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21/01/2016 | FRANCE | N°14-20308

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 janvier 2016, 14-20308


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 février 2014), que Mme X... a chuté sur une plaque de verglas située à proximité de l'entrée d'un immeuble ; qu'attribuant l'origine de cette plaque aux exsudats des appareils de chauffage et rafraîchissement du cabinet de kinésithérapie de M.

Y...

et de la société d'architecture Armade, ayant pour gérant M. Z..., architecte, Mme X... a assigné M. Y..., la société Armade, aujourd'hui en redressement judiciaire, le syndicat des copropriétaire

s et la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire en indemnisation de son pr...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 février 2014), que Mme X... a chuté sur une plaque de verglas située à proximité de l'entrée d'un immeuble ; qu'attribuant l'origine de cette plaque aux exsudats des appareils de chauffage et rafraîchissement du cabinet de kinésithérapie de M.

Y...

et de la société d'architecture Armade, ayant pour gérant M. Z..., architecte, Mme X... a assigné M. Y..., la société Armade, aujourd'hui en redressement judiciaire, le syndicat des copropriétaires et la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire en indemnisation de son préjudice ; que M. Y... a appelé dans la cause M. Z..., en qualité de maître d'oeuvre, et la société Desbenoit, installateur des appareils ; que la société Allianz, assureur de cette société, est intervenue volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la société Armade fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable in solidum des préjudices subis par Mme X... ;
Attendu qu'ayant constaté que la plaque de verglas sur laquelle Mme X... avait chuté était constituée à partir de l'eau provenant de deux climatiseurs situés à proximité, relevé que ces appareils étaient la propriété exclusive de M. Y... et de la société Armade et retenu qu'ils disposaient sur eux d'un pouvoir d'usage et de contrôle et en avaient la garde, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que de tels appareils avaient un dynamisme propre et dangereux échappant à leur contrôle, ni que le syndicat des copropriétaires avait commis une faute présentant le caractère de la force majeure, et qui a pu en déduire que ceux-ci avaient engagé leur responsabilité à l'égard de Mme X..., a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Armade et la société MJ Synergie, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en garantie formée à l'encontre de la société Desbenoit, de la société Allianz et de M. Z..., alors, selon le moyen :
1°/ que l'impropriété d'un ouvrage à la destination pour laquelle il a été commandé peut résulter du danger que son utilisation présente pour la sécurité du maître de l'ouvrage ou des tiers ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Mme X... a chuté sur une plaque de verglas provenant de l'écoulement de condensats à partir de climatiseurs défaillants installés dans les locaux de la société Armade par la société Desbenoit ; qu'en énonçant, pour rejeter l'action en garantie de la société Armade contre la société Desbenoit, que les désordres dont était affecté ce système de climatisation ne le rendait pas impropre à sa destination dès lors qu'il n'apparaissait pas et qu'il n'était pas soutenu que ce système ne soit pas en état de fonctionner et qu'il était certain que le simple rejet de condensats ne caractérisait pas l'impropriété à destination de cet équipement, sans rechercher si les défaillances inhérentes à ce climatiseur présentant un danger pour la sécurité des tiers ne le rendaient pas, de ce fait, impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
2°/ que le caractère apparent du désordre dont est affecté un élément d'équipement ne peut résulter de la seule qualité de professionnel du maître de l'ouvrage qui en fait l'acquisition ; que la cour d'appel, pour écarter le recours en garantie de la société Armade contre la société Desbenoit à raison des condamnations mises à sa charge au profit de Mme X..., a énoncé que les inconvénients du système d'évacuation des eaux du climatiseur qu'elle lui avait vendu, inconvénients à l'origine de la chute de Mme X..., constituaient un désordre apparent pour cette société d'architecte, professionnel de la construction et dont le gérant avait été le maître d'oeuvre des travaux de construction des locaux abritant ledit climatiseur, la cour d'appel ; qui a déduit de la seule qualité de professionnel de la construction de la société Armade le caractère apparent du désordre, et a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que le caractère apparent du