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26/01/2016 | FRANCE | N°14-17942

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 janvier 2016, 14-17942


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1134 du code civil et L. 1411-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un protocole de cession et d'acquisition de la société Idep multimédia et de ses filiales a été signé par la société Impgroup, dite « cédante » et détenant la majorité des actions de la société Idep multimédia, MM. X..., Y..., A..., Z..., actionnaires minoritaires, en qualité de « promettants », et la société dite « cessionnaire », Linkéo. com ; qu'aux termes de ce pr

otocole, cette dernière s'engageait à émettre des bons de souscription d'actions de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1134 du code civil et L. 1411-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un protocole de cession et d'acquisition de la société Idep multimédia et de ses filiales a été signé par la société Impgroup, dite « cédante » et détenant la majorité des actions de la société Idep multimédia, MM. X..., Y..., A..., Z..., actionnaires minoritaires, en qualité de « promettants », et la société dite « cessionnaire », Linkéo. com ; qu'aux termes de ce protocole, cette dernière s'engageait à émettre des bons de souscription d'actions de son capital au profit des « promettants » sous réserve qu'ils respectent leur engagement de signer les contrats de travail avec la société Idep multimédia, les fonctions et niveau de rémunération étant précisés dans le protocole, et qu'ils soient toujours salariés de la société Idep multimédia au 31 décembre 2010 ou au 31 décembre 2011 ; que les « promettants » étaient liés par une clause de non-concurrence, donnant lieu à une contrepartie financière en cas de licenciement ; que MM. X... et Y... ont été licenciés le 20 juillet 2010, puis M.
Z...
le 30 juillet 2010, et que M. A... a bénéficié d'un « protocole transactionnel » ; que ces derniers ont saisi le tribunal de commerce de demandes en paiement, formulées à l'encontre de la société Linkéo. com, de leur contrepartie financière ; que celui-ci s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour retenir l'exception d'incompétence et dire que le litige relevait de la compétence du conseil de prud'hommes, l'arrêt retient que la clause de non-concurrence était instituée dans le cadre de la relation de subordination des demandeurs à l'égard de la société Idep multimédia et qu'il s'agissait de statuer au fond sur un différend entre employeur et salariés, né de l'exécution d'un contrat de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il résultait de ses constatations que, par l'article 16 du protocole de cession, MM. X..., Y..., Z... et A... s'étaient engagés, au titre de la clause de non-concurrence, en leur qualité d'associés cédants des actions de la société Idep multimédia, et, d'autre part, que le litige opposait, à propos de cette clause de non-concurrence contenue dans la convention de cession, les intéressés, non pas à leur employeur, la société Idep multimédia, mais à la société Linkéo. com, cessionnaire des actions de la société Idep multimedia, ce dont elle aurait dû déduire que ce litige relevait de la compétence de la juridiction commerciale comme étant né à l'occasion de la cession des titres d'une société commerciale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Linkeo. com aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Linkeo. com à payer à MM. X..., Y..., Z... et A... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour MM. Z..., A..., X... et Y....
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté le contredit de compétence formé par Messieurs X..., Y...,
Z...
, et A... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la compétence :
Que selon l'article L. 1411-1 du Code du travail le Conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent Code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient ;
Que le litige relativement à la compétence porte sur la demande de contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence ;
Que si cette demande est fondée sur une clause insérée dans le Protocole de cessions d'actions, et si l'engagement de non concurrence a été pris par MM. X..., Y...,
Z...
, et A... en tant que « Promettants », ces derniers se sont également engagés, aux termes de l'article 12 du même protocole, à signer des contrats de travail avec la société Idep Multimedia dont ils cédaient les actions, le protocole déterminant leur fonction et leur rémunération dans la société ;
Qu'ils se sont obligés, en vertu de la clause de non-concurrence à ne pas exercer, selon diverses modalités faisant l'objet des points (i) à (iv), d'activités qui seraient en concurrence avec les « activités, produits et services » de « La Société », désignée au protocole comme étant la société Idep Multimedia, cette dernière devenant par là même bénéficiaire direct de l'engagement de non-concurrence ;
Que les éventuels actes de concurrence sont ceux que les demandeurs pouvaient commettre en qualité de salariés de la société Idep Multimedia ;
Qu'il est prévu au protocole qu'« en contrepartie de cet engagement les promettants percevront une indemnité de 100 K ¿ en cas de licenciement.
Aucune indemnité ne sera due en cas de démission » ;
