LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Hyperdistribution Leclerc à compter du 1er octobre 2008 en qualité d'employé commercial ; qu'il a d'abord été affecté à la boutique multimédia, ensuite au rayon épicerie, enfin au rayon poissonnerie ; que, victime le 8 juin 2010 d'un accident du travail, il a, le 7 juillet 2010, été déclaré apte avec restriction, le médecin du travail précisant qu'il devait éviter les manipulations lourdes et répétées pendant un mois, puis a, le 27 juillet 2010, fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail en raison d'une rechute de son accident du travail ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement nul et de le condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; que ne rend pas nécessairement impossible la poursuite du contrat, le seul fait que la visite de reprise ait été organisée avec un retard d'une journée par rapport au délai de huit jours fixé par l'article R. 4624-22, alinéa 2, du code du travail ; qu'en refusant d'examiner, ainsi qu'il le lui était demandé, si ce retard rendait impossible la poursuite du contrat de travail et en affirmant que le seul constat du manquement de l'employeur rendait cette recherche inopérante, la cour d'appel a méconnu son office et a ainsi violé les articles L. 1237-1 et L. 1221-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil ;
2°/ que la société avait fait valoir que le salarié n'apportait aucun élément de preuve tendant à établir le non respect des restrictions temporaires émises par le médecin du travail à l'occasion de la visite de reprise ; que pour affirmer l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la société ne produisait aucun élément justifiant du respect desdites restrictions ; qu'en statuant de la sorte, sans qu'il résulte de ses constatations que l'employeur s'était opposé à la réintégration du salarié dans son emploi, aux conditions prescrites par le médecin du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-8 et L. 1226-15 du code du travail ;
3°/ qu'en s'abstenant de préciser en quoi l'application du salarié au rayon "épicerie - condiment" n'aurait pas été adaptée à son état de santé, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-8 et L. 1226-15 du code du travail ;
4°/ que la société avait fait valoir que le véritable motif de la prise d'acte était la volonté, de la part du salarié, de quitter l'entreprise pour travailler immédiatement auprès d'un nouvel employeur, la société Darty, de sorte que les motifs invoqués à l'appui de ladite prise d'acte ne pouvaient la justifier et que la rupture devait produire les effets d'une démission ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen de défense décisif, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant notamment constaté que l'employeur ne justifiait pas avoir mis en oeuvre, dans les délais légaux, l'organisation de la visite de reprise du salarié, que ce dernier avait fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail le 27 juillet 2010 pour rechute de son accident du 8 juin justifiant ainsi de plus fort, a posteriori, la nécessité d'une visite médicale de reprise pour déterminer les conditions de reprise du travail, que dès le 10 juillet 2010 ce salarié s'était plaint auprès de l'employeur de ce que, malgré les réserves du médecin, il manipulait de nombreuses charges qui nuisaient à son état et à son activité et que l'employeur ne justifiait pas avoir respecté les restrictions du médecin du travail, la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que ces manquements étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et décider que la prise d'acte par le salarié de la rupture de ce contrat produisait les effets d'un licenciement nul en application des dispositions de l'article L. 1226-13 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, qui est recevable :
Vu les articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts, l'arrêt se fonde sur les articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la prise d'acte de la rupture du contrat du travail par le salarié produit les effets d'un licenciement nul, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Hyperdistribution Leclerc à payer à M. X... les sommes de 1 063,41 euros au titre de l'indemnité de licenciement sur le fondement de l'article L. 1226-14 du code du travail et de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1226-15 du code du travail, l'arrêt rendu le 13 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Hyperdistribution-enseigne Leclerc
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur X..., le 08 août 2010, était justifiée et produisait les effets d'un licenciement nul, d'AVOIR, en conséquence, condamné la société HYPER DISTRIBUTION à lui payer les sommes de 1.387,06 € à titre d'indemnité de préavis, 138,71 € au titre des congés payés y afférents, 1.063,41 € à titre d'indemnité de licenciement doublée en application de l'article L. 1226-14 du Code du travail, 20.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1226-15 du même Code et 1.500 € au titre des frais irrépétibles, et d'AVOIR débouté la société HYPERDISTRIBUTION de sa demande tendant à voir condamner Monsieur X... à lui payer une indemnité pour préavis de démission non effectué ;
AUX MOTIFS QUE « Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués, suffisamment graves, la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Monsieur Thomas X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur par lettre recommandée avec avis de réception en date du 8 août 2010. Il soutient que l'employeur a commis deux manquements à ses obligations : d'une part, pour l'avoir affecté à de nouveaux postes sans formation et sans que ne soit vérifiée son aptitude physique ; d'autre part, pour une visite médicale de reprise tardive. ».