désordre dont est affecté un élément d'équipement ne peut s'apprécier qu'au regard de la connaissance personnelle qu'en a eue la personne qui en demande réparation ; qu'en énonçant, pour rejeter l'action en garantie forme par la société Armade contre la société Desbenoit et son assureur, que le gérant de la société Armade était le maître d'oeuvre de l'ouvrage, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser la connaissance du désordre par la société Armade, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°/ que la cour d'appel a relevé que les inconvénients du système de climatisation installé par la société Desbenoit dans les locaux de la société Armade ne se sont manifestés que postérieurement à la réception de l'ouvrage ; qu'en jugeant tout à la fois que ces désordres étaient apparents à la date de la réception pour la société Armade, la cour d'appel s'est contredite et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les climatiseurs étaient dénués d'un système d'évacuation permettant de remédier aux conséquences des rejets d'eau émis par ces appareils sur une zone passante, relevé qu'aucune réserve n'avait été émise sur ce désordre lors de la réception et retenu, sans se contredire, que ce désordre, qui n'était pas apparent pour M. Y..., l'était pour la société Armade en sa qualité de professionnelle de la construction ayant participé à la réalisation de l'ouvrage, la cour d'appel, devant laquelle cette société n'avait pas soutenu que l'appareil présentait un danger pour les tiers le rendant impropre à sa destination, a pu, par ces seuls motifs, en déduire que ses demandes de garantie ne pouvaient être accueillies ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Armade et la société MJ Synergie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Armade et la société MJ Synergie, ès qualités, à verser la somme de 3 000 euros à Mme X... ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Armade et la société MJ synergie
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR déclaré la société Armade responsable in solidum des préjudices subis par Madame X... ;
AUX MOTIFS QUE « sur les demandes de Madame X... ; qu'à l'appui de ses prétentions, Madame X... a produit aux débats divers documents et notamment : une attestation du directeur du SDIS de la Loire attestant que les pompiers sont intervenus le 17 janvier 2009 pour porter secours à Madame X... qui avait chuté sur une plaque de verglas ; une main courante des services de police indiquant que la victime, allongée dans la cour privée qui donne sur le parking de la résidence, était tombée sur une plaque de verglas causée par l'eau de la climatisation, ; une attestation de M. A..., sapeur-pompier, déclarant alors qu'il portait secours à Madame X... devant la porte de la cour de la copropriété, avoir lui-même chuté sur une plaque de verglas, celle-ci provenant de l'eau des climatiseurs ; une attestation manuscrite de Mme B... indiquant, alors qu'elle avait été appelée par Madame X... qui venait de tomber par terre, qu'elle avait constaté à son arrivée qu'elle ne pouvait pas bouger et que la plaque de verglas qui avait causé sa chute était due aux climatiseurs extérieurs ; une attestation manuscrite de M. C..., occupant dans l'immeuble, attestant de la présence d'épaisses plaques de verglas cet hiver au niveau des climatiseurs situés derrière la résidence et dues aux problèmes d'écoulement de ces appareils ; une attestation manuscrite de M. D..., occupant dans l'immeuble, déclarant avoir constaté la présence d'une épaisse couche de glace au cours de l'hiver dernier due à l'écoulement des climatiseurs présentant un réel danger car elle se formait à quelques centimètres seulement de la porte donnant accès à la cour de la résidence et indiquant que le jour de l'accident, un pompier l'avait mis en garde et invité de longer le mur en raison de la très large plaque de glace recouvrant le sol juste devant la porte ; une attestation manuscrite de M. E..., occupant dans l'immeuble, attestant lui aussi de la présence d'épaisses couches de glace au niveau des deux climatiseurs, juste devant la porte de sortie de la copropriété, dont il pensait qu'elles étaient dues à un manque d'écoulement des climatiseurs ; diverses photographies des lieux et des équipements litigieux localisant leur présence à proximité de la porte côté parking et un cliché photographique de traces d'écoulement d'eau en provenance des climatiseurs s'acheminant en direction de cette porte ; que M. Paul Y... lui-même certifie, dans une attestation manuscrite produite aux débats, que la chute de Madame X... a eu lieu dans la cour de la copropriété sur de la glace provenant du dégivrage des pompes à chaleur des cabinets de kinésithérapie et