Qu'il ne relève pas à la Cour (sic), juge de la compétence, de dire si la société Linkeo. com, cessionnaire des actions de la société Idep Multimedia, et seule partie au protocole, avec le cédant et les promettants, à l'exclusion de la société cédée, pouvait contracter, le cas échéant, une obligation au nom et pour le compte de cette dernière, ou si la société actionnaire pouvait s'obliger à rémunérer des salariés de la société dont elle détenait les actions en contrepartie d'un engagement de nonconcurrence de leur part ;
Que la clause de non-concurrence a été instituée dans le cadre de la relation de subordination des demandeurs à l'égard de la société Idep Multimedia, et qu'il s'agit bien de statuer au fond sur un différend entre employeur et salariés, né de l'exécution d'un contrat de travail ;
Qu'en conséquence, et dès lors que les demandes individuelles de contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence pesant sur MM. X..., Y...,
Z...
, et A... en qualité de salariés trouvent leur source dans leurs contrats de travail, la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur le litige opposant les parties ;
Que le contredit est mal fondé et sera rejeté » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la recevabilité de l'exception d'incompétence quant à la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence :
Que l'exception d'incompétence a été soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, est motivée et désigne la juridiction qui, selon Linkéo, serait compétente ; qu'elle est donc recevable ;
Que le protocole de cession du 21/ 12/ 2009 prévoit un contrat de travail à chacun des quatre associés précisant leur rémunération et leur fonction et définissant la clause de non-concurrence et les indemnités compensatrices correspondantes ; que le tribunal jugera qu'il s'agit là d'une convention accessoire au contrat de travail applicable aux demandeurs en qualité de salariés fussent-ils cédants des actions qu'ils détenaient dans la société devenue leur employeur ; qu'il est à noter que les contrats de travail de Messieurs Z..., A..., Y..., X... ne comportent pas une telle clause, celle-ci ayant été expressément prévue dans le protocole de décembre 2009 ; qu'en conséquence le tribunal se déclarera incompétent au profit du Conseil de prud'hommes de Lyon » ;
1°/ ALORS QUE le devoir de loyauté inhérent au contrat de travail interdit au salarié d'exercer une activité concurrente à celle de son employeur, sans qu'il soit besoin d'une clause prévoyant cette interdiction ; qu'en revanche, l'associé cédant peut, en principe, concurrencer la société dont il cède les parts, sauf stipulation contraire ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que le litige relatif à leur engagement de non-concurrence, prévu à l'article 16 du protocole de cession d'actions, relevait de la juridiction commerciale dès lors qu'ils s'étaient engagés à ce titre en leur seule qualité de cédants, et non de salariés ; qu'en effet, « le point de départ de la clause de non-concurrence indiqué à l'article 16. 2 est non pas le jour du licenciement ou de la démission ¿ ce qui est évidemment le cas lorsqu'elle se rattache à un contrat de travail ¿ mais la date de « la signature du protocole » soit le 21 décembre 2009 », de sorte que « la clause de non-concurrence n'est pas une obligation souscrite au titre du contrat de travail » (conclusions, p. 8 et 9) ; que pour conclure à la compétence du juge prud'homal, la Cour d'appel a au contraire retenu que la clause concernait les exposants « en leur qualité de salariés », au prétexte que le protocole prévoyait la poursuite de leurs contrats de travail, et que la contrepartie de l'engagement était due « en cas de licenciement » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, s'il ne résultait pas nécessairement du point de départ de l'engagement de non-concurrence que celui-ci avait été contracté par les demandeurs en leur seule qualité de cédants des actions de la société Idep Multimedia, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
2°/ ALORS QUE, en toute hypothèse, si les conseils de prud'hommes connaissent des différends qui peuvent s'élever à l'occasion du contrat de travail, ils ne sont compétents que si les litiges opposent les employeurs ou leurs représentants aux salariés qu'ils emploient ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient précisément valoir, dans leurs conclusions reprises oralement à l'audience (p. 12, § n° 5), qu'étant constant qu'ils n'ont « jamais été les salariés de Linkeo. com », et leur ancien employeur, la société Idep Multimedia, n'étant « pas dans la cause », la compétence prud'homale était nécessairement exclue ; que la Cour d'appel a elle-même retenu que « la clause de non-concurrence a été instituée dans le cadre de la relation de subordination des demandeurs à l'égard de la société Idep Multimedia » (arrêt, p. 5, § 4) ; que pour conclure pourtant à la compétence de la juridiction prud'homale, la Cour d'appel a retenu « qu'il s'agit bien de statuer au fond sur un différend entre employeur et salariés, né de l'exécution d'un contrat de travail » ; qu'en statuant ainsi, cependant que le litige n'opposait pas les salariés à leur employeur mais à un tiers aux contrats de travail, la Cour d'appel a violé l'article L. 1411-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-17942
Date de la décision : 26/01/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 jan. 2016, pourvoi n°14-17942


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.17942
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