ET AUX MOTIFS QUE : « II ressort des pièces versées aux débats que : le 8 juin 2010, Monsieur Thomas X... a été victime d'un accident du travail consistant en une fracture de la main droite pour lequel il a fait l'objet d'un arrêt de travail jusqu'au 28 juin inclus ; le 7 juillet 2010, lors de la visite médicale de reprise, le médecin de travail l'a déclaré « apte avec restriction : doit éviter les manutentions lourdes et répétées pendant un mois ». Il résulte des articles R4624-21 et R4624-22, dans leurs versions applicables au cas d'espèce, que le salarié bénéficie d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail, l'examen ayant pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures et devant avoir lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours. L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité notamment par l'initiative de la visite de reprise, qui lui appartient dès que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé. En l'espèce, il est établi que le salarié a été victime d'un accident du travail, pris en charge à ce titre par la CPAM par décision notifiée le 17 juin 2010, qu'il a fait l'objet d'un arrêt de travail pour cet accident de plus de huit jours, que cet arrêt de travail expirait le 28 juin 2010 et que la visite médicale de reprise a eu effectivement lieu le 7 juillet 2010, soit plus de huit jours après la reprise du travail par le salarié. L'employeur prétend qu'il a organisé la visite de reprise aussitôt la date de reprise effective du travail par Monsieur Thomas X... et que par conséquent, il ne peut être tenu pour responsable de l'agenda de la médecine du travail qui a programmé la visite le 7 juillet selon les disponibilités du médecin. Mais, il convient de constater que la SAS HYPER DISTRIBUTION LECLERC ne produit aucun élément de nature à justifier son allégation selon laquelle elle a mis en oeuvre, dans les délais légaux, l'organisation de la visite de reprise du salarié. L'argument de l'employeur selon lequel il n'est pas démontré en quoi une visite ayant lieu neuf jours au lieu de huit jours après la reprise serait un obstacle à la poursuite du contrat est inopérant car il n'appartient pas au salarié de démontrer que le non-respect du délai légal est sans incidence sur la poursuite du contrat, alors que c'est à l'employeur qu'il appartient de démontrer qu'il a tout mis en oeuvre pour que la visite de reprise soit réalisée dans les délais impartis. En outre, il convient de constater que le salarié a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail le 27 juillet 2010 pour rechute de son accident du 8 juin justifiant ainsi de plus fort, a posteriori, la nécessité d'une visite médicale de reprise pour déterminer les conditions de reprise du travail par le salarié et alors que le médecin du travail a formulé des restrictions en indiquant que le salarié devait éviter les manutentions lourdes et répétées pendant un mois, que dès le 10 juillet 2010 le salarié se plaignait auprès de l'employeur (courrier à cette date) de ce que malgré les réserves du médecin il manipulait de nombreuses charges qui nuisaient à son état et à son activité et que l'employeur qui prétend avoir respecté les restrictions du médecin du travail ne produit aucun élément de nature à justifier son allégation. Par conséquent, il y a lieu de dire que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité de son salarié constitue un manquement suffisamment grave justifiant, à lui seul, la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur qui produit les effets d'un licenciement nul; en application des dispositions de l'article L 1226-13 du code du travail, la rupture étant intervenue le 8 août 2010, pendant une suspension du contrat de travail du fait de l'arrêt de travail du 27 juillet 2010 pour rechute de l'accident du travail du 8 juin. ».