de l'architecte ; qu'il ressort, sans contestation possible, de l'ensemble de ces éléments que Mme X... a chuté sur une plaque de verglas située devant la porte de l'immeuble, ladite plaque constituée à partir de l'eau provenant des écoulements des climatiseurs situés à côté ; que le rôle causal de cette plaque de glace dans l'accident dont Mme X... a été victime est donc démontré et par des motifs pertinents que la Cour adopte le premier juge a relevé que la présence devant la porte de l'immeuble de verglas provenant de l'écoulement d'eau de climatiseurs était anormale ; qu'il est établi et non contesté que les deux climatiseurs qui ont aussi fonction de pompes à chaleur pendant la période d'hiver sont la propriété exclusive de la société Armade et de M. Y..., et non pas de la copropriété ; qu'ils disposaient ainsi sur les appareils équipant leur locaux d'un pouvoir d'usage et de contrôle et ce point n'est pas sérieusement discuté ; qu'en leur qualité de gardien de ces équipements, et donc des condensats d'eau qui s'en écoulaient et qui ont été par l'effet du gel l'instrument du dommage, la société Armade et Monsieur Y... ont engagé leur responsabilité sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du code civil ; qu'aucune faute d'imprudence ne peut être reprochée à Mme X... qui ne faisait en sortant de son immeuble qu'accomplir un geste de la vie quotidienne ne nécessitant pas de précautions particulières ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré M. Y... et la société Armade entièrement responsables in solidum des préjudices subis par Mme X... ; que la reconnaissance de cette responsabilité rend sans objet la demande formée à titre subsidiaire par Madame X... tendant à rechercher la responsabilité du syndicat des propriétaires ; que c'est donc vainement que certaines parties excipent de la responsabilité de la copropriété étant précisé que la reconnaissance éventuelle de la qualité de gardien de la Cour ou d'une carence dans le cadre de son obligation d'entretien n'aurait pas pour effet d'exonérer la société Armade et Monsieur Y... de leur propre responsabilité vis-à-vis de la victime ; que la Cour relève par ailleurs qu'aucune demande en garantie n'a été formée à l'encontre du syndicat des propriétaires et il n'y a donc pas lieu en conséquence de statuer sur la responsabilité éventuelle de celui-ci ; que Mme X... a été sérieusement blessée à l'occasion de cette chute et, son était n's'étant pas encode consolidé, une nouvelle expertise médicale est nécessaire pour apprécier de manière définitive les conséquences médico-légales de l'accident ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a de nouveau désigné le docteur F... pour examiner Mme X... ; que dans un rapport en date du 21 décembre 2009, ce médecin relève que Mme X... a été victime d'un grave traumatisme de la cheville gauche associant une fracture du pilon tibial et une fracture de la malléole externe, que les suites ont été marquées par des douleurs importantes avec des troubles trophiques au niveau de la jambe et de la cheville gauche et qu'elle a dû être opérée trois fois ; que l'expert fait valoir, au titre des préjudices temporaires prévisibles, la perte de gains professionnels, un déficit fonctionnel temporaire total de quelques jours et un déficit fonctionnel temporaire partiel de 35 % sur près d'une année, un pretium doloris de 4/ 7, la nécessité d'une tierce personne et un préjudice esthétique temporaire de 3/ 7 ; qu'il estime au titre des préjudices permanents qu'il y aura un déficit fonctionnel permanent et un préjudice esthétique permanent d'au moins 2/ 7 ; qu'au regard de ces éléments, il peut être alloué à Mme X... sans risque de répétition une indemnité provisionnelle de 10. 000 euros et le jugement sera réformé de ce chef ; que Mme X... ne justifiant pas avoir déclaré sa créance dans le cadre de la procédure collective de la société Armade, il ne peut être fait droit à la demande en paiement formée à l'encontre de cette société » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « en application de l'article 1384 alinéa 1 du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des choses que l'on a sous sa garde ; que le gardien est celui qui dispose sur la chose de la direction, de l'usage et du contrôle ; qu'au cas d'une chose inerte, il appartient à la victime de démontrer que cette chose a été l'instrument du dommage allégué du fait de son caractère anormal ou de son mauvais état ; qu'en l'espèce, Madame X... verse aux débats, outre le rapport d'intervention des sapeurs-pompiers (les sapeurspompiers ¿ son tintervenus ¿ pour porter secours à Mme X... ¿ qui avait chuté sur une plaque de verglas ») et des gardiens de la paix (« la victime est tombée sur