mme Zinet X...sont étroitement imbriqués dans un ensemble immobilier appartenant à Mme Zinet X...et tous deux à l'adresse du ... au Mans, la mère laissant libre disposition et accès à son fils de cet ensemble où elle même demeure ;- Mme Zinet X...a spontanément assuré ne plus descendre à la cave depuis deux ans, zone de stockage de la drogue, alors que Mme Céline A...a confirmé avoir vu sa belle-mère descendre dans cette pièce, dans laquelle a d'ailleurs été observée sa table à repasser et la présence de produits ménagers ;- Mme Zinet X...a déclaré aux enquêteurs qu'elle dormait au moment de l'interpellation de M. Riko B..., dans son domicile, et de ce fait, ne pas avoir vu ce dernier dissimuler le sac contenant la drogue dans sa salle à manger, le 13 septembre 2013, alors même qu'elle s'y tenait, ce qui la rend peu crédible eu égard aux circonstances de l'interpellation ;- que le financement de la boucherie a été réalisé de manière particulièrement opaque ; que si Mme Zinet X...a déclaré que son époux a aidé M. Haydar X... lors de l'ouverture de la boucherie en lui apportant 30 000 euros, cette allégation n'a pas été corroborée par les investigations financières ; que les investigations bancaires ont mis par ailleurs en évidence des mouvements de fonds sans rapport avec les ressources officielles de l'intéressée entre 2008 et 2012, ce qui amène à s'interroger sur les conditions de vie de Mme Zinet X...dans la mesure où elle n'a pu s'en expliquer (D12968) ;- il ne peut être soutenu de manière pertinente que Mme Zinet X...ignorait les activités délictuelles de son fils, alors que :- la drogue était entreposée dans sa cave, qui s'avère être une zone de passage quotidienne eu égard à la présence de produits ménagers et alimentaires, dans un emplacement qui ne pouvait échapper à l'attention de celle-ci ; que M. Riko B...a d'ailleurs fait observer qu'un neveu de M. Haydar X... a pu lui-même s'étonner de la présence de résine de cannabis ;- le trafic de M. Haydar X... l'amenait nécessairement à faire de multiples allers/ retours entre la boucherie et l'habitation, compte tenu de son volume d'activité tel qu'il ressort des auditions et surveillances réalisées, de sorte que Mme Zinet X...ne pouvait que s'en étonner, ayant été par ailleurs nécessairement avisée des motifs de sa première condamnation pour trafic de stupéfiants ; qu'en l'absence de saisie pénale, une dissipation de la valeur de ce bien aurait pour effet de priver la juridiction de jugement de toute perspective de confiscation, dans la mesure où les investigations ont démontré une organisation certaine de M. Haydar X... pour préserver son patrimoine d'une éventuelle confiscation judiciaire (location de véhicules, gérant faussement désigné, etc) ; qu'en outre les charges réunies au dossier à l'encontre de M. Haydar X... permettent de considérer que les bénéfices procurés par son trafic de stupéfiants sont tels que la confiscation de l'immeuble dont sa mère est propriétaire et qui a servi à la commission de I'infraction, ne serait pas manifestement disproportionnée aux enjeux de la présente procédure, dans la mesure où cette propriété a été estimée à la valeur de 130 000 euros ; qu'il y a lieu de noter à cet égard que les investigations ont permis de relever que la seule transaction du 13 septembre 2013 correspondait à une valeur d'environ 40 000 euros, tandis que M. David C...et ses proches ont évoqué la livraison d'au moins quatre kilos et demi de cocaïne à M. Haydar X... pour une valeur de 30 à 40 000 euros le kilogramme (incluant les deux kilos de cocaïne apportés par les dénommés E...et F...) ; que les éléments du dossier ont permis d'établir que M. Haydar X... disposait d'autres filières d'approvisionnement, concernant la cocaïne, le cannabis et l'héroïne, et que ses transactions ont eu lieu en 2012 et 2013 ; que la valeur absolue de ses activités de trafic de stupéfiants est par voie de conséquence supérieure à la valeur du bien saisi, ajoutée à celle de son domicile situé à Monce-en-Belin ; qu'il résulte de la procédure que le bien a servi à commettre I'infraction, qu'il constitue donc l'instrument de I'infraction ; qu'au terme de l'article 131-21, alinéa 2, du code pénal, « la peine complémentaire de confiscation est encourue de plein droit pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an... la confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis... ayant servi à commettre I'infraction... et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition » ; qu'il y a donc lieu de confirmer la saisie pénale afin de garantir la peine de confiscation de ce bien immeuble figurant sur la commune du Mans, au n° ... au cadastre section KM, n° 722, bien acquis le 30 mai 1996, par acte de M. Patrice D..., notaire à Yvre L'Evêque et publié le 7 juin 1996 à la conservation des hypothèques du Mans sous la référence 1996 P 3655, acte administratif du 3 septembre 1976 publié le 5 octobre 1976 à la conservation des hypothèques du Mans sous la référence d'enliassement volume 1590 n° 2 constant la division du KM 343 en KM 721 (vendu) et KM 722 restant appartenir à Leloup, né le 11 mai 1928 et son épouse Perrier née le 9 octobre 1931, dont sont propriétaires pour moitié indivise : X... Kemal né en 1929 à Sakarya (Turquie), retraité, demeurant ... au Mans, décédé le 17 janvier 2012, et Y..., épouse X... Zinet, née le 25 septembre 1935 à Sakarya (Turquie), retraitée, demeurant ... au Mans, tous mariés sous le régime légal de la séparation des biens ; qu'il y a lieu de rappeler qu'il résulte également de l'article 131-21, alinéa 6, du code pénal que la peine complémentaire de confiscation est encourue sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition... quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, et l'origine (licite ou illicite) dès lors que les infractions concernées le prévoient :- crimes et délits concernant le trafic de stupéfiants (222-37, 222-49 du code pénal) ;- blanchiment de fonds (324-7 du code pénal) ;- non justification de ressources d'une personne étant en relation habituelle avec une personne se livrant à la commission de crimes ou délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement (321-3, 450-5 du code pénal), toutes qualifications visées par la présente information judiciaire ; qu'il convient dès lors de confirmer la décision entreprise ;

" 1°) alors que toute personne a droit au respect de ses biens ; que seul le bien appartenant au mis en examen peut faire l'objet d'une saisie ; que les biens des propriétaires de bonne foi ne peuvent faire l'objet d'aucune saisie ; que s'impose donc la détermination des propriétaires du bien saisi ; que M. Haydar X... soulignait, dans ses conclusions régulièrement déposées, l'absence d'éléments dans l'ordonnance de saisie établissant la propriété du bien immeuble depuis le décès de Kemal X... ; qu'en prononçant l'irrecevabilité de l'appel de M. Haydar X... sans répondre à cet argument péremptoire, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
" 2°) alors que de même, en prononçant la saisie du bien immeuble en estimant que Mme Zinet X...en était la « seule propriétaire », tout en constatant que ce bien immeuble avait été acquis pour moitié indivise par Kemal X..., décédé, et en relevant qu'« aucun élément ne permet de dire à qui a été dévolue la succession », la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 3°) alors que la saisie ne peut porter que sur les biens immeubles « dont le condamné est propriétaire ou », sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, « dont il a la libre disposition » ; qu'ayant relevé que M. Haydar X...n'était pas le propriétaire de l'immeuble, la chambre de l'instruction ne pouvait prononcer la saisie qu'en établissant non seulement la mauvaise foi du propriétaire mais également la libre disposition de ce bien par le mis en examen ; qu'en s'abstenant de toute mention quant à la libre disposition du bien immeuble par M. Haydar X...et en soulignant qu'il ne disposait d'aucun droit sur ce bien immobilier, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. Haydar X... a été mis en examen des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment et non-justification de ressources ; que, le 3 juillet 2014, le juge d'instruction a ordonné, pour garantir l'éventuelle confiscation du produit de l'infraction, la saisie pénale d'un bien immobilier acquis en indivision, le 30 mai 1996, par les parents du mis en examen, Mme Zinet Y..., épouse X..., et Kemal X..., ce dernier étant décédé le 17 janvier 2012 ;
Sur le moyen pris, en sa première branche :
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'appel interjeté par M. Haydar X... contre l'ordonnance de saisie pénale relative au bien immobilier appartenant à sa mère, l'arrêt retient qu'il résulte de ses propres écritures qu'aucun élément ne permet de dire à qui a été dévolue la succession de Kémal X... ; qu'en tout état de cause, l'immeuble appartient à Mme Zinet X...et qu'il n'est pas établi qu'il dispose lui-même de droits sur ce bien immobilier et a qualité pour contester la saisie réalisée ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui répondent aux articulations essentielles des écritures déposées devant elle, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D'ou il suit que le grief doit être écarté ;
Sur le moyen pris, en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, caractérisant tant la connaissance par Mme Zinet X...des activités délictuelles de son fils, M. Haydar X..., que la libre disposition du bien immobilier, instrument de l'infraction, dont celui-ci bénéficiait, et dès lors que la saisie de l'immeuble dont la confiscation est prévue par l'article 131-21, alinéa 2, du code pénal, peut, sous réserve du droit du propriétaire de bonne foi, porter sur tous les biens qui ont servi à commettre l'infraction, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
I-Sur le pourvoi n° 36 formé, le 20 octobre 2014, par M. Haydar X... :
Le déclare IRRECEVABLE ;
II-Sur les autres pourvois :
Les REJETTE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois février deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-87754
Date de la décision : 03/02/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, 15 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 fév. 2016, pourvoi n°14-87754


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.87754
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