ALORS, TOUT D'ABORD, QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; que ne rend pas nécessairement impossible la poursuite du contrat, le seul fait que la visite de reprise ait été organisée avec un retard d'une journée par rapport au délai de huit jours fixé par l'article R. 4624-22, alinéa 2 du Code du travail ; qu'en refusant d'examiner, ainsi qu'il le lui était demandé, si ce retard rendait impossible la poursuite du contrat de travail et en affirmant que le seul constat du manquement de l'employeur rendait cette recherche inopérante, la cour d'appel a méconnu son office et a ainsi violé les articles L. 1237-1 et L. 1221-1 du Code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du Code civil ;
ALORS, ENSUITE, QUE la société HYPERDISTRIBUTION avait fait valoir que Monsieur X... n'apportait aucun élément de preuve tendant à établir le non respect des restrictions temporaires émises par le médecin du travail à l'occasion de la visite de reprise ; que pour affirmer l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la société HYPERDISTRIBUTION ne produisait aucun élément justifiant du respect desdites restrictions ; qu'en statuant de la sorte, sans qu'il résulte de ses constatations que l'employeur s'était opposé à la réintégration du salarié dans son emploi, aux conditions prescrites par le médecin du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-8 et L. 1226-15 du Code du travail ;
ALORS EGALEMENT, QU'en s'abstenant de préciser en quoi l'application de Monsieur X... au rayon « Epicerie ¿ condiment », n'aurait pas été adaptée à son état de santé, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-8 et L. 1226-15 du Code du travail.
ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE la société HYPER DISTRIBUTION avait fait valoir (ses conclusions, pages 8 et 6) que le véritable motif de la prise d'acte était la volonté, de la part de Monsieur X..., de quitter l'entreprise pour travailler immédiatement auprès d'un nouvel employeur, la société DARTY, de sorte que les motifs invoqués à l'appui de ladite prise d'acte ne pouvaient la justifier et que la rupture devait produire les effets d'une démission ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen de défense décisif, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société HYPER DISTRIBUTION à payer à Monsieur X... les sommes de 1.063,41 € à titre d'indemnité de licenciement doublée en application de l'article L. 1226-14 du Code du travail, 20.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1226-15 du même Code et 1.500 € au titre des frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE « IL y a lieu de dire que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité de son salarié constitue un manquement suffisamment grave justifiant, à lui seul, la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur qui produit les effets d'un licenciement nul, en application des dispositions de l'article L 1226-13 d'un licenciement nul, en application des dispositions de l'article L. 1226-13 du Code du travail, la rupture étant intervenue le 8 août 2010, pendant une suspension du contrat de travail du fait de l'arrêt de travail du 27 juillet 2010 pour rechute de l'accident du travail du 8 juin. Le jugement du Conseil de prud'hommes sera donc infirmé en toutes ses dispositions. La SAS HYPER DISTRIBUTION LECLERC sera condamnée à payer à Monsieur Thomas X... 1.387,06 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents ; 1.063,41 € brut au titre de l'indemnité de licenciement, en application des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1226-14 du Code du travail, 20.000 € à titre dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1226-15 du code du travail. La SAS HYPER DISTRIBUTION LECLERC sera également condamnée à remettre à Monsieur Thomas X... un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à la présente décision ».
ALORS QUE les articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du Code du travail ne sont pas applicables en cas de licenciement nul, sur le fondement de l'article L. 1226-13 du même Code, pour avoir été prononcé au cours des périodes de suspension du contrat de travail en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-9 ; qu'en condamnant l'employeur à payer à Monsieur X... des indemnités de rupture majorées sur le fondement des articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du Code du travail, cependant qu'elle considérait que la prise d'acte était justifiée et produisait les effets d'un licenciement nul comme prononcé en cours de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail, la cour d'appel a violé les textes précités.