une plaque de verglas causée par l'eau de la climatisation ¿), les attestations de M. Paul Y..., de Mme Isabelle B..., de M. Bruno G..., de M. Christophe H..., de M. Laurent E... et de M. Jean-François A... démontrant que sa chute est due à l'existence dans la cour, devant la porte d'entrée de l'immeuble, d'une seule importante plaque de verglas, formée par l'écoulement de l'eau des appareils de chauffage-rafraîchissement situés à l'extérieur de l'immeuble et appartenant à la société Armade et à M. Y..., ce que ce dernier admet lui-même ; que les sociétés Armade et Desbenoit soutiennent l'existence d'autre plaques de verglas dans la cour mais n'en rapportent pas la preuve ; que si les témoins G... et E... font certes état de plusieurs plaques de verglas, c'est en les situant au niveau du climatiseur et des pompes à chaleur ; que la présence devant la porte de l'immeuble de verglas provenant de l'écoulement de l'eau des climatiseurs est anormale, si bien que le rôle actif du verglas dans la survenance du dommage est établi ; qu'il n'est pas démontré que la victime a commis une faute ayant concouru à la réalisation de son propre dommage, en ne prêtant pas une attention particulière à la présence de verglas dans ladite cour, dès lors qu'elle se trouvait dans le cadre d'un acte banal de la vie quotidienne (traverser la cour de sa résidence) qui n'avait pas à être entouré de précautions particulières ; qu'il ressort de la déclaration de sinistre de la société Armade, dont le gérant est M. Z..., que le climatiseur appartient à M. Y... et que les deux pompes à chaleur appartiennent à M. Y... et la société Armade ; que dès lors, en leurs qualités de gardiens de l'eau (consensats) qui s'écoulait des deux pompes à chaleur leur appartenant, et qui s'est ensuite transformée en verglas, M. Y... et la société Armade sont tenus in solidum d'indemniser les conséquences dommageables de la chute dont a été victime Madame X... » ;
1°) ALORS QUE la garde d'une chose, ayant un dynamisme propre et dangereux, ne peut être attribuée à un propriétaire ou détenteur ne possédant sur elle aucun pouvoir de contrôle et aucune possibilité de prévenir le dommage ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la chute de Mme X... sur la plaque de verglas créée par l'écoulement de condensats à partir d'un climatiseur installé par la société Desbenoit dans les locaux de la société Armade a été causée par le système d'évacuation des eaux de ce climatiseur ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir la responsabilité de la société Armade, qu'elle disposait d'un pouvoir d'usage et de contrôle sur ce climatiseur, sans rechercher si cette société disposait également d'un pouvoir d'usage et de contrôle sur son système interne d'écoulement des eaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 du code civil ;
2°) ALORS QUE la responsabilité de plein droit prévue par l'article 1384, alinéa 1er du code civil, à l'encontre de celui qui a sous sa garde la chose qui a causé un dommage à autrui, peut être détruite par la preuve de la faute d'un tiers présentant les caractères de la force majeure ; qu'en énonçant, pour retenir que la société Armade était responsable des préjudices causés à Mme X... suite à sa chute sur une plaque de verglas générée par l'écoulement de condensats dans la cour d'un immeuble d'habitation issus d'un climatiseur lui appartenant, que la reconnaissance éventuelle d'une faute du syndicat de copropriété dans l'entretien de cette cour n'aurait pas pour effet d'exonérer la société Armade de sa propre responsabilité vis-à-vis de la victime et qu'aucune demande en garantie n'avait été formée à l'encontre du syndicat, sans rechercher si la faute alléguée du syndicat des copropriétaires n'avait pas les caractères de la force majeure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté la société Armade de sa demande en garantie formée à l'encontre de la société Desbenoit, de son assureur la compagnie Allianz et de Monsieur Z... ;
AUX MOTIFS QUE, « sur les demandes en garantie, la société Armade et M. Y... sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Desbenoit et M. Z... à les garantir des condamnations mises à leur charge, la société Armade invoquant l'application des dispositions de l'article 1792 du code civil ; qu'il ressort des pièces produites que la société Desbenoit a réalisé pour le compte de la société Armade, représentée par son gérant M. Z..., divers travaux de chauffage et climatisation comprenant la fourniture et la pose d'un groupe thermodynamique de marque Sherpa ; qu'elle a également procédé à l'installation d'un système de chauffage et de rafraîchissement par le sol avec pompe à chaleur dans les locaux professionnels de M. Y... ; que les travaux, comprenant l'installation des deux climatiseurs à l'origine du litige ont été réalisés sous la maîtrise d'oeuvre de M. Z... et la réception des travaux est intervenue le 28 juillet 2000 ; que la société Desbenoit et son assureur la Compagnie Allianz Iard opposent à la demande en garantie invoquée à leur encontre par application de l'article 1792 du code civil le fait qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel et que la demande serait prescrite ; que la demande en garantie formée par la société Armade ne constitue pas une demande nouvelle puisqu'elle l'avait déjà présentée en première instance et il importe peu qu'elle n'ait pas invoqué à l'origine les dispositions de l'article 1792 du code civil, l'article 593 du code de procédure civile autorisant les parties pour justifier en appel leurs prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge d'invoquer des moyens nouveaux ; que d'ailleurs, ce moyen avait bien été évoqué en première instance puisque le tribunal l'a écarté en considérant que le désordre ne pouvait être qualifié de décennal ; qu'en réalité, l'impropriété à destination doit s'apprécier par rapport à l'ouvrage luimême, soit le système de chauffage et climatisation installé par la société Desbenoit, et non par rapport à l'immeuble dans lequel il a été installé ; qu'en l'espèce, il n'apparaît pas et il n'est pas soutenu que le système de chauffage climatisation ne soit pas en état de fonctionner et il est certain que le simple rejet de condensats ne caractérise pas une impropriété à la destination de cet équipement ; que les dispositions de l'article 1792 du code civil sont donc inapplicables en l'espèce et il convient d'écarter les contestations émises par la société Desbenoit et son assureur à ce titre, y compris en ce qui concerne l'acquisition de la prescription décennale ; qu'en effet, seule la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée peut être appliquée en l'espèce ; que la société Desbenoit et la compagnie Allianz Iard se prévalent également d'une réception sans réserves des équipements installés ; qu'il n'est pas contestable qu'en l'absence de réserves à la réception, la responsabilité, y compris la responsabilité contractuelle pour faute prouvée, ne peut s'appliquer ; que toutefois, la réception des travaux ne purge que les vices apparents à la réception ; qu'en l'espèce, aucun élément ne permet de constater que le désordre allégué, à savoir l'absence d'un système d'évacuation permettant de remédier aux conséquences des rejets d'eau émis par les appareils sur une zone passante, était apparent lors de la réception pour M. Y... qui n'est pas un professionnel de la construction ; qu'il apparaît au contraire que les inconvénients du système, en ce qu'il pouvait être à l'origine d'un risque de chute des usagers, ne se sont manifestés que postérieurement ; que la même analyse ne peut être faite s'agissant de la société Armade, société d'architecte ; qu'il s'agit pour cette société, professionnel de la construction et dont le gérant, M. Z..., était en outre le maître d'oeuvre des travaux, d'un désordre apparent, ce qui la prive de tout recours en garantie à l'encontre des constructeurs ; que le jugement sera en conséquence réformé en ce qu'il a dit que M. Z... et la société Desbenoit doivent leur garantie à la société Armade ; que le tribunal a relevé le non-respect de consignes d'installation dont le caractère règlementaire à l'époque des travaux n'apparaît toutefois pas démontré, les documents fournis par Mme X... selon lesquels l'eau des condensats produits par la pompe à chaleur doit être impérativement évacuée et aboutir au-dessus d'un dispositif d'écoulement qui peut être un lit de cailloux ou un raccordement à l'égout, n'étant pas datés et par ailleurs, le livret 2, document technique produit par la société Desbenoit ne contient aucune prescription à cet égard ; que cependant, indépendamment de toute réglementation, les installateurs en leur qualité de professionnels, qui n'ignoraient pas que l'utilisation des équipements mis en place provoquait des condensats susceptibles de se transformer en glace par temps froid et donc de présenter un risque de chute pour les personnes passant à proximité, se devaient d'éviter ce risque en installant un système permettant d'y remédier et ce d'autant qu'en l'espèce, les climatiseurs étaient installés juste à côté de la sortie de la porte de l'immeuble ; qu'en ne prévoyant pas la mise en place d'un système d'évacuation des condensats, la société Debrenoit qui a installé le matériel mais également l'architecte M. Z... en sa qualité de maître d'oeuvre chargé de la conception et de la surveillance des travaux, au surplus dirigeant d'un des maîtres de l'ouvrage, et qui a choisi le type de matériel installé, ont commis une faute ; que le tribunal a retenu à juste titre que les fautes conjuguées de ces deux professionnels avaient concouru à la réalisation du dommage et le jugement sera donc confirmé en ce qu'il les a condamnés in solidum à garantie M. Y... des condamnations prononcées à son encontre ; que la faute de la société Desbenoit, entreprise spécialisée dans les installations de chauffage et de climatisation, est plus importante que celle de M. Z... qui est un généraliste de la construction ; que le tribunal a justement apprécié le degré de gravité des fautes respectives de la société Desbenoit et de M. Z... en répartissant entre eux la charge définitive de la dette à raison des trois quart pour la première et d'un quart pour le second et il convient également de confirmer le jugement de ce chef, sauf à y ajouter que la société Desbenoit sera garantie des condamnations mises à sa charge par M. Z... dans la proportion d'un quart et que M. Z... sera garanti des condamnations mises à sa charge par la société Desbenoit et son assureur, la compagnie Allianz Iard dans la proportion des trois quart ; qu'aucune faute n'étant démontrée à l'encontre de la société Armade, M. Z... sera débouté de sa demande tendant à être garanti par cette société » ;

1° ALORS QUE l'impropriété d'un ouvrage à la destination pour laquelle il a été commandé peut résulter du danger que son utilisation présente pour la sécurité du maître de l'ouvrage ou des tiers ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Mme X... a chuté sur une plaque de verglas provenant de l'écoulement de condensats à partir de climatiseurs défaillants installés dans les locaux de la société Armaury par la société Desbenoit ; qu'en énonçant, pour rejeter l'action en garantie de la société Armaury contre la société Desbenoit, que les désordres dont était affecté ce système de climatisation ne le rendait pas impropre à sa destination dès lors qu'il n'apparaissait pas et qu'il n'était pas soutenu que ce système ne soit pas en état de fonctionner et qu'il était certain que le simple rejet de condensats ne caractérisait pas l'impropriété à destination de cet équipement, sans rechercher si les défaillances inhérentes à ce climatiseur présentant un danger pour la sécurité des tiers ne le rendaient pas, de ce fait, impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, le caractère apparent du désordre dont est affecté un élément d'équipement ne peut résulter de la seule qualité de professionnel du maître de l'ouvrage qui en fait l'acquisition ; que la cour d'appel, pour écarter le recours en garantie de la société Armade contre la société Desbenoit à raison des condamnations mises à sa charge au profit de Mme X..., a énoncé que les inconvénients du système d'évacuation des eaux du climatiseur qu'elle lui avait vendu, inconvénients à l'origine de la chute de Mme X..., constituaient un désordre apparent pour cette société d'architecte, professionnel de la construction et dont le gérant avait été le maître d'oeuvre des travaux de construction des locaux abritant ledit climatiseur, la cour d'appel ; qui a déduit de la seule qualité de professionnel de la construction de la société Armade le caractère apparent du désordre, et a violé l'article 1147 du code civil ;
3°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, le caractère apparent du désordre dont est affecté un élément d'équipement ne peut s'apprécier qu'au regard de la connaissance personnelle qu'en a eue la personne qui en demande réparation ; qu'en énonçant, pour rejeter l'action en garantie forme par la société Armade contre la société Desbenoit et son assureur, que le gérant de la société Armade était le maître d'oeuvre de l'ouvrage, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser la connaissance du désordre par la société Armade, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4° ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, la cour d'appel a relevé que les inconvénients du système de climatisation installé par la société Desbenoit dans les locaux de la société Armade ne se sont manifestés que postérieurement à la réception de l'ouvrage ; qu'en jugeant tout à la fois que ces désordres étaient apparents à la date de la réception pour la société Armade, la cour d'appel s'est contredite et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-20308
Date de la décision : 21/01/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 20 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 21 jan. 2016, pourvoi n°14-20308


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boulloche, SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.20308
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